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À ceux qui lui reprochaient certains de ses personnages, Balzac répondait : "Ces êtres vulgaires m'intéressent plus qu'ils ne vous intéressent ; je les grandis, je les idéalise en sens inverse, dans leur laideur ou leur bêtise. Je donne à leurs difformités des proportions effrayantes ou grotesques." Tatsumi décrit, lui aussi, les infirmités du corps et de l'âme, la peur et la laideur humaine. Employés, ouvriers, étudiants ou putains, ses personnages mènent des vies machinales, tourmentés par les frustrations sexuelles et sociales, hantés par l'angoisse existentielle.
C'est le drame quotidien et banal de ces marginaux que raconte la comédie humaine de Tatsumi. Le Japon contemporain rassemble tous les cercles de l'Enfer. Hommes et femmes y tournent en rond, vaincus et fatigués, désespérés et solitaires. Plus grande est la foule, plus grande est la solitude.
S'il ne cède jamais au sentimentalisme, Tatsumi démontre une empathie profonde pour les égarés et les perdants que la société abandonne dans son sillage. "Nos aînés, écrit-il, nous avaient enseigné que la bd était comique. Il s'agissait de faire rire les lecteurs. Nous ne voulions plus de cela." Difficile pourtant de ne pas rire parfois à ses histoires, pour se libérer d'une poigne qui vous prend à la gorge et ne vous lâche pas avant longtemps...