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Par une brèche dans un mur, une foule de plusieurs centaines de personnes pénètre dans le « jardin » et découvre peu à peu ce vaste territoire interdit constitué d'une succession de paysages artificiels animés de mouvements automatisés. Le « jardin » est un décor désert, habité uniquement de dispositifs mécaniques, de cliquetis, de chocs et de grincements, un lieu sans orientation ni logique qui paraît généré au fur et à mesure de la curiosité qu'il suscite. Un lieu probablement sans fin, voué à l'inouï, à l'extraordinaire, à l'invention. Jardin peut paraître déroutant : l'aspect non finito du dessin d'abord, un dessin volontairement moins maîtrisé, moins parfait que dans les précédents ouvrages de Yokoyama. Ici, il travaille vite et sa vivacité d'exécution est perceptible, le dynamisme du dessin participe de l'écriture et du déroulement du récit. Et puis, les dialogues : pur redoublement des paysages et des actions, pure tautologie du dessin, les dialogues les plus plats, probablement, de l'histoire du neuvième art. Et pourtant, page après page, ces dialogues s'imposent comme le guide déroutant des paysages sans repères, hors lieux. Mécaniques eux-mêmes, d'une fonctionnalité transparente, ils sont le négatif, la doublure hypnotique des artifices qui composent le jardin. Pour dire vite et vrai, on dira désormais qu'avec Yokoyama, le XXIe siècle a trouvé son Raymond Roussel. Jardin est son Locus solus.