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Alors que Coloforme brille par le fort contraste de couleurs vives qui s'opposent, aussi bien dans des aplats mouillés et délavés que sous la finesse du pinceau, Niveaux de gris progresse tout en nuances du blanc au noir par un trait hachuré, trituré, qui cisèle des formes délicates. Si de prime abord, les deux récits semblent s'opposer graphiquement, ils se rejoignent avant tout par la contrainte formelle qui les a vus naître et développent des narrations-tiroirs où le lecteur se perd dans les méandres d'un monde en permanente mutation. Dans Coloforme, ce sont six formes colorées – une par case – qui donnent corps au dessin et au récit. On les retrouve à l'identique dans chaque page du livre, camouflées en une infinité de déclinaisons. Niveaux de gris s'apparente à un jeu de kyrielles visuelles, où, case après case, les numéros s’égrainent inexorablement tels les niveaux d’un jeu vidéo. La lecture devient une plongée dans un univers mouvant, oscillant entre science-fiction et récit d'aventures, où chaque case laisse miroiter au lecteur de nouvelles perspectives graphiques et narratives.
La contrainte se fait ici libératoire, et nous donne à voir la magie de l'acte créateur qui fait surgir, d'une simple forme géométrique, tout un monde. Mais les univers qui naissent sous le trait d’Étienne Beck semblent inévitablement condamnés à la destruction, ou, plus exactement, en perpétuelle recréation. Les métamorphoses animales, végétales et humaines se succèdent, tout comme les civilisations. Les personnages eux-mêmes, difformes ou informes, n'échappent pas aux mutations, qui semblent être, au final, leur seul moyen de survie. La matière, sous toutes ses formes, est sans cesse en évolution, se dissout d'elle-même avant de renaître, malmenée par un auteur tout-puissant qui développe ainsi, par petites touches, sa propre mythologie de la création.