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Belgique, années 90: chacune de leur côté, Mathilde et Valentine font l’expérience d’une enfance somme toute «normale»: école, lecture, dessin, meilleure amie et ennemie-chipie, toute une magie du quotidien retranscrit ici avec beaucoup de justesse et d’acuité. Mais au détour d’une phrase, d’un geste, d’un film, le «monde des adultes» s’invite inexorablement, et plus spécialement quand une certaine menace se fait ressentir, distillant dès lors une forme de tension perceptible sans obligatoirement être comprise par les deux filles car, entendent-elles, «il y a des enfants qui disparaissent». Tous se souviennent aujourd’hui des crimes de Marc Dutroux, et si le livre n’a pas l’ambition ni l’envie de s’y plonger, c’est avec cette peur d’un croquemitaine bien réel qu’elles vivront une partie de leur jeunesse, et c’est dans cette ambiance pleine d’angoisse qu’elles devront se construire. Si les œuvres centrées sur les souvenirs d’enfance sont légion, ce que proposent Valentine Gallardo et Mathilde Van Gheluwe dans Pendant que le loup n’y est pas peut être considéré comme unique en son genre, de par la période qu’elles évoquent, mais aussi de par le moment d’une vie auquel elles s’attachent; pas tant celui du fameux «passage à l’âge adulte», mais plutôt celui, plus flou, de la lente sortie de l’enfance – une sortie qui se fait pas à pas, à coups de surprises, de vérités dérangeantes, de désenchantement. Le tout est réalisé à «quatre mains», avec une belle unité graphique tout en préservant le style distinct de chacune des deux dessinatrices.