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Parmi les livres exceptionnels qu'a écrits Baudoin, cette collaboration avec l'écrivain Fred Vargas restera sans doute au rang des meilleurs. Pour ne pas dire... des chefs d'œuvre. « Les quatre fleuves » est une histoire magnifique et magnifiquement racontée. Vargas cisèle ses dialogues à la manière d'un orfèvre. Comme chez Pennac, il y a cette famille un peu folle que l'intrigue policière vient révéler, véritable intérêt de l'histoire. Le père est sculpteur, il réalise dans son jardin une œuvre en capsules de bière qui symbolise ses quatre fils : les quatre fleuves. Les fils en question ne se ressemblent pas mais ils forment une tribu. Sans mère, sans attaches réelles, ils se groupent autour du patriarche qui leur a révélé qu'un seul d'entre eux était le sien, mais qui se refuse à chercher lequel. Vargas campe un à un les quatre frères dont le plus jeune, Grégoire, est à la fois le héros de l'histoire et le maillon le plus faible de la famille. Grégoire se laisse entraîner par son ami Vincent et lorsqu'ils volent la sacoche d'un petit vieux finalement plus costaud que prévu, ils tombent sur un ensemble d'objets assez abjects et sur une fameuse somme d'argent. Mais le vieux en question entend bien retrouver ses trésors de guerre... et leur faire payer l'affront. Vincent est vite éliminé. Pour Grégoire commence alors la fuite, la peur, le jeu du chat et de la souris avec la police, avec l'homme qu'il a volé et quelques autres personnes qui s'intéressent tout à coup beaucoup à lui. Il peut compter sur la famille, cette fameuse tribu qui va faire bloc autour de lui alors que l'horreur de la découverte se fait jour. C'est rudement bien mené, avec des personnages aussi attachants les uns que les autres, une intrigue bien ficelée, une belle économie de moyens. Une fusion réussie entre dessin et littérature, aussi, comme on en rencontre peu. Il fallait un « peintre » comme Baudoin, esthète et amoureux des mots, pour traduire sans tirer la couverture à lui, toute la gamme des sentiments et des émotions charriés par l'écriture de Vargas. Un « dessinateur de BD » aurait fait de la BD. Baudoin est plus que ça. Il a fait une œuvre. Son pinceau virevolte et trace des lignes fragiles, des mots d'encre de Chine en forme de visages. Surprenant de maîtrise, d'intelligence, de respect pour les personnages et l'histoire. Rare. Tout simplement.