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Présentation de l'éditeur:
" En relisant l'œuvre maintenant, il est clair que Black Orchid (tout comme le Daredevil et Dark Knight de Frank Miller ou le Miracleman, Swamp Thing et Watchmen d'Alan Moore) est un de ces livres qui a contribué à scinder l'histoire de la bande dessinée moderne en deux, et à manifester, au sein de son univers, l'essor d'une bravoure et d'une ambition nouvelle. Dans une certaine mesure, Black Orchid tente d'aller plus loin dans cette percée collégiale en faisant constater que, si hardies, brillantes et branchées que soient les nouvelles bandes dessinées, la plupart d'entre elles finissent encore par recourir aux mêmes coutumes narratives et moralistes tant rebattues, selon lesquelles des hommes violents sauvent le monde par des options radicales et un courage brutal. Or, dans ce livre, il se produit quelque chose de différent. Ce qui fait de Black Orchid un roman graphique à part. C'est un acte d'imagination et d'espoir qui veut porter, une forme littéraire par trop sous-évaluée, jusque dans des sphères où elle ne s'est jamais jusqu'ici aventurée. " Extrait de la préface par Mikal Gilmore.
Je ne sais absolument pas comment les gens vont recevoir l’œuvre de longue haleine qui m’est si chère, « Lap of the Gods ». Il me semble qu’une bonne partie de son inspiration trouverait difficilement sa place dans le marché d’aujourd’hui. On dirait qu’une obsession de l’aspect commercial a engouffré le globe. Impossible de ne pas songer que l’observation de Warhol selon laquelle tout le monde connaîtrait son quart d’heure de gloire a fini par se concrétiser, et que c’est la « gloire » elle-même qui fournit un but et plus le média, quel qu’il soit. Lorsque j’étais plus jeune, il ne m’arrivait jamais de songer en termes de nouveaux médias, tels que films ou jouets, pour mes créations. Lorsque j’ai découvert les travaux de Moebius, « Le Garage Hermétique », « Arzach », « Le Bandard Fou », « L’Homme est-il Bon », et ainsi de suite, je ne me suis jamais dit « cool, ça ferait un film d’enfer ! ». C’était juste une œuvre incroyable en tant que bande dessinée ! Ces albums n’ont pas été conçus comme des travaux commerciaux, mais simplement comme des ŒUVRES. Ils étaient expérimentaux, parfois choquants, parfois drôles. Des paysages de rêves rendus visibles pour nous et, en tout cas pour moi, ils étaient reconnaissables en tant que tel. Ils donnaient corps à mes propres rêves. Ils dégageaient honnêteté, spontanéité et fraîcheur. Ils étaient imparfaits et brillants, sans artifices et courageux.
« Lap of the Gods » n’est pas un travail achevé. Il y a des vides, des inconsistances, et pas forcément d’histoires claires. Il va falloir faire quelques efforts pour en tirer satisfaction, tout comme j’ai dû le faire avec « Arzach ». En fait le plus grand crime que Moebius ait jamais commis en tant qu’artiste est d’avoir repris « Arzach » et d’avoir créé un mythe autour, ainsi qu’un nouveau chapitre qui expliquait l’ensemble. J’ai lu ça dans un album Dark Horse de la fin des années 80, début des année 90, et il m’a donné des réponses que je ne souhaitais pas avoir tout en minimisant des épisodes auxquels j’accordais une grande puissance symbolique. Ca m’a rappelé Rembrandt disant « Non, il n’y a rien d’exceptionnel. Ce n’est que moi avec un gros nez rougeaud. » Je n’essaie donc jamais d’expliquer ce que tout cela signifie. Mais ça SIGNIFIE quelque chose ; et, avec de la chance, quelque chose de différent pour chacun. Se poser des questions sur soi-même et sur le monde est toujours positif. Apprendre à voir avec notre propre regard, et ne pas se faire emboquer chaque petite miette d’information.
Nous ne sommes pas idiots, nous pouvons prendre part au processus créatif. Nous pouvons être les égaux du créateur.Lap of the GodsJ’espère pouvoir produire d’autres travaux de ce style à l’avenir, et qu’ils trouveront leur voix ; pas seulement pour moi, mais parce que je suis persuadé que ce qui a été réalisé il y a des décennies en France était incroyablement important. Les bandes dessinées françaises avaient une voix qui résonnait dans le monde entier. C’était une révolution, nonobstant sa courte durée. Malheureusement elle semble avoir été largement oubliée, mais elle a complètement et irrévocablement changé mon approche. Ça ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir auparavant. Et donc, comme je le disais, je n’ai pas la moindre idée de la façon dont les gens vont accueillir « Lap of the Gods », mais j’espère qu’ils prendront au moins le temps d’y jeter un coup d’œil. Et s’ils ne l’ont pas encore fait, il est temps qu’ils sortent acheter du Moebius, ou du Druillet, ou du Bilal, et qu’ils découvrent ce qu’ils ont manqué…
Liam Sharp, novembre 2006 pour les éditions Kymera.
Source: http://www.kymeracomics.com/?p=30