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Ce livre est une autobiographie, de l’enfance à l’âge adulte, d’une fille ayant subi des violences sexuelles de la part de son professeur. Le sujet, touchant, est traité avec un certain recul, appuyé par un dessin aussi élégant que varié.
L’autrice passe ainsi en revue, par ordre chronologique, les différentes étapes de son drame intime au fil de sa vie, du déni à l’acceptation, et pose une série de questions pertinentes sur la vie que l’on peut construire à partir de cette blessure : rapport aux hommes, à la sexualité, confiance en soi et en l’autre… et l’inévitable interrogation autour de son rôle de mère.
La réalisation est appliquée et la sincérité évidente. Un brin trop scolaire, peut-être ? Comme pour « L’homme en noir », qui traite d’un sujet similaire sous un angle plus graphique, j’ai trouvé que l’expérience n’était pas complètement convaincante.
Reste l’admiration pour la femme derrière le personnage, qui a su se relever, faire sa vie et trouver la force de livrer ce témoignage.
Je viens de terminer de lire ce premier tome, qui s’ouvre sur un très beau plan large : on est bien au milieu d’un empire de rouille, le titre de l’album est on ne peut plus adéquat. De Thomas Legrain, je n’avais lu que « The Regiment » ; il s’empare ici très bien de l’univers post-apocalyptique mis en place : dessin précis, décors fouillés et accord parfait avec les couleurs de Miki, la réussite est totale sur le plan graphique.
Pour ce qui est du récit, il est très dense mais reste lisible. Il est question d’un conflit entre humains et machines qui a provoqué la fin du monde. Rien de bien original à la base, mais Nicolas Jarry ajoute son grain de sel avec un questionnement pertinent sur ce qui définit vraiment l’être humain. La relation entre l’héroïne et son psybot, qui partagent une même conscience, est assez finement décrite. Certains dialogues claquent bien !
La voix off est par contre très présente ; les textes sont bien rédigés, mais ils ont parfois tendance à mettre une distance par rapport aux événements. C’est un peu dommage à mon avis, mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier la lecture.
On a donc un album bien touffu, avec une vraie fin, mais qui annonce une suite. J’en serai !
Je ressors satisfait de ma lecture, à défaut d’être totalement emballé. En fait, je n’ai pas pu m’empêcher defaire un parallèle avec « Elle ne pleure pas, elle chante » qui traite du même sujet, mais le témoignage est celui d’une adulte qui raconte ses souvenirs (prépondérance du texte) alors qu’ici, on suit directement l’action par les yeux de l’enfant (prépondérance de l’image).
Tout repose donc sur le dessin et, de ce point de vue-là, il n’y a rien à redire. La couverture est somtueuse et, à l’intérieur de l’album, le contraste entre les couleurs lumineuses du jour et le noir absolu de la nuit est du plus bel effet. Quant à l’histoire, c’est sur la fin qu’elle déçoit, avec une conclusion bien trop explicative à mon goût. Ça pose la question du public visé par l’ouvrage : enfant, ado ou adulte ? J’ai eu comme l’impression que les auteurs eux-mêmes n’en savaient trop rien.
Je ne suis pas, loin de là, un grand connaisseur de la série d’origine, mais j’avais plutot apprécié les quelques intégrales lues par ci par là. Et j’ai retrouvé dans cette revisite par Robber et Blutch ce qui, sûrement, devait régaler le public du journal de Spirou à l’époque : des péripéties qui s’enchaînent, parfois sans queue ni tête, mais on s’en moque, et dans le scénario, un joyeux mélange d’enquête policière et de fantastique, sans oublier quelques bons mots. De ce point de vue, les dialogues, plus modernes, sont sublimes. Autant, d’ailleurs, que le dessin de Blutch, qui crée des ambiances incroyables.
Alors oui, la fin est un peu précipitée et Choc, même s’il est mentionné, aurait probablement ajouté à la qualité du livre. Mais on sent et on partage la passion des auteurs pour la série. C’est sans doute le principal.
Je pense qu’il faut faire son deuil du Potron-Minet façon Blain. Cette sorte de mini-cycle dans la série est, à mon avis, de toute façon inégalable. Est venu ensuite l’album dessiné par Gaultier, qui avait joliment repris le flambeau pour une histoire qui, somme toute, constituait surtout une parenthèse dans la trame principale. On y assistait, en quelque sorte, au passage d’une Antipolis florissante à un monde chaotique, dans la foulée de « Après la pluie » et de son ambiance de fin du monde.
Ici, Sfar et Trondheim reprennent le fil de l’histoire et se projettent vers la période Zénith. J’ai beaucoup aimé le début, où on voit des membres de l’ancienne élite réduits au rang de simples pilleurs, et la fin, quand le donjon est fin prêt pour poursuivre son destin. Entre les deux, il y a du bon (évolution intéressante de Hyacinthe et Alexandra) et du moins bon (tout ce qui concerne Grogro aurait pu être bien mieux amené).
Le dessin de Stéphane Oiry m’a globalement plu, en particulier les séquences en forêt et sous la pluie (très belle dernière case). Il paraît moins à l’aise dans les scènes d’action.
Bref, un album qui fait le job, mais en mode « service minimum ». Une transition réussie, mais qui manque un peu de panache.
Un western qui n’a rien de classique, entre un scénario qui puise dans la psychanalyse et le mysticisme pour composer une atmosphère inquiétante, et un dessin qui affiche d’emblée son originalité et sa puissance.
Les intrigues sont complexes, les personnages torturés et aux motivations multiples, les textes nombreux et joliment rédigés, pour obtenir au final un récit d’une grande densité. Xavier Dorison et Fabien Nury joignent leurs forces pour offrir une histoire palpitante, étalée sur plusieurs cycles. Ils réservent nombre de surprises au lecteur et mettent en place des relations extrêmement changeantes entre les différents protagonistes, lesquels font preuve d’une solidarité relative et voient parfois leurs actions dictées par leurs propres intérêts et autres rancœurs.
Au dessin, Christian Rossi émerveille par un trait précis conjugué à une mise en couleurs aux contours peu définis, instaurant dans son univers réaliste une pointe d’irréel, en parfaite adéquation avec les événements surnaturels qui y ont lieu.
Ariane de Troïl est née le même jour, quelque part en Auvergne, que le Dauphin du Roi en sa capitale parisienne. Rien ne les rapproche, mais leurs destins se trouveront liés par les hasards de l’Histoire.
Pour cette série qui fait partie des classiques de la bande dessinée à caractère historique, Patrick Cothias situe son intrigue dans la France du début du 17e siècle. En sept tomes, il compose une œuvre qui multiplie les protagonistes et il enchaîne les révélations, fait évoluer les personnages et leurs relations réciproques, décrit avec minutie le quotidien du palais et du peuple, forcément aux antipodes, pour aboutir à une scène finale qui compte parmi les plus poignantes du 9e Art.
André Juillard, maître du genre, offre des planches d’un classicisme inflexible, mais d’une très grande classe, rehaussées de couleurs tout en délicatesse.
Le jour de l’enterrement de son père, le jeune Bernard Sambre rencontre Julie, une belle braconnière aux yeux rouges. Dès le premier regard, leurs cœurs s’enflamment, et les voilà pris d’une passion qui annonce les drames, appelle les pleurs.
Sur fond de révolution populaire, Yslaire, dans un premier temps sur un scénario de Balac puis en solo, compose une histoire d’amour impossible, contrarié tant par les hasards de l’existence que par une lutte des classes qui place les amants dans des camps opposés. Le texte, évidemment, se veut lyrique et chante les tourments des personnages dans un style parfois emprunté, mais qui évite le pathos dans sa retranscription endiablée des sentiments.
À mesure que le récit progresse, dévoilant au passage des planches d’une grande beauté, où les tons de rouge, omniprésents, rappellent le nœud de l’intrigue, le suspense se fait plus intense. Les protagonistes se multiplient, de même que les rebondissements, pour se terminer, avec ce quatrième tome, en apothéose.
Perdu dans une guerre d’Algérie qui n’est pas la sienne, Messonnier aimerait passer moins de temps à combattre qu’à conter fleurette à une jolie fille du pays. Est-ce la raison de sa mystérieuse disparition ? A-t-il fini par déserter pour retrouver sa belle, ou plus simplement pour échapper aux horreurs quotidiennes commises au nom de la patrie ?
Azrayen’ raconte l’histoire de la guerre menée par la France dans sa colonie africaine, à travers le regard d’un soldat qui rêvait d’un autre avenir. Frank Giroud s’inspire de sa propre histoire familiale pour dépeindre avec crédibilité la réalité du conflit pour les différentes parties prenantes, avec pour parti pris un ancrage dans la réalité du terrain. Aux dessins, Christian Lax dépeint avec classe des paysages d’une grande beauté, dont les couleurs feutrées parviennent par instants à faire oublier la guerre, ses exécutants et leurs exactions.
Il en résulte un parfait équilibre entre réalisme pur et inspiration artistique. Ce tour de force se traduit par des planches qui donnèrent, au moment de leur réalisation, une envergure supplémentaire à leur créateur.
Emmanuel Guibert, figure majeure de la bande dessinée indépendante, fait ici équipe avec Didier Lefèvre, photographe, pour raconter le périple de ce dernier en Afghanistan, où il a accompagné une mission humanitaire.
Les auteurs décrivent avec réalisme et une réelle affection le quotidien des membres de la mission, leurs déboires autant que leurs moments de joie, ainsi que la vie et les coutumes des populations locales. Le ton se veut didactique, mais sans lourdeur, porté par des personnages captivants et une grande richesse de fond.
Ce qui surprend au premier abord, c’est la composition des planches. Les dessins de Guibert se mêlent aux photos de Lefèvre, pour donner naissance à une œuvre hybride, mais pourtant d’une grande cohérence. Les différents modes d’expression se rejoignent, se complètent à merveille et forment un ensemble parfaitement lisible, d’autant plus que les couleurs de Frédéric Lemercier brillent elles aussi par leur discrétion, leur finesse et leur parfaite intégration dans le graphisme général de la série.
Anne et Gérald s’installent dans la campagne ardennaise. Ils y découvrent un monde à mille lieues de leur existence de citadins, où la sorcellerie dépasse le simple cadre du folklore. L’univers que dépeint Comès est celui de l’ancien temps, mis à mal par l’avènement d’une pensée plus rationaliste et d’une technologie en plein développement, mais qui garde par endroits de farouches adeptes.
Pour Anne, l’acceptation d’une nature qui dicte ses lois à l’homme, contraint de s’y plier et de vivre en harmonie avec son environnement, se fera progressivement. Enceinte de son deuxième enfant, elle trouve dans la nature et sa qualité de mère nourricière le réconfort que l’Église et ses dévots n’ont jamais pu lui apporter. Ce sera également l’occasion pour son premier fils, autiste, de s’ouvrir à un monde qui accepte sa différence.
Comme à son habitude, Comès place l’humanité et l’authenticité des relations au centre de son récit. Les contes et légendes de nos ancêtres, pour un temps, redeviennent réalité sous la plume de l’auteur, lequel nous gratifie en outre d’un dessin en noir et blanc d’une grande élégance.
À sa sortie de prison, Zoé se sent bien seule. Elle se raccroche donc à l’unique héritage qu’il lui reste, une maison que lui a léguée sa grand-mère dans le petit village de La Goule. Alors qu’elle ne pense qu’à reprendre une vie normale et rangée, elle découvre rapidement que le calme dont semble empreint cette bourgade comme il en existe tant n’est que faux-semblant. Peuplée de personnages inquiétants, la région s’avère moins accueillante qu’il n’y paraît. À part Hugo, un peu simple d’esprit mais dont l’amitié n’est pas feinte, aucun ne semble avoir trop intérêt à ce qu’un étranger vienne mettre son nez dans les affaires des villageois.
Chabouté propose depuis ses débuts une œuvre qui n’est pas sans rappeler celle de Didier Comès, non seulement en marquant une préférence pour les récits en un volume et en noir et blanc, mais aussi en traitant de thèmes similaires : sorcellerie, loi du silence dans un village isolé, difficulté de vie en société pour des êtres fondamentalement différents, lutte entre tradition et modernité, etc. L’approche est toutefois plus actuelle, avec un récitatif moins présent et une importance accrue donnée aux silences, aux cadrages. Ainsi, il n’hésite pas à offrir de longues séquences muettes, en faisant passer par le dessin des informations pour lesquelles tout texte aurait été superflu. Sa maîtrise du noir et blanc étant parfaite, le résultat est invariablement une réussite.
L’auteur offre ici une histoire au caractère très humain. Grâce aux personnages qu’il crée, à commencer par Zoé et Hugo, et à une belle mise en scène, il impose une marque qui, malgré une certaine filiation, n’appartient qu’à lui.
Un magicien pour imaginer les êtres peuplant le monde et un grand chêne aux pouvoirs divins pour leur insuffler la vie. Curieuse association entre deux êtres qui, entre collaboration et ressentiment, donnent naissance à un univers parallèle à celui des hommes. Entre furets et transparents, qui en sont tous deux issus, les relations ne sont d’ailleurs pas au beau fixe, tant le poids d’une faute passée continue à peser sur les épaules de tous. Par un pur hasard, Andréa et Elwood, deux furets, se retrouveront mêlés à cette histoire de légende.
Si le monde créé par Christophe Gibelin est un ravissement en soi, lui qui allie douceur et cruauté dans un même mouvement, la série aura surtout marqué les esprits par le dessin de Claire Wendling, dont les apparitions en bande dessinée sont aussi rares que délectables. Trait d’une rare finesse et couleurs harmonieuses se confondent pour conférer à chaque planche une grande beauté. Ce serait toutefois faire injure au travail du scénariste que d’en rester là : entre une légende dont les répercussions n’ont pas fini de nous étonner et des personnages qui sont autant de portraits minutieux et approfondis, Gibelin aura réussi le parcours sans faute.
D’une parfaite harmonie entre récit et illustration, « Les lumières de l’Amalou » est une série qui dépeint un imaginaire éblouissant.
Le monde des hommes est gagné par une violence sans cesse renouvelée et la ville de Carlotta en porte les stigmates. Un homme, pourtant, n’a pas perdu espoir et met tout son art de créateur d’automates au service d’une chimère : faire revivre le temps des fées en donnant l’œil-fée à l’un de ses pantins.
« Fée et tendres automates » est la série qui a révélé le talent de dessinatrice de Béatrice Tillier. Par son style tout en finesse et ses couleurs lumineuses, elle donne à ses planches des airs de féérie, tout en n’excluant pas une violence dépeinte avec fougue. Les textes aux accents poétiques de Téhy accordent une grande importance aux récitatifs et accompagnent le lecteur dans sa découverte d’un univers fascinant. Le troisième et ultime tome de ce triptyque marque une rupture, non seulement par une précipitation vers une fin déchirante, mais aussi par un changement de dessinateur qui, une fois la surprise passée, s’accorde finalement bien avec l’évolution du scénario. Le trait de Franck Leclercq est en effet plus brut, plus direct, tandis que les couleurs signées Le Prince portent en elles un côté beaucoup plus sombre.
C’est par un déchaînement de force brute que se ponctue cette série, laissant une impression de grand opéra baroque. L’ultime page de cette fabuleuse série constitue par ailleurs un grand moment d’émotion dont la densité perdure une fois le livre refermé.
L’action se situe au début du XXe siècle, dans une ville de New York qui s’apprête à connaître des élections municipales aux enjeux importants. Alors que des bandes font régner le chaos en ville, deux candidats s’opposent. Tandis que Gedeon Sikk, le maire sortant, entend répondre à ces émeutes par une surenchère de violence, Jessica Ruppert, démocrate, prône le dialogue et l’écoute de l’autre. Les intrigues qui se mêlent autour de ce passage aux urnes sont nombreuses. C’est dans ce contexte que Joshua Logan, ancien du Viet-Nam, tente d’oublier les horreurs de la guerre aux côtés de sa femme et de son fils. Pas facile, lorsque l’actualité lui rappelle sans cesse ce passé qu’il pensait révolu.
Le pouvoir des innocents est une série qui aura marqué de nombreux lecteurs. La raison de ce succès, mérité, tient dans la profondeur des personnages et dans la façon dont le scénariste, Luc Brunschwig, entremêle les différentes destinées pour livrer un tout cohérent. À la lecture, la crainte est parfois grande de voir les auteurs se perdre dans leur propre intrigue ou décevoir par une fin qui ne serait pas à la hauteur de l’implacable montée en puissance du scénario au fil des cinq volumes. Au final, le dernier tome est sans nul doute l’un des mieux construits qu’il m’ait été donné de lire : toutes les questions trouvent réponse et le final, grandiose autant que cruel et chargé d’émotions, ponctue comme il se doit cette série haletante illustrée par Laurent Hirn avec un talent qui s’affirme à chaque parution.
Un must en matière de thriller politique, riche dans son propos et infaillible dans sa narration.
La trame est extrêmement simple. Clement rencontre Tracy-Lee, quelque part sur la route, dans une Amérique où la ségrégation reste une actualité brûlante. Mais un homme noir peut-il coucher avec une femme blanche sans peur des représailles ?
Cet album est un road-movie dans la plus pure tradition du genre, où jamais le rythme ne s’élève. Tout est calme, d’un calme qui semble contenir à chaque instant une violence sourde. La qualité du récit ne tient pas dans une façon de traiter le thème du racisme qui serait exceptionnelle, mais dans l’ambiance posée par les auteurs grâce à un découpage qui accentue la lenteur de l’histoire, son côté pesant, et au dessin de Philippe Berthet qui renforce l’atmosphère sombre prévalant du début à la fin. Il fait également passer de nombreux sentiments par la mise en scène, par les silences qui s’imposent tant au lecteur qu’aux protagonistes de cette histoire déchirante.
Implacable, le scénario de Philippe Tome brille par une simplicité qui paraît de bon aloi, au service de personnages dont le destin tient à cœur jusqu’à la dernière page.
La première particularité de Nuit noire est de se dérouler en France, tandis que nombre de thrillers préfèrent prendre pour cadre les États-Unis. La deuxième est d’adopter une narration particulièrement morcelée, alternant des scènes qui se déroulent sur plusieurs trames temporelles.
Le lecteur suit le parcours de deux amis, Marc et Joey, qui doivent s’enfuir après une altercation qui tourne mal avec la police. Ce sera l’occasion pour ces jeunes hommes de revenir sur leur vie passée, leurs erreurs, mais aussi les événements qui se sont imposés à eux. Le parcours de ces personnages aux caractères dissonants a pour toile de fond une vie pas toujours rose, et la nécessité pour eux de se battre pour survivre. Le procès qui se déroule en parallèle de leur fuite en avant sera pour le scénariste, David Chauvel, le moyen de revenir sur les causes d’un drame qui apparaît comme évitable.
Au dessin, Jérôme Lereculey fait preuve d’un réalisme sobre mais efficace. Son trait brut convient parfaitement pour rendre une ambiance finalement très dure, à l’image de la vie des différents acteurs. Ensemble, les deux auteurs auront donné naissance à une série brève mais intense, qui alterne avec bonheur les moments de violence et les instants de répit, et dont la fin, attendue, atteint un sommet en termes de tension dramatique.
En règle générale, les auteurs essaient souvent de rendre leurs héros attachants d’une manière ou d’une autre. Ce ne sont pas toujours des saints, mais au moins ont-ils un vécu ou un caractère qui nous font comprendre les actes qu’ils posent. Tel n’est pas le cas du tueur qui donne son nom à cette série de Matz. Le tueur est quelqu’un qui apparaît comme extrêmement froid, détaché, sans scrupule, et qui trouve dans la violence dont est faite le monde prétexte à justifier, ou du moins à minimiser, ses propres exactions.
Le monologue est d’ailleurs la forme de narration qui prédomine, témoin de la solitude du tueur ne pouvant vraiment se lier à personne. Il est difficile de savoir quelle attitude adopter face à cet être qui a fait de son quotidien une mise à mort sans cesse renouvelée et qui passe le plus clair de son temps à s’en dédouaner : impossible de rejeter en bloc tous ses arguments ; impossible également d’y accorder un trop grand crédit, même si, comme il le dit lui-même, il ne fait qu’aider des personnes souvent peu recommandables à s’entre-tuer. Les pensées du tueur soutiennent véritablement l’histoire, surtout faite de considérations générales sur la vie et la destinée. Ainsi, ce personnage qui semble nous échapper complètement narre sa vie et expose sa vision du monde, tout en perpétrant les assassinats pour lesquels il est rétribué.
Cette façon particulière de raconter permet au dessinateur, Luc Jacomon, de faire montre d’un style très original, tourmenté, haché, et accompagné de couleurs très tranchées. Les ambiances qui en ressortent sont soit d’une profonde noirceur, soit au contraire d’une luminosité qui, par instants et par endroits, contraste avec un récit d’une grande violence.
L’intrigue en elle-même n’a qu’un intérêt limité : Griffu est conseiller juridique et il se retrouvera embrigadé dans une sombre histoire de magouilles, où les coups de feu seront aussi nombreux que les coups bas. C’est plus au style littéraire de Patrick Manchette que tient l’originalité de ce récit : le personnage, à grand renfort de voix off et de dialogues percutants, s’exprime dans un français teinté d’argot parfaitement réjouissant.
Autre particularité, les différents personnages sont tous plus ou moins des crapules, même le soi-disant héros. Ils se démènent dans un univers d’une grande noirceur, illustré par Tardi dans son style éminemment reconnaissable. L’atmosphère qui s’en dégage prend aux tripes et sert le côté sombre de l’histoire.
Au rang des maîtres du polar, le duo Tardi/Manchette tient une place de choix. Griffu en est la preuve ; un album à savourer pour ceux qui n’aiment rien tant qu’une plongée un brin sordide en milieu urbain.
Comme son nom l’indique, cette série nous emmène à la découverte des travers de la politique, autrement dit des petits et grands complots qui font et défont nos représentants. L’histoire se déroule au Royaume-Uni, à l’approche d’importantes élections. Nous suivons le parcours dans ce monde de requins de Clive Baker, proche de Sir Stuart, ancien Premier ministre qui s’apprête à révéler des informations compromettantes sur des politiciens en vue.
L’intrigue concoctée par Philippe Richelle brille par sa construction sans faille, sa représentation édifiante des luttes d’influence et des enjeux politiques. Elle présente des personnages à la psychologie approfondie et s’accompagne d’un dessin réaliste de qualité signé Jean-Yves Delitte.
Tous ces éléments ont concouru au succès de ce récit qui nous fait pénétrer dans les coulisses d’un univers où, sans cesse, hommes et femmes flirtent avec la légalité pour assouvir leur soif de pouvoir, même si, de toute évidence, ce combat peut également s’accompagner d’une certaine éthique et d’un réel sens du devoir.
Un jeu d’équilibriste, en somme.
Joe Haldeman est un ancien du Viêt-Nam qui a voulu raconter son expérience de la guerre sous la forme d’un récit de science-fiction. Dire qu’il s’est fortement impliqué dans l’écriture de son roman, adapté en bande dessinée avec l’aide de Marvano, est donc un doux euphémisme. L’authenticité du récit et des nombreuses émotions qui en émanent est ainsi inattaquable.
Au long des trois tomes qui composent cette série, le scénariste ne se concentre pas sur les ressorts d’une guerre qu’il présente comme inepte et sans fondement, mais bien sur le quotidien des soldats soumis aux affres du conflit armé : violence omniprésente, conditions de vie extrêmes, entraînements meurtriers, isolement total, obligation de commettre des exactions que leur propre morale réprouve. À mesure que nous suivons les personnages, nous découvrons un monde qui, inexorablement, se déshumanise jusqu’à faire des individus les simples rouages d’un système. Les soldats deviennent des machines, contraints de se défaire de leurs sentiments, de se montrer froids face à l’ennemi et de lutter contre tout sentiment d’empathie, dans un monde où l’importance de chacun se résume à ce qu’il peut apporter au système. Avec, au final, une perte de repères totale pour le combattant qui, paradoxe temporel aidant, participe littéralement à une guerre sans fin, et dont le début se perd dans un passé indéfini.
Tous ces éléments, toute cette véracité renforcée par le dessin ultra-réaliste de Marvano, font de La guerre éternelle l’une des meilleures séries de science-fiction jamais publiées, en tout cas l’une des plus poignantes, et un véritable manifeste contre la guerre, quelle qu’elle soit.
La trilogie Nikopol constitue à n’en point douter l’une des références en matière de science-fiction, mais elle revêt un caractère particulier à plus d’un titre. Ici, pas de monde ultra-futuriste, pas de conquête spatiale ou de vaisseaux interplanétaires. Non, l’action a lieu dans un Paris qui n’est plus que l’ombre de lui-même, aux mains d’un régime fasciste qui a rejeté en périphérie une plèbe qui se décompose dans la crasse et la misère. Ce monde en déliquescence, c’est celui que retrouve Alcide Nikopol après un séjour prolongé dans l’espace en état de cryogénisation, reliquat d’une technologie semble-t-il oubliée.
Le premier tome est un modèle de récit politique dans un contexte d’anticipation, agrémenté d’une touche originale de mysticisme. Le personnage de Nikopol, devenu un jouet dans les mains d’Horus, dieu égyptien qui a fui ses semblables, combat le régime en place pour rétablir un système démocratique. Le lecteur suit avec intérêt le rapport de forces entre les deux entités, l’une humaine et l’autre divine, qui se côtoient par la volonté d’Horus. Il s’établit entre eux une relation pour le moins particulière, à mi-chemin entre le partenariat et la véritable amitié. Leurs desseins, pourtant différents, se rejoindront étrangement au fil de leurs pérégrinations.
Par la suite, au cours des deux derniers tomes, Enki Bilal change de registre et de graphisme. À mesure qu’il délaisse le fond politique de son récit pour se concentrer sur le destin de ses personnages, il adopte progressivement un style plus cinématographique qui fait la part belle aux plans larges, avec un découpage moins classique et un trait certainement moins réaliste. Il s’agit par ailleurs d’un tournant important dans sa carrière, ses productions suivantes allant de plus en plus dans le sens de l’expérimentation.
Cette trilogie n’a rien d’académique et peut paraître décousue par endroits. Elle fait de la puissance graphique de l’auteur et de son originalité, parfois outrancière, ses véritables atouts.
La Fédération des terres unies assure au système solaire une paix que rien ne semble devoir remettre en question, si ce n’est l’apparition soudaine d’un mur, immense et terrifiant, quelque part entre Saturne et Jupiter. L’escadrille Purgatory, composée de fortes têtes et autres rétifs à un minimum de discipline, aura pour mission de pénétrer dans ce mur pour en découvrir la nature et, surtout, pour pister les ennemis qui se cachent forcément derrière ce mystérieux phénomène.
Pour conter cette première guerre universelle, Denis Bajram se retranche derrière une kyrielle de théories scientifiques qui, si elles ne sont pas toujours faciles à suivre et pourront éventuellement être remises en cause par des esprits pointus, confèrent tout de même au récit une grande crédibilité. Il joue notamment sur le paradoxe temporel pour procéder, au cours des six volumes, à d’incessants allers-retours dans le temps. Loin de perdre le lecteur, cette narration audacieuse donne à la série son identité et permet de multiplier les pistes de réflexion. Arrivé au dernier tome, force est de constater que la cohérence est assurée, même si d’aucuns pourront peut-être regretter la tournure quasi mystique que prend l’histoire. C’est oublier que, depuis le début, des passages entiers de la Bible s’égrènent au rythme des chapitres composant chaque opus.
Malgré la complexité apparente de l’intrigue, Bajram n’oublie pas de rythmer son récit par un grand nombre de scènes d’action et de batailles spatiales auxquelles son dessin, spectaculaire, donne une grande force. Par une mise en couleurs sombre et l’utilisation adéquate de teintes rougeâtres, l’auteur crée en outre une ambiance oppressante qui rend d’autant plus trépidante cette histoire qui ose énormément, intégrant des éléments qui font franchement froid dans le dos.
Marco est photographe. Lassé de couvrir les guerres qui déciment le monde, lassé des relations compliquées qu’il entretient avec sa famille et ses proches, il quitte la région parisienne pour s’installer à la campagne. C’est là qu’il rencontre Émilie, avec qui il tentera de construire une vie.
Dans cette série de quatre tomes, Manu Larcenet campe un jeune homme moderne qui pose un regard critique sur lui-même et sur le monde qui l’entoure, sur la façon de dépasser ses propres peurs, de se comprendre soi-même. Les thèmes abordés sont donc divers, entre la relation au père et la conscience politique de chacun, en passant par l’éducation des enfants, le poids d’une conscience meurtrie par un passé douloureux, ou encore le regard que l’on peut porter sur l’histoire parfois atroce de son propre pays.
L’auteur ne traite pas de ces sujets avec didactisme ou une volonté trop marquée d’imposer ses vues, il se contente de confronter ses personnages à des situations et, d’une certaine manière, d’en observer le résultat. Le lecteur se retrouve dans une position identique, souvent tiraillé par les choix que doit faire Marco. L’histoire alterne ainsi les moments de joie intense et les autres, plus douloureux, nous faisant passer sans ménagement du rire aux larmes, en quelques cases à peine, sans tomber dans le pathos ou la lourdeur. L’émotion passe d’ailleurs autant par les mots que par les images.
Le dessin de Larcenet, sans esbrouffe et sous des dehors de simplicité, est virtuose. Les expressions des visages, par exemple, sont très travaillées et parfaitement révélatrices des sentiments des personnages, tandis que les mises en scène, entrecoupées de silences significatifs et parfaitement dosés, sont souvent imparables.
Étienne Schréder raconte ici la descente aux enfers qui a marqué sa jeunesse. Alcoolique de son état, il perd son travail. C’est alors la rue et la clochardisation qui l’attendent, sans véritable espoir d’en sortir un jour.
Le lecteur suit son parcours avec une certaine horreur, entre pitié et impuissance, et repense à ces innombrables SDF qu’il croise dès qu’il met les pieds en ville. Portrait du monde actuel qui ne cesse de générer des exclus, le livre repose non seulement sur un propos très intéressant, mais aussi sur un dessin en noir et blanc qui happe le lecteur pour ne plus le lâcher. L’ambiance souvent très sombre qui en ressort souligne à la perfection le sort peu enviable d’un jeune homme pourtant brillant.
Émile, veuf et retraité, mène une existence paisible : seule sa passion de la pêche lui permet de s’évader parfois d’un quotidien un peu terne auquel il s’est résigné... jusqu’au jour où il décide de reprendre goût à la vie, de sortir, voir du monde, et pourquoi pas rencontrer une dame avec qui passer d’agréables moments.
Cette bande dessinée aborde un sujet délicat et peu traité dans les récits de fiction, tous médias confondus : l’amour et la sexualité chez les personnes âgées. Pascal Rabaté fait preuve de beaucoup de tact et de tendresse dans son portrait d’un homme à la recherche du plaisir, un plaisir qui consiste avant tout à trouver de la compagnie, davantage qu’un simple partenaire sexuel. Faire un tel choix de vie, pour lui, c’est aussi s’exposer au regard des autres, qui considèrent le plaisir de la chair comme réservé à la jeunesse.
Le dessin de Pascal Rabaté, qui a évolué pour tendre vers l’épure, participe grandement au sentiment de délicatesse qui émane du récit. Il réserve également une place importante au silence, au calme, à la contemplation. Comme si, privilège de la vieillesse, tout se faisait plus lentement, sans que la résolution dont peut faire preuve une personne en soit amoindrie. Au long de cette tranche de vie offerte au lecteur, Émile rencontre aussi de nombreuses personnes, toutes ayant leur rôle à jouer dans les choix qui se poseront à lui.
Le soin accordé par l’auteur à la réalisation de ces « Petits ruisseaux » est tout bonnement remarquable, tout comme son habileté à retranscrire avec sobriété un large panel d’émotions. Douceur, tel est en définitive le mot qui convient le mieux pour qualifier ces quelques instants volés à une vie faite de peines, de doutes, d’espoir... mais surtout de beaucoup d’amour.
Nouvelle édition pour deux récits signés André Juillard, dans la collection des « Chefs-d’œuvre primés à Angoulême » de Casterman.
Le premier, intitulé « Le cahier bleu », raconte une partie de la vie de Louise, une jeune femme originaire du Québec et vivant à Paris. Par le jeu du hasard, elle fera une rencontre amoureuse, puis une autre, et ce sont ces différentes relations qui servent de fil rouge au récit. Si les dialogues peuvent parfois paraître empruntés, la façon qu’a l’auteur d’imbriquer les différentes scènes en jouant avec la trame temporelle de son intrigue est quant à elle admirable. Sans parler du dessin qui, dans la veine réaliste, fait de l’auteur l’un des monuments du genre.
Le récit n’a pas pour but de tirer de grands enseignements, il se contente de mettre en scène des personnages qui se dévoilent progressivement et dont l’image pourra être altérée au fil des pages. Il ne faut donc pas voir dans « Le cahier bleu » autre chose qu’une histoire au parfum romantique, même si, il est vrai, Juillard fait de ses personnages plus que de simples marionnettes et les rend attachants par leur personnalité, leurs réactions et le passé que certains tentent d’oublier.
Une petite friandise pour un plaisir de lecture bien innocent, voilà ce qu’il faut retenir de ce qui fut, à ma connaissance, la première incursion dans le registre contemporain d’un auteur auparavant cantonné à la bande dessinée historique.
Le second récit, intitulé « Après la pluie », m’a beaucoup moins convaincu. Si le dessin reste correct, le lien avec le précédent album m’a paru plus que ténu. Et les personnages moins attachants. À noter que cette édition comprend également deux pages publiées dans (À Suivre) en 1997. Sans être indispensables, elles prolongent agréablement « Le cahier bleu ».
David Salomon, dit Soda, est flic à New York. Il vit en appartement avec sa mère cardiaque et refuse obstinément de lui avouer son vrai métier, de peur de la faire mourir d’inquiétude. Il se fait donc passer pour un pasteur, ce qui donne lieu le matin et le soir à un étrange manège : il change de vêtements dans l’ascenseur, en un temps record. Tout le monde au commissariat est au courant de sa petite combine et l’aide à entretenir le secret.
Humour omniprésent et dessin très accessible, pas de doute, Soda s’adresse à un large public. Au fil des albums, Philippe Tome aura toutefois donné à sa série une touche plus noire qu’il n’y paraît à première vue, la vie quotidienne d’un agent de police dans la Grosse Pomme n’étant pas précisément de tout repos. Lors de ses enquêtes, Soda entre donc en contact avec la lie de la société américaine. Si l’angle de vue ne manque pas de légèreté, c’est donc bien une réalité peu reluisante qui sert de toile de fond aux pérégrinations d’un héros qui ne manque pas d’attirer la sympathie. Il gagne aussi progressivement en épaisseur, aux prises avec une vocation parfois vacillante à force de coups portés et reçus au jour le jour. Il est parfois difficile de résister à l’envie de prendre la tangente avec Linda, collègue et plus si affinités...
À noter, au niveau du dessin, un passage de témoin très réussi entre Luc Warnant et Bruno Gazzotti, en plein milieu d’un album.
Voilà un détective particulier. Non seulement est-il affublé d’un patronyme pour le moins original, il a aussi appris son métier en suivant des cours par correspondance. Imperméable sur le dos et chapeau vissé sur le crâne, il aime se donner des airs de fin limier. Cette impression a toutefois tendance à s’estomper dès qu’il enfourche son solex, tousse à la moindre bouffée de cigare et semble accumuler les bévues le long de ses enquêtes. Inoffensif, c’est ainsi que le perçoivent nombre des malfaiteurs qu’il traque pourtant sans relâche. Sous ses airs de jeune homme lunatique, Jérôme n’est pourtant pas dénué de bon sens et d’esprit de déduction. Opiniâtre, c’est souvent avec brio qu’il résout les énigmes qui se présentent à lui.
D’abord sur des scénarios de Pierre Makyo et de Serge Le Tendre, puis en solo, cela fait plus de vingt tomes qu’Alain Dodier balade son personnage d’affaires en affaires. Et avec une qualité qui ne se dément pas ! Dans la grande tradition des romans policiers, il offre aux aficionados une série taillée à leur mesure, pleine d’humour et de gaieté malgré des destins qui, parfois, tendent vers le tragique. L’auteur propose ainsi des enquêtes qui ne manquent pas de surprises et reposent invariablement sur des personnages d’une remarquable consistance.
Le dessin, simple et élégant, est parfait pour cette série qui s’adresse à tous les publics.
Dans la veine policière, Le Choucas est une série qui me tient particulièrement à cœur, car, sous forme d’hommage à la célèbre Série Noire des éditions Gallimard, elle accorde une grande importance au style littéraire et regorge de références. Les textes et dialogues sont ainsi d’une qualité mémorable et Christian Lax, maniant l’humour noir avec efficacité, se sert de sa prose pour donner à ses personnages des caractères bien marqués. Entretenant le côté décalé de ses histoires, il propose des enquêtes pouvant paraître anecdotiques, dont seuls les canards régionaux feraient leurs choux gras.
Ancien ouvrier reconverti dans l’investigation privée suite à un licenciement, celui qui se fait appeler le Choucas partage avec son collègue Jérôme K. Jérôme Bloche le fait d’être tout sauf un professionnel. La façon dont il résout les énigmes, parfois à son corps défendant, témoigne de cet amateurisme qu’une bonne volonté évidente ne suffit pas toujours à compenser. Flegmatique, philosophe face aux déconvenues mais têtu comme une mule, il n’en prend pas moins ses missions au sérieux, n’hésitant pas à s’envoler à l’autre bout du monde pour les besoins de l’affaire en cours.
Le trait faussement hésitant de l’auteur et sa manière d’instaurer des ambiances réellement oppressantes font de cette série la digne héritière du roman noir et lui assurent une place de choix dans la bibliothèque de tout amateur qui se respecte.
Peu d’albums au compteur pour Blacksad, et déjà une grande renommée. Adulée, la série repose avant tout sur le dessin virtuose de Juanjo Guarnido et l’expressivité de ses personnages animaliers. Ce qui marque, outre les ambiances qu’il parvient à installer, ce sont les gueules qu’il donne aux personnages : il choisit l’espèce en fonction du caractère de chacun, les humanise au niveau du visage et leur donne une véritable identité. Il est également à l’aise dans les scènes d’action, et chaque planche est un régal pour les yeux.
Les scénarios, signés Juan Diaz Canales, sont extrêmement classiques et ne soulèvent pas autant l’admiration que le graphisme qui les accompagne. Ils sont toutefois redoutables d’efficacité et mènent le lecteur à bon port sans que l’ennui ne le guette un seul instant. Néanmoins, on gardera davantage le souvenir des atmosphères qui servent de support à l’intrigue, que de l’intrigue elle-même. La réalisation n’en est pas moins parfaitement soignée, et Blacksad a indéniablement gagné sa place parmi les références du genre.
Pour ma part, je n’ai toutefois pas été au-delà du cinquième tome, attachant au fil du temps plus d’importance au fond qu’à la forme.
En des temps immémoriaux, le dieu maudit Ramor s’était opposé aux autres divinités pour posséder à lui seul le pouvoir-force et régner sur Akbar. Défait, il avait été enfermé dans une conque et privé de sa puissance. Mais les dieux avaient fini par s’en aller, laissant Ramor seul, avide de vengeance : il attendait l’heure de sa libération. Et cette heure est proche. La princesse-sorcière Mara est la seule à pouvoir sauver Akbar, elle qui a pu déchiffrer le grimoire des dieux anciens, mais elle manque de temps pour achever l’incantation qui permettra de renouveler le sortilège. Elle enverra donc le légendaire chevalier Bragon et sa fille Pélisse en quête de l’Oiseau du Temps, un être magique grâce auquel Mara pourra suspendre le cours du temps et parvenir à ses fins.
L’histoire s’étend sur quatre tomes, et ce découpage du récit n’est pas le simple fruit du hasard. Il est rare de voir l’ambiance changer à ce point d’un album à l’autre, si bien que chacun possède ses propres spécificités. Au fil des épreuves, les personnages devront faire face à des adversaires terrifiants, mais ils devront surtout apprendre à se connaître eux-mêmes et donner un sens à leur vie. Les relations qu’ils entretiennent ne sont d’ailleurs pas figées, et tous finiront par se voir sous un autre jour. En dehors des héros qui occupent le devant de la scène, les personnages secondaires sont nombreux et ont leur propre personnalité, même lorsqu’ils n’apparaissent qu’épisodiquement.
Précisons toutefois que le premier tome est largement inférieur aux suivants, que ce soit au niveau du dessin pas encore totalement abouti ou du scénario qui prend un départ plutôt lent. Un seul conseil : continuez, même si vous n’êtes pas emballé dès les premières pages, car vous tenez peut-être ici la meilleure série dans son genre. Et qui a mis sur le devant de la scène un dessinateur de tout premier ordre en la personne de Régis Loisel. On en oublierait presque que cette histoire est aussi le fait de Serge Le Tendre, scénariste non moins talentueux.
Jean Van Hamme propose ici une narration on ne peut plus traditionnelle : un long monologue pour planter le décor, une progression régulière, des personnages qui se découvrent peu à peu et un nouveau monologue pour ponctuer ce joli cas d’école. Cela pourrait lasser, mais les scènes s’enchaînent, les personnages tiennent à cœur et la conclusion laisse plutôt songeur.
L’histoire se déroule sur Daar, un monde qui, depuis maintenant si longtemps, voit s’affronter les hordes sanguinaires de trois seigneurs immortels et être réduit en esclavage le brave peuple des Chninkels. Mais cette tuerie sans issue finit par lasser U’n le Maître Créateur des Mondes, qui va confier à J’on le Chninkel la lourde tâche de faire cesser la guerre. Son arme ? Le Grand Pouvoir. Le petit J’on serait-il le Choisi, celui qui, selon de vieilles légendes, est appelé à mettre fin aux souffrances des siens, prix à payer pour une faute oubliée de tous ?
La vie de cet être pauvre et démuni qui, par la parole, la bonté et sa faculté à se jouer des miracles, rassemble autour de lui un petit nombre d’apôtres allant porter la bonne nouvelle à qui veut l’entendre, est évidemment à l’image de celle du Christ. Pourtant, alors que les auteurs multiplient les références au christianisme, jamais le personnage central ne cesse de vivre sa propre vie, et c’est cette vie que nous suivons dans un univers qui abrite des êtres fascinants et des décors imposants. Le récit est également riche en émotions et le parcours des différents personnages, fait de doutes, de résignation, mais aussi d’espoir, conduit à un final qui tient ses promesses.
L’album doit également son succès au dessin en noir et blanc de Grzegorz Rosinski. Certaines cases, sombres, désolantes, enlèveraient aux personnages jusqu’à l’envie de vivre. Et même quand le noir fait place au blanc, c’est pour accentuer une impression de solitude et de néant.
En fin de compte, seuls des emprunts un peu trop évidents à Dark Crystal, film culte de Jim Hanson, viennent ternir l’impression laissée par cette histoire en un volume, à préférer évidemment à la version colorisée publiée ultérieurement.
Le mage Bedlam règne en maître sur les terres de l’Eruin Dulea depuis ce jour funeste où il tua Wulff le loup blanc, héritier des Sudenne. Mais rien n’est irréversible et l’usurpateur le sait, car il connaît les légendes du pays. Il se murmure que la complainte des landes perdues résonnera lorsque fleuriront à nouveau les arbres de vérité. Alors, les héros morts à la terrible bataille de Nyr Lynch se relèveront et suivront celui ou celle qui saura les mener à la victoire.
Sioban ne sait pas encore qu’elle sera cette main vengeresse. Elle se contente d’apprendre le métier des armes et voit d’un mauvais œil le remariage de sa mère, Lady O’Mara, veuve du loup blanc, au ténébreux Lord Blackmore.
C’est une histoire digne des plus grandes épopées fantastiques que Jean Dufaux met en scène avec cette complainte qui plonge dans un univers sombre, violent, où réalité et légende sans cesse se confondent. Porté par des personnages charismatiques, ce conte instaure dès les premières pages une ambiance des plus oppressantes, renforcée par des textes narratifs d’une grande qualité. Ces mots se mêlent aux dessins de Grzegorz Rosinski, qui offre à cette histoire un décor de brumes et de landes désertées, de rochers menaçants et de ciels ombrageux.
Trois envoyés du peuple nain, à la recherche de leur nouveau roi, s’enfoncent dans les inquiétantes contrées du Nord, sur le territoire d’Ewandor. Ils découvrent un monde où les bêtes sont sauvages et les hommes cruels, où entraide et amitié ne sont que faux- semblants... un monde où l’on tue pour quelques pièces d’or. L’issue de leur quête repose sur un secret que certains élus ne transmettent qu’à leurs successeurs et qui leur fut imposé par les Puissances, des divinités qui font de tous les peuples les instruments de leurs intrigues.
Cette trame assez simple, Bruno Chevalier l’étoffe au fil des trois tomes qui composent la série en rassemblant autour des héros plusieurs êtres que tout oppose. Sans rompre avec cet aspect traditionnel de l’Heroic Fantasy, le scénariste parvient à développer une intrigue qui repose sur des personnages pour le moins intéressants : un lïn partagé entre la volonté de fuir et celle de gagner cent fois son poids en sels rouges, un guerrier akeï aussi stupide que sauvage, ou encore des nains perdus et désemparés dans un environnement qu’ils ne connaissent pas. Dépassant la vision manichéenne de la lutte du Bien contre le Mal, l’histoire est avant tout faite de personnalités ambivalentes.
Thierry Ségur, quant à lui, est un dessinateur à part et constitue à lui seul une curiosité : il se plaît à enrober de couleurs lumineuses un trait particulièrement exubérant, en opposition totale avec la noirceur du récit.
Peut-on raisonnablement parler d’Heroic Fantasy en bande dessinée sans évoquer Lanfeust de Troy ? Non. D’abord parce qu’il s’agit d’un des plus grand succès de librairie, ensuite parce que ce succès s’accompagne d’une certaine qualité, enfin parce que cette série aura amené un nombre incroyable de jeunes lecteurs à s’intéresser de plus près à la BD.
Cette série fondatrice réunit tous les éléments que l’on peut attendre d’un récit de ce type : un groupe d’aventuriers aux caractères tranchés et dissonants, une quête dans un univers médiéval, des héros qui subissent de multiples épreuves, des bêtes sauvages et improbables, des méchants très... méchants, et bien sûr d’accortes donzelles pour égayer le paysage.
La recette est simple mais efficace : l’action, ponctuée de scènes humoristiques, se déroule sans véritable temps mort, et les dialogues foisonnent de jeux de mots. De quoi rappeler la véritable raison d’être de l’histoire : divertir ! Cet humour qui, il est vrai, n’est pas toujours des plus fins, naît surtout de la confrontation de personnages aux divergences plus que marquées. Abstraction faite de l’éternelle naïveté de Lanfeust, sur laquelle les auteurs ont tendance à trop s’appesantir, chacun tient bien son rôle, à commencer par le troll Hébus, véritable trouvaille d’une série qu’il semble parfois porter à lui seul.
Le dessin, en constante progression, accompagne agréablement cette série au ton léger.
Je ne sais trop que penser de cet album. Le dessin est surprenant, mais très bien. Et ça se lit tout seul. Je pense qu’il manque deux choses : un fil rouge plus tangible (on assiste plus à une succession de scènes qu’à une véritable histoire) et des personnages plus attachants (aucun ne reste vraiment en mémoire).
J’ai, de (très) loin, préféré Gisèle & Béatrice, plus rythmé.
Le type même de l’album « sympa », dans tout ce que ça peut impliquer de positif et de négatif. Une légèreté bienvenue au départ, mais qui donne finalement un album qui manque de caractère. C’est un peu paradoxal. Un peu comme si l’originalité et le décalage étaient de surface.
Même ressenti pour le dessin et les couleurs. Il y a du style, mais devant le manque de variation, j’ai fini par me lasser. Ça m’a un peu fait le même effet que « The time before » de Cyril Bonin : une patte singulière qui intrigue, mais une uniformité qui lasse.
Peut-être que l’album est tout simplement trop long, en fait. J’aurais bien vu un truc plus resserré, dont on aurait retranché tout ce qui a tendance à faire traîner les choses en longueur.
Ça reste globalement plaisant à lire, mais j’étais content aussi d’arriver au bout.
Assez déçu par cet album, pour ma part. Histoire certes bien racontée, mais sans réelle surprise dans le déroulement. Et surtout, un lien ténu avec Thorgal. J’entends par là que ça aurait très bien pu être une aventure de Tartempion, ça aurait été pareil.
En gros, vite lu,vite oublié. Reste de très beaux dessins.
Pour situer mon avis, j’ai découvert la série sur le tard, dans la bibliothèque d’un ami, à la sortie de « Moi, Jolan ». C’était sans doute trop tard pour être un fanatique de la série, mais j’ai tout de même un faible pour les premiers volumes. Raison pour laquelle je me suis laissé tenter par le Saga de Recht qui replonge dans cette époque-là.
Un mot sur le dessin d’abord, qui est superbe. Un trait qui rappelle celui de Rosinski, mais pas trop. Un bel hommage de l’auteur, qui n’en oublie pas son propre style. Les couleurs sont parfaites aussi, très bon boulot de Gaëtan Georges. Pour ce qui est de l’histoire, j’ai adoré le prologue et l’épilogue : ouverture intrigante et conclusion subtile. C’est sûrement dans ces deux passages, d’ailleurs, que Robin Recht s’approprie le mieux l’univers. Entre les deux, je l’ai senti un peu gêné aux entournures, comme si le fan qu’il est n’osait pas complètement se confronter au mythe. Le rythme perd clairement en intensité et il y a quelques longueurs.
Il n’empêche, l’ensemble est cohérent et plutôt bien mené. J’imagine que les vrais connaisseurs de Thorgal auront une vision plus affûtée que la mienne.
Un quai désert la nuit. Une voix nasillarde sortie de nulle part. Un bras énorme qui lui serre la gorge. Un passé pas vraiment oublié. Il se rappelle. Tout n'est pas fini. Ponce n'est pas mort. Tennessee n'a jamais oublié. Il va falloir régler tout ça. Alors il s'en va, loin, navigateur solitaire, comme toujours, vers un avenir qui se confond avec ce passé enfui. Que trouvera-t-il dans cette petite île, perdue dans l'océan ? Un vieux militaire pour qui le péril rouge n'est pas qu'un souvenir. Un médecin désabusé mais philosophe face au malheur. Un cultivateur cynique au jeu trouble. Un écrivain qui trouve l'inspiration où il peut. De vieilles connaissances partagées entre rancune et désillusion.
Un cadre qui a de la gueule, des personnages un peu fous, des dialogues de dingues, des textes somptueux. Tout est parfait. Tout. Et le dessin ? Quoi le dessin ? Peu engageant ? N'en pensez rien. Ne regardez pas. Lisez. Lisez et vous verrez : vous n'en voudrez pas d'autre. L'atmosphère sordide des bars. L'air empuanti des vieilles cases pourries. Les relents d'alcool qui vous prennent à la gorge. Le vent violent qui s'abat sur la côte. Le bruit des coups de feu. Le spectre de la guerre. L'amour déchiré, écoeuré, impossible. L'odeur de pisse qui croupit à fond de cale. Il y a tout cela dans le dessin. Alors ne regardez pas. Lisez. Plongez. Car passer une nuit chez Tennessee, c'est se perdre dans les profondeurs insondables de la misère humaine, où tout n'est que vains espoirs et regrets éternels.
Aude a vingt-deux ans, fait des études de philo, vit avec Etienne. Que dire d'autre ? Pas grand-chose, tant il est vrai que son existence, morne et sans relief, bien rangée, reste confinée au carcan imposé par une société bien-pensante. Un jour, pourtant, tout bascule : elle rencontre Corentin, un garçon de neuf ans qu’elle devra garder trois fois par semaine pour gagner un peu d’argent de poche. Dès le premier contact, l’enfant paraît étrange, à la fois renfermé sur lui-même et fascinant par sa faculté à en imposer aux autres, par son caractère déjà bien trempé. De fil en aiguille, Aude et Corentin vont se rapprocher l’un de l’autre, flirtant avec la morale, avec ce qui est juste, tout en sachant que les élans de la passion, malgré les subterfuges, finissent souvent par l’emporter.
Le roman de Bénédicte Heim, ici adapté par Edmond Baudoin, aborde ce qui demeure sans doute l’un des plus grands tabous de la société actuelle, soit l’amour et l’attirance physique entre un adulte et un enfant. Ce sujet, si délicat, est traité avec talent et a pour mérite de confronter le lecteur à ses propres certitudes. L’histoire d’Aude entraîne dans son sillage nombre de questions sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, sur les limites qui peuvent ou ne peuvent pas être repoussées. Bien sûr, il n’est pas question dans ce livre d’enlèvement ou de séquestration, ni de la moindre violence, si ce n’est le tourment infligé aux personnages du fait même de cette relation hors normes qui s’installe progressivement et dont les prémices, déjà, sont à même de provoquer des haut-le-cœur.
Si la pilule passe, et si le questionnement porte ses fruits amers, c’est à l’origine grâce au texte de l’auteure, qui développe un style échevelé et un rythme un peu fou, au diapason des sentiments qui affluent dans l’esprit des protagonistes et battent en brèche leur existence préalable. Baudoin réalise lui aussi un travail remarquable. Intelligemment, il préserve le texte de départ tout en le réécrivant lui-même sur ses planches, dans un mélange de calligraphie et de caractères d’imprimerie, de ratures qui témoignent d’un empressement à l’écriture et soulignent avec force les emportements du narrateur devant un récit si poignant. Le dessin en lui-même est admirable, à la fois doux et puissant, esquissant une réalité qu’à plusieurs reprises, on serait tenté de recouvrir d’un voile pudique.
Dérangeant, mais d’une beauté par instants envoûtante, ce livre n’est pas d’une lecture aisée, tant il contraint le lecteur à se poser des questions qu’il préférerait ne pas soulever. Entre malaise face à une impensable réalité et empathie pour des personnages amoureux, emportés par une histoire plus forte qu’eux, il est difficile de se positionner, preuve s’il en est que les auteurs, par un savant dosage d’émotions, ont réussi leur coup.
L’aventure, c’est ce que vivent par procuration tous les lecteurs du monde. Bien installés dans leur fauteuil, ils suivent leurs héros dans leurs péripéties, vibrent face au danger qui les guette et parfois versent une larme à leurs amours contrariées. Marcel est de ceux-là. Libraire, il vit entouré de livres et rêve de ces actes de bravoure qui restent pour lui autant d’idées proches et lointaines à la fois : proches parce qu’il s’y plonge avec délectation à chaque fois qu’il s’adonne à la lecture, lointaines parce qu’il sait que la réalité bien tangible d’une ville de Paris avare en surprises entretient entre lui et ses désirs de frissons une distance infranchissable. C’est compter sans Monelle, jeune femme de la nuit, et le Capitaine écarlate, qui portera la flibuste jusque dans les rues de la capitale.
Entre déchaînements de violence et trompeuse sérénité, meurtres sordides et emportements amoureux, Emmanuel Guibert aux pinceaux et David B. au scénario usent de magie pour faire cohabiter des personnages disparates, semant le trouble entre imagination et réalité. Parfois, l’absurde semble l’emporter, aidé par un humour pince-sans-rire et de bons mots savamment distillés. À d’autres moments, le tragique s’impose, à mesure que le réel reprend ses droits. L’ambiance qui en ressort prend aux tripes et illustre, d’un bout à l’autre de l’histoire, la lutte entre l’envie de profiter du spectacle et le besoin d’en découdre soi-même. Cette opposition entre acteur et spectateur sera constamment mise en exergue, avec au centre de l’attention ce moment où l’on passe de l’un à l’autre.
Loin d’être purement tourné vers l’action et les actes de piraterie, le récit se veut aussi une introspection pour chacun des protagonistes. Peu à peu, ils se livrent pour finalement se faire aimer, quelle que soit leur destinée, et peu importent leurs motivations. Pourtant, le texte n’est pas disert, tant les mots savent se faire rares pour laisser au formidable dessin le loisir de s’exprimer, aidé par une belle mise en couleurs exhalant un parfum de douce nostalgie. Chaque réplique est ainsi composée avec tant de justesse par un auteur maniant l’argot avec aisance que la fluidité jamais ne fait défaut. Subtilité, voilà le mot qui décrit avec exactitude l’impression laissée par ce récit d’une admirable sobriété.
Ruth, Sacha, Linda. Plus tout à fait des hommes, pas encore vraiment des femmes. Qui êtes-vous ? On vous nomme travelos, êtres de chair à consommer à l’arrière d’une voiture ou sous un pont, vites baisés et vite oubliés par des clients dont déjà le visage s’estompe. Antoine n’est pas de ceux-là. Pour un peu, il serait des vôtres, fuyant le souvenir d’une vie passée, d’une femme partie, d’une mère envolée. Comme vous, il est un vide, un gouffre. Ce n’est pas un travail de nuit qui l’éloigne de ses démons, lui qui arpente les rails de chemin de fer tel un funambule.
Vous vous rapprochez, comme des aimants. Le choc sera âpre entre deux mondes qui s’ignorent, se méconnaissent. L’apprivoisement, lent, se fera pour lui au prix de l’innocence, comme une tardive défloraison qui projette dans un univers inconnu celui qui aura franchi le pas. Pour vous, au contraire, c’est un retour en arrière, à une normalité qui vous échappait, à un rêve que vous pensiez inaccessible. Mais est-ce que cela change quelque chose ? Le ciel reste gris, l’ambiance pesante malgré ces instants de grâce qui font oublier les teintes fanées de l’existence.
« Qui suis-je ? » Eternelle question qui ne trouve aucune réponse. Pour vous, rien n’avance, à l’image d’une fin qui ne résout rien. Mais l’important est-il d’expliquer, de comprendre ? Non, il faut s’exposer, quitter l’ombre, faire entendre son cri et espérer que quelqu’un, quelque part, y répondra. Pour exister autrement qu’à travers un regard lourd d’une sordide lubricité.
« La première chose à savoir sur mon frère : il est mort le jour de son dixième anniversaire. Ce qu’il faut savoir de moi : je suis né neuf mois après. Maman dit que je suis revenu. Personne ne nous connaît mieux qu’elle. Peut-être a-t-elle raison. »
Dans un mois, Jakob aura dix ans, l’âge auquel son frère est décédé, percuté par un bus alors qu’il était à vélo. Du coup, il a peur que l’histoire se répète et qu’il connaisse bientôt le même sort. Sa mère porte bien sûr une part de responsabilité dans cette peur qui s’est installée en lui, elle qui inventa la fable du retour à la vie de l’enfant chéri pour se protéger du passé. Chaque jour, ce mensonge fait toutefois peser sur les épaules du jeune garçon un poids qu’il n’a jamais demandé à supporter : il veut être à la hauteur, ne surtout pas décevoir une telle attente. Il prend d’ailleurs des leçons de piano comme son frère avant lui, allant jusqu’à jouer et s’approprier les chansons écrites par cet autre Jakob qu’il ne connaît pas, mais qu’il côtoie dans ses rêves. Son identité en devient floue ; il ne sait pas très bien quelle part de son imaginaire lui appartient et quelle part lui provient de son frère. Entre les deux, il y a un partage qui tient du mystique. Sous-jacente, il y a aussi une sorte de facilité qui pointe le bout de son nez : marcher dans les pas de l’autre, suivre un chemin déjà tracé, du moins jusqu’à ses dix ans. Au-delà, c’est l’obscurité, l’inconnu, d’où la peur de ne pas survivre à la date fatidique.
Loin d’un professeur de piano qui voit dans les traits de Jakob ceux de son frère, loin d’une mère qui rejoue le drame en boucle et d’une école où il n’a jamais trouvé sa place, Jakob cherche une échappatoire auprès de son amie Miranda. Sa joie de vivre, les risques qu’elle prend, les petits dangers auxquels elle se confronte au quotidien… tout cela devrait permettre à Jakob d’enfin voler de ses propres ailes, de profiter de la vie. Une zone d’ombre reste néanmoins à explorer : celle entourant la disparition d’un père qui a pris la fuite pour tourner le dos à cette histoire de résurrection.
La confusion qui caractérise l’identité de Jakob est au centre du livre et le volet graphique se devait de la souligner. Avec un trait tantôt épais, tantôt très fin, Joanna Hellgren parvient à donner forme à cette indécision qui habite le personnage de Jakob. L’autrice compose ainsi de grandes fresques où les dessins ne prennent jamais le pas sur les mots, et inversement. Cet équilibre, fragile, est maintenu du début à la fin ; la calligraphie, soignée, confère au texte toute son importance. L’ensemble rend une impression de douceur et accorde une place prépondérante au vide, au blanc qui emplit les pages. Comme un écho à l’existence d’un petit garçon souvent ostracisé, partagé entre crainte et curiosité.
Très belle histoire qui aborde le thème de la perte de vision avec beaucoup de justesse (j’adore l’idée de la méduse !). Avec aussi une réflexion plus large sur la différence. J’ai bien aimé les textes « made in Québec ». Ça donne un petit côté exotique vu de chez nous, mais, en même temps, ça n’empêche pas d’adhérer à ce que Boum raconte.
Bonne pioche !
De l’auteur, je connaissais « Sans famille », belle adaptation destinée à la jeunesse. Le sujet est ici tout autre, avec une plongée dans le monde du handicap. L’entrée dans ce monde particulier est facilitée par le ton de l’histoire, qui reste le plus léger possible, et par un dessin tout en rondeur, accompagné d’une superbe mise en couleurs.
Le propos est intéressant et présente les personnes handicapées sous un jour bienveillant. À titre personnel, j’aurais probablement préféré que l’auteur s’attarde davantage sur les histoires personnelles des résidents que sur son ressenti, mais c’est un choix qui se respecte et qui a l’avantage de mettre le lecteur lambda dans la position qui est probablement la sienne, c’est-à-dire celle de quelqu’un dont le quotidien est à mille lieues de la réalité décrite.
Je déplore un peu certains lieux communs dans les textes (genre « donner de l’amour à ceux qui n’en ont pas »), mais bon, le piège du pathos est au fond plutôt bien évité.
J’ai relu cet album et je l’ai apprécié davantage qu’à la sortie. Je suppose qu’à l’époque, j’avais été déçu par le peu de suspense du récit, mais je le vois maintenant comme une belle description, assez fine, du quotidien d’une personne déficiente visuelle.
Il est probable que mon propre handicap visuel m’ait entre-temps ouvert les yeux sur un sujet qui m’était totalement étranger à ma première lecture. Pour la fameuse scène de l’ascenseur, j’ai fait le test chez moi et je vous assure que, quand on est dérangé dans sa routine, la perturbation est telle qu’on en oublie tous ses repères. Quant au fait de ne pas reconnaître la voix de quelqu’un, même d’un proche, je vous assure que ça n’a rien d’étonnant et que ça m’arrive fréquemment. Surtout quand je ne m’attends pas à rencontrer cette personne dans un contexte particulier, ce qui est clairement le cas ici.
J’ai particulièrement apprécié le rythme lent du récit, inhérent à la vie de toute personne aveugle ou malvoyante, et la mise en couleurs qui peut paraître terne, mais qui, à mon avis, reflète assez bien la sensation de perte de vue.
Tout cela ne fait évidemment pas un chef d’oeuvre de cet album, on est bien d’accord ;-)
Très jolie histoire, pétillante et pleine de vie. Le dessin est frais et léger, la couleur lumineuse… Tout cela donne une belle ambiance, un peu acidulée mais pas trop (très belle séquence à la fête foraine !). Il y a aussi de chouettes trouvailles graphiques qui permettent de se mettre à la place de Marie-josé. Et c’est fort bien raconté, en plus : ça se lit tout seul et les textes sont soignés.
Le seul bémol viendra peut-être d’une certaine inégalité dans la justesse des dialogues. Alors que la plupart sonnent très juste, d’autres me paraissent un peu trop… comment dire ? Grandiloquents ? Ampoulés ? Solennels ?
Au final, une lecture pleine d’espoir et de positivisme qui fait du bien.
Jan Vern est pilote. Au cours d’un vol, il voit le ciel et les étoiles s’éteindre pour faire place au néant. Puis, c’est la chute. Il se retrouve dans un monde étrange, qui répond à ses propres lois et fait furieusement penser aux vieilles légendes populaires qui, sur Terre, avaient été reléguées au rang d’histoires folkloriques. Comment se faire une place dans cet autre monde, dont l’existence semble par ailleurs menacée ?
D’un graphisme qui confère à cet étrange univers les atours d’un conte ancien, cette série illustrée par Florence Magnin mène le lecteur dans une aventure qui pourrait paraître loufoque si le scénariste, Rodolphe, ne parvenait pas à rendre le suspense si intense, malgré un rythme posé qui permet d’installer les décors et personnages. Les auteurs offrent en deux tomes seulement une histoire très dense que parsèment des trouvailles graphiques et scénaristiques intéressantes. Original mais cohérent, audacieux mais toujours maîtrisé, le récit se goûte avec plaisir.
Je viens de lire l'arc de Warren Ellis et je reste un peu sur ma faim. Rien à redire au niveau du dessin, mais j'ai trouvé que les scénarios étaient peu nuancés et peu variés. En gros, y a des envahisseurs et faut les repousser, ça tourne à la grosse fight et puis voilà. J'aurais aimé un background plus travaillé et surtout plus de continuité entre les différents chapitres. Bon, il n'empêche que ça se lit fort bien, mais on est dans le gros pop-corn bien gras, je trouve. Et même en le considérant comme ça, je trouve que ça manque un peu de panache. A choisir, j'aurais préféré qu'il aille carrément dans l'outrance. Je vais enchaîner avec le run de Millar, en espérant quelque chose de plus puissant.
Pendant toute la lecture, je me suis demandé ce qu'on me racontait comme histoire et surtout pourquoi on avait jugé bon de me la raconter. Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, en tout cas. Au final, je n'en retiens pas grand-chose, hormis les très belles ambiances graphiques de Manuele Fior.
Je suis passé complètement à côté de cet album qui envoie le fils de Dieu sur Terre pour qu'il se révèle à nouveau aux hommes, tandis que les peuples vivent plus que jamais dans la désolation. L'idée de départ est intéressante, mais ça tombe assez rapidement à plat. En cause, des textes qui ne "sonnent" pas très juste et une surenchère dans l'image excessivement subversive de Jésus, ici dans la peau d'un homme obèse, aveugle pour avoir désobéi à son père, et drogué pour oublier la douleur.
Enfin lu le T4 après m'être enquillé les trois premiers, histoire de bien tout saisir. Et mes aïeux, quelle déception ! Tout ça pour ça, vraiment ? On nous saborde une super histoire de pirates pour nous servir un délire mystico-religieux à peine crédible qui vient bousiller tout ce qui avait été fait avant ? Ben m*** alors... Et en plus, le dessin de Lauffray est pas au top. Ca en jette, mais c'est de l'esbrouffe. Narration mal fichue, ça ne s'enchaîne plus aussi bien. Un peu pompeux, assez laborieux. Une fin en roue libre, quoi.
Magnifiques dessins signés Dethorey, avec une mise en couleur directe qui rend bien le climat chaud et l'ambiance parfois très confinée qui règne dans l'album. Le scénario est assez classique avec cette histoire d'un Allemand qui revient en France après la guerre et fait face à la fois aux rancoeurs des villageois et à ses propres souvenirs déchirants. Malgré tout, le ton reste enlevé, et les personnages ne sont pas trop caricaturaux, comme on aurait pu le craindre. Un récit court, mais très fort. À lire.
Pas convaincu par cet album de Marvano, qui m'a paru bancal dans sa construction. Les personnages aussi manquent de consistance. Reste la beauté du dessin, très classe, très élégant, mais c'est un peu court pour faire de l'album un indispensable.
Ca faisait longtemps que je voulais lire cette série, qui n'est plus éditée depuis un moment. Au final, je suis plutôt déçu. Le dessin a fort vieilli et semble peu maîtrisé, avec une mise en couleurs brouillonne et qui manque de finesse. L'histoire est un peu foutraque aussi, avec ce mélange qui ne prend jamais entre science-fiction et Heroic Fantasy.
Beaucoup de belles ambiances et de beaux mots dans cette histoire au long cours. Après lecture, des couleurs restent en mémoire. L'élégance du trait aussi. Et des sonorités, comme quelque chose de mélodieux qu'on aime garder dans un coin de sa mémoire.
Le dessin de Will est charmant et les différentes histoires très légères. Sans être indispensable, l'album est plutôt amusant : on y trouve une fantaisie qui m'a beaucoup plu.
Stassen est un auteur que je connais finalement assez peu, en dehors du Bar du vieux français. Le trait est ici plus fin et je dois dire que j'aime beaucoup le rendu ; il y a une sorte de fragilité, de côté enfantin, malgré un propos très dur. Tous les personnages sont perdus et se rattachent à des rêves, des obsessions, entre deux coups plus ou moins foireux pour tenter de se faire un peu de blé. Il y a comme une chape de plomb dans leur vie, quelque chose qui les maintient au sol, les empêche de vraiment aspirer à autre chose. Tout cela, Stassen le fait passer de façon très sobre, tout en suggestion, et c'est particulièrement efficace et poignant.
J'ai acheté cet album pour le dessin parce que j'ai quelques bons souvenirs de livres signés par le sieur Beuzelin, et je n'ai pas été déçu à ce niveau-là : c'est noir comme il faut, la référence à Mézières est diffuse mais bien présente, et en même temps on retrouve le trait habituel du dessinateur. Par contre, concernant l'histoire, je suis déçu : l'enquête n'a rien de particulièrement prenant et, alors que le cadre futuriste devait donner au bouquin un surplus d'originalité, il est en fait à peine esquissé et m'a laissé sur ma faim. J'aurais aimé en savoir plus sur ce monde-là, au-delà du système des cartons de couleur auquel le titre fait référence.
Une histoire du duo Giroud/Lax que je n'avais jamais lue, la seule d'ailleurs ! Et c'est très bon. Le scénario est très carré, avec cette enquête qui mène un journaliste sur le déclin jusqu'à Saïgon. En toile de fond, secrets enfouis depuis la guerre, questions d'honneur, de mémoire et de justice. En avant-plan, des personnages fantastiques, complexes, très bien campés, le tout raconté par des auteurs qui savent prendre leur temps. Les paysages sont superbes et les textes bien écrits, dans un style un peu suranné qui donne tout son charme au récit. Le décalage entre une apparence par endroits très lumineuse et une histoire triste permet de ne pas rendre l'ensemble misérabiliste. Magnifique osmose entre les deux auteurs.
Difficile d'entrer dans ce livre, et pourtant j'y ai trouvé mon compte. Au-delà de l'aspect délirant, il y a une vraie structure. Et puis des personnages truculents, sensibles, qui se dégagent d'un univers délirant. Ca parle de relation compliquée, d'espionnage, d'attirance, d'hommes et de femmes, d'un pachyderme qui est l'élément déclencheur, de rêves à vivre ou à laisser mourir, le tout sur fond d'enquête ubuesque dans un hôpital pas comme les autres. Classique dans la forme et original dans le fond, l'album est finalement assez cohérent. Vrai plaisir de lecture en ce qui me concerne.
Un livre bizarre. La couverture est assez moche, mais les planches plutôt belles. L'ensemble est très froid, dans des tons de bleu, mais il y a un vrai charme, une vraie atmosphère. L'immersion est immédiate, en tout cas, avec le paysage de glace qui s'impose tout de suite et ouvre les portes d'un univers miroir, reflet d'une théorie audacieuse d'un savant que nombre de personnes tiennent pour un fou. C'est aussi une histoire d'amour, une rencontre improbable au beau milieu d'une expédition complètement folle, et pourtant assez calme au niveau du rythme. Comme si tout était... gelé ! Je suis sorti circonspect de ma lecture, mais séduit par le ton. Une curiosité à lire si l'occasion se présente, je dirais.
Première série de Milhiet que je lis et j'en suis plutôt satisfait, même si la fin donne l'impression d'être un peu précipitée. Pour le reste, la galerie de freaks est très bien pensée, rappelant - en moins torturé quand même - ce qu'Andreas a pu faire dans un tome de sa série Arq. Il y a un côté western décalé, avec une violence qui est bien présente malgré un certain humour, voire une certaine légèreté. C'est un bel équilibre, je trouve. Et le deuxième tome referme toutes les portes qui avaient été ouvertes, avec une fin qui rend l'ensemble cohérent et n'hésite pas à être cruelle envers les personnages. De la bonne BD mainsteam, qui parvient à être originale tout en restant d'une parfaite lisibilité. L'auteur fait des choix pas si évidents.
D'ordinaire, je suis assez fan de ce que fait Jean-Luc Cornette, mais là, franchement, j'ai du mal à voir où il a voulu en venir. L'histoire est un mélange assez indigeste de bluette d'adolescente, de secrets inavoués dans un bled perdu et d'un brin de fantastique qui paraît hors de propos. Et impossible d'accrocher aux personnages, sans âme. Le dessin est aussi très bizarre, très flou, avec des couleurs très flash qui n'ont aucune finesse. Bref, je n'en retire rien de vraiment intéressant. Les ficelles sont un peu grosses, en plus, et les réactions des personnages peu naturelles. Il y a bien mieux à découvrir dans la bibliographie du scénariste.
J'avais beaucoup aimé la mise en place dans le premier tome, avec un univers délirant et absurde dans lequel sont subitement plongés les personnages. J'ai moins accroché à la suite. En fait, ce n'est pas moins bon, mais ça tourne un peu en rond. J'ai l'impression que pas grand-chose n'a changé sur les trois tomes, on a juste découvert plein de personnages déjantés, un monde de fous rempli de bonnes idées mais de façon un peu foutraque. La série étant avortée, on ne saura sans doute jamais si le dernier tome aurait apporté une vraie cohérence à l'ensemble, mais là, devant le manque d'explications, je reste clairement sur ma faim. J'ai un peu le sentiment que l'originalité est outrancière et de surface.
C'est une lecture bizarre. Je dirais qu'il faut se laisser porter par le dessin, par l'ambiance, parce que ça compte finalement plus que l'histoire racontée. Ca parle de sentiments amoureux, d'espoirs et de regrets, de peurs face à un monde qui change très vite... mais finalement repose toujours sur la même chose, les liens entre les personnes, la fascination de l'inconnu. Il y a quelque chose de très poétique, rêvé, dans le dessin, très doux, et dans les personnages, désemparés. Avec tout juste ce qu'il faut de tendresse. Parfois, quand même, il y a des longueurs, on ne comprend pas tout immédiatement, le rythme se brise un peu, mais il y a toujours une belle unité graphique qui permet de passer outre les obstacles. Voilà, lecture bizarre, donc. Il y a tout ce qu'il faut pour que j'aime, mais je suis tout de même resté un peu "à la porte", sans trop savoir expliquer pourquoi. Peut-être aurais-je malgré tout préféré quelque chose d'un rien plus structuré, mais il faut dire que l'auteur bouleverse nos habitudes, mélange les genres. J'y retournerai.
Ca se lit bien malgré une mise en place un peu laborieuse par endroits et le cliffhanger est efficace. Disons qu'on voit quelques ficelles un peu grosses, mais que ça passe bien à cause de la tension réelle qu'il y a dans l'histoire et d'une certaine montée en puissance jusqu'à la dernière page qui porte pas mal de promesses pour la suite. Faudra assurer derrière !
J'aime bien le côté absurde, qui part dans tous les sens. Et puis les personnages sont aussi loufoques que les situations. Le problème, c'est que j'ai pensé tout au long de ma lecture qu'il manquait un petit truc pour que ce soit vraiment bien. Un peu plus de rigueur, peut-être. Mais c'est une curiosité que je suis content d'avoir découverte.
Plutôt anecdotique dans la collaboration entre Yoann et Omond, cet album. Disons que c'est un peu foutraque, ça part dans tous les sens, les petites histoires s'enchaînent et on ne sait pas trop où on va. À lire d'une traite, c'est assez indigeste. À petites doses, ça peut plaire aux fans du genre : il faut aimer le mélange d'humour un peu lourd, de sexe soft et d'aventure futurodébile.
L'histoire n'est pas à proprement parler originale, mais elle se déroule naturellement et est bien racontée. Surtout, le scénario de Lapière convient à merveille au dessin d'Aude Samama : beaucoup de couleurs contrastées, beaucoup de sentiments, un rythme lent qui s'accorde très bien avec le côté à la fois figé et plein de fureur retenue du dessin. Il y a une tension continue, diffuse, comme si tout n'attendait qu'une étincelle pour éclater. Et puis il y a les personnages d'Hélène et Amato qui s'esquissent petit à petit et font naître des émotions contradictoires.
Un premier cycle on ne peut plus classique, mais d'une belle constance tout au long des quatre tomes (dans la qualité du dessin, notamment). Pour le reste, je dirais que l'ensemble se lit très bien malgré des récitatifs que je trouve personnellement un peu trop présents. Point positif, le scénariste n'hésite pas à malmener ses personnages sans pour autant en faire de trop. Le tout reste cohérent et crédible. Oui, il y a l'envie de lire la suite, même si je n'éprouve aucune hâte à le faire.
Certaines choses m'ont plu. Il y a des répliques bien senties, des découpages subtils et un dessin qui fonctionne très bien, ce qui fait que je suis arrivé au bout sans m'ennuyer.
Par contre, j'ai trouvé l'ensemble très vain, avec un côté très artificiel dans la façon dont l'histoire est racontée (routes qui se croisent, personnages récurrents, etc.). C'est pour moi un exercice de style réussi, mais je me pose encore maintenant la question de son intérêt. Et il y a une complaisance dans le misérable qui me gène, comme s'il fallait absolument mettre le plus de freaks au mètre carré sans que ce ne soit fondé ou vraiment utile. Quitte à faire dans l'outrancier, je préfère la démarche d'un Mattotti dans Stigmates, que je trouve beaucoup plus équilibré.
Je viens de lire cet album. Même s'il n'y a pas de texte, je pense qu'on peut parler de lecture. Nicolas Presl joue avec les codes de la bande dessinée et tout est d'une fluidité parfaite, avec une histoire parfaitement compréhensible. Le propos est nuancé et fait appel à de nombreuses émotions, tant le dessin est vivant et porteur de sens. Et esthétique, aussi. Pas réaliste, dans le sens où les choses et les êtres sont souvent déformés, mais il y a une patte, un style, et rien n'est vain dans la façon détournée de représenter le réel. Il y a parfois un petit air de Vanoli, surtout dans les visages.
L'histoire en elle-même est abracadabrante, mais on y croit, parce que l'auteur sait jouer avec nos émotions et susciter l'empathie. Il aborde habilement le thème de la différence, du regard de l'autre, de la déchirure héritée de parents eux-mêmes peu épargnés par les aléas de la vie.
Une autre conception de la bande dessinée. Une prouesse graphique et narrative, doublée d'un récit émouvant. À découvrir.
Je suis assez surpris des éloges reçus par cet album, que je trouve raté.
Le dessin et la mise en couleurs sont conformes à ce qu'on peut attendre de l'auteur, mais son scénario est tellement manichéen qu'il en perd toute crédibilité. Les gentils d'un côté, les méchants de l'autre, l'ONU qui s'en lave les mains et au milieu l'opinion publique malléable à souhait. Il est vrai que le monde entier est peuplé d'imbéciles, c'est bien connu.
Bref, aucune finesse dans le traitement du sujet... et une fiction maladroite collée par-dessus, qui n'a rien d'original ni de passionnant. Sans compter que les personnages de cet album-prétexte ne sont que des coquilles vides.
Vraiment pas ce qu'Hermann a fait de mieux, donc.
Ce livre est un contre-pied. À quoi ? À l’image d’Épinal qu’on associe généralement à la Sérénissime : beauté, rêve, romantisme… et vogue la gondole ! Ici, point de tout cela. Paolo Bacilieri dresse le portrait peu flatteur, mais tout de même attendri, d’une ville où la décadence a droit de cité. Les quatre personnages principaux incarnent la désillusion ambiante, entre usines mal en point et jeunes désœuvrés, mœurs dissolues et vieux désabusés.
Seule la couverture se pare de couleurs. Par ailleurs, le noir et blanc prévaut, judicieusement, pour ternir l’éclat d’une carte postale que l’auteur présente comme mensongère. C’est le choc entre deux mondes qu’il met en exergue, touristes d’un côté et résidents de l’autre, usant de procédés narratifs audacieux. Sans cesse, le lecteur est pris à rebrousse-poil, tandis que les dessins se succèdent. Sont-ils beaux ? Voilà bien une question sans réponse, tant ils questionnent notre rapport à l’esthétisme. Ils sont porteurs d’un message, instaurent une atmosphère revêche, difficile à appréhender, mais se jouent des canons de la beauté. En même temps qu’une réflexion sur l’homme, Bacilieri s’interroge – et nous entraîne à sa suite – sur l’art, la création, la représentation du monde.
En tout cas, le réalisme est poussé jusqu’à son degré le plus cru. Certaines scènes, sans être gratuites, au contraire, peuvent heurter. Les corps s’offrent tels qu’ils sont, sans pudeur, sans volonté de la part de l’artiste d’embellir la réalité. Les gestes, parfois obscènes, ne sont jamais masqués, tandis que la folie qui parfois s’empare des personnages est révélée avec force et détermination jusque dans ses effets les plus dévastateurs. L’ensemble reste cohérent, c’est une certitude, quoique les chemins empruntés puissent paraître ardus.
En définitive, l’album ne se laisse pas facilement pénétrer : il rebute, s’impose en bloc, mais offre une expérience de lecture très marquante, voire dérangeante par instants. La démarche est admirable et la réussite totale, qu’on se le dise.
C’est un soir d’hiver que Clown trouva Zoé. Il l’adopta.
L’introduction est avare de mots et la suite l’est tout autant. D’ailleurs, l’histoire a déjà été racontée mille fois : l’amour entre un père et sa fille, mis à mal par la cruauté du monde. Peu d’originalité à rechercher dans le fond. Ici, l’art est dans la manière ; beaucoup de choses passent par le dessin et les couleurs, par des compositions silencieuses qui en disent plus que de longues tirades enflammées. Les personnages vivent, s’attachent à vous par de petits gestes, des impressions fugaces, des regards qui font mouche.
Un beau récit, tout en simplicité, porté par des ambiances envoûtantes.
Mattotti est surtout connu pour ses couleurs flamboyantes. Il surprend ici par un dessin en noir et blanc, fait de traits d'une extrême violence. Il faut dire que de violence, il en est question dans cette histoire d'un simple quidam, loin d'être un saint, qui se réveille un beau matin avec des stigmates.
Plutôt que de chercher des explications rationnelles, mieux vaut se laisser porter par l'atmosphère qui se dégage du récit et en vient à malmener le lecteur autant que les personnages. Une oeuvre majeure d'un auteur majeur.
Saisissant, cet album. C'est le moins que l'on puisse dire. Introspectif, aussi, tant le personnage principal s'adresse plus à lui-même qu'au lecteur, quitte à le perdre en cours de route. L'ambiance, évidemment, est hors du commun : hyper réaliste, sombre à souhait, oscillant entre le noir, le gris et le blanc, dans une ambiance terne que viennent relever des teintes rouges, explosions de sang sur les planches.
À lire, pour les curieux. Sans garantie d'accrocher à ce que les auteurs proposent, cela va de soi.
Le dessin de Mattotti a quelque chose d'hypnotique : couleurs flamboyantes, formes abstraites, stylisation extrême. De ce point de vue, jamais album n'a aussi bien porté son nom, tant il brille de mille feux.
Pourtant, Feux n'est pas qu'une oeuvre graphique : c'est aussi un récit où une prose de qualité donne à connaître les tourments d'un personnage, militaire dévié de sa trajectoire froide et rectiligne par une nature qui s'impose à lui. Aussi tourmenté que le dessin, le propos invite à la perdition plus qu'à un voyage d'agrément.
L'expérience est déstabilisante, comme souvent avec cet auteur, mais vaut clairement la peine d'être vécue.
Ambiance grise et dessin un peu crade pour ce polar en milieu urbain. Tout cela colle très bien aux textes, bien écrits, qui nous font partager les pensées d'un homme perdu dans ce milieu qui le dépasse, entre truands dont il ne croisera la route que par un malheureux hasard.
Cet album est de ceux qui s'apprivoisent, dont le fond et la forme peuvent rebuter de prime abord avant que l'ambiance ne s'installe, ne happe le lecteur vers un monde qui, bien que rugueux, finit par le passionner.
Un album très particulier, qui vaut surtout pour son ambiance. Dans le fond, c'est une simple histoire de meurtres en série dans une contrée reculée. La particularité vient d'une narration qui entretient le mystère par de nombreuses ellipses et des révélations qui se concentrent à la fin, de manière quelque peu abrupte. Si on ressent le côté décalé des personnages et des situations, le dénouement a quelque chose d'assez frustrant : manque d'explications, sûrement, et peut-être aussi une fin qui n'est pas à la hauteur de la tension distillée par les auteurs grâce à un rythme lent mais saccadé, une façon fort morcelée de raconter l'histoire.
Le texte off m'a pris par la main dès le début et je n'ai pas lâché le fil une seconde. Impression assez rare de vraiment plonger dans une ambiance, sans chercher à comprendre, sans rien attendre, juste laisser les mots couler et les scènes s'enchaîner jusqu'à ce que la fin me ramène à ma réalité. Le dessin est là pour aider à s'immerger dans l'univers de Bézian, évidemment, tout comme le mystère dont il entoure son personnage.
Admirable réflexion sur l'enfance, le temps qui passe, comme pour faire le point, se confronter à soi-même et à sa propre folie, pour la caser quelque part, la maîtriser, avant d'aller de l'avant, de célébrer son retour dans la normalité, celle qui permet de vivre avec les autres et avec soi-même.
J'ai eu une première réaction de rejet, avec une certaine difficulté à me plonger dedans. Puis j'y suis retourné, pour finalement être assez bluffé par la démarche de l'auteur, ou en tout cas ce que je pense en avoir saisi.
D'une certaine façon, on est entraîné dans le même monde que les personnages et on ressent ce qu'ils ressentent... l'ennui y compris. Si c'est voulu, c'est plutôt culotté. Sinon, disons que je m'en suis accommodé et que j'ai vu derrière les effets déployés - couleurs ternes, répétitions, attente interminable, règlements poussés jusqu'à l'absurde - un reflet d'une réalité que je connais bien pour prendre le train tous les jours pour aller bosser. Finalement, ce n'est qu'une projection, et la déformation par rapport à une réalité qui touche parfois elle-même à l'absurde est en fait assez fine. Les petits détails à première vue anodins, comme les pictogrammes qui parsèment les planches pour illustrer tout et n'importe quoi, ou les gens qui font semblant de se rencontrer alors qu'ils se voient tous les jours, ne sont pas totalement étrangers à une certaine routine qu'on peut observer "en vrai".
Bref, tout ça pour dire que je ne sais pas si j'ai aimé l'album - peut-on parler d'aimer quelque chose d'aussi revêche ? - mais je suis content de l'avoir lu, parce que la démarche interpelle, comme le propos. Parfois trop proche de Beckett, peut-être ? Je ne sais pas trop, l'idée est là, mais la réalisation est autre !
Alors qu'Andreas est plus connu pour ses univers complexes qui s'étalent sur un grand nombre d'albums, il offre avec Coutoo une merveille de concision, un one-shot très bien calibré.
Une enquête policière mâtinée de fantastique absolument indispensable, où Andreas, sans renoncer à son goût pour le fantastique, s'inscrit dans un monde réel fait de violence. Le dessin est carré, et le découpage subtil porte la signature de l'auteur.
Sûrement l'album d'Andreas que j'ai le moins aimé, alors que j'adore cet auteur. Le graphisme est intéressant, tout en couleurs directes, mais le déroulement de l'histoire m'a paru inutilement compliqué. Difficile de s'y retrouver entre les différentes trames narratives, les différents personnages, les différentes destinées, même si, j'en conviens, la personnalité de certains d'entre les protagonistes m'a plu. Mais je dirais qu'Andreas veut faire trop compliqué, alors que le récit aurait pu être beaucoup plus simple, et que cette complexité - contrairement à ce qu'on observe dans d'autres de ses albums - paraît inutile.
Ceux qui souhaitent découvrir l'incroyable univers d'Andreas seront donc inspirés de commencer par autre chose que ce "Aztèques" assez décevant.
Le dessin de Calvez m'a semblé bien meilleur que dans ses précédents albums (Jour J, par exemple) et parfaitement adapté au ton et au décor de l'histoire. Puis, le scénario, avec des références à Molière, mais qui vit sa propre vie, avec des textes de qualité, aussi. Bref, un récit riche et intelligent, mais aussi extrêmement divertissant, avec des personnages récupérés de l'Histoire et de Molière, mais que Fred Duval reprend à son compte, pour les mettre au service de ce qu'il veut raconter, c'est-à-dire, en fin de compte, une enquête passionnante dans un cadre historique.
Les débuts de la série m'avaient enthousiasmé, avec un univers original et des personnages intéressants, mais je retrouve ici une simple histoire d'espionnage dans un décor futuriste qui n'est pas vraiment exploité. Reste un récit pas déplaisant, mais sans grande originalité. Et un dessin du même acabit : efficace, mais sans véritable relief. J'avais - de loin - préféré le travail de Vastra sur Eclipse, dont le T3 est visuellement très bon. Ici, ça me semble un peu plus fade.
Bref, une série qui démarrait fort, mais qui ne décolle pas vraiment. J'avais fait le rapprochement avec l'univers Travis/Carmen de Fred Duval à la sortie du premier. Pour le moment, Spyder, malgré de bonnes choses, ne tient pas la comparaison.
Et là je ne peux m'empêcher d'être déçu. Pas forcément au niveau de l'histoire qui suit son cours et reste agréable malgré certaines redites et tout de même un léger essouflement. Surtout au niveau du dessin en fait, j'ai trouvé le trait de Gine moins précis et les couleurs trop criardes (alors qu'il n'y a pas de changement de coloriste, bizarre).
C'est la première série de Gine que je lis. J'avais déjà jeté un oeil à ses dessins mais je ne m'y étais pas vraiment penché avec attention. Ce que je peux dire, c'est que j'ai rarement vu de dessin aussi particulier. Difficile de savoir quoi en dire mais ça me plait vraiment. Avec une préférence pour certains paysages qui sont sublimes.
Au niveau du scénario, c'est aussi très bon. Même si les auteurs s'obstinent à rappeler l'intrigue principale à chaque début de tome et que c'est un peu lassant. A part ça, on se laisse vraiment prendre par le récit. Dommage aussi que le deuxième cycle n'ait jamais été clôturé : il y a comme un goût d'inachevé, même si le premier cycle peut se lire indépendamment.
Le dessin de Crisse est très bien dans son genre et convient bien à une série de pur divertissement telle qu'Atalante. Dommage que le scénario traîne un peu un longueur et ne finisse par lasser. J'ai pour ma part renoncé à poursuivre cette série.
Dessin toujours impeccable de la part de Bengal : trait épuré et rendu parfait du mouvement, couleurs subtiles et ambiance dont je ne me lasse pas. Au niveau du scénario, j'ai préféré la seconde partie de l'album, qui apporte son lot de révélations et de retournements de situations, à une première partie qui fonctionne en déroulé, d'une manière plaisante mais un peu répétitive. Le cliffhanger final rend en tout cas impatient de découvrir le dénouement de la série, qui restera quoi qu'il advienne une série de qualité au ton très original. A découvrir si ce n'est déjà fait.
Lecture agréable en ce qui me concerne. Dessin sans surprise mais parfaitement maîtrisé de Berthet, qui mêle habilement le côté rétro d'un Pin-up avec le côté futuriste d'un Yoni. Scénario hyper-huilé de Duval, rien à redire, en attendant que les personnages gagnent un peu en épaisseur.
Un T2 dans la lignée du premier. Dessin réaliste très correct et histoire fort bien tournée. L'impression tout de même que les auteurs ont dû forcer pour tout faire tenir en un album, même avec une pagination plus importante que pour le premier tome, et que certains raccourcis sont empruntés. Pour le reste, on retrouve le cocktail action-technologie des débuts, toujours aussi efficace, avec un brin d'humour et des personnages intéressants. Bref, une fin un peu précipitée mais une série qui tient ses promesses après une longue attente depuis le T1..
Ce tome de Kookaburra Universe est pour moi le moins bon de la série. Le dessin est correct, mais j'ai trouvé la couverture meilleure que le contenu de l'album. Pas de reproche particulier à formuler, si ce n'est que j'aurais aimé voir Alliel se démarquer plus du style typiquement Soleil. En gros, ça manque un peu d'originalité, mais ça n'empêche pas de se plonger dans la lecture. Je serai même attentif aux prochaines parutions de ce dessinateur que je ne connaissais pas pour voir son évolution.
Par contre, je n'ai pas trouvé grand-chose à sauver dans le scénario. Comme souvent chez Mitric, les quelques bonnes idées sont gâchées par une maladresse évidente dans la façon de raconter l'histoire : retournements et révélations mal amenés, personnages sans aucune consistance, dialogues sans caractère, romance sans intérêt... Je dois dire que l'ennui s'est très vite installé et que je suis allé au bout de l'album dans l'espoir d'un final surprenant, qui ferait un pied de nez aux clichés accumulés au cours du récit... mais il n'est pas venu. Peut-être suis-je tout simplement réfractaire à la façon qu'a Mitric de raconter ses histoires, mais celle-ci, comme toutes celles que j'ai lues avant, n'a pas trouvé grâce à mes yeux.
C'est quand même le troisième tome d'affilée qui ne me convainc pas plus que ça, alors que la série, à partir du T2, m'avait réservé de bonnes surprises. J'espère que le prochain (sur un scénario de Louis, si je ne m'abuse) redressera la barre.
Je n'ai pas ressenti à la lecture de Rébétiko le choc éprouvé par certains, mais je suis ressorti satisfait de ma lecture. L'album présente une culture peu connue, et le mode de vie qui va avec, dans un style très contemplatif, avec quelques mouvements plus violents qui viennent s'incruster quand les "hors-la-loi" doivent s'enfuit en courant devant la police. Les personnages sont complexes, attachants, et leur pays dépeint avec talent par David Prudhomme. Le dessin est très particulier, avec une colorisation qui donne une véritable ambiance à l'album. Quelques scènes qui se jouent dans des bars sont superbes, lorsque les artistes jouent et le public se met à danser. Leur passion est communicative. Beaucoup de qualités pour cet album, donc, qui m'aura toutefois laissé un léger goût de trop peu que je ne m'explique pas.
C'est une oeuvre assez impressionnante que réalise Winshluss avec son Pinocchio, difficile d'accès, certes, mais d'une rare qualité. Ce qui marque en premier lieu, c'est la diversité graphique : l'auteur passe d'un style à un autre selon les pans de l'histoire qu'il raconte, et à chaque fois le style choisi correspond à merveille au personnage sur lequel le récit se concentre. Il faut dire que ça part dans tous les sens et, à chaque instant, on a peur que ça dérape, que l'ensemble perde en cohérence. Or ce n'est jamais le cas, et le livre se referme après avoir apporté une réponse à toutes les questions et clôturé toutes les histoires parallèles. De ce point de vue, la construction est parfaite. Pour le reste, l'adaptation de l'histoire de Pinocchio est vraiment très très libre, et c'est tout l'intérêt. Certains passages peuvent paraître dérangeants, avec la volonté de l'auteur de détourner certains mythes, mais rien n'est jamais gratuit. En fin de compte, un album véritablement indispensable dont le succès critique est loin d'être usurpé.
La suite est moins enthousiasmante, mais reste tout à fait lisible. Dommage que le dessin soit moins fouillé et que le scénario, délaissant quelque peu le côté très décalé du premier tome, se concentre sur un humour qui lasse petit à petit. La série s'est arrêtée prématurément et ne laissera pas d'éternels regrets, d'autant que le T1 se suffit à lui-même.
Un premier tome fort agréable, avec un Cromwell assez inspiré au dessin. Une ambiance de western un peu décalé, des personnages forts en gueule, des rebondissements en veux-tu en voilà... tout cela se lit très bien. A noter que le premier tome peut se lire indépendamment, et il vaut franchement le détour. Un bon mélange entre aventure et humour, servi par des personnages accrocheurs.