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J'aime Stéphane Levallois depuis son tout premier livre: Noé, étrange odyssée muette et hypnotique dans un désert; Depuis, je reste fascibé pae son trait si particulier. Son dessin est toujours d'une justesse impeccable et d'une lisibilité parfaite. Il se prête cette fois à la figure imposée du musée. Depuis les débuts de la nouvelle mouture de Futuropolis il existe un partenariat avec le Louvre et depuis peu Orsay visant à la création de bandes dessinées utilisant le musée et ses collections. Se sont prêtés à l'exercice des auteurs aussi variés que de Crécy, MA Mathieu, Davodeau, Catherine Meurisse (son excellent Moderne Olympia)... Levallois pose donc ses pinceaux au musée d'Orsay et propose une fantaisie débridée. Les personnages féminins des toiles d'Orsay ont disparues. Il se lance dans une poursuite échevelée pour les retrouvre. Il est épaulé par Goethe et Dante et croise en chemin oeuvres et artistes.
Exercice de style qui implique de multiplier les références, les allusions et les clins d'oeil sans perdre le fil de sa narration. En optant pour la fantasie, Levallois se facilite la tâche et déroule un train onirique dans lequel il peut invoquer qui il veut, d'un compartiment à l'autre. Reste que le propos reste bien léger. NOus sommes loin de l'irrévérence joyeuse de Catherine Meurisse ou des questionnements de Loo Hui Phang & Dupuy (l'inégal mais passionnant Art du Chevalement qui entrecroisait monde des mines avec celui de l'art au Louvre Lens) ou de Nicoals de Crécy (la prospective poético-burlesque de Période Glaciaire).
Stéphane Levallois s'est amusé et compose pour la première fois en couleur. Le résultat est plaisant mais loin d'être inoubliable.
oeuvre charnière entre "L'An 01: on s'arrête, on réfléchit et c'est pas triste" et "Lettres aux survivants", ce livre illustre d'une certaine manière la perte de l'innocence.
L'An 01, c'était l'utopie poétique de quelque chose à faire ensemble: un livre, un film, une révolution... Dans le sillage des espoirs soulevés par mai 68,; Gébé rêvait qu'un autre monde était naturellement possible
Lettres aux Survivants, c'est le constat amer qu'il faudrait un cataclysme pour espérer que les choses, les gens puissent peut-être changer.
Le titre "Tout s'allume" laisse présager un livre positif, celui d'une prise de conscience. C'est bien de cela qu'il est question. Sur un mode de narration mixte, entre bande dessinée classique, collages "multi-sensoriel", textes et illustrations, Gébé signe un feuilleton dans lequel des camions sillonnent la France pour proposer une prise de conscience à qui le veut. Qui contrôle ces camions et dans quel but ? Une étrange association, la FACSU, dont on ne sait ce qu'elle représente ni qui la finance, intrigue et inquiète les autorités, qui ne reculent devant rien pour les arrêter.
"Tout s'allume" est un livre étrange et presque dérangeant parce qu'il cultive une ambiguïté très désabusée. En décrivant l'avènement d'un groupe de cerveaux évolués (ceux qui ont reçu cette "prise de conscience") qui revendique ouvertement une émancipation de la société des cerveaux primitifs, Gébé semble poser un constat d'échec.
Cette illumination n'est plus une prise de conscience collective, née d'un simple pas de côté et qui fait boule de neige au sein d'une population qui aspire qu'au changement. Au contraire, elle relève d'une procédure pseudo-scientifique qui peut évoquer un lavage de cerveau, délivrée dans des camions bardés d'électronique et affrétés par une association obscure. On pourrait penser à certaines méthodes de la scientologie.
Si les arguments avancés par les "évolués" pour se démarquer semble positifs, il est difficile de ne pas y déceler une nouvelle élite désireuse de faire cessetion. La belle utopie de la pleine conscience prend un arrière-goût un peu rance.
Et pourtant, la prise de conscience est séduisante. L'idée des "évolués" qui disséminent des cassettes dans les villes pour expliquer et convaincre les "primitifs" est belle. Certaines revendications sont très avant-gardistes.
EN fait, "Tout s'allume" me semble être le livre d'un équilibre instable.
Gébé se rend compte que les idéaux de l'An 01 ne se concrétiseront jamais. Il observe certaines tendances de la société et se demande vers quoi cela pourrait évoluer. En refermant le livre, on ne sait pas franchement si cette révolution "scientifique" (par opposition à celle,naturelle, de l'An 01) est positive ou négative. Gébé continue de fustiger le système en place, qu'il juge sclérosé et obsolète. Mais il ne semble plus convaincu que l'alternative sera meilleure.
Lettres aux Survivants semble apporter une réponse claire. Gébé perd ses illusions, jusqu'à finalement imaginer un monde totalement déshumanisé: un âge de fer, à la fois rétrograde et résolument moderne.