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Les avis de - MRANN

Visualiser les 20 avis postés dans la bedetheque
    MRANN Le 07/10/2024 à 08:32:32

    Enfin ! Mandryka - qui doit le Concombre au Copirit - l'appelait de ss voeux depuis des décennies, et ne l'aura donc jamais vu. Il faut dire que publier en album une série de quelques planches c'est risqué, et de fait c'est forcément vite lu. Il reste que les choix d'édition sont malins (à l'italienne, dans un beau format permettant de plonger dans les planches tout en lisant confortablement contrairement à des éditions patrimoniales impraticables), la préface est courte mais pose les enjeux, le fait d'avoir ajouter quelques reproductions de planches originales ajoute un contenu intéressant, sans en faire trop. On y trouve aussi une courte biblio et quelques dessins du Copirit dans d'autres contextes qui viennent nourrir l'ensemble patrimonial.
    Le Copirit (dont l'orthographe change sans cesse) est une série de gags sur les chapeaux de roues, où l'on sent toute l'influence du strip américain et de Segar. On se rappelle que Forest était un bédéphile érudit, lecteur de Fiction (ou se créa le premier club de BD) et présent dès la création de Giff Wiff. Cela se ressent dans cette bande dessinée qui n'a pourtant rien de théorique, mais s'ancra dans un humour absurde clairement nourri des états-unis. Le Copirit sort ce qu'il veut de sa poche et martyrise un pauvre chasseur-cowboy, en simili western du désert, avant de se projeter dans une maison de banlieu en venant parasiter le family strip.
    C'est agréable de lire le Copirit sur papier, dans une belle édition, on se laisse emporter, on sourit, on admire la vitalité graphique et on regrette que ce soit fini... tout en se rappelant que la quantité ne fait pas la qualité !

    MRANN Le 23/09/2024 à 17:00:11
    La véritable histoire du Far West - Tome 6 - Calamity Jane

    Lorsque l’on ouvre cet album promettant la « véritable histoire du Far -west », on s’attend à une biographie détaillée et chronologique de Martha Jane Cannary, figure majeure dont il est difficile de décrypter la part de réel et de légende. En faisant débuter son récit en 1876, les deux autrices ont un tout autre projet : c’est une « Calimity Jane » déjà bien installée qui nous est présentée, naviguant entre l’héroïque et le crépusculaire.

    Arrivée à Deadwood en 1876 – elle est alors à la moitié de sa vie –, elle y roule des mécaniques, lutte pour sa place et raconte sa légende. Celle qui avait produit de son vivant un prospectus fantasmatique sur ses exploits raconte est présentée à la fois comme respectée et pas vraiment crue, détestée par certains, mais faisant partie du folklore. Toujours, malgré tout d’abord du côté des filles de mauvaises vies et des moins que rien. Le récit s’entrecoupe parfois de séquence au style de vieux comics de gare, où soudain la légende revient, bien plus proche de ce qu’on imagine à propos de cette figure dont on sait si peu. Un jeu de style où Gaëlle Hersent, dont le style est d’un réalisme classique, s’avère habile, capable de rupture nette entre les univers et rendant un bel hommage aux Dime novels, ces romans à quelques sous où les mythes se construisent.

    L’album navigue entre une Martha alcoolique et mythomane et le visage d’une femme qui a dû se construire dans la douleur d’un monde hostile à son genre, en ayant toujours su in fine de quel côté se ranger. Si elle gêne la bonne société, ce n’est pas tant pour sa possible grossièreté que parce qu’elle ose défier un monde d’hommes – en se déguisant pour aller dans l’armée, en maniant les armes et en allant dans les saloons. Dans les jeux narratifs, qui dessinent aussi de belles loyautés, on découvre une femme droite, qui défend l’humain dans sa globalité – allant jusqu’aux noirs et aux Amérindiens, pas si communs à l’époque –, assurément féministe même elle n’utilisait pas ce terme, tout en étant prête à sauver celles et ceux qui l’ont rejeté.

    Si cela n’en fait pas une bonne chrétienne (quoique…), c’est assurément une figure subtile et profonde, habilement racontée, dans un ouvrage qui réussit à remporter le pari du récit historique sans trop de lourdeur pédagogique. Le dossier historique qui le complète, signé par l’historien spécialiste de l’histoire des États-Unis Farid Ameur, vient d’ailleurs bien en dialogue avec la bande dessinée, éclairant des passages obscurs, venant confronter les récits d’une femme qui, quels que soient les mensonges, méritait clairement d’être une légende.

    MRANN Le 09/05/2024 à 19:56:29

    Les guides pratiques en bande dessinée ont leur utilité, mais ne sont pas franchement des objets intéressants, au mieux y trouve-t-on parfois des signatures d’auteurices qui nous intéressent, souvent au début de leur carrière, et on s’amuse de découvrir ce travail de commande. Cela fait faisait dix ans que Tournevis, dernière BD d'Olive Booger, était sortie (il avait publié un petit carnet entre les deux, récit blues sympathique) et il semblait s'être éloigné de la bande dessinée. Et voilà qu'il semble pourtant avoir eu un tout autre projet que de s'arrêter en dressant dans son guide de « curiosités » le portrait un peu tordu de onze lieux, monuments et musées franciliens. Des lieux sulfureux, des petits musées privés, institutionnels parfois, qui recèlent leurs lots de bizarreries réjouissantes.

    Le modèle est toujours le même, peut-être un peu trop systématique, car parfois un peu court : 3 pages dans lequel, sans jamais être présent à l’image, Olive se promène dans un de ces lieux et évoque notamment quelques objets : la tombe d’un chien de (très) riche, un étrange pose allumettes grotesque au méconnu « Musée du fumeur », des bouts de très grande Histoire qui se mêlent à l’absurde, comme cette étoile zazou qui devient un geste de solidarité presque involontaire et forcément touchant.

    La majorité du texte est non dialogué, donnant à l’ensemble un goût de BD documentaire à l’ancienne, mais empreint de la modernité d’un trait matinée d’underground américain et d’un ton plus lâche et assumant une profonde subjectivité (pourquoi ce truc-là l’intéresse plutôt qu’un autre ? Mystère). Un mélange qui donne un résultat toujours un peu intrigant, on ressent le plaisir de son dessin de trognes tordues et d’objets bizarres, et réussi à nous redonner le goût de la bande dessinée documentaire.

    Le pari est cependant complexe : les habitués des « Guides en BD » seront sans doute effrayés par le dessin, les habitués de BD alternative n’y verront qu’une BD didactique de plus. Ce serait vraiment dommage et il faut saluer Alain Beaulet, l’éditeur qui a eu le courage de publier ce qui est assurément un OVNI, qui mérite l’attention ne serait que pour ce jeu avec les étiquettes. Une vraie curiosité en somme, la douzième de l’ouvrage ?

    MRANN Le 15/06/2023 à 11:40:39

    Léo Louis-Honoré, cofondateur des éditions Les Machines, est un des meilleurs auteurs humoristiques de sa génération. Il nous avait déjà séduits avec Lisa de la NASA, et voici qu’il revient cette fois avec un album jeunesse parfaitement réussi. Il n’est pas surprenant de voir Louis-Honoré dans ce registre, c’est un pilier de la revue Biscoto, auquel il participe sans discontinuer depuis le n° 31 (octobre 2015, et il y était apparu ponctuellement avant). Défenseur d’un humour de situation qui rebondit tous azimuts, il propose ici un recueil de plusieurs histoires parues dans le journal, agrémentées de récits inédits et d’une trame principale faisant le lien entre toutes.

    Nous y suivons deux sœurs qui veulent partir en vacances avec leurs mamans mais, pas de chance, elles sont particulièrement occupées cet été-là. Ces dernières proposent alors à leurs filles, moyennement motivées, de partir faire un grand tour de la famille. Et de la famille, il y en a, et aux quatre coins du monde : après être allé voir papi Bouteille en Écosse, elles iront embrasser différents parents en Russie, en Égypte, en Alaska… du désert glacé aux mers de sable, en finissant au milieu de l’océan. Si cette famille fragmentée est déjà bien atypique, ce n’est pas la seule chose étrange. Entre les étonnants animaux semblant doués de raison et les aliens, les deux sœurs s’interrogent, mais continuent leur aventure à toute berzingue!

    Si certains récits fonctionnent mieux que d’autres, on est admiratif de la manière dont le lien créé entre eux n’a rien d’artificiel: tout retombe de manière étonnante à la fin, jusqu’à un épisode bonus qu’on aurait pu penser créé pour ça (et pourtant publié de manière autonome dans le journal). Très drôles, les rebondissements apportent leur lot de rires, mais amènent aussi de véritables questionnements. L’enfant qui lira cela s’amusera tout en tentant de trouver la réponse à ces mystères… on lui souhaite bonne chance, car ça n’a rien d’évident !

    Pour ne rien gâter, le trait de l’auteur est parfaitement adapté, mêlant une certaine tradition de la rondeur et des aplats de couleurs à un univers nettement plus contemporain. Une rupture subtile, un peu à la manière dont des modèles familiaux différents sont exposés, sans doctrine mais comme une évidence, tout simplement parce qu’ils existent. Une autre raison de noter ce livre comme un indispensable.

    MRANN Le 20/05/2023 à 20:17:55
    Kim (collection) - Tome 2 - Anti Reflux

    David Amram a sorti le premier numéro de son fanzine Anti-Reflux il y a cinq ans, seul un autre a vu le jour, et des récits sont apparus dans Nicole, revue de Cornélius, laissant espérer que cet auteur frappant par son mélange de toon et de mélancolie puisse y être publié.

    C'est avec un comix, le format culte des années 90 qui fut le coeur battant de la maison d'édition, que ce souhait est exaucé. Dans la nouvelle collection KIM, l'éditeur mêle Burns, Micol et un jeune auteur, belle occasion de mettre en lumière son travail, alors qu'il est si dur de se frayer un chemin en librairie (surtout avec des livres fins).

    Les 32 pages du comix sont toutes des perles, des gardes laissant la parole aux complaintes d'un distributeur de savon dépressif à la quatrième de couverture, magnifique dessin assurément lunaire, où un animal anthropomorphe fou fait rouler un astre dubitatif au dessus d'une citation toute aussi chancelante que notre Sisyphe.

    Le reste est à l'avenant : trois courts récits (de une, deux et trois pages, comme ça tout le monde est content) encadrent "Pan Pan", morceau central de la livraison. Dans cette histoire, un jeune homme aux longues oreilles tombantes (mais à la face assez humaine, c'est la seule histoire où les personnages ne sont pas clairement animaliers) va rendre visite à sa mère (clairement humaine, elle), après un longue route muette - mais aux roues de valisettes bruyante - dans une ville délabrée. Désespéré par son environnement - de la saleté aux coups de feu - il tente de la convaincre de déménager, que ce soit par la douceur ou la menace, et affronte un mur désarçonnant de déni ou de délire. De quoi faire ressentir un assez profond malaise, alors que le dessin pouvait presque paraître jovial (mais nous ne sommes pas trompé longtemps).

    A la fin de l'histoire, une petite page sur un escargot se remémorant ses doux souvenir. Une de mes pages préférées ou, après une séquence qui est quasi classable dans le réalisme social (malgré le dessin), on croit un instant aller ailleurs. Et on y va un peu, mais toujours bien ancré dans cette vague doucereuse.

    Une vraie réussite, on espère qu'il y aura un numéro deux, quelques autres, pourquoi pas un gros livres ? Mais peut-être l'auteur a-t-il besoin de ces mini séquences pour rythmer sa création, c'est en tous cas tout l'intérêt de cette collection qui peut donner un espaces ni trop ambitieux, ni noyé dans un collectif, à des jeunes créateurs.

    Il a fallu attendre cinq ans pour voir enfin ce fanzineux dans les bacs des libraires, une grosse pression, et il s'avère que ça valait le coup.

    MRANN Le 10/04/2017 à 18:43:42

    Alessandro Pignocchi, chercheur en sciences cognitives et en philosophie de l'art, spécialiste d'ornithologie, a depuis longtemps travaillé sur les indiens Jivaros Achuar, au cœur de l'Amazonie. Après un premier livre où il racontait son séjour parmi eux, qui se voulait plus le récit d'une confrontation d'un parisien à une vie totalement différente qu'un récit anthropologique, il publie ce Petit traité d’écologie sauvage, reprenant plusieurs bandes de son blog.

    Loin de toute volonté universitaire ou de reportage, il nous expédie dans un futur proche où le monde entier aurait soudain décidé d'adopter la vision animiste des Jivaros. Dès lors les animaux et les plantes accèdent aux statuts d'êtres vivants et les conflits changent totalement d'ordre. Le Parlement Européen se terrifie de ses votes passés, les dirigeants tentent tant bien que mal de fuir ou de démissionné mais son forcés par leurs peuples à rester à leur place : un Hollande dépité tente tant bien que mal de démissionner pour son premier ministre, réincarné en concombre de mer...

    Parmi plusieurs réjouissance, une longue partie est consacré à des saynètes ou un chercheur indiens tente de comprendre, avec une approche regard anthropologique, les us et coutumes baroques d'une des dernières peuplades de citadins fréquentant un bar PMU. Le récit de ses observations et ses conclusions, toutes marquées par le plaquage par le chercheur de ses propres visions du monde et complètement décalées avec la réalité, forme un réjouissant miroir des défauts que peut avoir ce types de recherches...

    Avec sa connaissance très fine et de la recherche comme des sociétés entrant en collision, Pignocchi porte un regard très amusé sur la société contemporaine sans jamais verser dans un quelconque pittoresque. Ce jeu sur le type de récit, accentué par l'effet "carnet de voyage aquarellé" du dessin et l'humour constant, fonctionne à merveille et donne une bande dessinée politique bien plus originale que beaucoup d'ouvrages affirmant l'être.

    MRANN Le 05/05/2015 à 00:15:36
    Powerduck - Tome 1 - La genèse

    Dans l'univers des personnages de Disney, il existe des variations super-héroïques. C'est Super Dingo, son pyjama et ses cacahuètes, ou Fantomiald, qui serait plus traditionnel si l'on oubliait l'épouvantable caractère de Donald, son alter-ego. En 1996, dans la pure tradition du genre, ce dernier a été reloaded, et devient Powerduck.

    Dans un Donaldville plus futuriste (devenu Ducksburg) et avec un graphisme beaucoup plus proche du comics, Donald se retrouve affublé d'un bouclier magique par un étrange hologramme venu de l'espace et devient un « Gardien », chargé de protéger la Terre des menaces. Ici les terribles Évroniens, extra-terrestres se nourrissant des émotions des êtres vivants.

    Même sans être conservateur, il y a de quoi être dubitatif dans cette version qui n'a pas grand-chose à voir avec l'original (et dont le pitch ressemble sacrément à du Green Lantern). Donald a beau garder un peu d'humour, son mauvais caractère et sa légendaire malchance, le tout est un peu trop sérieux et plein de gadgets. Un peu loin d'une certaine magie propre à éveiller l'imaginaire.

    Pourtant, une fois habitué à une froideur apparente liée à ce monde robotique, on se prend finalement au jeu. Cette genèse n'est peut-être pas d'une folle originalité mais le scénario efficace est servi par d'assez belles planches aux constructions dynamiques et unies par une véritable cohérence graphique, chose rare dans un produit de studio.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:56:04

    Depuis quelques années, Maurice Tillieux revient en force dans les librairies. Après des intégrales Gil Jourdan de grande qualité, les éditions Dupuis ont décidé de reprendre les mêmes recettes pour une série mineure : César et Ernestine. On y retrouve le même principe de maquette très élégante choisi pour les séries patrimoniales, une préface de José-Louis Bocquet qui confirme ici sa connaissance de l’œuvre de Tillieux, et une publication chronologique et exhaustive de la série. L'éditeur a fait le choix d'un seul gros volume réunissant tous les gags, une idée sans doute mue par le potentiel commercial relativement limité mais qui est loin d'être un mauvais choix. Le pavé se savoure de toute manière en grappillant, comme tout recueil de gags, et ce côté mastodonte lui donne un aspect sympathique et appétissant.

    César et Ernestine est une série de gags familiaux, et à ce titre l’œuvre la plus grand public de son auteur. Pourtant elle est dévolue à rester dans l'ombre de Gil Jourdan. C'est normal puisque, malgré le nombre de planches qu'elle représente, la série n'a pas la force des longs récits de Tillieux. En outre, s'il fait ici preuve d'un vrai talent de professionnel du gag, il n'y innove pas comme il le fera dans le champ de l'aventure humoristique.

    Et pourtant, César n'est pas n'importe quelle série familiale. À la différence d'un Boule et Bill, il n'y a pas ici de belle petite famille. Si César élève bien deux enfants, ce sont ceux de ses voisins, qu'il surveille à longueur de temps, va chercher à l'école, garde, etc. Mettre en scène un homme mûr célibataire n'était pas fréquent, et des parents aussi négligents que les parents d'Ernest et Ernestine – le père est pourtant policier et à ce titre garant d'une certaine morale – non plus. Ajoutez à cela que César est dessinateur de Bandes Dessinées et c'en est fini de la bienséance ! N’exagérons rien, et même avec cette lecture et quelques gags plus aiguisés que la plupart de ceux de ses collègues, César et Ernestine n'a rien d'une série subversive. Mais elle fait montre du talent multiple d'un dessinateur se considérant comme un artisan, capable d'aligner chaque semaine un grand nombre de gags sans jamais les rater. Comme il le disait lui même, parfois le métier supplée aux idées, et quand cela arrive on constate qu'il s'agit de quelqu'un qui en maîtrise toutes les ficelles.

    Tout César est une lecture bienvenue, toujours agréable, et pour tout public. Malheureusement la méconnaissance de la série – due plus à son inscription dans un style classique, sans chercher à le rénover, qu'à une qualité défaillante – risque d'en réserver la lecture à quelques connaisseurs. L'objet est là, il manquait, tâchons désormais de le faire découvrir et de l'empêcher de s'enfermer dans un destin le privant de son public naturel : monsieur tout le monde et ses enfants.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:52:13

    La période Nic & Cauvin est unanimement décriée comme étant la pire de l'histoire de Spirou. De manière générale, on n’en parle d'ailleurs pas, comme une parenthèse à oublier. Cette intégrale apparaît donc comme un objet étrange, un passage obligé que personne n'attendait avant de passer aux intégrales Tome & Janry. Bizarrement, voir ainsi ce vilain petit canard tenter d'exister rend d’emblée le volume sympathique.

    C'est d'ailleurs l'optique qui semble choisie dans le très bon appareil rédactionnel. Ici pas d'éloge d'un quelconque ouvrage fondamental, ou d'un travail de génie, mais une tentative d’explication. On découvre ainsi que personne n'avait souhaité reprendre le flambeau après le limogeage indélicat de Fournier. C'est ainsi que les éditions Dupuis vont chercher Nic Broca, animateur reconnu mais novice en BD, qui accepte sans imaginer l'ire qu'il va déclencher. De fait, si l'on a envie de pardonner au dessinateur qui ne méritait sans doute pas d'être autant conspué – voire insulté par la profession même, chose à laquelle il n'était pas préparé – la lecture de ses Spirou ne donne pas pour autant envie de le réhabiliter. Le dessin est rigide, les expressions mornes, et on sent que, malgré toute sa bonne volonté, il ne possède pas les codes du médium. Non pas qu'il soit totalement dénué de talent, mais faire ses premières armes sur une série légendaire était simplement suicidaire.

    Pour ne pas l'aider, les scénarios de De Kuyssche (alors rédacteur en chef de Spirou) sont franchement insipides. Cauvin fait ensuite un peu mieux, mais il est engoncé dans une charte stupide. Il leur était, en effet, interdit de reprendre quoi que ce soit de l'ancien univers : seuls devaient se retrouver Spirou, Spip et Fantasio... Adieu Zorglub, Champignac, turbotraction... Dans ces conditions, il ne peut réellement décoller. Assez vite il va s'enfoncer dans des aventures poussives aux running-gags lourdingues (la voisine commère...) malgré quelques bonnes idées.

    Cette reprise aux intrigues enfantines, volontairement expurgée de toute référence franquinienne, est là encore une commande de Dupuis, qui souhaitait simplifier la série sur tous les plans afin de permettre une éventuelle adaptation animée. Parallèlement à elle, deux autres Spirou apparaissent sporadiquement dans le magazine. Celui d'Yves Chaland, qui marquera les mémoires par sa maestria, et celui d'un duo dont les histoires courtes reçoivent le soutien unanime des lecteurs : les jeunes Tome & Janry, alors assistants de Dupa et qui rêvent d'autre chose que de Cubitus. Les dés sont pipés depuis le début puisque contrairement à Cauvin et Nic, ce duo a toute liberté pour utiliser les anciens marqueurs de la série, et s'en donne à cœur joie. Derrière eux, on peut lire des luttes entre les différents responsables éditoriaux, qui avançaient chacun leurs auteurs comme des pions utiles à leurs stratégies.

    Tout ce travail de contextualisation réalisé par les éditions Dupuis ne rend pas les albums meilleurs, mais permet de comprendre un peu mieux ce qui a pu amener à ce que Groensteen appellera à juste titre un « ratage programmé ».

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:50:50

    Joseph vient de s’installer à Brooklyn avec sa femme et son fils. Réalisateur d’un talk-show animalier curieux mais au succès modeste, il fait des petits boulots pour joindre les deux bouts. Et voici qu’un jour la routine déraille : Joseph est enlevé et est entraîné sur Governor Island par d’ex-stars de séries télé américaines désormais oubliées. Mystérieusement préservées des ravages du temps, elles souhaitent désormais que cette jeunesse éternelle serve à quelque chose et veulent revenir sous les feux de la rampe. Denise du Cosby Show, Judy de Friends, Brenda de Beverly Hills… Toutes n’attendent qu’une chose : que Joseph, qui a passé toute son enfance à les regarder, réalise le film qui les fera rayonner à nouveau.

    Auteur en 2008 du beau mais discret La Marée Haute (6 pieds sous terre), puis du magnifique fanzine Love Machine (autoédition, 2010), Anthony Huchette transforme ici l’essai avec un ouvrage où sa subtile narration fait merveille. Passé maître dans l’art du récit-croisé, il entremêle des morceaux de tournages de talk-shows, de bouts de vie intime (que l’on devine autofictionnelle), de récits d’aventures liés au kidnapping… Le tout dans une ambiance qui transpire l’amour d’une certaine télévision désuète mais pleine de charme : des séries ringardes aux superbes animations des frères Fleisher.

    Si l’influence graphique de Blutch, avec qui Huchette a travaillé sur l’animation de Peur(s) du noir, est encore présente, notamment dans certains passages où Joseph est entouré de toutes ces femmes longilignes, il s’en émancipe peu à peu. On est particulièrement emporté par les moments de talk-shows en roue libre et par des répliques ciselées, portées par un graphisme animalier très évocateur. Les séquences familiales, plus proches du croquis, sont également des respirations toujours adéquates.

    Loin de se limiter à son argument de base, qui n’est qu’un prétexte pour parler de l’anxiété du passage à l’âge adulte et à la « responsabilité » d’un jeune père, Brooklyn Quesadillas va dans de nombreuses directions et surprend par une inventivité qu’on ne soupçonne pas au premier abord. Peut-être pas encore le grand-œuvre de son auteur, mais on s’en approche.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:50:34
    Pepito (Cornélius) - Tome 1 - Volume 1

    Longtemps annoncée, longtemps repoussée, la réédition de Pepito ressemblait un peu à l’un de ces serpents de mer dont l'édition a le secret. Jean-Louis Gauthey, éternel amoureux du travail de Bottaro, en parlait déjà dans une interview, en l’an 2000… Une telle attente est facteur de risque : la déception face à un livre ne méritant pas tout ce suspense est si vite arrivée.

    Ce suspense, je ne le ferai pas durer plus longtemps : le livre est magnifique. Bel ouvrage relié, à la maquette élégante, il réunit dix histoires impeccablement reproduites, en noir et blanc, trichromie ou couleur. Le soin apporté aux planches est un vrai bonheur pour les yeux et le talent de Bottaro, au trait plein de clarté et de rondeur, s'étale sans retenue.

    Les nostalgiques ayant lu Pepito dans leur enfance le redécouvriront donc dans les meilleures conditions. Ceux qui ne le connaissaient que vaguement n'ont plus d'excuses et se doivent de découvrir les aventures drolatiques de ce petit Corsaire malicieux affrontant sans cesse le grotesque gouverneur de Las Bananas. Si les récits, parfois écris avec la collaboration de Carlo Chendi, sont assez classiques dans l'ensemble, on est très vite séduit par leur rythme impeccable et la force des rebondissements. Bottaro use parfois d'une belle liberté de ton, n'hésitant pas plonger dans un humour absurde, ou à remettre en question de manière frontale l'autorité. Des qualités assez rares dans des publications jeunesse ouvertement destinées à la grande consommation.

    L'ouvrage comporte également une longue préface de David Amram, qui tient d'ailleurs plus de la postface critique que de l'introduction. Elle apporte une lecture théorique riche, parfois un peu aride, mais plusieurs idées intéressantes sont lancées. On s'y interroge notamment sur l'usage abondant du déguisement et de la cacherie dans Pepito, et l'on apprendra beaucoup sur le possible questionnement de Bottaro sur le statut d'auteur.

    Difficile donc de ne pas être séduit par un ouvrage qui tient ses promesses et permettra de combler tous les lecteurs. Concurrent sérieux au Fauve du Patrimoine 2013, ce travail de haute voltige n'amène qu'un regret : Bottaro, disparu en 2006, n'aura pas eu l'occasion de voir ce bel hommage.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:50:06

    Tout commence par un simple cafard, un petit cafard que Mana Neyestani dessine un jour, dans une rubrique pour enfants, sans penser que, par ce dessin innocent, il allait voir sa vie bouleversée. Mal interprété, diffusé avec un faux texte, son dessin servira à attiser la haine des Turcs iraniens et ira jusqu’à provoquer des émeutes réprimées sévèrement. Neyestani, lui, est vu comme un fauteur de troubles et jeté dans les geôles de la prison d’Evin. D’où la métamorphose du titre, qui fait passer l’auteur d’un état d’homme relativement heureux, malgré le lourd climat de la dictature, à celui de paria condamné, spolié, et contraint à la fuite. De fait, si le clin d’oeil à la Métamorphose de Kafka est affirmé, c’est plutôt avec Le Procès qu’il faudrait établir un parallèle. Les deux livres montrent la même absurdité : celle de l’innocent en cellule qui doit répondre d’actes inconnus, celle des jugements abscons et d’une justice qui se nie elle-même.

    Mana Neyestani est un important dessinateur de presse iranien, mais pas un grand dessinateur de bande dessinée, car son trait a des failles perceptibles. Pourtant, on ne peut décrocher le regard à la lecture de ce témoignage édifiant. Pyongyang avait scotché des milliers de lecteurs en donnant une vision pourtant toute extérieure et assez tranquille d’un des régimes les plus fermés du monde. Ici, c’est tout autre chose puisque nous suivons un prisonnier du régime jusque dans les salles de tortures. Est-ce alors sombrer dans le voyeurisme ? La limite est toujours floue dans les récits de témoignages, et l’auteur sait parfaitement éviter cela. Si tout ce qui lui arrive est totalement sidérant, il ne cherche pas à se plaindre ni à attirer la compassion mais à montrer l’impunité incroyable de ce pays où faire un dessin humoristique sans aucune visée politique peut vous mener en prison.

    À la suite d’un périple rocambolesque, Mana Neyestani a réussi à fuir l’Iran et s’est installé à Paris grâce à un programme de soutien à la liberté d’expression. Il y a onze ans, Marjane Satrapi nous racontait l’Iran de sa jeunesse et son glissement progressif vers le totalitarisme. Dans Une métamorphose iranienne, l’auteur transcrit l’Iran d’aujourd’hui et sa tragique évolution, avec l’énergie folle de sa liberté retrouvée. Une prise de parole rare et nécessaire qui se doit d’être saisie par tous.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:49:40
    CE (Roosevelt) - Tome 5 - La reine de cœur

    Voici presque dix ans que José Roosevelt a fait le choix de s'occuper lui-même de l’édition de ses travaux. S’il l’a d'abord fait en parallèle avec ses publications à La Boîte à bulle (souvent en co-édition avec son label), il est maintenant seul pour éditer ses albums. Sans doute peut-on voir là le choix d'un auteur à l'univers marqué, qui souhaitait pouvoir publier ses livres comme il les imaginait. Le résultat ? De magnifiques albums souples dans un grand format, au plus proche du travail du dessinateur.
    En effet, ici c'est le dessin qui frappe en premier. Mis en valeur par la reproduction majestueuse et la simple taille de l'objet, il happe aussitôt, et plonge le lecteur dans le monde de Roosevelt, emprunt de surréalisme et d'amour du beau trait. Roosevelt est un auteur intéressant en ce qu'il prouve que l'on peut faire une bande dessinée alternative avec un univers fantastique et un dessin répondant aux critères académiques, tant que l'on utilise ce talent pour faire des choses qui, elles, n'ont rien d'académiques. Car si le dessin est magnifique, ce sont avant tout les scénarios complexes et admirablement construits, ainsi que la cohérence globale de l'univers créé qui retiennent l'attention.

    CE est le grand œuvre de José Roosevelt, ce cinquième volume sera suivi de huit autres, au rythme d'un par an. Autant dire qu'il est encore impossible de juger l'ensemble, mais on en a assez pour se forger une idée de ce qui est en train de se construire. Difficile à résumer, disons que l'on suit un personnage identique mais semblant avoir deux passés et espaces différents (selon les volumes). L'une de ces incarnation a réussi à s'enfuir d'un univers hyper-médicalisé accompagné d'une sorte de prototype de femme, qui a oubliée son existence biologique jusqu'à ne plus savoir comment se nourrir ou utiliser ses organes, à qui il va petit à petit réapprendre l'humanité. L'autre incarnation est un immortel, sorte de « grand technicien » d'une administration futuriste, qui a la particularité d'être le seul d'entre tous à rêver. Perturbé par cette chose étrange qui le poursuit, il s'enfoncera dans les bas-fonds de la ville-mère qu'il servait jusqu'alors, accédant ainsi dans une Cité secrète ouverte à l'art, au subconscient et à l'altérité.

    Le tome 5 suit la seconde incarnation dans sa découverte de la Cité souterraine et de sa reine, Victoria, avec laquelle il ressent tant d'affinités. Si l'on regrette la typographie qui casse un peu le dessin, mais à le mérite d'être sobre, et les envolées littéraires parfois laborieuses ou trop pleines de références, on ne peut cependant qu'admirer l'intégrité et la qualité de ce travail, qui se digère finalement assez bien. Un monde se créé sous nos yeux et tient la distance, sans être la copie d'un énième blockbuster. Au contraire, c'est quelque chose de totalement neuf qui pousse là, sous le regard bienveillant du dessinateur-scénariste-éditeur démiurge. Un tout-puissant de génie existe bien dans le monde de Ce, il s'appelle José Roosevelt et ses créatures ont bien de la chance.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:49:12

    Sous-titré « Un roman d’apprentissage », le nouveau livre d’Aurélia Aurita confirme le talent de la dessinatrice, et démontre encore qu’il est bien difficile de l’enfermer dans une case. Révélée par Fraise et Chocolat, sulfureux livre sur sa vie sexuelle et amoureuse, elle a ensuite prouvé sa subtilité avec l’excellent Buzz moi, sur la gestion d’un succès inattendu et les approximations journalistiques, ou encore avec Vivi des Vosges, belle fiction sur une enfant sauvage.

    Dans LAP !, elle revient à la première personne en retournant, avec douleur, sur les bancs de l’école. Le LAP, c’est le Lycée Autogéré de Paris, une institution publique où les cours ne sont pas obligatoires, où il n’y a pas de notes, où le bac n’est pas une finalité en soi, mais où les élèves se fixent des objectifs à tenir et participent au ménage et à la cuisine.

    Aurélia Aurita va fréquenter ce lycée durant un an, jusqu’à se fondre dans les murs (lire son interview ici). Interrogeant professeurs et élèves, ne cachant pas les difficultés incessantes – peu de soutien des institutions, lassitude des enseignants, difficultés de la sanction quand les quelques règles sont outrepassées – elle décrit un passionnant laboratoire d’éducation. Loin d’être une école de seconde zone pour gamins en déshérence, et ce même s’il accueille un certain nombre d’élèves en rupture scolaire, le LAP donne des cours et forme de belle manière des esprits libres. Si certains cas restent de douloureux échecs, on constate que le contrat de liberté respectueuse permet de vraies émancipations et élimine de nombreux défauts d’un système brisant les élèves.

    Loin d’être angélique, l’auteure ne cache ni les doutes, ni les échecs, mais transmet avec force la passion commune de tous les occupants (le triptyque enseignants, élèves, agents) du LAP pour leur établissement. Le LAP appartient à tout ceux qui y sont inscrits, l’autogestion nécessite des réunions multiples et une démocratie participative souvent contraignante, mais le résultat est là : de nombreux lycéens trouvent enfin le lieu où ils peuvent vivre et grandir conformément à leurs besoins. La fête de fin d’année célébrant les 30 ans du lycée le prouve bien, l’attachement des anciens est toujours fort et leurs chemins ont continué de se tracer, souvent en conformité avec leurs projets.

    On y apprend même que la plupart des élèves ayant comme projet d’avoir le bac réussissent plutôt bien, tandis que les autres auront appris ce qui leur semblait manquer (et qui sort souvent des discipline scolaires : cuisine, entretien et réparation, jardinage…). Même si le portrait n’est pas idyllique, on ne peut que sortir profondément stimulé de ce premier tome (trois sont annoncés) et avec un seul regret : en France, il n’existe qu’une petite quinzaine de collèges et lycées de ce type…

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:36:11

    La bande dessinée mémorielle est un exercice difficile, qui se borne souvent à un effilement de textes illustrés, sans réel apport du support. Quand le devoir de mémoire se double d’un aspect engagé revendiqué, le pire est à craindre, surtout sur le sujet toujours clivant de la guerre d’Algérie.

    Et pourtant s’il y a dans le travail de Jeanne Puchol un point de vue clair, celui de la fille de deux français d’Algérie pro-indépendance, et une subjectivité assumée, elle ne sombre dans aucun des écueils attendus. Elle construit son récit à partir de bribes : ses maigres souvenirs, les abondantes archives, sa participation à des commémorations au Père Lachaise et la mémoire de ses parents. Une mémoire défaillante, qui se cherche, qui n’a pas peur de l’imprécision mais est claire sur les émotions, et la tension palpable ce 8 février 1962 où au métro Charonne huit manifestants mourront tués par les coups de matraques des policiers ou étouffés par ceux qui, comme eux, tentent de fuir les forces de l’ordre dans l’étroit escalier souterrain. Pour autant le livre ne sombre pas dans le manichéisme : décrivant l’escalade macabre entre l’OAS et le FLN, il s’engage avant tout contre tout fanatisme, et rappelle que dans ce genre de conflits ce sont toujours des innocents qui trinquent les premiers...

    Graphiquement, Jeanne Puchol fait fort. Avec son dessin au réalisme quasi photographique, elle prenait le risque de tomber dans un illustratif voyeur. Avec une grande subtilité, elle évite sans mal cet écueil en convoquant toute une panoplie graphique prouvant que le réalisme n’est pas qu’une copie du réel : jouant sur les cadrages (les entretiens avec ses parents, dont on devine le malaise sans jamais les voir, sont une vraie prouesse), réalisant des compositions majestueuses comme autant de prouesses graphiques, notamment dans l’épisode de la manifestation, n’hésitant pas à remplir des pleines cases de mots, sur lesquelles elle effectue des glissements phonétiques qui dépassent toujours le simple jeu sémantique. Ainsi on glisse de Charonne à Charon, le passeur des morts de l’Antiquité qui deviendra une sorte de narrateur omniscient, mais aussi l’ancien nom colonial de la ville de Boukadir, tristement prédestiné.

    Formellement, le livre étonne aussi. Publié chez un petit éditeur de textes engagés, il ne se démarque pas des autres titres de la collection. C’est un essai comme un autre : rarement une bande dessinée a été traité avec tant d’égards. Mais ce juste traitement a son revers, une diffusion difficile chez les libraires spécialisés, et le risque de passer inaperçu. Petit par la taille, ce grand livre doit impérativement être découvert en ces temps où certains rechignent encore à reconnaître leurs fautes, dans un camp comme dans l’autre.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:35:36

    Afin de fêter dignement les 75 ans de Spirou, Dupuis s’est lancé dans un grand programme : rééditions, intégrales, fac-similés, récits rares, film, ouvrage théorique, etc. Parmi toutes ces productions, on trouve aussi cette biographie de Fournier, particulièrement axée sur ses débuts et sa reprise de Spirou. Ce sont Nicoby et Joub qui se chargent du portrait et transmettent à la fois leur respect et la grande sympathie qu’inspire cette figure tutélaire de la BD en Bretagne.

    Il reste que la vie d’un auteur de BD n’est pas palpitante, et si les intrigues de rédactions sont bien décrites, on n’apprend pas grand-chose dans ce livre, finalement bien décevant. Il y a, bien sûr, des passages émouvants, comme celui de la rencontre avec Rob-Vel, créateur de la série, mais ces éclaircies et le grand nombre de documents rares ne sauvent pas un livre qui peine à dépasser l’enfilade d’anecdotes.

    Le tout respire la sincérité et la bonhomie, on aimerait aimer ce livre comme on aime son personnage principal, mais la sauce ne prend pas. Le récit est poussif, le sommet de l’action devant être le moment où Fournier joue du biniou... Il y a sans doute de quoi dire sur Fournier, grand témoin d’une certaine époque du magazine de Marcinelle, et du passage de relais à une nouvelle génération d’auteurs mais un essai ou un livre d’entretien aurait été bien plus efficace qu’une bande dessinée qui peine à justifier son utilisation.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:34:46

    Zep a décidé de changer de registre : dessin réaliste, public adulte, il nous présente un groupe d'amis traversant la crise de la quarantaine. Ces amis ne se sont plus vus depuis longtemps. Avant, il formaient un groupe de rock, et leur rupture résonne encore dans leurs tympans. Une séparation pour des conneries, des engueulades, des histoires de fille. L'un d'entre eux a volé vers le succès, les autres ont pris un autre chemin, loin des sunlights. C'est dans la villa anglaise du chanteur qu'ils se retrouvent pour un long récit-bilan, où les blessures du passé remontent à la surface.

    La couverture médiatique du premier livre sérieux (et non premier livre adulte comme on a pu le lire) de l'auteur de Titeuf a été énorme, il n'y a pourtant pas de quoi s’enthousiasmer. Si Zep est un très bon dessinateur dont on apprécie de découvrir une autre facette, le récit est un enfilage de clichés plombants qui avancent avec la subtilité d'un tractopelle. Pathos à l'extrême, le livre convoque l'amour et la mort dans des discours verbeux et, au final, ennuyants. Un excès qui se retrouve dans de nombreuses postures graphiques, que la couverture incarne : le héros ténébreux marche, solitaire, le vent dans les cheveux, il réfléchit sur son passé...

    On comprend bien l'envie de l'auteur de parler de musique, sujet cher à celui qui doit son pseudo à Led Zep et qui fut membre de nombreux groupes, et il ne faut pas lui faire un procès d'insincérité : on ressent bien l'amour de l'auteur pour son sujet et l'envie qu'il a eu de montrer autre chose. Mais la sincérité et la sympathie ne font pas tout et l'échec est patent. On se consolera en lisant l'excellent L'Enfer des concerts, qui, lui, n'a pas pris une ride.

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:34:13
    Julie, Claire, Cécile - Tome 23 - Ton mec à moi !

    Me retrouvant stagiaire dans une bibliothèque, et affecté en particulier à la bande dessinée, j'ai pu constater avec surprise que non seulement Julie, Claire, Cécile existait encore – alors que j'imaginais la série arrêtée depuis les années 80 – mais qu’en plus elle était pas mal empruntée. Bon… Conscience professionnelle oblige, je décide d'en lire un. J'ai pris le dernier, sans doute pas un bon choix parce que contrairement aux autres, il est majoritairement composé de gags en une planche, et parce que les séries s'essoufflent souvent naturellement. Mais bon, il n'y avait plus que celui-là.

    J'avais un a priori négatif, je l'avoue, mais ce que j’ai lu était pire encore. Les scénarios sont d'une indigence absolue, frappant souvent en dessous de la ceinture avec la volonté manifeste de bien souligner le gag bien gras. Je dois avouer que je ne m'attendais pas à ces blagues de bistro, plutôt à des histoires cuculs typiques de scénariste-homme voulant écrire pour des filles mais là même pas. Tous les stéréotypes sont au rendez-vous – une séquence de nettoyage dans un jardin public donne lieu à un incroyable défilé, du baba-cool des années 70 à la gothique –, toutes les filles sont d'une incroyable bêtise (et les hommes des bellâtres aussi bêtes, je vous rassure), et si les évolutions technologiques sont prises en compte dans les décors, le tout apparaît dix fois plus ringard que le pire des Bécassine. Quand on pense que c'est à ce scénariste que l'on a refilé la destinée de Modeste et Pompon (pauvre Franquin, Greg, Goscinny et cie) ou de Chlorophylle (pauvre Macherot)...

    Quant au dessin, la finesse y est tout autant absente. C'est presque déprimant à voir. Loin de moi l'idée de dire qu'un beau dessin doit nécessairement être bien proportionné, avec des notions d'équilibre et de perspective. En soit je m'en fous, sauf que là le dessinateur veut faire du dessin réaliste, et il lui manque clairement les bases. Il suffit de regarder la couverture pour s'en rendre compte – il y a vraiment un problème sur la fille en maillot rouge –, à l'intérieur c'est pire, tout semble balbutiant et de nombreuses fois j'ai du vraiment m'arrêter face à des visages si grossièrement raté... sans compter la rigidité absolue des personnages (retour à la couverture, on a l'impression qu'ils sont collés là, sans cohérence, et flottent dans le rien).

    C'est vraiment étonnant, on a vraiment l'impression que tout le monde s'y est mis pour faire l'album le plus bancal qui soit. Presque un cas d'école...

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:33:33
    Le guide - Tome 1 - Le guide du jeune père

    Je ne suis, a priori, pas le client visé par ce genre de livre. Généralement, je ne les lis pas, ne les commente pas, et puis voilà. D'autant que j'ai toujours en tête l'idée de toujours juger un livre à l'aune de ses ambitions, a priori aucun des Guides Vent d'Ouest n'a pour but de proposer une bande dessinée, soit-elle d'humour, de qualité, il s'agit de faire le job, avec un cadeau thématique d'aspect « sympa » à offrir à untel ou untel en fonction de ses habitudes. La personne sourira, le lira peut-être et l'oubliera dans une étagère ou dans le coin lecture des toilettes. Rien de déshonorant à ça, très bien.

    J'ai eu ce bouquin entre les mains lors d'une soirée d'anniversaire, je l'ai lu en ne m'attendant pas à rire (je ne suis pas touché par l'humour un rien lourdingue de ce type de production) mais pas non plus à être affligé. Ce fut pourtant le cas. Si le dessin, hypernormé et aux expressions soulignées (notamment les sourires censés appeler à la réciproque), tient ses engagements premiers, le scénario non. On est censé rire, sourire ou – au moins – comprendre qu'il y a quelque chose de drôle. Ce n'est pas le cas, cette adaptation du « best-seller de Pierre Antilogus et Jean-Louis Festjens » ne décroche pas un frémissement de lèvre – j'ignore qui du livre original où de l'adaptateur est en cause mais je crains qu'aucun ne réussisse à sauver l'autre.

    Si ce n'était que ça, bon, mais en plus les auteurs sombrent dans le pire des blagues de casernes franchement puantes. La palme revient à ce gag où le père terrifié se rend compte qu'il a « fait » un garçon efféminé, honte suprême. Face à tant de bêtise, qui rappelle les sinistres logorrhées de ces derniers mois de 2013, on imagine l'oncle un peu lourdaud avec un coup dans le nez qui ne peut s’empêcher de faire des grosses blagues qui tâchent lors du repas de famille. Ne faisons pas de cette BD un brûlot homophobe, il ne faut pas exagérer, les auteurs ne le sont sans doute pas sciemment et font ça pour rire. Hélas, l'argument de la bonne blague faite avec de gros clins d'œil appuyé n'excuse pas la nullité qui fait que ce titre n'est pas simplement une « bd rigolote pour s'amuser sans se prendre la tête », mais un condensé de beauferie et de clichés et poncifs amenant de fait à la bêtise la plus crasse.

    En somme, une très mauvaise idée de « cadeau sympa ».

    MRANN Le 04/05/2015 à 23:31:48

    J'aime beaucoup Mahler et ce livre a été une très bonne surprise. Tout d'abord, notons qu'il s'agit d'un hommage à "Dick Bos" (un seul s), une BD policière venue des Pays-Bas et signée Alfred Mazure et beaucoup de repreneurs. Cette série semble une vraie institution avec tout un site dédié, en néerlandais, découvrant un héros fort viril avec tous les canons du polar à l'ancienne. Ceci explique sans doute pourquoi ce livre est un des rares où les personnages n'ont pas les traits typiquement Mahlerien, ce qui surprend au début mais la stylisation reste cependant de mise.

    Le livre contient 4 récits, 4 enquêtes, 4 histoires de mort, de sexe, de fatigue. Ces 4 histoires sont construites avec les mêmes images, auquel certaines autres sont parfois ajoutées, mais la plupart du temps elles se répète, seul le texte change, mettant à jour les topoï du genre.

    Avec cette petite "anthologie", les nouveaux récits résument donc un esprit, une brutalité, avec un avec une habileté et un amour du concept cette fois fort mahlerien me faisant donner à ces 4 histoires 4 étoiles bien méritées.