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C’est avec passion que j’ai suivi les péripéties de l’histoire mouvementée de Martin, qui fait le grand écart entre cette cathédrale (magnifiquement dessinée p.6) de son Strasbourg d’origine et les rudes plaines d’Ukraine, non pas par choix, mais enrôlé de force dans l’armée ennemie.
Et ce n’est pas là le moindre mérite de cet album : mettre en lumière le destin (fictif, mais ancré dans la réalité de l’époque) de l’un de ces « Malgré-Nous » alsaciens et lorrains si longtemps méconnus, incompris et méprisés.
Ce n’est pas, cependant le seul sujet abordé : j’ai été sensible à la richesse des thèmes qui s’entrecroisent tout naturellement, et sans aucune lourdeur, au sein de cet opus : exactions et violences hitlériennes, purges staliniennes, cynisme des collaborateurs, devoir moral du médecin qui soigne ennemis comme alliés…
Ces thèmes s’orchestrent en toute harmonie autour de la figure lumineuse de Martin : au cœur de la barbarie, ce dernier saura préserver sa part d’humanité. Rester humain, continuer à éprouver sentiments et compassion, c’est là ce qui force l’admiration du lecteur et qui fait de Martin le véritable héros, face à ce lieutenant allemand emporté par une violence déshumanisée (p.34/35).
J’ai beaucoup apprécié le trait de plume extrêmement élégant et délicat, à la ligne claire et expressive, de Régis Parenteau-Denoël : il excelle à restituer dans toute leur intensité émotions vives (scène de retrouvailles p.7) et sentiments exacerbés (révolte intérieure de Martin lors du massacre des partisans p.33). Parfois même, nul besoin de mots : le dessin à lui seul, suggère joie et espièglerie (p.21), tendresse infinie (p.12), sensualité même (p.13), présents malgré tout dans cette tourmente. Le clair et l’obscur se mêlent étroitement, soutenus par une palette de couleurs astucieusement disposées (sépia et couleurs majoritairement froides pour les scènes de guerre, couleurs chaudes et plus variées pour les scènes d’intérieur avec Elisabeth ou la babouchka).
Splendide album donc, merveilleusement mis en images, qui permet d’aborder l’Histoire à travers le prisme intimiste de l’histoire d’une famille déchirée fort attachante, emportée par les vents mauvais d’une barbarie qui transcende les époques, hélas, et qui est toujours d’actualité.
Vous aurez compris que j’attends avec fébrilité le tome II !