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Les avis de - BMR

Visualiser les 32 avis postés dans la bedetheque
    BMR Le 13/04/2025 à 11:17:46

    Fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : les très belles planches de l'album nous emmènent à la chasse aux papillons.

    Matz est un auteur que l'on connaît bien et que l'on apprécie beaucoup (la série Le Tueur, c'est lui), mais on ne le connaissait pas collectionneur de papillons !
    Entre deux polars, il s'est autorisé une petite parenthèse écolo avec Frédéric Bézian pour nous emmener à la chasse aux papillons en Amazonie : Les papillons ne meurent pas de vieillesse.
    Matz s'est même permis un petit clin d’œil à ses fans puisqu'il a baptisé son papillon impossible le Parides Ascanius Nolentus (son nom de ville est Alexis Nolent) !
    Au fil de leur courte existence de quelques jours "les papillons, fragiles et vulnérables, ne meurent pas de vieillesse, mais de mort violente".

    ? Voilà bien une sympathique fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : un roman d'aventures, un thriller politique qui met en scène les enjeux complexes de la région.
    ? Le dessin de Frédéric Bézian est une réussite avec un beau dégradé de gris que viennent illuminer de temps à autre seulement les parures colorées des papillons : un pari audacieux mais vraiment gagné. Le gris pointillé évoque les gravures scientifiques d'antan.
    Pour profiter des changements de rythme qu'autorise la BD (F. Bézian aime à dire qu'il ne fait pas du cinéma sur papier), l'album est émaillé de planches d'entomologie 'vintage' et même de quelques beaux haïkus comme celui-ci du poète japonais Arakida Mortake :
    « [...] Tombé de la branche
    Une fleur y est retournée :
    C'était un papillon. »

    ? L'album semble appeler une suite, d'autant qu'une douce complicité va se nouer entre la jeune Géraldine et le brésilien Candido ... ! On attend déjà avec impatience !

    La réapparition d'espèces disparues de papillons n'est pas de la science-fiction. Il y a bien sûr quelques "lâchers" volontaires pour réintroduire certains insectes mais les entomologistes découvrent également des Résurrections tout à fait naturelles comme par exemple celle de la Nonagrie soulignée dans nos marais atlantiques. Cela vient compenser un petit peu les trop nombreuses extinctions.

    Camille est un expert entomologiste et grand collectionneur de papillons.
    Il emploie au Brésil un chasseur local, Candido.
    Chez lui en France, il héberge sa jeune cousine, Géraldine qui l'aide à trier ses bestioles.
    Camille et Géraldine vont rejoindre Candido en Amazonie.

    Cette histoire aurait pu s'intituler l'histoire du "chasseur de papillons qui n'existent pas" ... puisque l'intrigue se noue en Amazonie lorsque l'on capture par hasard un papillon censé avoir disparu depuis de nombreuses années.
    « [...] - Quel est le problème ?
    - Le problème c'est que ce papillon est un Parides Ascanius Nolentus.
    Le problème c'est qu'il vivait dans les marais de Rio de Janeiro ... !
    ... et si je dis "vivait", c'est qu'il a disparu depuis des années ... !
    Regarde Candido, mon chasseur, travaille dans l'état du Roraima, au nord du Brésil, à des centaines, voire des milliers de kilomètres de Rio de Janeiro !
    Tu comprends le problème, maintenant ? »

    Un doux rêveur (Camille) et sa jeune cousine (Géraldine) vont accompagner le chasseur de papillons (Candido) au cœur de la forêt vierge pour confirmer la découverte énigmatique.
    Jusque là tout va bien pour cette petite équipe qui joue les Tintin en Amazonie, mais on se doute qu'avec Matz au scénario, la balade des gentils écolos ne sera pas de tout repos.
    Ainsi Camille rédige un article pour le National Geographic et appelle à sanctuariser le secteur pour le protéger de la déforestation : évidemment les sociétés multinationales ne voient pas d'un très bon œil les projecteurs de l'écologie soudainement braqués sur une région où ils prospéraient jusqu'ici à l'abri des regards et nos héros devront également faire face à l'hostilité des paysans locaux qui exploitent ces terres pour l'orpaillage et le pâturage.

    Au détour d'une belle planche d'entomologiste (page 25), l'album nous apprendra que le mot papillon vient du grec psukhê qui signifie souffle, le souffle de la vie qui caresse ce qu'il touche et par extension âme puisque celle-ci s'envole dans notre dernier soupir.

    BMR Le 26/03/2025 à 18:17:42
    Parker 1969 - Tome 1 - La Proie

    Un polar de Donald E. Westlake adapté par Doug Headline avec les dessins de Kieran, qui inaugure la nouvelle collection Aire Noire chez Dupuis.

    Doug Headline (bon sang ne saurait mentir, c'est le fils de JP. Manchette !) n'en est pas à sa première adaptation de polar en bandes dessinées. Il a déjà adapté quelques romans de son père et même d'autres bouquins de Donald Westlake (alias Richard Stark, décédé en 2008) tout comme son confrère Matz.
    Avec "Parker 1969 : La proie", il adapte un roman de 1969, The sour lemon score, paru chez nous sous le titre Un petit coup de vinaigre.
    C'est l'un des nombreux épisodes qui mettent en scène notre ami Parker, un clone littéraire d'acteurs comme Lee Marvin ou Richard Widmark : élégant, taciturne, froid et menaçant, c'est le parangon du braqueur professionnel (Westlake voulait gommer tout sentiment de son récit).
    « [...] - Bon Dieu, essayer de te faire causer, c'est plus difficile que d'arracher une dent à un môme. Parle-moi Parker bon sang ! »

    Une histoire de braquage comme souvent avec l'ami Parker !
    « [...] Parker ne croyait pas à la chance, bonne ou mauvaise.
    Il ne croyait qu'aux types qui connaissaient leur boulot et le faisait bien. »
    Parker et ses comparses sont effectivement des pros et ils réussissent brillamment le braquage d'une banque, le plan était parfait.
    Hélas, le butin est un peu maigre.
    « [...] - Trente-trois mille. Huit mille malheureux dollars chacun.
    - On savait que ça ne serait pas lourd. Huit mille, c'est déjà pas si mal pour une matinée de boulot. »
    Mais cela ne suffit pas à l'un des gars de la bande qui file avec le magot.
    « [...] - Vous n'êtes pas du genre à vous venger, Parker. Pas s'il n'y a rien à la clé. Que lui voulez-vous à ce garçon ?
    - Il nous trahis. Il a tiré une balle dans la tête de votre mari. Il a tué l'autre gars de l'équipe, et il a essayé de me tuer moi aussi ... Et puis il s'est enfui avec l'argent. »
    Parker se met donc en chasse à la poursuite du traître ... et du magot.
    « [...] Parker se disait que beaucoup de temps s'était écoulé et qu'il n'était arrivé à rien. Ils avaient braqué la banque le lundi, et ce n'est que le jeudi qu'il avait trouvé Brock. Et maintenant on était vendredi. Quatre jours passés à courir en tous sens, et [l'autre] était toujours là-dehors, quelque part, assis sur le fric. »

    Le personnage de Parker (il n'a pas de prénom) est l'une des grandes réussites de D. Westlake et il se prête parfaitement aux adaptations en BD. C'est du polar à l'ancienne, façon hard-boiled.
    Quand il s'agit de bâtir le scénario d'un polar pour une BD, Doug Headline n'en est pas à son coup d'essai, on l'a dit, et il a su trouver le ton juste pour dérouler ce récit en comblant les silences de Parker, personnage taciturne, par de brefs encarts de texte, une sorte de voix off.

    Les graphismes de Kieran évoquent les comics US avec un beau noir & blanc, dur et violent, dynamique et moderne.
    Ces dessins sont un bel hommage à ceux du canadien Darwyn Cooke (décédé en 2016) qui avait déjà adapté plusieurs polars de Westlake en BD dont notamment le casse en 2012 (traduit par Matz en 2013).

    Cet album inaugure chez Dupuis, la collection Aire Noire dédiée au roman noir graphique (par analogie avec la collection Aire Libre) : Doug Headline et Olivier Jalabert sont aux commandes de cette ligne éditoriale. Les éditions Dupuis nous promettent déjà plusieurs beaux albums pour cette année et, de plus, ont signé avec les héritiers de Westlake pour adapter plusieurs de ses romans.

    BMR Le 24/03/2025 à 18:21:07

    Quelle sera notre vie en 2050 ? Voici 10 fenêtres ouvertes sur ce futur (très) proche, 10 visions inquiétantes et plutôt anxiogènes.

    Les éditions Philéas ont confié à quelques auteurs le soin de nous décrire notre avenir, celui de 2050.
    Un futur bien trop proche et bien trop inquiétant pour cet album très anxiogène à ne pas mettre entre toutes les mains, composé de récits qui font la part belle à l'IA, à la réalité virtuelle et aux réseaux dits 'sociaux'.
    Les années 2050 ne sont sans doute pas choisies au hasard et cet album peut faire écho à l'année 2054 retenue par Elliot Ackerman pour nous parler du futur conflit mondial.
    2050, ce n'est pas vraiment de la SF, de l'anticipation ? oui mais à peine alors.
    C'est à la fois un peu loin mais suffisamment proche pour des récits qui, somme toute, ne font que grossir ou caricaturer les travers de notre société très actuelle.
    Et c'est d'autant plus troublant qu'on ne peut plus se contenter de dire "Pffff, même pas en rêve".
    Cette dead-line de 2050, c'est peut-être notre 1984 aujourd'hui ...
    À la lecture de ces quelques récits, une chose est sûre : l'économie mercantile a encore de belles années devant elle et les marchands seront sans doute les seuls à dormir d'un sommeil paisible après avoir refermé l'album.

    Il y a donc là 10 nouvelles, 10 petites histoires avec des styles de récits très différents et des dessins tout aussi variés.
    Entre deux histoires, c'est Anaïs Bon qui nous livre une brève, une news qui serait venue des infos de 2050 (et elle ne fait rien pour nous rassurer).
    Comme tout recueil de nouvelles, dessinées ou pas, celui-ci est naturellement assez inégal : on évoque ici les histoires les plus percutantes.

    ➔ Jean-Michel Ponzio et Laurent Galandon cosignent Une histoire bio où quelques humains vieux jeu écrivent encore eux-mêmes des romans. Des « romans bio », car les autres sont écrits par des IA bien entendu. Voilà un futur qui n'attendra certainement pas 2050 ...
    ➔ Christian de Metter nous conte une triste histoire mais fort belle : Lux aeterna, évoquée dans la couverture de l'album. Une histoire d'amour avec une belle 'chute', où un vieil homme se console avec un robot, de l'absence de sa femme Marie hospitalisée.
    La séquence émotion de ce recueil et notre coup de cœur.
    « [...] - Que veux-tu faire aujourd'hui ?
    - Je ne sais pas.
    - Un quiz musical ?
    - Non. Tu gagnes toujours.
    - Je peux faire des erreurs si tu veux ou charger la dernière sauvegarde mémoire de Marie.
    - Non. Elle gagne toujours aussi. »
    ➔ Thibaud de Rochebrune tente de nous emmener sur Mars avec tous les migrants que l'Europe ne peut plus accueillir et que l'on cryogénise en prévision de la colonisation : Go to Mars, nous dit la pub.
    Un programme spatial un peu spécial qui se fait attendre plus longtemps que prévu ...
    C'est la séquence horrifique de ce recueil parce que le scénario semble beaucoup trop réaliste et crédible pour finir ainsi en bande dessinée.
    ➔ Guillaume Dorison (alias Izu) et Virginie Diallo (alias Kalon) font écho à Christian de Metter et nous invitent en terre Manga pour un autre aperçu des relations humaines où Noah se retrouve déçu par Luna, son amoureuse virtuelle : "Pardon Luna, je ne peux pas, tu es trop ... réelle".

    Quand aux encarts des "time capsules" rédigés par Anaïs Bon (saluons ces textes percutants), la palme revient à ce texte très pertinent qui (comme en répons au manga de Izu et Kalon) nous décrit, là encore, un futur trop proche, trop réaliste et trop inquiétant, pour que l'on referme cet album l'esprit tranquille.
    « [...] C'était la dernière résistante : aujourd'hui, Tindic, la dernière application de rencontre dédiée humains, a annoncé sa fermeture définitive. Ce géant des rencontres en ligne, autrefois leader du marché, n'a pas résisté à la montée en puissance des Lovebots, ces partenaires virtuels propulsés par Iintelligence artificielle.
    « Nous savions que l'heure était venue, déclare Travis Bumbz, PDG de Tindic. Nous avons essayé de nous adapter, mais nous ne pouvions tout simplement pas rivaliser avec l'expérience fluide, sans friction, et instantanément gratifiante offerte par les Lovebots. »
    Les Lovebots, fruits de la convergence entre les applications AI girlfriends, boyfriends & non-binary Sweethearts nées dans les années 2020 et le porn immersif, sont désormais les compagnons de cœur préférés de millions de personnes à travers le globe.
    «La qualité de la réalité virtuelle a tellement progressé que les expériences offertes par les Lovebots sont aujourd'hui bien supérieures à celles des rencontres humaines, continue Bumbz. Avec un Lovebot, vous avez une connexion instantanée. Il n'y a pas de timidité, pas de maladresse, pas de désaccords sur ce que vous voulez. Et surtout, aucune de ces failles humaines qui rendent les relations si complexes. »
    Les rencontres humaines sont désormais perçues par beaucoup comme un exercice trop risqué. « Les gens ne sont plus prêts à accepter les aléas d'une vraie rencontre, souligne Bumbz. L'incertitude, I'effort pour comprendre et satisfaire l'autre sont devenus des fardeaux. Pourquoi s'exténuer à chercher un amour rée imparfait et plein de compromis, quand un partenaire parfait vous attend en un clic ?»

    BMR Le 24/03/2025 à 14:37:26
    Islander - Tome 1 - L'éxil

    Premier épisode d'une trilogie dystopique qui nous emporte avec d'autres réfugiés climatiques jusqu'en Islande.
    Avec les dessins magnifiques de Corentin Rouge et un scénario post-apocalyptique signé Caryl Férey.

    On avait déjà bien aimé Sangoma, un polar en Afrique du Sud aux parfums exotiques de sorcellerie et nous retrouvons ici ce duo très efficace : Caryl Férey au scénario, Corentin Rouge au dessin.
    Les revoici avec Islander, premier tome (intitulé : L'exil) d'une trilogie.

    Dans un futur proche, l'Europe est à feu et à sang et les réfugiés affluent dans les ports pour gagner "les îles épargnées". Le port du Havre est un nouveau Calais où trop de migrants se pressent pour embarquer sur de trop rares bateaux et tenter de gagner l'Écosse, dernier refuge.
    Il y a là un homme âgé que l'on appelle le Prof, deux jeunes femmes (des sœurs semble-t-il) et Raph, un passeur.
    Un autre migrant mystérieux, sans passeport. Tout comme en Méditerranée aujourd'hui, la traversée ne sera pas de tout repos et tous n'arriveront pas ... en Islande.
    Une Islande curieusement séparée en deux avec, au nord, un état sécessionniste de Reykjavík.
    Pourquoi le prof voulait se rendre coûte que coûte en Islande ?
    Pourquoi cette île est-elle coupée en deux ?
    Et quel est donc ce mystérieux projet Islander ?
    Même si Reykjavík n'a rien à voir avec Le Cap, les échos sont nombreux avec Sangoma : magnifiques dessins, regard inquiétant sur la couverture de l'album, discussions houleuses au parlement, contexte sociopolitique à la base même de l'intrigue, liens complexes entre les personnages, histoires de famille au sombre passé, ...

    ➔ Après Sangoma, on retrouve avec beaucoup de plaisir les dessins très réalistes de Corentin Rouge qui flirtent parfois avec la précision photo. Les traits des visages et les regards sont esquissés avec une grande expressivité et une précision méticuleuse pour donner vie aux personnages. La mise en page est dynamique, du vrai cinéma, ce qui est idéal pour les thrillers de Caryl Férey.
    Mais Corentin Rouge ne se limite pas à des portraits serrés, il excelle également à capturer la splendeur des paysages islandais, nous offrant des fresques grandioses, certaines s'étalant sur deux pages.

    ➔ Côté scénario, ce premier volume nous laisse forcément un peu sur notre faim, c'est naturel : Caryl Férey met en place les décors et les bases de son histoire en trois épisodes et ce n'est que le premier.
    Il y a peu d'explications (elles viendront plus tard !) mais le contexte semble propice à une bonne histoire où plusieurs personnages aux passés mystérieux et aux liens complexes vont s'entrecroiser. On attend la suite avec impatience ! (Une suite qui n'est pas prévue pour cette année ... hélas).

    ➔ Et puis il y a ce contexte d'Europe dévastée, affamée (sans doute par des catastrophes climatiques), que fuient les migrants en quête de terres plus accueillantes : une inversion des rôles plutôt bien vue mais qui nous fait grimacer et nous oblige à ouvrir les yeux sur une réalité qui, même si aujourd'hui n'est pas "la nôtre", pourrait bien le devenir (morale : on est toujours le migrant de quelqu'un).
    [...] - Nous avons fermé nos frontières face à l'afflux de réfugiés européens. Mais des navires continuent d'arriver malgré nos lois !!! Les illégaux sont trop nombreux ! [...] Nous devons faire face à la grogne de nos administrés, qui se crispent sous la menace démographique des réfugiés. Il faut être drastiques !

    BMR Le 10/03/2025 à 10:38:47

    Adaptation vraiment très réussie du roman de Pierre Lemaitre : un polar amoral à l'humour pince sans rire, un noir bien serré et délicieusement rétro.

    En 2021, Pierre Lemaitre et son éditeur (Albin Michel) avaient eu la bonne idée de ressortir un fond de tiroir pour profiter de la renommée grandissante de l'auteur. C'était un thriller immoral et délicieusement divertissant, empreint d'un humour noir et pince-sans-rire, qui nous replongeait dans les années 80, à l'époque où l'on sillonnait les routes en Renault 5 (et pas le nouveau modèle électrique, hein !).
    Pierre Lemaitre, Dominique Monféry et les éditions Rue de Sèvres nous remettent ça et adaptent le serpent majuscule en bande dessinée.
    Lemaitre n'en est bien sûr pas à son coup d'essai : il a déjà adapté plusieurs de ses romans en BD (Au-revoir là-haut, la série Verhoeven, ...).
    Quant à Dominique Monféry, il est bien connu dans le monde du dessin animé.

    C'est une BD avec une héroïne mais messieurs voyons, calmez-vous, ce n'est pas du côté de Superwoman que ça se passe, plutôt du côté de Carmen Cru : l'héroïne en question est une vieille dame très âgée, prénommée Mathilde.
    Accessoirement, Mathilde Perrin est aussi tueuse à gages, oui, oui.
    Ludo, son chien, est un dalmatien, facile à reconnaître car c'est lui qui fait la couverture du bouquin comme de la BD et que "généralement, les grands chiens blancs avec des tâches noires, c'est pas des saint-bernards".
    Le flic c'est René, un vieux garçon plus ou moins amoureux de la dame de compagnie de son vieux père.
    Et puis il y a Henri, le commanditaire de Mathilde, ils se sont connus pendant la guerre, dans la Résistance où la jeune et belle Mathilde s'était déjà forgé une solide réputation (savoureux flash back !) !

    Jusque là tout allait bien et Mathilde enchaînait les petits boulots ou les missions, avec efficacité. Elle était réputée pour fournir des "prestations parfaites", elle était même "insoupçonnable, un agent exceptionnel".
    Elle trouvait même que "c'est agréable comme métier, mais qu'est-ce que c'est salissant".
    Mais avec l'âge, tout n'est peut-être plus aussi net, la vue baisse, on a vite fait de confondre un bout de papier avec un autre.
    Et puis Mathilde se lâche un peu avec son gros revolver, ça ne se fait pas de tirer dans les ...
    Au point d'éveiller l'intérêt des flics : "l'étonnant c'est cette balle de gros calibre dans les ... c'est pas fréquent".
    Ça fait un peu mafia non ? "Les ritals, ils tirent dans les burnes ! Sont très connus pour ça !", en tout cas c'est l'avis du commissaire, le patron pas très futé de René.

    Quelques bonnes raisons d'ouvrir cet album ?
    ➔ Ah bien sûr le plaisir de se replonger dans cette histoire savoureuse de Pierre Lemaitre ! le roman sans prétention [clic] était une simple histoire de tueur à gage, mais bien montée et bien racontée, où l'on passait un bon moment.
    Avec l'auteur lui-même aux commandes de l'adaptation, il est naturel que le plaisir soit de nouveau au rendez-vous de cette histoire immorale où les cadavres s'accumulent rapidement. Mais une histoire plus subtile qu'il n'y parait et qui s'adapte parfaitement au format BD.
    ➔ Et puis, bonne surprise, les dessins et couleurs de Dominique Monféry sont superbes. Des visages très expressifs, un style pastel ou aquarelle et des tons sépias qui rappellent les années passées, les années 80.
    Ce n'est pas une simple réinterprétation marketing de Lemaitre, c'est véritablement un bel album.
    Un polar noir (et jaune), une version "3ème âge" de la série le Tueur de Matz et Jacamon.
    Pour celles et ceux qui aiment les tueuses à gage.

    BMR Le 03/03/2025 à 20:14:44

    Polar celtique et familial à l'époque où bientôt les 'méga marées' repousseront les habitants loin du rivage. Avec de beaux dessins d'architecture 'brutaliste'.

    On ne connaissait pas encore Iwan Lépingle qui signe le scénario et les dessins de cet album : Submersion publié chez Sarbacane.
    Un autodidacte qui a commencé sa carrière chez les Humanoïdes Associés et qui est surtout un amateur de grands espaces et de voyages.
    Cette fois il ne nous emmène pas très loin, tout au nord de l'Écosse mais à une époque (vers 2045) où les marées géantes auront commencé à noyer les côtes.

    Quelques bonnes raisons de découvrir cet album ?
    ➔ Pour l'ambiance de ce petit polar celtique dans un décor qui paraît presque normal. Presque.
    Si le scénario évoque bien des 'méga marées', ce n'est pourtant pas un récit post-apocalyptique, encore moins un film catastrophe. De temps à autre apparaît ici ou là, un bâtiment déserté, une zone inondée, des bungalows que l'on recule un peu plus loin, des pêcheurs qui sont devenus cultivateurs d'algues, ... Bref, les changements futurs qui nous attendent sûrement, patiemment et sans esbroufe.
    ➔ Pour le dessin qui s'apparente à la ligne claire franco-belge avec des aplats de couleurs aux teintes orangées, aux ombres bleutées. Des personnages dont les visages sont parfois taillés au couteau. Et puis surtout ces bâtiments, cette architecture brutaliste (c'est à la mode en ce moment !), ces belles perspectives fuyantes (Iwan Lépingle dessine tout cela sans assistance logiciel).
    ➔ Pour l'intrigue enfin de cet agréable roman policier qui fait la part belle aux histoires de famille.

    Non loin d'Inverness, il y a là les trois frères Calloway.
    En fait, il n'en reste plus que deux : Wyatt, le plus jeune, c'est tué en voiture il y a 6 mois sur une grande ligne droite, peut-être après avoir bu une pinte de trop.
    Badger et Travis ont un peu de mal à s'en remettre, Travis est persuadé que ce n'était pas un banal accident.
    Il y a là aussi Jenny, la femme de Wyatt, et leur fils Kyle.
    Et puis un black, Joseph, un garagiste à la réputation de ... garagiste, donc pas très apprécié de ses clients.
    Lors d'une soirée chez des amis, "Travis a entendu le petit truc qu'il attendait, la petite info qu'il lui fallait pour démarrer la machine à embrouilles".

    Vers 2045, la mer a repoussé les habitants loin du rivage. La pêche ne donne plus rien et il faut se contenter de cultiver et ramasser des algues. Il faut rehausser régulièrement les digues et déménager les baraquements toujours plus loin.
    [...] La mer nous a poussés loin du rivage. Nous lui avons abandonné nos maisons. Nous avons vidé les lieux. Quand elle a monté et monté encore, elle a léché les murs qui nous avaient vu grandir. Elle les a grignotés méthodiquement, comme une bête affamée qui serait venue se délecter de nos vies d'avant et les engloutir à jamais.
    Travis reste accroché obstinément au passé : il n'arrive pas à faire le deuil de son frère Wyatt, tout comme il n'arrive pas à s'habituer à la nouvelle vie que la mer envahissante impose aux habitants, à un littoral qui devient inhabitable, recule d'année en année et redevient sauvage.
    Travis s'emporte un peu trop rapidement, mais ne dit-on pas que ce n'est qu'après la colère que vient l'acceptation ?

    BMR Le 27/02/2025 à 18:12:25

    Mathieu Bablet signe les dessins et le scénario de ce gros album : Carbone & Silicium.
    L'histoire s'échelonne sur plusieurs années et décrit la création d'androïdes à l'IA sophistiquée, sur plusieurs "générations" tandis que l'humanité court vers sa perte.
    [...] Les humains sont le vrai problème de la planète. La seule solution est de tous les détruire.
    On plaisante.
    Des androïdes auxquels le labo a fixé une DLE date limite d'existence de quinze ans. Une obsolescence programmée pour renouveler les machines au fil des générations successives.
    [...] Comme un chat en gros.
    L'histoire apocalyptique est aussi une love story entre deux robots qui va se compliquer lorsque l'un des androïdes, lassé des mondes virtuels, larguera ses attaches pour entreprendre d'explorer la planète, du Taj Mahal au désert de sel d'Uyuni. Cela nous vaut quelques belles planches.
    Presqu'aussi belles que celles où Mathieu Bablet tente de représenter le réseau interconnecté comme une tour de Babel peuplée d'avatars fluides et éthérés.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:10:54

    Après le très beau Little Tulip qu'on vient juste de relire (l'album datait de 2014), le duo franco-américain remet cela avec François Boucq aux dessins et Jerome Charyn au récit.
    C'est un peu une suite au précédent album : on retrouve à NY quelques uns des personnages et même quelques fantômes revenus des camps de la Kolyma.
    Cette fois, c'est l'ancienne protégée du tatoueur, la japonaise Azami, qui a grandi et désormais tient le haut du pavé des rues de New York (et la une de couverture).
    La recette est la même avec côté dessins, les corps, les visages et les tatouages où excelle François Boucq et côté scénario, une histoire plus 'américaine' mais toujours bien noire qui farfouille du côté obscur de l'âme humaine, forcément avec un titre pareil ...
    [...] Des cannibales en plein New York, décidément le passé continue à me mordre au talon !

    L'album apparait plus classique que le précédent, l'effet de découverte ne joue plus, et si cela reste tout de même une excellente BD, on a trouvé ce Little Paul un cran en-dessous de Little Tulip.
    Mais les deux font la paire !

    BMR Le 27/02/2025 à 18:10:25

    Très bel album que ce Little Tulip, avec de superbes dessins de François Boucq sur un excellent scénario de l'américain Jerome Charyn.
    Le script fait s'entrecroiser deux périodes : 1947, le jeune Paul se voit brutalement déporté avec ses parents au goulag de la Kolyma et se retrouve bien vite orphelin dans les pattes des malfrats qui font régner leur terreur sur le camp.
    Son don pour le dessin (hérité de son américain et couillon de père, venu en URSS dessiner des décors pour Eisenstein avant de se faire dénoncer pour le goulag), son don pour le dessin va assurer sa promotion au rang de tatoueur des gangs de la Kolyma.
    Seconde histoire, 1970, Paul a bien vieilli mais continue de dessiner et de tatouer à New-York (la ville fétiche de Charyn), tirant des portraits robots pour la police à la recherche d'un serial-killer déguisé en père noël.
    Bien entendu les deux périodes, les deux intrigues vont s'entrecroiser et plutôt deux fois qu'une. Le scénario est plutôt bien monté qui enchaîne les événements d'une époque après l'autre comme s'ils se répétaient à 25 ans de distance.
    Mais il n'y a pas que les péripéties qui s'imbriquent, c'est aussi le cas des dessins puisque les tatouages dessinés sur les corps forment presque une BD dans la BD et là encore, les effets de cadrage et de mise en scène sont plutôt bien vus.
    Bref, voilà un album sacrément bien foutu, tout en échos et répons, une histoire de deux enfances sans innocence, une histoire dense et violente qui se lit trop rapidement mais que l'on va feuilleter plusieurs fois avant de refermer.
    Les dessins fouillés de François Boucq rappellent un peu le Jean Giraud de Blueberry et, avec des visages et des corps très expressifs, sont au même niveau d'exigence que le scénario.
    Les deux compères viennent de sortir un nouvel album, New York cannibals, une suite plutôt réussie.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:08:57
    Il faut flinguer Ramirez - Tome 2 - Acte 2

    Nicolas Petrimaux vient du monde du jeu vidéo et cela nous vaut un très beau dessin, nerveux et explosif ainsi qu'une mise en page très soignée (l'auteur parle même de mise en scène).
    Le premier tome de Il faut flinguer Ramirez date de juste avant la pandémie et le second épisode, très attendu, vient seulement de sortir.
    Grâce au bouche à oreille, la BD connait un beau succès bien mérité.
    Un thriller au second degré, façon Tarantino, un look un peu ringard des années 80, avec dans le rôle principal, le fameux moustachu Ramirez, dépanneur d'aspirateurs, extrêmement taciturne ou bien carrément muet, et visiblement tueur à gage à ses moments perdus.
    À ses trousses on trouve pêle-mêle : des flics obtus, des méchants truands et des jolies pépés.
    Avec son flegme imperturbable, le silencieux Ramirez traverse une mise en page orangée où sont même insérés (c'est à la mode) de faux articles de journaux et de fausses pubs, tout cela avec un humour ravageur.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:07:48

    On avait découvert le trio aux commandes de cet album avec une autre BD (excellente, elle aussi) : c'était Corps et âme en 2016.
    En 2015, l'album Balles perdues était le premier de leur collaboration et l'on y retrouve donc Walter Hill, le producteur et réalisateur US, le scénariste Matz (aka Alexis Nolent) celui de la série fleuve Le tueur et Jef (aka Jean-François Martinez) aux pinceaux.
    Les dessins de Jef sont superbes, de véritables aquarelles.
    L'histoire de Walter Hill est digne d'un bon vieux film de gangsters, on ne s'attendait pas à autre chose et l'adaptation BD de Matz fait mouche.
    Bref, le trio marquait déjà quelques très bons points avant de récidiver avec Corps et âme l'année suivante.
    Pour citer une petite interview de Walter Hill à la fin de l'album, voici : de l'argent, des flingues, des femmes, des flics et des corrompus. Un tueur de sang-froid lancé sur les traces d'un amour perdu.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:06:46
    Australes - Deux récits du monde au bout du monde - Tome 1 - Voyage aux îles de la Désolation

    Après l'aventure mi-thriller, mi-polaire et mi-scientifique proposée par Mikaël Hirsch avec Notre-Dame des Vents, il nous fallait prolonger la saison australe avec le Voyage aux îles de la Désolation d'Emmanuel Lepage.
    Lepage que l'on connait depuis son Tchernobyl, est une sorte de cousin voyageur ou reporter de Davodeau.
    Tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des "gens" qui nourrissent leurs rencontres et Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises).
    C'est donc un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires où l'on retrouve toute l'ambiance du bouquin de Hirsch, le mode de vie de ces marins et ces scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues (Kerguelen bien sûr, mais aussi Crozet, Saint-Paul ou Amsterdam). Et le vent rugissant et omniprésent.
    Un bel album de voyage où l'on découvre l'histoire de ces TAAF.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:04:23

    Après Zulu Caryl Férey nous invite à nouveau en Afrique du Sud post-apartheid.
    La nation construite dans la douleur peine encore à trouver ses couleurs "arc-en-ciel" pour sortir de l'antagonisme noir & blanc et pas sûr qu'un remède de Sangoma (un guérisseur, un sorcier) suffise à lui redonner des couleurs.
    Férey et son dessinateur, Corentin Rouge, nous plongent au cœur des discussions sur la redistribution des terres accaparées.
    Pendant les débats houleux au parlement, un meurtre est commis dans une exploitation vinicole.
    C'est un flic blanc qui va mener l'enquête : Shane Shepperd traîne son look de Bob Morane entre les townships et une trop jolie maîtresse black.
    Tout cela nous vaut de belles pages sur les vignobles du Cap ou ses townships.
    [...] Personne ne veut faire un pas vers l'autre, comme si les positions s'étaient figées du temps de l'apartheid.
    [...] C'est plus l'apartheid, mais on s'échine pareil pour gagner de moins en moins. La ferme est une exploitation, oui, et c'est nous qu'on exploite. La réforme agraire va changer les choses, je vous le promets !
    [...] Le meurtre de cet ouvrier agricole est repris en boucle sur les réseaux sociaux pour raviver de vieux conflits.

    Comme on pouvait s'en douter avec Férey, le texte est très explicatif mais l'album réussit à condenser dans ses quelques 150 pages, une intrigue complexe où tous les personnages sont reliés les uns aux autres : Bob Morane (!) aura bien du mal à démêler les mensonges, ceux d'aujourd'hui comme ceux du passé.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:03:32

    Etienne Davodeau est un peu notre dessinateur fétiche et l'on ne pouvait manquer son dernier album : Le droit du sol, un journal de voyage où il raconte et dessine son périple (à pied) depuis la grotte préhistorique de Pech Merle dans le Lot jusqu'au site d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure dans la Meuse.

    ❤️ L'humilité de l'auteur, dans ses dessins comme dans ses textes, sa modestie, son autodérision, tout ce qui cache son humanité, sa généreuse culture et son engagement.
    Son talent de scénariste et dessinateur.

    Le voyage de Davodeau est le prétexte à quelques rencontres et à de nombreuses réflexions sur l'espèce Homo Sapiens.
    Une sorte de chemin de Compostelle à rebours ...
    [...] Les pèlerins qui descendent vers Saint-Jacques-de-Compostelle. [...] Que cherchent-ils sur ce chemin ? Pourquoi marche-t-on ? Sans doute est-il important de ne pas tenter de répondre à ces questions.

    Les Sapiens du Paléolithique (dessinateurs eux aussi) ont laissé dans la grotte un magnifique héritage rupestre à leurs descendants.
    Au fond du site de Bure, que vont léguer les Sapiens du XXI° siècle à leur descendance ?
    Les curieux d'images animées pourront jeter un œil sur le premier épisode (le reste de la série n'est guère intéressant) de la série suédoise White Wall (le vrai site se trouve à Forsmark au nord de Stockholm) ; cela donne un aperçu de ces fameux sites d'enfouissement (et de leurs enjeux économiques).

    Quelle idée saugrenue de dessiner un album à partir d'une marche depuis une grotte préhistorique jusqu'à la ZAD de Bure !! ??
    [...] Et je me dis surtout que tout ça est peut-être une idée à la con.

    Mais c'est compter sans les talents de dessinateur et de scénariste de l'auteur qui réussit là un de ses meilleurs albums et une histoire passionnante, oui.
    L'astuce de Davodeau consiste à "convoquer" dans ses dessins, tout au long de sa randonnée, des professeurs, des chercheurs, qu'il a réellement rencontrés mais avant ou après son voyage : ces accompagnateurs virtuels sont l'occasion d'éclairer le chemin, un peu sur les Sapiens du Paléolithique mais surtout sur ce qui se prépare à Bure sous haute tension policière.
    On remarquera entre autres le personnage édifiant de Bernard Laponche, ancien syndicaliste CFDT (vous avez dit syndicat ?) du CEA.
    [...] Ce récit , au fond, c'est une tentative d'évoquer notre absolue dépendance à cette planète et à son sol.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:02:25
    Septentryon - Tome 1 - La calotte jaune

    On découvre ici André Houot un auteur de BD plus connu pour ses illustrations historiques et même préhistoriques.
    Mais le voici avec Septentryon dans une toute autre faille spatio-temporelle puisqu'il nous emmène sur Antéden, une terre post-apocalyptique dont une grande partie est constituée d'un désert interdit et contaminé.
    La série est courte et se compose de 4 albums d'une cinquantaine de pages chacun où l'auteur signe scénario et dessins.

    ❤️ Une histoire de S-F à l'ancienne, classique et solide, qui reprend les standards du genre.
    ❤️ Des dialogues bien tournés où l'humour voisine avec le second degré.
    [...] Ils n'ont pas de propergol, mais ils ont des idées.

    Chronover, le personnage principal, s'échappe d'un monde trop policé et s'aventure dans le désert interdit.
    [...] - Qui veut échapper à la contamination doit obéir aux conseils des autorités sanitaires.
    [...] - La zone contaminée s'étend sur près d'un septième de la surface totale de la planète ... Toute incursion dans le secteur sept conduit irrémédiablement à la mort !
    - Mensonges ... balivernes ... foutaises ! N'écoutez pas le "prêt-à-penser" de ces distributeurs à mensonges !

    Au gré des rencontres (le désert d'Antéden ne l'est donc pas tant que cela !), le mystère qui entoure Chronover et son passé s'épaissit : au fil des albums et de ses aventures, le héros nous livre peu à peu quelques bribes d'information sur ce monde décidément aussi mystérieux que complexe.

    On aime moins les ellipses d'un récit un peu touffu où l'on a parfois du mal à repérer ou distinguer les groupes de personnages les uns des autres : visiblement André Houot et Antéden entendent bien veiller jalousement sur leurs mystères !

    BMR Le 27/02/2025 à 18:01:03

    Il nous aura donc fallu du temps pour céder aux sirènes et lire enfin Le monde sans fin, un des livres les plus lus en France, véritable phénomène de librairie, avec Christophe Blain aux dessins et Jean-Marc Jancovici à la vulgarisation scientifique.

    ❤️ Le travail soigné de vulgarisation : un véritable régal pour les yeux et l'esprit, un peu dans l'esprit de Davodeau, même si le style est bien différent.
    ❤️ Le courage de s'attaquer de manière simple et accessible à un sujet épineux, difficile et polémique : un sujet dérangeant que l'on se garde généralement bien de regarder en face. Que l'on soit d'accord ou pas avec les différentes thèses présentées, on est bien obligé de reconnaître que cet album a au moins le mérite de toucher le plus grand nombre.

    L'album peut se découper en plusieurs grands chapitres.
    Le premier est absolument passionnant et nous emmène revisiter quelques décennies de croissance outrancière et de surconsommation énergétique hyperbolique : les graphiques simplifiés de Blain, les explications vulgarisées de Jancovici sont autant de lumières allumées dans nos petites têtes. C'est bluffant, souvent surprenant et donc bigrement intéressant.
    Le chapitre sur le réchauffement climatique fait froid dans le dos : les chiffres sont effarants et l'on voit mal, on ne veut pas voir, ce qui nous attend. Un sujet inquiétant, alors on tourne les pages un peu plus vite.
    Le chapitre sur le nucléaire est bien sûr, plus douteux : c'est lui qui a suscité autant de polémiques depuis la sortie du bouquin. Sans aller jusqu'à soupçonner les auteurs d'être à la solde du puissant lobby nucléaire français, on se doute bien que le plaidoyer de Jancovici ne prend pas en compte tous les paramètres, dans sa hâte bienveillante de nous sortir de son chapeau une solution pour amortir la décroissance énergétique qui nous attend.
    Et puis voilà c'est tout : on vient de réaliser un peu mieux que le monde n'est pas sans fin, que les citoyens de nos sociétés de croissance sont dans le déni le plus complet, bref, que c'est mal barré.
    Et ce ne sont pas les dernières pages sur les "solutions" à envisager qui vont nous rassurer : on voit trop bien le temps qu'il faudrait pour changer les mentalités de terriens qui n'ont aucune envie de changer de mentalités et qui ne peuvent évidemment pas s'en remettre à leurs dirigeants élus pour les y aider. C'est bien sûr le chapitre le moins convaincant et donc ce n'est finalement pas très rassurant.
    Alors on referme bien vite le gros album en regrettant finalement que Blain et Jancovici ne se soient pas contentés du premier chapitre : c'était quand même bien plus cool d'analyser le passé de notre Histoire énergétique plutôt que de chercher à ouvrir les yeux sur un avenir bien sombre.

    BMR Le 27/02/2025 à 18:00:04

    Christian Lacroix dit Lax est un auteur de bandes dessinées qui signe ses scénarios comme ses dessins.
    L'université des chèvres est un très bel album mais aussi un beau plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement, dans une tonalité socio-naturaliste qui rappelle un peu le style Davodeau.
    Avant de vous plonger dans l'album, on vous invite à lire la courte postface de Pascal Ory (historien de la culture, membre de l'Académie Française) qui donne tout la perspective nécessaire à la compréhension des histoires qui seront contées.

    ❤️ On aime les magnifiques dessins aux tons pastels qui n'hésitent pas à s'étaler sur quelques doubles pages. Les paysages de montagnes, du Dauphiné à l'Hindu Kush, sont superbes.
    ❤️ On aime le scénario très astucieux, façon "la boucle est bouclée", qui réussit à croiser les destins, les géographies et les époques sans que cela paraisse artificiel : de 1883 à 2019, [c'est une longue histoire] portée par un propos parfaitement maîtrisé.

    Cet album est un élégant plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement.
    Un discret mais efficace réquisitoire contre tous ceux qui s'y opposèrent et s'y opposent encore : les curés, les conservateurs rétrogrades, les intégristes mais aussi les états qui préfèrent garder la mainmise sur l'accès à la culture ou en exclure certain(e)s.
    Avec l'évocation des tueries US, c'est aussi un autre regard sur la présence d'armes à feu dans ces écoles qui devraient rester des sanctuaires, à l'écart des violences de la NRA comme de celles des talibans.

    En 1833, Fortuné Chabert est "colporteur en écriture" dans les montagnes du Dauphiné.
    Son chapeau arbore "les 3 plumes" : la lecture, l'écriture et "la chiffre", celle du calcul, ce qui lui permet de faire l'école dans les villages des hauteurs, c'est l'université des chèvres.
    Cette année-là, les lois Guizot vont instaurer un système d'enseignement public (sur lequel le clergé gardera une forte influence, l'école publique devra attendre 1882 et Ferry pour devenir laïque) : c'en est fini des colporteurs en écriture comme Fortuné Chabert. Il part pour la Californie.
    Il reprendra l'école, cette fois pour les enfants des tribus Hopis, et finira par s'opposer de nouveau à l'état et aux pensionnats et internats qui visaient à "acculturer" les enfants indiens.
    Plus tard, alors qu'aux US triomphent la NRA et le trumpisme, son arrière-petite-fille journaliste, est envoyée pour un reportage en Afghanistan. Son "fixeur" est Sanjar, un instituteur itinérant (un colporteur local donc) chassé des villages à coups de pierres par les talibans : la boucle semble ainsi presque bouclée.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:59:17
    Léna - Tome 3 - Léna dans le brasier

    Le scénariste Pierre Christin (celui de Valerian) et le dessinateur André Juillard sont aux commandes de cette petite série de 3 albums qui relatent Le long voyage de Léna.
    Les deux premiers sont parus en 2006 et 2009 mais il a fallu attendre 2019 pour le troisième épisode.

    ❤️ On aime le talent de Juillard pour retracer en quelques images l'ambiance d'une ville : ceux qui sont allés à Berlin ou Budapest retrouveront en deux ou trois images les clichés typiques de ces villes.
    ❤️ On aime le personnage de Léna, femme mystérieuse au passé douloureux, vêtue de sa petite robe noire. Heureusement pour les lecteurs, il fait chaud et Léna aime bien la baignade.
    ❤️ On aime charme tranquille de cette BD qui aborde pourtant des sujets sous haute tension : le personnage de Léna est bien loin des cow-boys qui hantent habituellement les coulisses des services de renseignement.

    L'après communisme, le terrorisme islamique, la poudrière du Moyen Orient. La géopolitique de notre monde moderne.

    Même s'il s'agit globalement d'une histoire d'espionnage, c'est surtout un beau portrait de femme : celui de la mystérieuse Léna qui parcourt le monde en délivrant des messages pour le moins ambigus et des cadeaux pour le moins piégés. Qui est-elle, pour qui travaille-t-elle et quel est son lourd passé mystérieux ? Il faudra attendre la fin du premier album pour en savoir un peu plus.
    [...] - Quel dommage que vous n'ayez pas le temps de visiter notre ville.
    - Mon départ s'annonce-t-il aussi lent et compliqué que mon arrivée ?
    - Lent oui, puisqu'il va se faire par voie maritime, mais c'est justement le prix à payer pour qu'il ne soit pas compliqué et que nul ne garde trace de vos mouvements.

    L'épisode suivant entraînera Léna au cœur de la préparation d'un attentat islamiste, peut-être l'histoire la moins réussie car il est bien difficile de sortir des clichés habituels.
    Le dernier épisode remet Léna au centre d'une conférence diplomatique sous haute surveillance et une surprise attendra finalement le lecteur ...

    BMR Le 27/02/2025 à 17:58:03

    Jacques Fernandez est né à Alger quelques temps avant le décès d'Albert Camus.
    Son album est paru en 2013 pour le centenaire de la naissance de Camus.
    L'étranger est une fidèle adaptation du bouquin éponyme.

    ❤️ On aime les dessins gorgés de soleil de l'auteur et son adaptation fidèle du roman qui permet de ressentir l'ennui, l'indifférence du jeune Meursault (qui emprunte quelques traits à Camus lui-même !) face à un destin absurde où le hasard a peu de place, où seuls s'enchaînent les actes, ses actes, comme s'il avait pu, par son crime, enfin pu choisir sa destinée et sa fin programmée donner un sens à sa vie.

    Tout comme le roman, l'album est divisé en deux parties : d'abord les jours ensoleillés que passe le jeune Meursault auprès de sa fiancée mais où déjà pointent son indifférence et son insensibilité.
    [...] - Tu voudrais te marier avec moi ?
    - Ça m'est égal, mais on pourrait, si tu veux ...
    - Tu m'aimes ?
    - Ça ne signifie rien, mais je ne t'aime sans doute pas.
    - Pourquoi m'épouser alors ?
    - Cela n'a aucune importance, mais si tu le désires nous pouvons nous marier. D'ailleurs, c'est toi qui le demandes.

    Cette première partie se termine sur la plage lorsque Meursault sort un revolver et abat un "arabe" (nous sommes en 1942) au cours d'une vaine querelle sans grande importance.
    Le second temps sera celui du procès bâclé et de la condamnation à mort de Meursault avec le célèbre : le condamné à mort aura la tête tranchée.
    La personnalité de Meursault ne lui laisse aucune chance.
    [...] - On vous dépeint comme étant d'un caractère taciturne et renfermé. Qu'en pensez-vous ?
    - C'est que je n'ai jamais grand chose à dire, alors je me tais.
    [...] - Plutôt que du regret véritable, j'éprouve un certain ennui.

    Il n'était pas facile de mettre en images le texte de Camus, de donner corps au jeune Meursault indifférent au monde qui l'entoure mais cet album est une excellente occasion de se replonger dans la philosophie de Camus et d'approcher un peu l'absurdité de la condition humaine.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:43:54

    C'est le bouquin de Sophie Brocas (Le baiser) qui nous avait mis sur la piste de cette histoire incroyable : le procès du sculpteur Constantin Brancusi contre les États-Unis au sujet de droits de douane sur une de ses sculptures ...
    Et c'est Arnaud Nebbache (illustrateur et professeur d'art) qui s'y colle pour retracer en images ce procès historique ...

    ❤️ On se passionne pour le débat ouvert par ce procès : qu'est-ce qui fait une œuvre d'art ? Son caractère unique (oui, mais il y a les moulages successifs), la main de l'artiste (oui, mais il y a un atelier de fonderie), le jugement des pairs (oui, mais il y a des réfractaires à un nouveau style), la beauté contemplée, le plaisir ressenti (oui, mais tout cela prête à interprétation) ...
    Et puis c'est aussi une époque où art, artisanat et industrie se télescopent : outre Brancusi, c'est l'époque de Fernand Léger et d'Alexandre Calder par exemple.
    ❤️ On apprécie les croquis supposés de Marcel Duchamp que l'artiste dessine pendant le procès pour tenir informé son ami Brancusi resté à Paris : voilà un moyen astucieux pour retracer de façon vivante les débats de la justice.

    Dans les années 1920, Marcel Duchamp organise à NY une exposition des sculptures de Brancusi.
    À leur arrivée par bateau, les "objets" sont taxés par les douanes US comme "produits manufacturés".
    L'une des sculptures, L'oiseau un moulage de bronze poli quasi abstrait, est prise comme pièce à conviction et s'ouvre alors en 1927 ce fameux procès pour lui faire reconnaître le statut d'œuvre d'art ...

    Le dessin de Nebbache pourra dérouter au premier abord mais on reconnaîtra qu'il s'accorde plutôt bien avec son sujet : l'espace des œuvres d'art et le mouvement du sculpteur, ...
    En bon professeur d'art, l'auteur prend d'ailleurs tout son temps pour imaginer et dessiner tout le long processus de création qui aura conduit l'artiste (le plus abstrait des sculpteurs figuratifs) à cette forme aboutie, qui ne ressemblait plus vraiment à un oiseau mais qui voulait saisir l'esprit du mouvement, l'envol de l'oiseau.
    C'est un choix de scénario judicieux qui permet de mettre le lecteur dans les meilleures conditions pour apprécier tout le sens du procès qui va se dérouler.
    Laissons finalement le dernier mot au juge Waite avec une sentence qui fera date dans l'histoire de l'art :
    [...] Une école d’art dite moderne s'est développée dont les tenants tentent de représenter des idées abstraites plutôt que d’imiter des objets naturels. Que nous soyons ou non en sympathie avec ces idées d’avant-garde et les écoles qui les incarnent, nous estimons que leur existence comme leur influence sur le monde de l’art sont des faits que les tribunaux reconnaissent et doivent prendre en compte.

    Le lendemain du 26 novembre 1928, la presse US ironise : It's a bird !

    BMR Le 27/02/2025 à 17:41:32

    Les belges Hermann Huppen et Yves H. travaillent en famille : papa est au dessin et le fiston au scénario pour nous raconter la triste et sombre histoire d'Old Pa Anderson.

    Nous voici plongés, en 1952, dans l'état du Mississipi.
    L'esclavage a été officiellement aboli mais remplacé dans les États du Sud par la ségrégation.
    Ce n'est plus le Ku Klux Klan qui fait la loi comme autrefois mais pour autant, les noirs ne sont toujours pas chez eux et le racisme continue d'irriguer profondément la société étasunienne.
    ❤️ Dans la famille Huppen, je voudrais le père dont on aime le dessin sombre et poisseux qui convient particulièrement à ce roman noir, une sale histoire dans les états racistes du sud.
    ❤️ Dans la famille Huppen, je voudrais le fils dont on aime le scénario qui sait rester concentré sur l'essentiel : un drame sordide du passé et une vengeance tardive, tout cela ne peut que très mal se terminer, on est dans le Mississipi et ce sont encore les années 50.
    Ce sont les années de la génération de nos parents, comment imaginer qu'aujourd'hui ce pays soit dégagé d'un passé si terrible et si récent ?

    Le grand-père Old Pa Anderson est toujours rongé par la disparition de sa petite-fille, huit ans plus tôt et plus grand chose ne retient le vieux noir à la vie : sa chère Old Ma vient de s'éteindre dans leur lit, minée par le chagrin.
    [...] - Si j'avais fait quelque chose pour la p'tite, peut-être que l'Bon Dieu me l'aurait laissée encore un peu.
    - Faire quoi ? ... Tu te serais surtout fait lyncher avant d'avoir parcouru la largeur d'un trottoir. Et Old Ma avec.
    On n'est juste que des nègres du Mississipi.

    Une révélation bien tardive va lancer Old Pa Anderson sur le sombre chemin de la vengeance.
    Et si [le Mississippi règle ses affaires à sa façon], le vieux noir veut lui aussi régler ses comptes avec le passé.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:40:06

    Pourquoi revenir sur ce monument littéraire sur lequel tout a été dit (et sans doute son contraire aussi) ?
    Parce que les éditions Points (avec l'arrivée de Thomas Ragon transfuge de chez Dargaud) ont eu la bonne idée de profiter de la BD de Manu Larcenet pour ressortir le texte intégral de Cormac McCarthy illustré de quelques planches de Larcenet, un collector.
    L'occasion de lire ou relire ce monument littéraire qu'est devenu La route, et bien sûr de découvrir ensuite la superbe BD que Manu Larcenet en a tiré.

    • Un récit d'une noirceur sans fond faite de désespoir et de solitude.
    Il n'y a plus de noms, même plus de mots, il n'y a que l'homme et le petit, une solitude insondable, plus personne à qui parler, même les dialogues entre l'homme et le petit sont rapportés dans un style indirect.
    Après plusieurs années d'errance, ce n'est même plus la fin du monde : le monde est désormais terminé, on est déjà au-delà.
    La question n'est plus de survivre, comment survivre.
    Non, la question est désormais : faut-il vraiment survivre ? Pour quoi survivre ?
    Je crois bien que c'est le premier bouquin où je suis tenté, je veux dire vraiment tenté, d'aller jeter un œil sur les dernières pages pour voir si une lueur d'espoir pouvait s'y cacher ....
    • Le génie de McCarthy c'est d'avoir écrit son bouquin avec une seule image, celle de cet homme et son petit sur la route avec leur caddie, une image qu'il nous repasse sans cesse, encore et encore, pendant toutes ces pages.
    Mais quelle image puissante ! Une image qui vaut un Pulitzer, une image si pleine de sens désespéré, si lourde de terribles sous-entendus, qu'elle imprègne durablement le lecteur et même tout le monde littéraire.
    Il y a du Moby Dick dans cette image.
    Quelques mots, quelques lignes et tout est dit :
    [...] Une heure plus tard ils étaient sur la route. Il poussait le caddie et tous les deux, le petit et lui, ils portaient des sacs à dos. Dans les sacs à dos il y avait le strict nécessaire. Au cas où ils seraient contraints d'abandonner le caddie et de prendre la fuite. Accroché à la barre de poussée du caddie il y avait un rétroviseur de motocyclette chromé dont il se servait pour surveiller la route derrière eux.
    • Comme les temps qui y sont décrits, ce roman a quelque chose de définitif, qui condamne tous les récits passés et à venir de survivalisme et qui surtout condamne définitivement notre soi-disant humanité.

    La fin du monde a eu lieu. On ne sait pas comment, mais cela commence même déjà à dater, d'une bonne dizaine d'années.
    Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant.
    Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes à la Mad Max.
    [...] Ils attendaient, assis sur le remblai. Rien ne bougeait. II passa le revolver au petit.
    Prends-le toi, Papa, dit le petit.
    Non. Ce n'est pas ce qui était convenu. Prends-le toi.
    II prit le revolver et le garda sur ses genoux et l'homme descendit.

    Ah cette terrible chorégraphie du revolver avec l'enfant, plusieurs fois répétée ...
    [...] Quand on sera tous enfin partis alors il n'y aura plus personne ici que la mort et ses jours à elle aussi seront comptés. Elle sera par ici sur la route sans avoir rien à faire et personne à qui le faire. Elle dira : Où sont-ils tous partis ? Et c'est comme ça que ça se passera.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:38:14

    Manu Larcenet met en bulles et en images La route, le roman culte de Cormac McCarthy qui avait obtenu le prix Pulitzer en 2007.
    Un pari osé mais un album réussi et très fidèle à ce monument littéraire.
    Manu Larcenet avait déjà lâché en 2009 une petite bombe dans le petit monde la BD avec Blast : exit les couleurs acryliques et rutilantes, Manu nous proposait quatre gros albums au noir & blanc éclatant, expressif et même lumineux. Déjà, c'était une histoire de SDF errant sur les routes.
    Après avoir adapté Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel, il était somme toute assez logique que Manu Larcenet s'attaque au roman culte de Cormac McCarthy, qui avait déjà été porté sur écran en 2009 par John Hillcoat avec Viggo Mortensen.
    De toute évidence, la noirceur du dessin de Larcenet était faite pour illustrer ce sombre récit post-apocalyptique.
    La fin du monde a eu lieu. On ne sait pas trop comment et cela commence même déjà à dater, d'une bonne dizaine d'années. Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant. Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes sorties de Mad Max.
    Un récit dans lequel il n'y a plus de noms, presque plus de mots, il n'y a que l'homme et le petit, une solitude insondable, plus personne à qui parler et le roman de McCarthy était avare de dialogues, rempli de silences et de non-dits.
    Voilà qui laisse toute la place à Larcenet pour déployer son talent de metteur en scène et faire en sorte que le dessin devienne lui-même le récit - un beau challenge pour un bédéaste.
    Sans cartouches de texte "off", sans bulles explicatives, c'est uniquement grâce à l'enchaînement des cases et à la force suggestive des dessins que le récit est retranscrit dans un noir et blanc sale et charbonneux à l'image de ce monde de cendres apocalyptiques, parfois teinté de sépia ou de teintes orangées.
    Les rares phylactères jaillissent de cet univers pour mieux souligner les non-dits des rares dialogues entre l'homme et son petit.
    Le génie de McCarthy c'est d'avoir écrit son bouquin avec une seule image, celle de cet homme et son petit sur la route avec leur caddie, une image qu'il nous repassait sans cesse, encore et encore. Mais quelle image puissante !
    Une image qui lui a valu un Pulitzer, une image si pleine de sens désespéré, si lourde de terribles sous-entendus, qu'elle imprégnait durablement le lecteur et même tout le monde littéraire.
    Une image dont s'est emparé avec brio Manu Larcenet dont les planches arrivent à nous faire partager le quotidien de ces deux êtres en perdition et ressentir les souffrances (et les trop rares joies) de ces corps amaigris.
    En un peu plus de 150 pages, l'auteur prend tout le temps de développer fidèlement le roman avec ses scènes les plus notables : le coca, le revolver, le bunker... tout y est.
    Le pari était osé, voire risqué, mais avec la réussite et la reconnaissance des lecteurs, le succès est au rendez-vous : l'album a déjà été réimprimé et cela dans plusieurs langues.
    Larcenet avoue tout de même un regret : « Ne pas avoir pu remettre cet album à Cormac McCarthy lui-même. » puisque l'auteur américain est décédé en juin dernier.

    À noter : les éditions Points (avec l'arrivée de Thomas Ragon transfuge de chez Dargaud) ont eu la bonne idée de ré-éditer le roman de McCarthy en version "collector" avec quelques planches illustrées tirées de la BD, histoire de doubler le plaisir avec la (re-)lecture du roman !

    • On voit tout de suite ce qui a pu séduire Larcenet dans ce texte rapidement devenu mythique.
    Le sombre récit de McCarthy laissait les rares et pauvres dialogues se dissoudre dans une prose puissante. Les planches en noir et blanc de la BD sont à la hauteur de la puissance du récit et les bulles y retranscrivent les rares dialogues presque mot pour mot.
    • Un complément essentiel au livre où l'enfant prend toute sa place.

    La fin du monde a eu lieu.
    Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant.
    Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes à la Mad Max.
    [...] Il sera de quelle couleur l'océan ?
    Et quelques planches plus loin :
    [...] Je te demande pardon ... L'océan n'est pas bleu.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:36:36

    Erik Juszezak signe un album bigrement intéressant avec cet Erectus adapté d'un roman de Xavier Müller paru en 2018.
    Le dénouement "ouvert" laisse présager d'épisodes à suivre (tout comme ce fut le cas pour les romans de Müller).

    Un virus inconnu infecte les animaux et les fait régresser à un stade de l'évolution très antérieur.
    Ainsi un éléphanteau d'un parc africain se métamorphose en gomphothérium, l'ancêtre de nos mammouths et éléphants, une bestiole qui vivait il y a plusieurs millions d'années et dont nos musées conservent quelques défenses et même squelettes.
    Après différents animaux, le virus Kruger (du nom du parc africain) finit évidemment par se transmettre à l'homme : les victimes se retrouvent en Homo Erectus, notre ancêtre très futé qui s'est levé debout et a sans doute inventé le feu et les prémices du langage.
    Notre société se retrouve vite partagée entre ceux qui voudraient apporter des "soins" à nos congénères, les partisans d'une incarcération en réserve et ceux d'une éradication plus définitive de ces monstres.

    • On aime bien le soin apporté à la vraisemblance du scénario avec une mise en place progressive qui rappelle un peu celle de la série tv Zoo ou le film Le règne animal. Xavier Müller est un scientifique et peaufine la genèse de toute cette histoire.
    • Le bouquin a été écrit en 2018 bien avant la pandémie de Covid mais l'album est plus récent. Ce qui explique sans doute que l'histoire se focalise un moment sur un mystérieux labo P4 d'où se serait échappé le fameux virus Kruger. Et depuis le Covid, on n'a plus trop envie de railler ces élucubrations.
    • On apprécie aussi beaucoup le clin d’œil intelligent au zoo de Vincennes (où sont parqués les Erectus français), zoo qui de sinistre mémoire avait "accueilli" quelques étranges spécimens au temps béni des colonies : on se souvient du remarquable petit bouquin de Didier Daeninckx, Cannibale.
    • On trouve sujet et scénario tout à fait passionnants mais l'adaptation, peut-être trop fidèle au bouquin original, manque de caractère : l'album a un goût de trop ou de trop peu et le dessin, clair et agréable mais très classique, manque un peu de punch ou de modernité.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:35:05

    On avait déjà apprécié Roger le dessinateur espagnol : c'était un polar, Jazz Maynard, assez violent, au dessin très moderne.
    Des caractéristiques que l'on retrouve dans cet album Le Dieu-Fauve avec un scénario de Fabien Vehlmann.

    • On apprécie le dessin très moderne (habituellement on n'est pas trop fan) rehaussé d'une mise en page très dynamique, presque agressive, et tout cela convient parfaitement à cette histoire.
    • On aime bien le scénario de Vehlmann qui nous plonge dans des temps inconnus où quelques clans survivent sur Terre avant qu'un cataclysme ne vienne rebattre les cartes.
    Le montage est assez original en plusieurs chapitres : chacun d'eux se focalise sur l'un des personnages de l'histoire pour une conclusion assez inattendue, avant le chapitre suivant.
    Chaque partie nous dévoile un peu plus des dessous cachés de l'intrigue et remet en cause les apparences des volets précédents.
    • De cet album exsudent violence et chagrin. Le chagrin des soumis qui attendent que sonne l'heure de leur vengeance, quand la violence sera la leur et non plus seulement celle de leurs maîtres.

    Dans des temps inconnus, quelques clans survivent sur Terre avant qu'un cataclysme ne vienne rebattre les cartes et bouleverser les hiérarchies établies jusqu'ici entre maîtres et esclaves.
    Dans ce monde, il est d'usage de dresser des singes pour en faire de redoutables combattants.
    Sans-Voix est l'un d'eux. Il est appelé à devenir un Dieu-Fauve.
    [...] Je l'ai dressé à devenir une arme divine, Altesse.
    Et il m'a fallu pour cela faire grandir en lui une colère et une souffrance qu'il vous serait difficile d'imaginer...
    [...] L’élève qui dépasse le maître... Voilà qui est dans l’ordre des choses. C’est une bonne mort.
    [...] La coutume affirme en effet que parmi ces prédateurs se cache parfois un Dieu-Fauve : l'incarnation sur Terre du seigneur de la violence.

    La coqueluche des arènes apportant à son propriétaire honneur, gloire et fortune. Parfois même un retour en grâce au sein de l'Empire.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:32:33

    Après le succès du Monde sans fin, voici Capital & Idéologie, cuisiné selon la même recette : sur le fond, la réflexion et la caution d'une grosse tête d'intellectuel progressiste (après Jancovici sur les énergies, ce sera le tour de Thomas Piketty sur l'économie) et sur la forme, le travail lumineux de celles et ceux qui ont un don magique pour vulgariser les sujets les plus complexes (ce sera Claire Alet, journaliste et documentariste, elle travaille au magazine Alternatives économiques).
    Benjamin Adam a mis ses talents d'illustrateur et de graphiste au service des deux économistes.
    Bref, il y a là tous les bons ingrédients et une bonne recette : le résultat est évidemment à la hauteur !

    • On ne peut qu'applaudir des deux mains à ce travail de vulgarisation et de mise en scène du livre de Thomas Piketty : c'est un remarquable travail qui donne à tous les clés d'accès indispensables. Cet ouvrage lumineux est éclairant ! Une lecture obligatoire pour mieux maîtriser les débats économiques !
    • Certains raccourcis historiques sont saisissants : les indemnisations des privilèges de la noblesse et du clergé, plus tard de l'esclavage aboli, l'analyse (je cite) du retournement du clivage éducatif, la fameuse courbe de l'éléphant, ... tout cela élève le débat (et le lecteur) à des hauteurs insoupçonnées.
    • On apprécie le dernier chapitre qui donne quelques clés pour faire évoluer le capitalisme et l'Europe : contrairement au plaidoyer nucléaire de Jancovici (qui s'avérait peu convaincant), les propositions de Piketty sont captivantes et éclairantes.

    L'album est un véritable cours d'Histoire de l'économie occidentale au travers de l'évolution de toute une famille : l'arbre généalogique court de 1789 jusqu'à aujourd'hui.
    L'abolition (et l'indemnisation) des privilèges à la Révolution, l'abolition (et l'indemnisation) de l'esclavage, le temps béni des colonies, la naissance des impôts modernes, l'évolution de la propriété, les guerres bien sûr (Sécession, 1914, 1940), la Grande Dépression, le New Deal, Keynes, les Trente Glorieuses, la crise de la dette et l'inflation, c'est toute notre histoire occidentale qui est revisitée à travers le prisme de celle du capitalisme.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:31:41

    Aurélien Ducoudray met son expérience de journaliste au service de ses scénarios : la Bosnie, la Tchétchénie, ... et ici la Chine profonde.
    Et c'est Fred Druart qui est aux pinceaux de ce "polar documentaire" : Les âmes noires.

    • On aime beaucoup le sujet dont se sont inspirés Ducoudray et Druart.
    L'idée est curieuse mais idéale pour les curieux.
    Leur récit est basé sur un documentaire (de 2008) du cinéaste chinois Wang Bing : L'argent du charbon.
    Ne gardant que l'essentiel, Ducoudray a épuré scénario et dialogues jusqu'à l'os, exactement comme il convient dans cette région sèche et pauvre où il ne fait pas bon vivre.
    • Au diapason, Druart illustre cette courte histoire avec un dessin nerveux et délibérément "sale" qui fait ressortir le côté terreux et pierreux des paysages.

    Nous sommes au fin fond de la Chine du nord, dans une région minière reculée, sans doute la province de Shanxi près de la Mongolie.
    Entre la gigantesque mine de charbon et les usines ou les ports, une noria de vieux camions bringuebalants sillonnent une mauvaise route. Dans ces régions arides, pauvres et désolées, l'or noir est l'objet de toutes les convoitises et de tous les trafics.
    Yuan est chauffeur de camion sur cette route du salaire de la peur, mais un salaire de misère.
    Son camion, c'est ce qui les nourrit, lui, sa femme et sa fille.
    [...] - Assieds-toi, tu veux jouer ?
    - Tu joues quoi ?
    - Ton camion.
    - Contre ?
    - Mon commerce ?
    [avec les dés en main] - Ils sont truqués ?
    - Bien sûr. Tous les dés sont truqués ...
    On doit rien laisser au hasard dans la vie, ça serait bien trop dangereux.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:30:28

    À la lettre “F", le répertoire des femmes fatales semble bien interminable … On est bien sûr tombé sous le charme de ces femmes … que l’on ne croise qu’une seule fois !
    Voici donc Mélanie Horst, Aimée Joubert ou Madame Souabe, peu importe : tous ces noms ne désignent qu’une seule femme … fatale.
    Après Tardi, le dessinateur Max Cabanes a choisi de reprendre plusieurs œuvres de Patrick Manchette (aidé par Doug Headline qui n’est autre que le fils de Patrick Manchette).
    Fatale est réputée comme leur meilleure adaptation (après La princesse de sang), ce que l’on peut confirmer ici.
    Changeant de ville comme de nom, d’apparence et de coiffure, la pulpeuse jeune femme semble très occupée à faire le ménage dans les milieux de la bourgeoisie chabrolienne de province.
    Hommes d’affaires véreux, chasseurs grossiers et ventrus, épouses dévouées à la carrière de leurs maris, flics compromis ou notaires concupiscents, … ce ne sont pas les proies qui manquent et le lecteur se délecte d’avance lorsque la dame (appelons la Aimée par exemple) débarque dans une nouvelle petite bourgade bien de chez nous. En bord de mer, Aimée semble nager comme un poisson dans ces eaux troubles agitées de passions, de haines, de fric, de sexe et de magouilles.

    […] C’est comme d’habitude, non ?
    Ce sont toujours les histoires de cul qui apparaissent les premières …
    Puis viennent les questions d’intérêts …
    … et enfin les vieux crimes.
    Tu as vu d’autres villes ma douce. Et tu en verras d’autres.

    Mais qui est Aimée ? Quel passé nous cache-t-elle ? Et à part l’argent, qu’est-ce qui la motive dans ce rôle de nettoyeur ? Les notables de Bléville l’apprendront bientôt à leurs dépens.
    Mais plutôt qu’un polar inquiétant ou une intrigue sophistiquée, Cabanes a choisi de nous peindre une ambiance et un personnage.
    Coup de chapeau pour cette BD qui sort des sentiers rebattus.
    Un seul volume là où d’autres jouent les prolongations en série.
    Un décor (savamment construit) des années 60-70 avec 2CV, R16 et 4CV en guise de vaisseaux spatiaux.
    Des images troubles et inquiétantes, comme battues par la pluie et les mauvais (pres)sentiments …

    Et puis une BD qui donne vraiment envie de (re-)lire le roman ? Quel plus bel hommage ?

    BMR Le 27/02/2025 à 17:29:21

    Après le très remarquable Fatale, on retrouve le dessinateur Max Cabanes et le journaliste Doug Headline pour une précédente adaptation d'un autre roman de Jean-Patrick Manchette (le père de Tristan Manchette alias Doug Headline) : La princesse du sang.
    Avant d'être surpris par la grande faucheuse, Manchette amorçait avec ce roman un virage plus "géopolitique" dans sa carrière d'écrivain, qui annonçait une série d'autres aventures.
    Doug Headline avait à cœur de terminer ce projet pour en faire un film peut-être. Ce sera une BD sortie en deux volumes en 2011.
    Une édition intégrale, revue et augmentée, a vu le jour en 2015 rassemblant les deux albums initiaux.

    • Depuis longtemps on goûte (avec un peu de nostalgie) l'esprit post-soixante-huitard de ces néo-polars des années 70-90 quelque part entre anarchisme et pessimisme, celui des A.D.G., Vautrin ou Fajardie.
    • On se passionne ici pour le contexte géopolitique complexe de cette intrigue : l'échec de la révolution hongroise de 1956 à Budapest, la lutte entre les services secrets français et étasuniens pour prendre le contrôle du MNA en Algérie, les débuts de la révolution castriste à Cuba, ...
    Ambiance d'époque garantie qui rappelle le roman de Laurent Guillaume paru récemment : Les dames de guerre.
    • On plonge avec délectation dans la jungle cubaine aux côtés de la jolie Ivy pour ce roman d'aventures au scénario foisonnant où l'on ira de surprise en surprise.
    • Et si Doug Headline était tout indiqué pour reprendre l'héritage paternel, les cadrages très rythmés de Cabanes accompagnent parfaitement le récit de leur trait "soigneusement négligé".

    1956. La jeune et jolie photographe Ivory Pearl, dite Ivy, part se mettre au vert dans la jungle cubaine après avoir passé plusieurs années à écumer tous les conflits de la planète pour ses reportages.
    C'est son protecteur, Bob Messenger - un britannique qu'elle a rencontré pendant la guerre à Berlin alors qu'elle n'avait que quinze ans et que lui cherchait une "couverture" pour cacher son homosexualité, qui lui a suggéré Cuba comme lieu de villégiature, avec peut-être quelques arrières pensées ...

    BMR Le 27/02/2025 à 17:27:43

    Cet album dresse un véritable panorama autour de celles et ceux qui œuvraient dans les coulisses du pouvoir, après-guerre. On y révise l'Histoire d'une France gaulliste pas toujours très reluisante, celle des années 50 et 60.

    Il s'agit d'une “intégrale” qui regroupe les 4 tomes précédemment sortis (en 2016) sous le titre “Les années rouge et noir”, une bande dessinée librement inspirée d'un roman éponyme de Gérard Delteil (2014).
    Didier Convard et Pierre Boisserie sont au scénario, Stéphane Douay au dessin.
    Un album qui fait bien sûr écho à celui d'Etienne Davodeau et Benoît Collombat : Cher pays de notre enfance (2015).

    Le scénario va faire se croiser les destinées de plusieurs personnages imaginaires : Aimé Bacchelli, un futur ex-collabo intriguant dans l'ombre, Agnès Laborde, une jeune résistante engagée chez les gaullistes, Alain Véron, le frère d'un militant communiste qui a été exécuté, et Simone Baroux, future journaliste.
    De quoi balayer un large panorama de la reconstruction après-guerre de la France.
    Certains de ces personnages “imaginaires” sont inspirés de la vraie vie : le parcours d'Aimé Bacchelli ressemble à celui de Georges Albertini, Simone Baroux pourrait être l'avatar de Françoise Giroud, ...
    On rencontrera également des personnages de la vraie vie sous leurs vrais noms comme René Bousquet, le patron de la police vichyste ou Hélène Lazareff, la journaliste qui fonda le magazine Elle.
    Et outre le Général, d'autres personnages plus ou moins brillants de notre République : George Pompidou, Marie-France Garaud, Pierre Juillet, Charles Pasqua, ...
    Ce sont les années de la création du SAC et de ses barbouzes, quand l'ombre du général plane sur le pays.

    Cette Histoire de France commence à la veille de la Libération. À Paris, ça sent le roussi pour les allemands et les vichystes. Et les manœuvres ont commencé autour des fiches perforées utilisées pour recenser les juifs, les communistes ou qui l'on veut. C'est de ce fichier que naîtront plus tard notre recensement INSEE et notre fameux numéro de sécu.
    [...] Je comprends. D'après ce que m'a dit Bacchelli, ces fiches représentent un moyen de pression et donc une arme redoutable pour qui les détient, c'est ça ?
    [...] Il faut jouer avec les cartes que l'on a en main. À propos de cartes, il se trouve que ...

    Fil rouge de ce thriller politique, ces fiches mécanographiques (c'était avant l'informatique) sont un véritable enjeu dans les comptes qui vont se régler entre vrai-faux collabos et faux-vrais résistants, tout au long de la France gaulliste, jusqu'à l'arrivée de Giscard d'Estaing et Jacques Chirac qui ferment le ban de ces années gaulliennes.

    ➔ On aime le côté très politique de ce récit : on y retrouve la plupart des événements qui ont marqué le pays depuis les années 50 jusqu'en 1974. C'est une véritable leçon d'Histoire qui donne envie de (re)lire le roman de Gérard Delteil.
    ➔ On apprécie le récit fait des parcours entrecroisés des quatre personnages principaux. Chacun tente de jouer avec les cartes (mécanographiques ou pas !) qu'il a en main et on se prend au jeu.
    ➔ Le dessin reste très simple pour laisser toute la place au récit, à peine teinté de sépia pour mieux dater le contexte rétro.

    BMR Le 27/02/2025 à 17:25:31

    Philippe Xavier est un dessinateur formé sur le continent américain à la publicité et au graphisme.
    Matz (Alexis Nolent) est un scénariste que l'on connait bien : c'est celui de la série Le Tueur, dont on retrouve ici quelques caractéristiques (monologues en voix off, ...) et de quelques autres albums remarquables, souvent des coups de cœur.
    Tous deux sont régulièrement aux commandes d'une série d'albums : Tango, dont on reparlera certainement.
    Voici donc Le serpent et le coyote, tout un programme !

    ❤️ Les BD "à texte" de Matz qui sait jouer les "écrivains" et qui s'y entend pour nous faire partager la route d'un coyote solitaire comme on les aime : on ne se lasse pas de ces monologues ou de ces dialogues, de ce ton sec et nerveux qui claque et qui est celui des meilleurs romans noirs US.
    ❤️ Les cadrages "home cinema" de Xavier et la mise en couleurs soignée : les paysages US de l'Arizona ou du Colorado y sont fort bien exploités et les effets de zoom dynamisent les images tout comme l'histoire.
    Même si, je cite : [le moment est mal venu pour faire le malin avec des références cinématographiques à la con].

    Les auteurs se sont emparés d'un thème cher au polar noir : le programme US de protection des témoins, le WITSEC (le Witness Security Program) qui offre, aux frais de l'État, une seconde vie aux truands qui acceptent de témoigner contre de pires truands. Un dispositif qui a connu des débuts difficiles quand il a été mis en place à la fin des années 60 mais qui a permis quelques victoires contre le crime organisé : c'est tout cela qui est évoqué dans cet album.

    Dans son camping-car, "Joe" (c'est son nom aujourd'hui, comme celui de tous les témoins protégés du Witsec), parcourt le désert US entre Arizona et Utah. Il aura bientôt la compagnie d'un coyote à qui il peut raconter sa vie mouvementée.
    [...] - J'ai l'impression qu'on est un peu pareils, tous les deux ... T'as plus de famille et plus d'amis, on dirait, non ?
    - Wiif
    - Tout seuls dans le vaste monde ... Mais tu sais, je me dis que parfois c'est pas plus mal ...
    Je suppose que c'est comme ça qu'il faut voir les choses, quand on n'a pas trop le choix. Qu'est ce qu'en te dis, Crash ?
    - Wouif Wiff
    - Ouais, nous sommes d'accord. Un homme doit faire ce qu'il doit faire avec ce qu'il a. Ça doit marcher pareil pour les clébards.
    [...] - Et puis je suis content d'avoir quelqu'un à qui parler, même si c'est un clébard. Les clébards, ça sait écouter. Les chats, ça se fout pas mal de nos problèmes d'humains de merde.

    Sur les traces de "Joe", on trouve bien sûr ses anciens amis qui ne lui veulent pas que du bien mais aussi les marshalls qui veulent le rappeler à la barre des témoins d'un nouveau procès ...
    Tous comprendront un peu tard qu'il faut se méfier du serpent qui semble dormir caché dans le sable du désert.

    BMR Le 27/02/2025 à 13:45:51

    Du Donbass au Sahel, deux journalistes de Jeune Afrique nous livrent un reportage en images sur la fameuse milice Wagner : l'histoire secrète des mercenaires de Poutine après 3 ans d'enquête.

    On a entendu beaucoup de choses et leurs contraires sur la tristement fameuse milice russe Wagner qu'il était bien commode de diaboliser autour de son patron Evgueni Prigojine, mais qui lui survit sans problème depuis sa mort en août 2023.
    Benjamin Roger et Mathieu Olivier sont tous deux journalistes : autant dire que cette BD n'est pas un album d'aventures de guerre mais une très sérieuse BD-reportage.
    Ils ont travaillé tous deux pour le magazine Jeune Afrique et connaissent donc parfaitement leur sujet.
    Thierry Chavant s'est engagé à leurs côtés pour illustrer cette enquête qui s'étend sur plusieurs années et plus d'un continent.

    Cette bande dessinée est une façon bien commode d'améliorer sa connaissance du sujet : l'ascension du groupe Wagner, les exactions commises, les enjeux financiers, la géopolitique africaine, ...
    Le récit est très documenté : basé sur les investigations des deux journalistes et les témoignages recueillis, c'est un gros travail de plusieurs années qui nous est résumé dans ces planches.

    La chronique de lecture complète sur http://bmr-mam.blogspot.com/2025/02/wagner-b-roger-et-m-olivier-t-chavant.html