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A mon grand désarroi, je suis passé à côté de cet appétissant "Strange fruit".
Le dessin est superbe mais il ne m’a pas touché ; orienté "illustration", il est trop froid et figé pour de la BD. A trop vouloir en faire, JG Jones se perd dans de la démonstration inutile. La surabondance de détails dans les visages, par exemple, rend souvent méconnaissable un même personnage d’une case à l’autre.
L’histoire, elle, m’a paru complètement décousue. Même si l’on peut deviner les intentions de l’auteur, je n’ai jamais su où il voulait vraiment aller tant son scenario tourne à vide. De nombreux thèmes émergent, à commencer par le racisme et la ségrégation, mais ils sont inexploités ou avortés, à l’image du Colosse Noir qui avait pourtant de quoi fonder une nouvelle mythologie, mais qui semble ici ne passer que par hasard…
Au final rien n’en sort, à part un manichéisme facile.
En résumé, c’est peut-être génial, mais je n’en ai pas compris grand-chose ni saisi l’intérêt.
Dans le premier tome, la découverte de cet univers si singulier avait de quoi sidérer.
Mais là, l’effet de surprise ne jouant plus, la splendeur des planches ne suffit pas pour pallier un scenario des plus hermétiques.
Et l’ennui peut vite gagner face aux motivations obscures des personnages et leurs quêtes, dont les enjeux sont en grande partie insaisissables. De plus, l’atmosphère morbide, l’écriture et les décors très théâtraux peuvent clairement rebuter…
Pour ma part je reste fasciné par la maestria du dessinateur Corrado Roi mais je m’avoue désarçonné par ce récit abscons à la traduction parfois approximative…
Exemples : "Il faut savoir QUE pour nous QUE le problème ontologique est limité dans le temps" (??) p.49 ; ou : "Quelqu’un était intervenu dans le passer (sic !) pour nous soutenir" p.110…
Mais la fascination l’emportant, j’attends malgré tout ma plongée dans le 3° et dernier tome !
Bonne surprise ! L’histoire s’emballe enfin et remonte au-dessus de la ceinture… Les héros, eux, murissent et se complexifient.
En revanche avec ce 3° tome sur 5, on bascule déjà dans la deuxième partie, et à moins d’une accélération radicale, je vois mal comment pourront être apportées avant la fin toutes les réponses aux (très) nombreuses questions posées par l’intrigue...
Mais comme la somptuosité du graphisme est toujours au rendez-vous, "Gung Ho" reste à mon avis une série de premier plan.
"Orbital" trace petit à petit et sans fanfare un sillon à part parmi les autres grandes séries du genre.
Techniquement très affutés, les auteurs sont parvenus à se créer un univers propre, cohérent et foisonnant dont chaque planche est immédiatement identifiable.
Au-delà des excellents dessins et scenarii, une des qualités principales vient de l’ambiance générale, teinté d’un pessimisme diffus.
La magnifique palette de couleurs déclinant toutes les gammes du gris souligne et corrode encore plus l’atmosphère, reflétant ainsi la fragilité d’une poignée d’hommes face à l’hostilité d’un monde infiniment plus grand qu’eux. Cet humanisme batailleur est incarné par Caleb au fil des missions ; plus le péril augmente pour l’ensemble des autres peuples, plus il semble immunisé, même à bout portant du danger.
Personnellement, j’ai jugé l’évolution des dessins de ce tome 7 parfaitement maîtrisée et je tire mon chapeau à Pellé pour ce remarquable travail !
Ce dernier opus est beaucoup moins fun, voire presque sérieux, assez loin des tomes précédents dont l’amoralité, l’ironie et l’explosivité étaient jubilatoires.
"La loi du plus fort" est très bien écrit et reste un must en termes de dessin, mais difficile de ne pas ressentir une pointe de déception en le refermant.
Le pamphlet anti-arme s’avère plus tiède que le brûlot auquel je m’attendais, mais peut-être en attendais-je trop…?
Lupano emploie un mode plus ou moins similaire que pour l’épilogue de "L’assassin qu’elle mérite" (qui m’avait déçu bien davantage) : conclure ses aventures purement fictionnelles en les incrustant dans un contexte proche du réel, ce qui forcément, affadit toute la frénésie décalée qui précède par effet de contraste…
Bravo tout même aux auteurs pour l’ensemble de cette épopée sacrément bien troussée !
Je l’avais déjà lu et apprécié il y a quelques années ; une relecture me confirme que c’est encore mieux que dans mon souvenir et je me félicite de l'avoir dans ma bédéthèque!
Un récit dense, intelligent, réaliste et sobre. Tout sonne juste, y compris l’amertume, les rivalités, les renoncements, les coups de force et la solitude de ces flics de terrains dopés à l’adrénaline face à l’ingratitude du métier.
Ces deux enquêtes presque banales, sans coup de feu ni baston servent avant tout à dévoiler les mécanismes et les ramifications des réseaux et les interminables heures de planques dans des fourgonnettes banalisées nécessaires pour les démanteler.
La précision du scenario (avec dates, lieux et heures de chaque scène) conjugué au dessin très humain de Peeters fait de "RG" une grande petite BD !
A lire, que l’on soit adepte ou non du genre policier.
"Une sœur" est une délicate variation autour d’Éros et Thanatos.
Le récit, aussi banal qu’universel tient sur des riens mais réussit à devenir, planche après planche, un véritable conte initiatique.
Que ce soit par les yeux d’Antoine ou ceux d’Hélène, chacun pourra s'y reconnaitre. Ne garde-t-on pas tous la mémoire de ces premiers émois ?.. Avoir été électrisé(e) par un frôlement de peau, envoûté(e) par un regard furtif, hypnotisé(e) par l’échancrure d’un T-shirt ou la transparence d’un maillot de bain..? Bastien Vivès imbrique à la perfection tous ces éléments pour construire une fiction qui prend des faux airs d’autobiographie, émouvante parce que juste, à défaut d’être crédible.
J’ai noté une belle cohésion entre le fond et la forme, le minimalisme du trait répondant à la fragilité des sentiments. Il fallait cette économie de moyens pour rendre la pureté des émotions propre à l’adolescence. Dire autant avec si peu est un sacré tour de force !
Le titre l’annonce, Thomas Vieille nous invite à suivre les derniers jours d’Ellis Cutting, un redoutable lonesome cowboy dont on ne saura rien, en cavale au milieu de nulle part.
Graphiquement c’est assez sommaire mais très efficace, surtout quand les silhouettes sont happées une à une par le brouillard omniprésent.
La maîtrise est avant tout narrative : le récit est sec, le rythme rapide. Ici pas de psychologie, pas de digression. Juste une poignée de personnages dans une ambiance proche de « Dead Man » de Jarmush ; tueurs à gages en costard, chercheur d’or poissard et passeur mystique menant sa barge d’une rive à l’autre d’un fleuve qui a tout du Styx…
Qui est Ellis Cutting et qu’a-t-il fait pour en arriver là ? Thomas Vieille si tu m’entends, raconte-nous ça !!
Très très belle ambiance ! Paysages, costumes, couleurs, cadrages, trait finement hachuré… tout concourt à façonner une atmosphère vaporeuse et hors du temps qui rend la lecture de "Ter" particulièrement agréable.
Cela dit, j’endosse pour quelques lignes le rôle du rabat-joie car les personnages m’ont semblé vraiment "gentillets" ; dans la société décrite ici, la densité de jeunes gens beaux, bons et vigoureux, vivant en parfaite harmonie frôle les 100%! Même les "méchants" n’ont l’air que de petits comploteurs de récré…
Allez, gageons que la suite nous mettra un petit coup de fouet dans ce doucereux décor et apportera les indispensables réponses aux nombreuses questions égrenées par l’intrigue, car ce 1° tome est réellement enthousiasmant et tout est en place pour enflammer notre imaginaire !
Portrait d’un truculent gastronome qui se voue corps et âme à l’art d’assaisonner les plats, sans admettre à sa table ni écart de goût, ni convive aux papilles émoussées...
Totalement rétif à la mode de la cuisine omniprésente depuis des années, y compris dans la BD, je n’aurais même pas ouvert cet album si j’avais su de quoi il parlait…
Et pourtant ce petit roman graphique est assez savoureux !
Le dessin, qui rend un hommage revendiqué à Honoré Daumier, est enlevé, virevoltant et bien colorisé.
Le scenario (adapté du livre éponyme) ne s’arrête heureusement pas à une histoire de gamelles, car derrière les festins rabelaisiens se noue en fait une jolie romance où les sentiments se mitonnent aussi savamment que le fameux "Pot-au-feu à la Dodin-Bouffant".
A découvrir.
Une belle histoire sur l’absence, à travers le lien qu’un père à l’affection rustaude et son fils, disparu lors d’un voyage en Amérique du sud, n’ont jamais eu, et que le premier découvrira au terme d’un périple révélateur.
Ces deux tomes sont vraiment plaisants et constituent un récit solide, intelligent et bien illustré. Le dessin manque sans doute d’un peu de finesse mais Belin ensemence ses cases de nombreux détails bien observés en usant d’une palette agréable de couleurs très sobres qui donnent une épaisseur réaliste à l’ensemble.
Des personnages attachants, un environnement documenté et dépaysant, un rythme en pointillé, de l’émotion… « Au nom du fils » m’a offert un excellent moment de lecture !
La première chose qui frappe dans cet album atypique est le contraste tranchant entre la forme désuète, vintage, saturée de couleurs chère à Clowes et la brutalité du scenario, sec et anxiogène.
Il met en scène un homme ordinaire prêt à tout, y compris tenter un voyage dans le temps et occire les gêneurs, pour sauver d’une mort certaine celle qu’il aime plus que lui-même.
L’aspect purement SF est évacué assez finement, notre héros profitant pour ses sauts temporels d’une formule à laquelle il ne comprend rien... (et nous non plus, donc, puisque l’histoire est racontée de son point de vue).
Reste une quête éperdue, celle d’un homme en proie à l’incompréhension, l’impuissance et le chagrin, surmontant petit à petit ses propres faiblesses pour finir par toucher du doigt une rédemption rendue soudainement possible par cet impensable biais du destin.
Un BD brillante mais trop singulière pour que je me risque à la recommander à tout venant.
« Deux frères » ne manque pas de qualité, à commencer par le dessin typé de Moon et Ba, brillamment développé sur plus de 220 planches.
Mais c’est précisément sur l’épaisseur de cet album que le bât blesse. L’ensemble m’a paru long et trop narratif. L’histoire en elle-même – l’inéluctable désagrégation d’une riche famille dans le Brésil du début du 20° s. – est poignante, les personnages complexes, et les décors troubles et majestueux de Manaus bien fournis. Mais hélas, son rythme est souvent inégal, certaines situations se diluant sur 10 pages tandis que d’autres sont expédiées en quelques cases; la fluidité en est brouillée.
De plus, mais ce n’est là que mon avis, le noir et blanc n’est ni convaincant ni pertinent ; d’une part car il renforce le récit déjà pesant en reléguant l’image au second plan, d’autre part car les paysages de la jungle fluviale, comme cette si pittoresque Manaus, seraient sublimés par la couleur et ne sont ici qu’un embrouillamini visuel duquel il est parfois difficile de discerner quoi que ce soit.
On pense aisément à Taniguchi en lisant "Chiisakobé", un récit ancré dans le quotidien, au rythme indolent et contemplatif ; mais cette série se distingue par la finesse du graphisme : un trait clair et subtil qui se plait à dépeindre avec une précision millimétrique des détails domestiques insignifiants (bretelle de soutien-gorge, pince à linge, usure des baskets…).
Sans un mot, le lecteur comprendra ainsi page après page la prépondérance des choses sur les sentiments...
Les visages bénéficient aussi de cette excellente lisibilité. Étonnamment bien caractérisés malgré leur froideur, ils rendent impossible la confusion entre deux personnages.
Cette élégance intraitable confinerait à l’ennui si elle n’était parfois bousculée par des cadrages renversants, au sens propre du terme - inversés ou zénithaux - qui confèrent à l’ensemble une petite énergie pop assez indéfinissable.
Enfin, les innombrables gros plans sur les pieds nus des protagonistes qui font écho à leurs poings crispés, semblent inventer un langage de vibrations muettes, seule communication possible entre des êtres subissant la pudeur imposée par leur société.
Sensible et beau. A lire.
Ma note reflète mon avis de collectionneur, « Ut » étant un objet bédéphilique éminemment désirable ! Ces 190 planches de Corrado Roi sont un véritable chef d’œuvre graphique. Un regard à la couverture peut vous en convaincre !
Après, je minorerais mon enthousiasme si je donnais un avis en tant que simple lecteur car le récit m’a donné l’impression d’avoir loupé le début… Aucune introduction, aucune présentation des personnages, de l’environnement ou de l’intrigue ne vient nous aiguiller sur ce qui se passe. Bon... Il reste donc à essayer d’attraper le fil en cours de route.
Sauf que de fil, il n’y en a pas. « Ut » se présente comme un long cauchemar labyrinthique et indistinct.
On y retrouve une certaine iconographie du côté obscure (héros masqué, commanditaire trouble, rues désertes, no man’s land, anthropophages…) mais dotée d’une inclassable poésie qui emprunte aux contes de Grimm ou Lovecraft, autant qu’aux univers picturaux de Böcklin, Munch, de Chirico ou Pasolini.
Un premier tome insolite à l’esthétique raffinée donc, un peu cryptique, et peut-être un peu vain… A suivre.
Visuellement magnifique, « Retour sur Belzagor » est d’abord un plaisir pour les yeux.
La précision du dessin, rehaussé d’une mise en couleur chatoyante et lumineuse crée une ambiance immersive qui plonge immédiatement le lecteur au cœur de l’étrange planète Belzagor et de ses non moins étranges habitants…Les cadrages de Laura Zuccheri, souvent au ras du sol, savent offrir de spectaculaires perspectives qui complètent efficacement le récit.
Dans ce 1er tome l’intrigue se résume à la lente exploration de la planète par un petit groupe d’humains. Parmi eux, l’ambigu Gundersen, ex-colon, retrouvera en suivant les traces de son passé ses vieux et ténébreux démons...
Les allers-retours narratifs entre deux époques, celle révolue de la colonisation, puis celle du retour à l’état naturel dans laquelle évoluent les protagonistes, confère à cet album une dimension humaine, équivoque et complexe où les enjeux sont multiples.
Il est presque dommage que le prochain tome soit le dernier tant j’en imaginerais bien une série; de cette qualité s’entend.
Quelles couleurs !! Rien que pour cela, il faut lire « Natures mortes ».
Le travail graphique d’Oriol est superbe !.. Non seulement par ses qualités intrinsèques mais aussi parce qu’il sert à merveille cette histoire en particulier. Histoire où la peinture elle-même tient la première place. L'artiste maudit auréolé de mystère, la muse à la beauté ensorcelante ou les noceurs de la bohème barcelonaise viennent ensuite compléter le tableau de ce récit fantastico-poétique, que les pinceaux d’Oriol enchantent avec leur palette aux reflets de Matisse, Derain ou Picasso période bleue…
L’écriture, à la fois légère et grave, réserve quelques beaux moments, surtout lorsque Zidrou joue les faussaires en inventant une vraie biographie à son (faux) personnage.
Pour autant, ne vous attendez pas forcément à un chef d’œuvre. Car si le scénario en forme de songe se base sur une idée géniale – l’artiste fait-il disparaitre de la réalité ce qu’il peint ? – il comporte sans doute trop d’ellipses pour mériter ce qualificatif…
Ces deux tomes sont en fait l’adaptation du livre qu’écrivit la domestique d’Alexandra David-Néel après avoir passé auprès d’elle les 10 dernières années de sa vie.
Et c’est à mon avis un choix discutable dans la mesure où cette dame, Mme Peyronnet, devenue ici narratrice idolâtre, ne décrit la grande exploratrice qu’en termes laudateurs.
F. Campoy a choisi de scénariser exclusivement la confrontation de ces deux personnalités, l’une oppressive, l’autre soumise ; j’en ai ressenti une sorte de malaise car cette dévotion dans laquelle se complait Marie-Madeleine Peyronnet est difficile à concevoir, au regard surtout du despotisme de la vieille femme.
Le lecteur passe ainsi les 2/3 du livre enfermé dans la maison où elles se sont recluses alors qu’il y avait 50 ans d’exploration à décrire…
Par ailleurs l’auteur abuse des récitatifs écris à la 1ère personne (jusqu’à 13 par planche !) ; le point de vue de la narratrice est certes intéressant mais contient trop de digressions inutiles ou anecdotiques.
Le titre est donc trompeur car le peu que l’on apprend sur cette pionnière du féminisme et du bouddhisme à la vie hors du commun manque hélas du souffle des grands espaces.
Mais malgré ces réserves, cela reste une BD de qualité aux très beaux dessins.
"Le divin" n’a d’intérêt que pour son graphisme très original.
En dehors de ça, le scénario est plus que bancal.
A la rigueur, on sent poindre une forme de sincérité s’agissant de dénoncer l’horreur des enfants soldats, mais ces velléités réalistes sont vite dynamitées par du grand n’importe quoi. Ces mêmes enfants se mettent à voler et à combattre façon Akira aux côtés de démons de 30 mètres... J’imagine que les scénaristes se sont voulus oniriques ou métaphoriques mais ils sont surtout partis dans leur trip en abandonnant le lecteur en cours de route.
Une chronique censée explorer les travers de l’Amérique contemporaine ; mais c’est tellement "subtil" qu’à moins d’être passionné de sociologie comportementale on pourrait facilement penser qu’il ne s’y passe absolument rien !
Adrian Tomine décrit à travers un loser ordinaire les difficultés d’assumer ou de fuir ses origines asiatiques…Il nous dresse le terne portrait de son couple, de ses errements puis de sa rupture.
Grâce à la finesse du trait, la lecture en est agréable mais la banalité du propos rend cet album assez morne.
La question de l’intégration n’est montrée qu’à travers le regard de Tanaka en dehors duquel rien ne reflète jamais le prétendu problème d’être asiatique aux États-Unis. Ce regard est de surcroit désincarné car ce personnage est antipathique, asocial et nombriliste.
La 1ère BD à m’avoir touché à ce point.
L’effet produit est d’autant plus grand que les moyens mis en œuvre sont modestes. L’émotion qui s’en dégage nait de la sincérité palpable du propos. Aucun effet, aucune sophistication ne vient corrompre cette justesse.
Evidemment, si on cherchait des défauts, on en trouverait par dizaines mais derrière ces petites maladresses se cache un besoin tel de dire les choses qu’il fut sans doute impossible pour l'auteure de l’exprimer sans avoir la main qui tremble et la gorge qui se noue…Ce qui incite tout lecteur à la bienveillance.
Julie Maroh semble faire corps avec son œuvre ; l’écriture et le dessin ne font qu’un. C’est simple, poignant, pudique, fin, doux, féminin, intelligent, sensible et beau.
Très supérieur au film "La vie d’Adèle".
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette nouvelle série démarre très fort.
Fabien Nury offre avec «Katanga » une véritable démonstration de scenario. Un récit copieux au rythme haletant, à la narration habile et accrocheuse dans un contexte historique bien restitué…Bref, une redoutable mécanique parfaitement ordonnée qui augure d’une suite d’anthologie !
En revanche - et c’est le seul bémol - c’est très violent et nombre de gros plans sanguinolents m’ont semblé gratuits voire superflus ; cela contribue à renforcer l’ambiance déjà un peu caricaturale créée par les visages de certains personnages.
J’espérais que la conclusion de cette série prometteuse renouerait avec l’allant des deux premiers tomes - après la baisse de régime du troisième... Mais la déception se confirme.
Le dessin n’est pas en cause, il est très bien. C’est le récit qui n’est pas à la hauteur de ses enjeux. Pourtant, au départ, rien ne manquait : l’intrigue en forme de pari dont on brûle de connaître l’issue, les personnages, le contexte historique et social… jusqu’au titre, érigeant la volonté de toute puissance d’Alec en acte démiurgique (entendre : "Je vais CRÉER pour cette société l'assassin qu'elle mérite") ; Lupano affichait une sacrée ambition scénaristique !
Hélas au final, j’ai l’impression qu’il n’en reste plus grand-chose. Ce quatrième tome est correct mais n’a rien d’étincelant. Je l’ai lu sans gourmandise et dès le lendemain, c’est à peine si je m’en souvenais…
L’hyper-productif et éclectique scénariste Zidrou est souvent bien inspiré, parfois moins.
Là, c’est franchement moins… « Les promeneurs sous la Lune » est vraiment l’une de ses œuvres mineures ; gentillette mais si légère que j’en cherche encore l’intérêt…
Graphiquement, les décors à la Voutch façonnés par Mai Egurza créent des ambiances vides et léchées plutôt agréables.
En revanche, le scenario qui ne repose que sur une belle mais unique idée – une contagion de somnambulisme – s’avère d’une maigreur famélique. Même les meilleurs passages (le langage des ronfleurs par exemple) sont survolés ou restent allusifs.
Rien ne fait exister les personnages qui ne font que de la figuration, sans finalité aucune. C’est juste une aimable fantaisie. Du coup l’ensemble est étonnamment superficiel alors que tous les éléments préexistaient pour un récit onirique et beaucoup plus profond…car mieux élaborée, cette historiette aurait tout d’une grande !
Objectivement ce premier tome est une réussite. Le rythme est rapide, les bases du récit paraissent solides et les personnages promettent de bien sombres intrigues à venir…
Le dessin de Homs est impressionnant de maîtrise et la galerie de tronches qu’il a réalisées est assez incroyable. Les décors, superbes, sont à l’avenant.
Malgré cela ce n’est pas un franc coup de cœur car il s’en dégage une ambiance morbide à laquelle j’ai du mal à adhérer. Par ailleurs, je pressens que les personnages féminins risquent d’évoluer vers une forme de caricature de superhéroïnes vengeresses… Mais j’espère me tromper, car c’est incontestablement un bon album.
Comme son titre l’indique, cette remarquable série doit tout à « Metropolis », le film culte de Fritz Lang, dont elle est une espèce de spin off.
C’est à la fois une uchronie élégante qui voit s’entrecroiser quelques figures mythiques des années 30, et un polar dans lequel enquête le commissaire Lohmann, vu dans «M le maudit» (de Fritz Lang toujours…)
En marge de l’intrigue, on voit donc Sigmund Freud sonder l’inconscient de ses patients, et de spectaculaires technologies mécaniques se développer ; les deux se lient au fil de l’histoire en un idéal scientifique où tous les rêves deviendraient réalisables.
Cela pousse le récit au bord de la fracture mentale. Le réel et l’imaginaire se confondent en un inquiétant jeu de miroir où tout est inversé, dédoublé, mis en abîme. Les personnages se confrontent à la schizophrénie, à d’étranges illustrations ou à des automates qui sont autant de substituts à leur réalité. Comme si le monde nouveau promis par la science était encore superposé à l’ancien.
En cela j’ai trouvé ce scenario particulièrement élaboré et son épilogue extraordinairement audacieux !
Si vous êtes farouchement rationnel, passez votre chemin…
Mais si vous ne craignez pas que votre raison s’égare quelque part entre «Shutter Island» et «Matrix», régalez-vous !
Nicolas Debon s’empare dans « L’essai » d’un fait réel étonnant – la naissance d’une communauté libertaire en 1903 – avec beaucoup de sincérité.
Son style graphique très coloré, bien adapté aux grands espaces, dépeint à merveille la forêt ardennaise. Ce qui donne un album superbe, intéressant et bien documenté.
Le problème vient de la narration à la première personne. C’est monocorde, neutre, descriptif, factuel et chargé parfois d’obscurs aphorismes anarchistes. Personnellement cela m’a laissé en dehors de cette histoire pourtant féconde, en ayant l’impression de lire un reportage illustré. Aucune émotion ni psychologie n’affleure jamais pour impliquer le lecteur et faire vivre tous ces protagonistes dont on ne saura finalement rien, alors que c’était un paramètre essentiel pour comprendre et s’approprier cette histoire.
Ayant ressenti exactement la même froideur scénaristique pour « L’invention du vide », je ne suis pas sûr que ce talentueux dessinateur sache raconter une histoire. Frustrant.
Etrange ouvrage que « Les ogres-dieux »…
Le travail graphique de Gatignol y est saisissant : la gestion de la lumière, la qualité du noir et blanc, la précision des décors et des perspectives etc… C’est très beau.
Les personnages, eux, sont déjà beaucoup plus banals. Il n’y a qu’Émione qui dénote, son visage et ses expressions étant particulièrement réussis.
Mais pour le scenario, je suis encore plus circonspect. Outre l’idée maîtresse - à savoir la cohabitation d’humains asservis et d’ogres gigantesques - il n’y a quasiment rien… ou alors je suis passé à côté !
Pour être franc, j’ai été parfaitement insensible à ces ogres. « Petit », héros sans caractère défini, m’a semblé inconsistant, et toute cette clique décadente, orgiaque et malveillante ne peut susciter aucune empathie chez le lecteur. Par conséquent, l’enjeu de sauver l’espèce, principal ressort narratif, n’a plus aucun intérêt. Je n’ai pas trouvé où que ce soit dans l’écriture un début de réflexion ou d’émotion.
Je faisais partie des détracteurs de Léo, de ses Aldébaran et autres étoiles...
Je trouvais cela ringard, niais, bavard et médiocrement dessiné. Et bien sûr le succès de ces séries et leurs cortèges d’adeptes me semblaient excessifs…
Mais venant de relire par hasard et par ennui "Aldébaran", mon opinion a légèrement évolué : pour moi c’est toujours confondant de naïveté, mais bon, bien que je déteste définitivement ce dessin (ces visages, quelle horreur !), objectivement ce n’est pas si mal fait que ça et je comprends un peu mieux l’engouement que cela a pu susciter.
Je reconnais que quelque chose d’assez attrayant, de l’ordre de l’imaginaire, se manifeste au fil de la lecture…
L’univers est construit, même dénué de toute plausibilité (ex: des dizaines de superbes goélettes en bois naviguent ici ou là; ben voyons! Apportées en kit dans les soutes??), le scenario est manichéen et moralisateur - le « Bien » triomphera, n’en doutez pas ! - mais se suit sans déplaisir et les personnages tiennent la route malgré leurs compulsions sexuelles franchement limite...
Bref, je me repens ; je continue de penser que cela est très surestimé mais allez, au fond, ce n’est pas trop mal !
Cette série, sans faire d’étincelles, est vraiment sympathique. Malgré le changement de dessinateur à chaque tome, l’ensemble reste quand-même bien cohérent. Les ambiances 1920 sont soignées et les stéréotypes à la Sherlock ou Miss Marple sont habilement exploités. Chaque scénario rend d’ailleurs bellement hommage à ces illustres références.
Ces détectives ont tous des personnalités bien campées et leurs enquêtes truffées de chausse-trappes égrènent ce qu’il faut d’indices pour faire jouer le lecteur à trouver l’assassin.
A ce jeu-là, « A cat in a barrel » s’en sort très bien. Frederick Abstraight, ex flic de choc tombé en disgrâce et dans l’alcool, entourloupe son monde pour s’extirper d’une position fâcheuse et démasque finalement le coupable avec le flegme d’usage. Tout l’intérêt de la situation étant créé par le huis clos d’un train arrêté en pleine voie…
Si l’on rajoute le dessin franchement efficace et l’ironie savoureuse de certains dialogues, on obtient un des meilleurs chapitres de la série et un bon moment de détente.
Je suis navré de poster un avis négatif sur un album de Duchazeau qui est l’un de mes dessinateurs préférés mais hélas, « La main heureuse » est pour moi un énorme plantage !
Le pitch ? Années 90, deux jeunes décident de faire 100 km en mob pour aller à un concert de la Mano Negra...
Au lieu de faire de ce périple le passionnant rite de passage à l’âge adulte qu’il aurait pu être, Duchazeau opte pour une hagiographie assommante du groupe, quasiment divinisé, à laquelle il est impossible d’adhérer. Tous les vrais sujets (sociaux, familiaux, générationnels) sont évacués en trois cases et le récit perd tout sens.
Même le dessin subit une cure drastique : pas de contraste, pas de nuance, pas de texture...
Moi aussi j’ai adoré la Mano à l’époque, mais je ne me reconnais absolument pas dans cette vénération surjouée qui hypnotise ces ados, et leurs visions mystiques me semblent un peu ridicules.
Bref, très déçu de ce rendez-vous manqué avec cet admirable auteur, et plus que sceptique sur l’intérêt d’une telle BD.
« Asterios Polyp » concentre tout ce qu’un bon roman graphique peut offrir : un héros hors norme, de solides personnages secondaires, une écriture pointue, une construction complexe, un contenu graphique exceptionnel.
Tout a été pensé pour tirer l’ouvrage vers le haut et lui faire atteindre des sommets.
Pourtant, au-delà de ces qualités incontestables, quelque chose d’irritant subsiste. Très démonstratif, cérébral, érudit, Mazzucchelli en fait un peu trop à mon goût. Et tous les personnages (sauf Hana) étant ridicules dans leurs genres, difficile de savoir si c’est de la misanthropie pure ou si l’élitisme d’Asterios ne serait pas en fait celui de l’auteur lui-même…
Le récit, néanmoins passionnant sur le fond, analyse la théorie suivante : la maîtrise de soi, de sa pensée et de ses actes sont illusoires face aux lois de l’univers et nulle rédemption n’est possible sans humilité... Dit comme ça c’est simple mais « Asterios Polyp » en fait une démonstration remarquable.
Une jeune et séduisante tueuse professionnelle exécute ses cibles sans le moindre état d’âme. Jusqu’à ce que ça devienne une affaire personnelle, jusqu’à ce que l’étau se resserre inévitablement sur elle…
L’auteur nous présente sa tueuse à l’instant T ; on ne saura rien de son parcours, ni son nom, ni pourquoi ni comment. En revanche, sa voix off nous entraine au cœur de son asocialité, de la valeur toute relative qu’elle accorde à sa propre existence et surtout, de la valeur zéro qu’elle accorde à l’ensemble de ses contemporains.
Cela crée une ambiance sombre et nonchalante pleine de sentences, de silence et d’anarchie.
Point discutable : le dessin de Damien May est certes efficace mais c’est un (quasi) plagiat d’Edmond Baudoin jusque dans ses effets de pinceaux façon fusain… Dommage qu’il n’ait pas trouvé son propre style.
"Tueuse" reste néanmoins un bon polar, noir et tenace.
Satire acide du petit monde littéraire parisien vu depuis un appartement calfeutré...
C’est sans prétention, rigolo, léger, en mode "girl power". Et l’histoire est plutôt bien construite.
Pénélope Bagieu joue volontairement sur les clichés pour mieux les retourner : l’ex écrivain vedette bouffi d’égo mais doué quand même ; la belle écervelée dont l’ingénuité cache autre chose qu’une cruche inculte ; l’éditrice vénale, surfaite et suffisante qui dissimule ainsi ses fêlures... Derrière les grosses ficelles se dévoilent moult petits détails assez justes.
Ça se lit vite mais ça se relit très bien.
Plus que le récit lui-même, c’est la puissance d’évocation de cette œuvre qui m’a subjugué. Après avoir lu « Le rapport de Brodeck » il ne me semble plus permis d’émettre une critique à l’encontre de Manu Larcenet… auteur majeur, intègre, étanche à toute influence ; il ne se contente jamais de "faire" mais explore de nouvelles voies en évoluant sans cesse ; il crée des liens sans précédents entre pure expressivité, liberté formelle, naturalisme, réalisme, humanisme, poésie, silence, souffrance en osant scruter l’horreur en face pour mieux la démasquer, sans voyeurisme ni morbidité.
« Le rapport de Brodeck » constitue une sorte de grand-œuvre définitif sur la nature humaine dont le rayon d’action s’étend bien au-delà de la bande dessinée. Y résonnent mille questionnements sur le libre arbitre, la différence, la culpabilité, le jugement, l’asservissement, la suspicion, l’aliénation sociale… Le lecteur y apporte ses propres éléments de réponse selon sa sensibilité et peut les recomposer à volonté pour en faire un tableau mental et visuel, mouvant et cathartique.
Le résultat est aussi glaçant qu’éblouissant. C’est le niveau entier de la BD qui remonte de quelques crans grâce à tels auteurs.
J’ai beaucoup de sympathie pour Pénélope Bagieu et j’aurais vraiment aimé aimer son «California dreamin’» que la critique a salué... Mais non.
Ce n’est pas son nouveau style crayonné qui m’a dérangé; j’aime que les auteurs évoluent en général et je respecte leurs choix. D'ailleurs son trait est excellent.
C’est vraiment le personnage de Cass Eliott, sujet de cette biographie, qui m’a laissé complètement hermétique. La narration éclatée était pourtant bien vue mais je n’arrive pas à comprendre en quoi cette fille était prétendument géniale.
J’ai même regardé ses vidéos sur YouTube pour savoir ce qui m'avait échappé, mais rien… Oui, elle avait sûrement du talent et du charisme, mais plus de 250 pages pour nous convaincre qu’il s’agissait de la plus exceptionnelle chanteuse de sa génération me semblent un pari risqué. Je me suis hélas forcé pour aller au bout.
« L’ogre de Sutter Camp » confirme qu’Undertaker est déjà une grande série.
Et paradoxalement ce sont ses défauts qui le montrent le mieux…
Pour ce 3° tome, le scenario est moins inspiré, voire paresseux et prévisible.
Le dessin reste d’excellente facture mais même à ce niveau là, j’en attendais un peu mieux avec cet Ogre qui m’a donné une nette impression de déjà-vu et n’effraye pas vraiment malgré sa stature et sa prestance.
Bref, en dépit de ces petites faiblesses, les qualités suffisent largement pour se sentir à l’aise dans cet univers gorgé de gimmicks, de personnages bien campés, de décors généreux, d’une désinvolture égrillarde et de toutes ces petites spécificités que l’on est sûr de retrouver la prochaine fois avec bonheur.
Cette série a définitivement son truc à elle et sera appelée tôt ou tard à devenir incontournable. 4/5 pour l'ensemble.
Étonnant virage pris par le deuxième tome de "Stern"! Toujours aussi bien dessiné, le registre devient ici celui de la farce, théâtrale et hystérique.
Dans ce nouveau chapitre, le placide Elijah Stern se voit contraint de jouer des poings et d’esquiver les balles… La faute à une poignée de loqueteux rançonneurs qui le laisseront pieds nus et amoché dans les ruelles mal famées de Kansas City, « la cité des sauvages ».
Même dans ce contexte bizarre, ce personnage de croquemort taciturne, cultivé et rêveur est assez attachant et donne à voir le Far-West sous un angle décalé et plus humain.
Antithèse d’ "Undertaker", le monde de Stern est peuplé d’antihéros et de losers sans flingue qui laissent le beau rôle aux figures emblématiques du genre... Salutaire !
Une énième fable contemporaine sur l’amnésie...
La lecture est rafraichissante, l’ensemble est assez bien ficelé mais le défaut récurrent de ce genre de fantaisie est toujours le même : il est impossible de croire une seconde à cette histoire abracadabrantesque, encore moins à ces personnages vaudevillesques et gentiment caricaturaux.
Bien sûr, on est censé être dans le second degré cher à Tronchet mais ça ne saute pas forcément aux yeux. Ce n’est ni vraiment drôle ni suffisamment caustique. Au contraire j’ai plutôt eu l’impression que tout a été écrit et dessiné un peu trop sérieusement.
Au final ce récit de l’affranchissement tardif d’un fils à papa immature m’a semblé manquer d’à-propos et de sensibilité. Sur le même thème « La page blanche » de Pénélope Bagieu, par exemple, s’en sort mieux.
Un tome totalement glauque et complaisant.
Plus de charme ni de magie… Il ne se passe rien à part des massacres sordides à tous les étages.
Les héros, qu’on a connu sympathiques, sont désincarnés, insipides et inconséquents.
J’en ai trouvé la lecture franchement désagréable.
Une très solide histoire à l’ancienne, si dense et complexe que la lecture demande un surcroit d’attention. C’est là le seul défaut de ce récit original, précis, très documenté, aux multiples ramifications : un habile et mortel jeu de faux-semblants entre services secrets anglais et yougoslave, fascistes en exil, terroristes et activistes de tous bords, sur fond de géopolitique internationale.
Le dessin n’est pas forcément engageant. Certaines cases paraissent lourdes et maladroites alors que d’autres sont littéralement époustouflantes. C’est dû au style atypique de Segui qui semble avoir utilisé directement des espèces de pastels gras. Les couleurs sont souvent ternes, grisouilles et épaisses. Mais passées les premières planches, ce trait se révèle formidable et nous plonge de force dans les années 50 !
En refermant cet album j’ai vraiment eu l’impression d’avoir lu une grande BD.
Indispensable pour tout amateur d’histoire, période guerre froide.
Encore un très bel objet des éditions Ankama.
Ce noir et blanc dans lequel bascule "Niourk", profond et lumineux, enlève probablement de la nuance au dessin mais lui fait gagner en puissance. Les éléments de décors comme le ciel, l’eau, le sol s’effacent en devenant intensément blancs. Ne reste plus que l’essentiel.
Cette épure fait écho à la narration, aussi économe qu’efficace, qui décrit sans circonvolution inutile la destinée de l’Enfant Noir.
A noter qu’il n’y a aucune transition entre les 3 tomes, ni titre ni page blanche, ce qui renforce considérablement la fluidité du récit.
Par son aspect vintage et intemporel cette belle intégrale transforme "Niourk" en un véritable mythe fondateur ; les détails (ou défauts) de l’histoire, devenue légende, n’ont alors plus vraiment d'importance… Bravo !
N’étant pas un grand fan d’ « Aquablue », je ne classais pas Vatine au premier rang des auteurs… J’avais tort ! C’est un créateur exceptionnel.
Les œuvres de jeunesse ont ceci de fascinant qu’elles sont révélatrices du potentiel talent des (futurs) auteurs.
A lire "L’âge de raison", road trip préhistorique, le talent de Matthieu Bonhomme était évident et la suite l’a prouvé.
Les couleurs quasi psychédéliques agissent comme un prisme au travers duquel on ressent toute la précarité du néanderthalien – héros malgré lui à une époque où toute vie, surtout humaine, ne s’envisage qu’à très court terme.
Le récit, muet, est génial : en gros, pour vivre vieux ET heureux… mieux vaut tuer son prochain ! Pour nous amener à cette sentence cynique, Bonhomme fait traverser à son increvable primitif différentes situations édifiantes, avec l’humour comme meilleur antidote à la mort… Mais si le mode est léger, ces tribulations ne sont en rien anecdotiques. Je me risquerai même à parler de conte philosophique.
Car ce proto-humain, étrangement familier, c’est chacun de nous. Voilà la morale du conte : depuis le temps des cavernes rien n’a changé ; le plus grand danger pour l’homme reste l’homme et l’âge de raison ne sera jamais atteint…
Quel dommage que ce superbe album soit devenu presque introuvable !
Bof… Les personnages débitent sans arrêt des monceaux de phrases ampoulées qui se veulent littéraires mais qui ne sont qu’un verbiage indigeste. L’auteur doit chercher par ce biais à faire plus "19° siècle" car globalement on n’y croit pas du tout. On a beau les attendre à chaque page, aucun décor significatif, aucun plan large ne vient jamais nourrir la peinture de l’époque ni embellir les planches. Il y avait pourtant de quoi !
Le dessin se focalise donc sur les personnages ; il n'est pas mauvais d’ailleurs mais tellement surchargé avec ses effets de textures artificiels qu’il n’en ressort pas grand-chose si ce n’est une pin-up de plus, complètement antipathique. Cette Lady Mechanika (c’est quoi ce nom ?), ses tenues et ses accessoires semblent sortir tout droit d’un catalogue périmé du genre "Le petit steampunk illustré". Pas une once de nouveauté à l’horizon…
Personnellement la suite m’importe peu. Mais il est toujours possible que les boulimiques de comics et les férus de steampunk y trouvent leur compte…
Le premier chef d’œuvre de W. Lupano où l’on ressent déjà tout son talent scénaristique qui accouchera des séries cultes que l’on connait.
Car, au delà du très bon dessin de V. Augustin, "Alim le tanneur" est avant tout une leçon de narration. Chaque album correspond à une unité de lieu et de temps différentes, coordonnées par une seule unité d’action. Ce fil conducteur qui traverse toute l’histoire surprend par sa justesse, sa profondeur et ses résonances avec le monde contemporain. Lupano y autopsie le fanatisme religieux et l’expansionnisme ; la fin justifiant les moyens.
Autre particularité, le vrai héros n’est pas le falot Alim du titre, ni même Bul par qui tout arrive…Non, c’est le sinistre Torq Jihid qui endosse ce rôle, impénétrable samouraï radicalisé trucidant aveuglément au nom d’un "prophète"…
L’histoire est 100% maîtrisée et va crescendo jusqu’aux révélations finales. Contrairement à d’autres j’ai adoré la chute que je trouve cohérente, simple et logique.
Même après une dizaine de lectures, le plaisir est toujours au RV et ça n’a pas pris une ride.
Indispensable !
Visage émacié, regard de loup, barbe noire et la main sur l’épée ; tel est le redoutable Roy des ribauds.
Régnant officieusement sur le Paris crapuleux du 12°siècle il n’hésite pas, en bon exécuteur des basses-œuvres, à se salir les mains pour le compte de son roi Philippe Auguste. Jusqu’au jour où, fatalement, tout dérape… Alléchant scénario !
Les amateurs d’Histoire seront déçus, les vrais faits historiques n’étant qu’un prétexte pour y planter l’intrigue.
En revanche les fans d’aventures épiques seront comblés! C’est enlevé, crasseux, sanglant. Les têtes tombent, les bourre-pif pleuvent, les malandrins troussent les gueuses et les complots s’ourdissent au fond des tavernes…Malgré quelques clichés la narration est sacrément bien fichue. D’autant que le dessin, remarquable, bénéficie d’un découpage et d’une mise en page hyper dynamique avec une extraordinaire variété de plans et une alternance des fonds, blancs ou noirs selon les ambiances.
Le livre 2 est un micro poil en dessous mais j’attends vivement la suite.
A lire, ne serait-ce que pour gouter à la beauté d’un graphisme numérique qui atteint la perfection par endroit.
Après, l’histoire est à prendre ou à laisser : des adolescents dans un survival post-apocalyptique mais pour une fois sans virus, ni zombies, ni robots-tueurs, ni aliens exterminateurs… ouf !
En revanche il est clair que le scenario souffre d’un rythme poussif.
Von Eckartsberg a privilégié les guéguerres puériles et les poussées d’hormones de ses héros plutôt que de faire avancer son histoire. Ce qui me laisse dubitatif. D’une part on s’en tape quand même un peu... d’autre part comment ces ados peuvent-ils se comporter comme au lycée alors qu’un danger mortel les guette à chaque instant ?? Ça décrédibilise la menace qui est censée peser sur la colonie et fait l’impasse sur le lectorat adulte.
Dommage, car cette série a vraiment un truc en plus et serait un chef d’œuvre sans ces enfantillages. Il est temps de passer au niveau supérieur !
J’ai les 4 premiers TL mais là j’arrête les frais, je continuerai en version normale.
La sortie d’une intégrale me semble une excellente idée car cette série gagne à être lue d’une traite pour mieux savourer les exploits de ce mémorable duo dans les coulisses de la grande Histoire : L’aristo fantasque, idéaliste et exalté et le corse libertaire, impulsif et roublard. Trompe-la-mort et proscrits, ils vont répondre ensemble à l’appel de l’aventure et son cortège d’illusions.
Entrainés par leur fougue, dépassés par les enjeux, dopés par la mitraille, ils assisteront, incrédules, à l’érection de leur propre légende.
Sublimée par un très beau dessin à 4 mains, voici une formidable histoire, pleine de souffle, de passion et de fureur ; de celles dans lesquelles l’honneur, les valeurs, l’amitié, le courage peuvent se renforcer ou se dissoudre... De celles que je déguste en me disant "Quel talent !!"
Un travail de titan ! 500 planches qui se dévorent avec un appétit croissant.
Pour cette aventure au long cours, les auteurs convoquent les grands noms des illustres navigateurs du XVIII° siècle, comme ceux de croquants anonymes, embarqués ensemble dans la même épopée : la découverte, l’exploration et la conquête de l’Australie, la «Terra Australis».
Un récit palpitant, érudit, sauvage et fascinant narré dans un noir et blanc bien nuancé qui enveloppe les superbes décors d’une atmosphère à la fois mystérieuse et anxiogène.
Une grande fresque absolument indispensable pour tout amateur de BD historique.
Et mention spéciale à la somptueuse couverture !
4 ½ sur 5
« Tyler Cross » est éligible au titre de BD parfaite !
Un scénario hyper référencé, tordu, haletant, jouissif.
Un héros granitique, imparable, brutal… superlatif !
Un dessin inimitable, inégalable, racé, radical.
Mais « Tyler Cross » est plus que ça. Le tout est encore supérieur à la somme des parties.
Il s’en dégage un style, une ironie, des ambiances qui confirment à mesure de la lecture que c’est là une BD culte.
L’étroite imbrication de toutes ses qualités, miraculeusement renouvelée dans « Angola » fait de cette série un chef d’œuvre... mais néanmoins fragile : Le moindre faux pas de la part des auteurs dans le tome 3 et l'alchimie serait rompue. Perspective cauchemardesque !
Cette série met un petit coup de vieux à tout ce que la SF a produit jusqu’à présent !
C’est d’abord par le scenario que "Saga" commence sa révolution:
L’imagination sans limite de B.K. Vaughan lui permet d’inventer sous nos yeux un univers surpeuplé des plus audacieuses créatures et concepts envisageables. C’est frais, c’est pop, c’est bigarré..!
L’histoire, à la fois simple et bien ramifiée, se déploie sur des rythmes divers (effréné ou intimiste) mais toujours fluides. Les dialogues sont précis, malins et pertinents. Le récit, rebondissant constamment, donne le sentiment de basculer à chaque instant…
Ensuite le dessin de F. Staples est parfaitement adapté au contexte. Clair, pêchu, hyper lisible. Des anachronismes savoureux, des décors beaucoup trop simples mais efficaces, un bestiaire des plus improbables et des personnages dont les visages sont si expressifs qu’on les adopte au premier regard. Un peu comme dans les films de Miyazaki, le burlesque y côtoie la splendeur en permanence.
Qui plus est, les auteurs ont la politesse de ne pas trop se prendre au sérieux…
En résumé : Décalé, passionnant, addictif !
Même en cas de gros doute, lisez-le absolument, ce serait dommage de passer à côté !
Bon travail graphique de Blain, très en forme sur les trois premiers tomes de Gus.
Mais autant j’ai pu adorer Isaac, Hiram Lowatt, Quai d’Orsay ou même l’excellent Réducteur de vitesse, autant là je trouve que ça n’a pas grand intérêt…
C'est répétitif, ça ne va nulle part et l’ensemble m’a assez vite procuré un sentiment de lassitude.
Bon, elles pourraient être sympas ces aventures à base de plans cul, de cuites et de braquages... pourquoi pas… encore leur faudrait-il un minimum de cohérence parce que du coup, franchement, on s’en fout un peu.
Y consacrer 3 albums et 250 pages (!) en pensant que ça intéressera le lecteur me semble quand-même assez prétentieux..
Je n’ai que deux séries estampillées « Soleil » dans ma bédéthèque, n’ayant aucun goût pour les titres produits à la chaine par l’éditeur.
Mais "Servitude", exception qui confirme la règle, n’a justement rien à voir...
Les auteurs ont mis la barre très haut et sont parvenus à placer leur série parmi les plus ambitieuses qui soient : des planches d’une beauté vertigineuse, des annexes encyclopédiques et passionnantes, une atmosphère crépusculaire où s’éteignent les derniers feux d’une civilisation autrefois raffinée, des décors et costumes hyperréalistes fourmillant de détails, de complexes intrigues politiques…et une cohésion parfaite de tous ces éléments !
Bref, un contenu comme on en trouve peu.
Chaque album étant quasiment autonome, il n’y a pas vraiment d’histoire ; pas vraiment de héros non plus. Juste la chronique d’un monde à l’agonie. Le dernier combat d’une poignée d’hommes contre d'invisibles Puissances occultes qui condamnent tous les êtres de leur monde, par leur soif de pouvoir, à la servitude.
Brillant !
Certains crient au génie, d’autres à l’ineptie, mais nul n’est indifférent… C’est déjà un bon début! Car susciter le débat, voire la polémique sans chercher à les provoquer est a priori une qualité.
C’est d’abord en cela que « L’odeur des garçons affamés » est un album exceptionnel. Parce qu’il est sans équivalent, parce qu’il va au bout de son propos (aussi abscons soit-il) sans concession ni à un genre, à une logique, une morale ou aux potentielles attentes des lecteurs. Inutile d’y chercher des réponses ni même de se poser des questions. C’est une œuvre, ni plus ni moins, à prendre ou à laisser.
De toute façon quand Peeters s’affiche en couverture, tout lecteur un minimum averti sait qu’il va au devant de probables surprises…Et bien qu’il ne soit pas au scenario, on est ici au cœur de ce qu’il fait le mieux : développer librement un univers graphique aussi riche que déroutant, beau, complexe, abouti, déjouant tous les repères. Cela peut créer un malaise chez le lecteur, comme dans le fascinant « Château de sable », écrit certes par P.O. Levy mais dans lequel le dessin de Peeters, plus encore que le texte, inocule un trouble profond.
« L’odeur des garçons affamés » n’est pas un western. Cette BD résiste à toute définition, c’est une expérience de lecture.
Peu après la sortie du 1° tome, je l’avais d’abord emprunté sans conviction en médiathèque ; puis réemprunté quelques mois plus tard car quelque chose d’indéfinissable m’avait accroché.
Idem avec le 2°.
Et j’ai fini par les acheter tous deux en attendant le tome 3…
Au final, "Horacio d’Alba" me laisse une très bonne impression, infusée lentement mais durablement.
Un contexte historique trouble vraiment bien exploité (ces académies de duel ont-elles existé ou n’est-ce que pure fiction ?), des personnages solides, des scènes dantesques et un récit à la première personne dont la narration au passé nimbe de légende et de nostalgie ces aventures.
Seul le dessin ne m’a pas toujours enthousiasmé, trop irrégulier dans la représentation des visages, les profils et les faces d’un même personnage n’étant pas toujours raccords. Mais les décors et les ambiances souvent crépusculaires sont très réussis.
Une série de qualité. A lire!
Oui, cet album est absolument superbe à tout point de vue !
Je veux juste préciser que l’histoire, aussi bien écrite soit-elle, est quand même excessivement romanesque!
L’irradiante beauté des planches hypnotise sur le coup mais une fois le regard dessillé, de nombreux ressorts narratifs apparaissent un peu épais...
Ne serait-ce que le point de départ : Voyageur perdu, Jules s’endort par hasard au milieu du port d’Istanbul, précisément à côté du bateau de la belle capitaine Salomé ; ce Jules a, par hasard aussi, connu un peintre légendaire dont il possède précisément un carnet de croquis rarissime, peintre dont Salomé collectionne précisément les œuvres et qu’elle recherche éperdument depuis toujours … Et les voilà partis à sa recherche en citant du Homère qu’ils connaissent tous deux par cœur…
La plupart des situations procèdent de ce genre de coïncidences : Salomé qui retrouve (par hasard) son agresseur dans le bureau de son père… Salomé, répugnée par les hommes, qui fait de la seule jeune fille des environs son amante, le plus naturellement du monde… Jules qui voit (par hasard) sa fiancée, perdue de vue depuis des lustres, portraiturée par le vieux peintre lui-même et ainsi de suite…
Les auteurs semblent d’ailleurs s’en amuser puisqu’ils invoquent «la bonne étoile» des héros…
Mais passons… Finalement, nous faire croire à tout cela ne requiert-il pas aussi un grand talent ?
Quoi qu'il en soit, on ne peut que saluer l’exigence, l’ambition et l’engagement total d’E. Lepage dans son (chef d’)œuvre.
Même après la lecture il se dégage de cet ouvrage une vraie majesté, due en particulier aux fantastiques peintures de René Follet.
Un ébouriffant hommage à la peinture en général.
Conscient des imperfections de cette série, je ne vais pas en donner un avis enflammé mais j’avoue ne pas comprendre l’indifférence qu’elle suscite.
Moi, j’aime bien "Commandant Achab" et le plus objectivement possible, il y a quand même de quoi!
Le dessin, simple et clair offre des ambiances et des tronches efficaces bien adaptées aux situations. Il réussit même à rendre palpable la morosité de l’environnement dans laquelle se déroulent ces enquêtes assez retorses. Et cette âpreté qui contamine le cadre, c’est celle d’Achab, le taulier du 36, vieux con persifleur, antipathique et misanthrope, dont le flair de flic est bien sûr archi affuté ! On nous refait le coup du tandem que tout oppose avec Karim, donc, son jeune adjoint qui a un peu plus que son homosexualité à cacher…
Alors bien sûr le background très réaliste aiguiserait l’envie de suivre des intrigues elles aussi 100% crédibles... Et c’est vrai que ce n’est pas forcément le cas mais l’important est ailleurs : ça fonctionne car les investigations de nos deux équipiers sont truffées d’à-côtés subtils. Depuis le début s’instille assez finement toute une psychologie du non-dit, de la culpabilité sourde et de l’observation en coin de la nature humaine. Cela rend la série beaucoup plus complexe qu’elle n’y parait. Mais sans doute faut-il lire les cinq tomes à la suite pour le percevoir.
Les trois tomes de "Paci" me confirment tout le bien que je pensais de Vincent Perriot après "Belleville Story".
J’ai dévoré cette aventure de gros bras, grosses bagnoles… et gros ennuis pour les protagonistes! Son découpage très cinématographique est redoutable d’efficacité.
Le style graphique de Perriot s’assèche et se radicalise encore un peu plus ici. Il met cette épure entièrement au service de son histoire et de ses personnages, tous issus des marigots de la délinquance ordinaire, pourvoyeuse de tous les fantasmes ; Ils sont si bien caractérisés – et c’est une preuve du talent de Perriot – que trois traits suffisent pour s’approprier leurs gueules. On pourrait presque les croiser dans la rue !
Le dessin devient quasi expérimental notamment pour certaines scènes de poursuite et traduit le mouvement et la vitesse d’une manière frontale, juste au trait, sans chercher les trucs et les flous à la mode. Les lumières, phares de voitures, spots de discothèque ou réverbères en deviennent hallucinatoires par jeu de distorsion. Quelle énergie et quelle audace graphique! Cette vitesse mise ainsi en exergue devient le symbole du destin de Paci qui s’accélère brutalement et le piège inextricablement.
C’est un beau héros Paci, un de ceux qu’on n’oublie pas sitôt l’album refermé. Son air de sphinx ténébreux lui confère beaucoup de classe et de force.
Un bon polar à découvrir, habile et bien mené.
Que « Belleville Story » ne plaise pas à tout le monde est une évidence.
C’est l’œuvre d’un dessinateur au style affirmé (et parfaitement maitrisé, ça tombe sous le sens !) qui ne cherche ni le consensus ni à en mettre plein la vue. Personnellement je trouve Vincent Perriot vraiment balèze et certainement mésestimé. A ma connaissance c’est un des seuls qui parvienne par son simple trait à insuffler un tel dynamisme, un tel mouvement dans ses décors, avec ces effets de distorsions qui happent le regard. Son univers graphique demande juste aux plus obtus un peu d’ouverture d’esprit !
Le scenario de Malherbe, d’abord étouffant, rapide et crapoteux, s’avèrera libérateur et généreux au bout de cette nuit fatidique.
La distribution des personnages est bien équilibrée entre les poncifs imposés par le genre et la personnalité propre de chacun ; de Freddy la petite frappe à Larna la belle putain et son mac sordide, elle culmine avec Monsieur Zhu, invincible figure messianique achevant sa dernière mission et qui évoque le meilleur de Takeshi Kitano au cinéma.
Pour rappel, il ne s’agit pas de l’œuvre du siècle, ambitieuse et révolutionnaire ! C’est un petit polar sec, nerveux et minuté, à prendre pour ce qu’il est, et incontestablement une très bonne BD.
Les trois premiers tomes des « Royaumes du Nord » valent surtout pour l’impeccable travail graphique de Clément Oubrerie. Son trait expressif, riche en détail et rehaussé de belles couleurs est très agréable.
En revanche ce récit alambiqué ne m’a pas franchement convaincu. Il y a d’abord trop d’éléments narratifs pour une lecture fluide.
En outre cette histoire d’animaux parlants, de sorcières volantes ou autre ours en armure, mâtinée de mysticisme est quand même assez gratinée bien qu’elle regorge d’idées...
Je n’ai pas lu le roman de Pullman mais il semble que les auteurs aient souhaité l' adapter très fidèlement. Du coup, où placer le curseur ?? Car en dépit de partis pris résolument adultes - ce n’est manifestement pas une BD jeunesse - le scenario n’est jamais parvenu à me faire adhérer totalement à ce qui reste un conte pour enfants.
Voilà une œuvre magistrale mais tous les lecteurs ne pourront pas y adhérer.
145 pages d’errance métaphysique qu’arpente un héros immortel et loin de ce que la mythologie prescrit habituellement... Ici, il est fragile, anonyme, égaré, rongé de solitude et d’égoïsme, traversant de sa silhouette androgyne ce qui compte parmi les plus belles planches que l’on puisse imaginer en BD ! La somptueuse colorisation transforme les décors en visions éthérées, comme sorties d’un rêve. Des cités antiques démesurées, des paysages submergés de lumières vaporeuses, des créatures tantôt grotesques, tantôt magnifiques à l’image du merveilleux Tanos de la couverture !! L’ensemble est un miracle visuel malgré les défauts dont le dessin n’est pas exempt (comme dans « Shangri La » d'ailleurs); C’est là la signature d’un auteur déjà majeur !
De surcroit ce n’est pas que beau : La narration, théâtrale au sens propre du terme, fait du récit une véritable chanson de geste teintée d’ironie douce et de mélancolie.
« Herakles » fait partie des (très) grandes œuvres dont on se demande après coup pourquoi elles ne jouissent pas de la renommée qu’elles mériteraient…
L’auteur a construit sa relecture du mythe autour de partis pris forts et assumés. Son Héraclès en est inoubliable ! Surhumain bien sûr, mais dont le corps titanesque ressemble plus à celui d’un bûcheron canadien que d’un marbre de Praxitèle ! Hirsute, nonchalant, râleur, impavide, il promène sa massue et sa peau de lion à travers la Grèce antique à la poursuite de son destin.
Pour autant, rien n’est pastiché, encore moins comique. Si l’on rit souvent, c’est que notre Hercule maîtrise l’art de la réplique comme celui de la boxe à main nue ! Mais l’horreur ou l’émotion peuvent aussi être au rendez-vous… Avec en filigrane des réflexions inspirées sur le pouvoir ou la solitude.
Par ailleurs, les personnages et le récit respectent point par point l’épopée antique et c’est ce qui contribue à faire la force de ces trois tomes. Le reste le doit à un travail graphique fabuleux, autant dans le trait que dans la mise en page et les couleurs.
On peut ne pas être sensible à ce style inventif et débridé mais tout lecteur objectif saluera la qualité et l’originalité d’un tel travail (+ 450 planches au total).
Je considère désormais Édouard Cour, que je ne connaissais pas avant la découverte d’«Herakles», comme un auteur incontournable.
Que de promesses dans cet très bon premier tome !
Le dessin de Jacamon, beaucoup plus fin et précis que dans « Le tueur » est agréable quoique plus impersonnel (en revanche carton rouge à la couverture que je trouve carrément médiocre).
De très belles planches agrémentent la lecture et donnent ainsi une intensité brûlante aux décors.
Les personnages que nous serons amenés à suivre au long de cette saga sont introduits un par un en révélant astucieusement les différentes facettes de leurs personnalités, ce qui permet de les identifier et de se les approprier très naturellement.
N’ayant pas lu le roman, je ne sais pas si l’adaptation est réussie mais la narration, assez dense, reste claire, fluide et prenante.
Le contexte historique du 16°siècle, des invasions ottomanes et de l’inquisition est particulièrement bien mis en scène.
Le rythme est lui aussi très bien mené puisque les scènes d’action pure savent laisser la place à des pauses bienvenues aux dialogues plus développés.
Bien qu’il soit trop tôt pour préjuger du résultat final, je recommande ce « Tannhauser » qui m’a vraiment semblé de bonne facture, en espérant que la suite soit au moins du même niveau.
Les deux tomes de Daomu ont de quoi laisser perplexe…
Hésitant constamment à la frontière de plusieurs genres, les auteurs semblent les choisir tous, ce qui revient bien sûr à n’en choisir aucun… Polar, aventure, fantastique, ésotérisme s’entremêlent de façon plus ou moins bancale, certains passages étant très efficaces, d’autres complètement incompréhensibles et foutraques… Et le rythme de l’ensemble en est largement alourdi.
Idem pour le dessin qui, bourré d’artifices numériques en met clairement plein la vue… En résultent des planches sur fond noir à la beauté froide et hypnotique qu’il s’agisse de décors, paysages ou ambiances… En revanche dès qu’il dépeint les personnages, ce graphisme révèle très vite ses limites et il est notamment ardu de différencier les protagonistes.
En fait il faut finir le second tome pour comprendre que cette histoire ténébreuse de tombes secrètes, de mondes engloutis, de mafias et de monstres sanguinaires n’aurait été qu’un banal manga pour pré-ado si elle avait adopté une forme moins tape-à-l’œil. Car derrière le vernis, "Daomu" est quand même un peu bas de plafond…
Mais tout ça étant visuellement étincelant et plutôt sympathique, beaucoup pourraient y trouver leur bonheur, à commencer par les fans des Humanos.
Il y a juste un fossé entre le fond et la forme, c'est tout !
Voilà une BD atypique, pouvant provoquer autant l’exaspération que la jubilation !
Exaspérant parce qu’à mon sens il n’y a pas de scenario (ou si peu que le lecteur s’en fichera totalement) et que les personnages, du genre « affreux, sales et méchants » sont parodiques et dénués de toute épaisseur ; enfin parce que les dialogues sont souvent beaucoup trop plats, trop neutres pour sortir de la bouche de ces « deux bandits » rugueux dont le caractère devrait être largement plus acéré.
Avec des répliques plus caustiques, plus ironiques, cette histoire aurait tout de l’œuvre culte ! Comme les films de Roberto Rodriguez auxquels elle fait penser, et c’est son côté jubilatoire : Deux tueurs en bout de course, n’ayant plus rien à perdre, un cadre de fin du monde, un déchainement de violence où tout doit disparaitre sous la poussière et les cactus… La matière du ballet funèbre aurait pu être grandiose !
Car les qualités graphiques sont remarquables. La mise en scène est soignée, le dessin incisif, vigoureux et détaillé est bien mis en couleur, le découpage cinématographique est particulièrement efficace et les décors sont percutants.
Ça ne suffit sans doute pas à l’élever au-dessus du lot… mais «Deux bandits » par sa radicalité et son esthétisme saura sûrement trouver son public.
J’avais commencé à rédiger un avis plutôt littéraire et copieusement argumenté pour parler de "Moi, assassin" ; mais j’efface tout et reprends à zéro. Inutile d’en faire des tonnes.
C’est tout simplement une BD intense aux qualités rares : un scenario dérangeant par ses éclats de violence et son amoralité mais particulièrement élaboré et haletant ; un dessin stupéfiant aux noirs et blancs tranchants comme des lames, parsemé de détails rouges sang (à noter l'étonnant réalisme des décors ) ; mais surtout l’éblouissant charisme de son héros, redoutable psychopathe sous les atours d’un prof de fac brillant mais vieillissant, aussi habile que retors dans l’exercice de son "art" de tuer. Tantôt pitoyable, tantôt flamboyant… Quelle classe et quelle gueule !
Bref, vous l’aurez compris, je considère ce roman graphique comme un chef d’œuvre total, exigeant et vénéneux mais indispensable !
De prime abord, le dessin semble virtuose, ce qui rend la lecture alléchante…
Mais à la longue ce trait léché et sans surprise a fini par m’ennuyer. Brillant mais sans saveur, trop maniéré, il manque une dose de panache et d’inventivité. De plus, nombre de personnages sont stéréotypés. Que dire de cette armée de Sarmates à la poitrine sublime certes, mais arborant toutes des seins quasi identiques avoisinant le 95C?? C'est un véritable défilé de pin-up!
Même constat pour le scenario qui contribue à cet ennui latent. Tout est là pourtant : les regards torves, la testostérone, les créatures, les combats sanglants, la sorcellerie, le sexe, les affres du pouvoir, la quête de vengeance… Bref, une recette inratable que j’apprécie toujours. Mais il manque ici le petit supplément d'âme qui aurait dû créer une ossature à tous ces ingrédients. Aucune réflexion, aucun recul historique, aucune hauteur de vue ne vient nous dire en quoi cette aventure est digne d’intérêt.
Ce n’est, pendant 4 tomes, qu’une bonne grosse et banale bataille.
Soyons juste, c’est de la BD honnête et bien tournée. Je garderai mes « Reconquêtes », je les relirai sans doute à l’occasion mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est probable que je me (re)dise en soupirant "Tout ça pour ça ?".
Voici un mythe maintes fois adapté et pourtant aucune impression de déjà-vu, aucune redite ne vient affadir la lecture de ces trois premiers tomes.
La narration est précise, fluide et maitrisée.
Le dessin, lui, est aussi splendide qu’étrange... Épuré tout en étant foisonnant, parfois théâtral ou un peu raide mais en même temps subtil. Ce trait toujours élégant sert admirablement le récit par ses architectures raffinées ou ses contre-plongées discrètes.
De surcroit un bel élément graphique vient sublimer certaines planches : toutes les fumeroles blanches qui se déploient au hasard des pages dès qu’une flamme est allumée dans l’histoire. Certaines de ces volutes s’échappent des cases ou les relient entre elles, matérialisant ainsi l’atmosphère empoisonnée qui règne dans les alcôves des palais, les saumâtres effluves de complot et les vapeurs de haine qui asphyxient les personnages.
A noter que les couleurs automnales sont également superbes !
C’est de la mythologie pure et dure avec son lot d’héroïsme, de violence et d’intrigue mais le scenario sait y distiller très habilement une dimension introspective et intimiste rare.
Mais même si la sensibilité conjuguée des autrices fait des miracles, cette série est sans doute une œuvre trop singulière pour faire l’unanimité. Pour l’apprécier à sa valeur, il faut accepter de se laisser hypnotiser par cette ensorceleuse de Médée…
Difficile d’imaginer qu’une telle œuvre puisse n’avoir qu’un seul auteur !
Respects donc à Mathieu Bablet pour ce colossal et magnifique travail…
Visuellement, c’est vraiment costaud. Des décors et perspectives d’une extraordinaire précision, des couleurs sombres et ternes, mais idéales pour décrire cet univers quasi carcéral et aliénant.
Les plans de l’espace, intensément noir, vide, silencieux et glacial sont parfaits.
Le scenario, inégal, comporte autant de maladresses que de fulgurances... mais malgré quelques ellipses et des ruptures de rythme, le récit offre une belle complexité tout en gardant une trame relativement simple, efficace et cohérente.
Deux légers bémols : La psychologie des personnages aurait pu être plus approfondie ; ils manquent un peu de consistance et ne suscitent guère d’empathie…
Puis la critique assez insistante de la société de consommation. Il y avait de l’idée mais ce matraquage a fini par m’irriter…
Au final « Shangri-La » reste une histoire fascinante de bout en bout, radicale et implacable, doublée d’un faisceau de réflexions sociétales et politiques.
Un très bel objet qui plus est, au rapport qualité/prix imbattable.
En cas de doute, à acheter sans hésiter !
Éclatant « Port des marins perdus » !
Adéquation parfaite entre un scenario romanesque et un dessin tout en délicatesse de gris qui tissent au fil des pages un conte onirique, intelligent et passionnant.
C’est dense, solidement construit, merveilleusement dessiné malgré le style crayonné qui derrière sa fausse simplicité recèle en fait des trésors de détails, d’atmosphères et d’émotion.
Mais la force de ce récit tient aussi à la mélancolie qui s’en dégage: fatalité des destins, sentiments prenant corps dans le silence des regards, omniprésence de la poésie comme seule réponse rassurante aux angoisses existentielles.
Il y a quelque chose de baudelairien dans ce « port » dont les mirages dans la brume marine ont tout du Spleen mais dont le souffle épique et l’exotisme tiendraient de l’Idéal…
Seul regret, le format semble parfois petit au regard de la beauté des planches !
Évidemment, d’autres pourraient lui reprocher sa naïveté, sa panoplie de gentils clichés sur les marins, son romantisme un peu pâli ou l’invraisemblance de certaines situations… Oui, peut-être et alors? Ce sont les défauts de ses qualités et celles-ci l’emportent magistralement!
C’est un voyage à ne pas manquer !