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Fin de saison pour Midnight Tales et l'occasion d'un premier bilan de cette expérience hybride assez motivante bien qu'inégale. L'ouvrage en format comics avec couverture brochée à rabat propose comme d'habitude quatre histoires, un épilogue dessiné par Bablet, une excellente nouvelle (la meilleure des quatre volumes) et quatre articles de background et de développement thématique. Une courte biblio conclut l'ouvrage. La taille des BD est très inégale et j'ai été déçu que la meilleure (celle de Neb studio) soit la plus courte... La couverture est dessinée par Bablet comme d'habitude.
- Kiriar
chie (The neb studio): première petite claque avec cette histoire qui n'est pas reliée à l'ensemble mais très bien dessinée dans un style dessin-animé familier du Neb studio (qui a réalisé La valise et une section du troisième Midnight tales). Très politique, très liée à l'actualité, elle place une jeune fille dans un métro fantôme en proie à des démons l'agressant sexuellement... Rien de sexy dans ces pages mais clairement une tribune contre la violence faite aux femmes, le harcèlement et notamment ces pratiques déviantes dans le métro. C'est pertinent, très bien tourné et assez marquant.
- Maymaygwashi (Secheresse/Rizzo) - 34 p.: grosse histoire située dans les années soixante-dix avec un lac hanté par des créatures aquatiques. On est pas loin de Ctulhu et on reprend le thème de la bande de Midnight girls qui prennent des décisions rapides et se trompent parfois... J'ai beaucoup de mal avec ce dessin et les thématiques me semblent un peu redondantes. Oubliable.
- Zoltar le magnifique (Neyef/Bablet) - 25 p.: l'histoire la plus orientée background avec la jeunesse d'un des agents spéciaux qui seront au cœur de la seconde saison. Dessin très correcte et très dynamiques, histoire simple et intéressante de surgissement démoniaque et final punchy en diable avec l'arrivée du Bourreau, force spéciale de l'Ordre qui donne lieu à une belle séquence d'action badass.
- Devil's garden #3 (Gilbert/Bablet) : - 42 p. : le plat de résistance de l'ouvrage tombe un peu à plat avec cette vraie-fausse histoire de vampires en Roumanie. On sent l'envie de développer le thème des croyances, la magie à papa en face du vrai surnaturel, mais on passe les deux-tiers de l'histoire à suivre une bande de MG avant de voir arriver les fameuses Johnson et Sheridan qui bouclent avec le background... de très loin. Du coup on ne comprend pas bien en quoi cette troisième partie de Devil's garden fait avancer l'intrigue... Dommage.
- Epilogue (Bablet): un peu comme pour le précédent, l'épilogue, si il nous montre à nouveau le QG des forces de Minuit et les Midnight trop puissantes retirées du jeu dans les précédents volumes, nous laisse un peu sur notre faim...
Pour conclure cette saison, ce volume est à l'image de l'ensemble, inégal et peut-être victime de sa forme hybride, voulant associer des choses compliquées à mettre ensemble. Si les séquences action et baston démoniaque sont toujours excellentes, si les textes de background sont dans l'ensemble intéressants et nous apprennent des choses, si les histoires one-shot, selon les dessinateurs qui officient, permettent d'élargir les thématiques, on a tout de même régulièrement des histoires pas franchement passionnantes ou pas très bien dessinées. La diversité des dessinateurs complique également les liaisons sur les fils rouges tissés par Mathieu Bablet avec des personnages qui reviennent mais sont parfois difficiles à reconnaître.
Je continue à trouver le projet très motivant dans cette volonté de développer un univers large qui ne soit pas que fantastique mais il faudrait penser à resserrer sur une intrigue plus suivie qui facilite la lecture au lecteur. Si c'est bien cela qui est prévu et que cette première saison avait pour objet l'immersion dans un univers c'est plutôt sur de bons rails...
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/23/midnight-tales-4
Wika est une série hors norme, aboutissement de la démesure d'un auteur d'une générosité sans borne qui compense allègrement les lacunes techniques qu'il traîne depuis ses premiers fanzines dans le jeu de rôle avec Froideval par une inventivité, une minutie et une liberté absolue de ses planches vis à vis des canons de l'édition, des codes de la BD. Sa marque de fabrique, dans Wika plus que jamais est sa propension à dépasser le cadre de mille manières possibles. Sa destruction des cases a commencé dès les Chroniques, adoptant des formes originales pour recomposer totalement la progression graphique de sa narration sur l'ensemble de la page ou de la double page. De mémoire il avait déjà également retourné ses planches pour adopter ponctuellement un format paysage qui bouleverse là encore la lecture en permettant des tableaux monumentaux. Ici l'intégralité de la première partie (soit seize pages), dans le Sidh, royaume immatériel de Pan, adopte ce format. Outre l'avantage graphique, c'est pertinent scénaristiquement en changeant la lecture comme on change d'univers, avec ses propres codes. L'acmé du processus est atteint lors de la bataille finale, sur les déjà célèbres pages 63 à 66 qui ne sont pas moins de quatre pages liées avec rabat, permettant sans doute la plus grande double page jamais publiée en BD... Certains seront lassés de la profusion de détails de cette furie visuelle où l'on n'ose imaginer le temps passé par Ledroit sur leur réalisation. Mais chacun reconnaîtra la passion de l'artiste et le détail de ses planches.
L'autre apport de Wika est outre l'utilisation systématique d'habillages graphiques, non seulement sur les bandeaux de narration de type parchemin, mais sur l'entièreté des bordures de pages. Oubliez le gaufrier et les découpages sur fonds blanc, chez Ledroit il n'y a pas de fonds. Comme Georges Bess sur son Dracula l'auteur a dessiné jusqu'au dernier centimètre carré de papier disponible, ce qui donne parfois le sentiment de lire un art-book plus qu'une BD. Il a en outre ajouté sur cette série une nouvelle technique d'insertion d'éléments d'engrenages, de coins et de dentelles sur ses pages avant photographie. Le rendu est fabuleux en ajoutant une matière impossible à rendre par le seul dessin et rehaussant ses habillages graphiques. Dernière manifestation de l'imagination créatrice d'un auteur qui ne fait finalement plus vraiment de la BD, ou de la post-BD. On parle beaucoup de certains expérimentateurs comme Marc-Antoine Mathieu, Ledroit apporte pour moi autant (et pas que depuis Wika, son fabuleux Xoco proposait déjà des trouvailles phénoménales dans le découpage) à l’innovation en BD. [...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/27/wika-et-la-gloire-de-pan
Après être resté extérieur lors de ma lecture des Jours qui disparaissent j'ai à nouveau tenté un pavé de Timothée Le Boucher... pour le même résultat. Je reconnais objectivement la qualité de son travail, l'effort de narration lente, le travail sur cette très grosse pagination et une certaine maîtrise de la tension. Mais cette froideur générale, ce nihilisme glauque dans les relations humaines ne m'intéressent pas. par moments on est accroché par le suspens qui semble pourtant soit ne pas intéresser l'auteur soit qu'il n'est pas capable de tenir, le brisant au moment où il monte, jusqu'à ne pas trop savoir comment clôturer son histoire. Ce sont les relations humaines qui l'intéressent et les failles psychologiques, mais alors pourquoi adopter la forme du thriller et non de la chronique sociale? En outre il y a un côté malsain dans son univers qui me mets mal à l'aise, un peu comme chez Vivès mais avec la fibre artistique en moins. Bref, c'est plutôt un bon album mais qui n'est pas pour moi. Ce n'est pas non plus le chef d'oeuvre annoncé. Trop particulier pour cela.
Comme Au fil des plumes, j'ai entendu parler en bien de cet album, trouvé la couverture et le titre sympa... mais été assez déçu par un album qui vise à se mettre à la place des animaux. Quelques bonnes idées dans le vocabulaire mais le côté dénonciation des abattoirs et surtout le début sur le cochon, la ZAD, sont à côté de la plaque par rapport au reste de l'album. Du coup on ne sait pas où on va dans cette odyssée animale. Ca reste cependant plutôt bien dessiné mais hormis si le sujet vous intéresse ce n'est pas une lecture indispensable.
Sur les abattoirs on préfèrera La tuerie de Otero et Galandon et sur les animaux qui parlent bien sur Le chateau des animaux.
L’album propose en deux volumes une adaptation du roman de Jack London paru en en 1915 et qui eut une grande répercutions sur le système carcéral américain, notamment par l’abandon de l’usage de la camisole. Riff Reb’s est un habitué de la collection Noctambule de Soleil, collection dont la maquette me laisse assez dubitatif quand à son côté accrocheur. Ainsi la couverture qui met en avant un auteur reconnu mais ne donne pas forcément envie de pousser la porte de la couverture… Le format est compact avec une citation en quatrième de couverture.
Darrel Standing est dans le couloir de la mort. Il nous raconte depuis sa cellule, plume à la mail, ce qui l’a mené là: le meurtre d’un collègue enseignant, la dureté de la vie carcérale, les tortures psychologiques et mentales des matons… et comment il a appris à s’évader psychiquement de son corps pour vagabonder de vie en vie, dans le passé du monde…
Pour ma première lecture d’un album d’une signature bien connue du monde de la BD avec près de trente-cinq ans de carrière, j’ai été marqué par l’ambition du projet et l’implication d’un auteur en pleine maîtrise de ses moyens. Si la couverture est franchement ratée, ce n’est absolument pas le cas des premières planches qui nous font entrer immédiatement dans l’album par une narration qui nous raconte la fin (et donc un récit a posteriori) et nous projette immédiatement dans une atmosphère onirique au design très réussi. Combien d’albums tardent à préciser leur propos au risque de perdre leurs lecteurs avant l’accroche? Ce n’est absolument pas le cas ici où les cent pages sont enchaînées avec envie tant l’abomination de la vie du pénitencier sidère et nous entraîne à vouloir savoir comment le narrateur va s’en sortir (… ou pas). Le jeu du récit est particulièrement réussi en ce qu’il nous annonce systématiquement que la suite va mal se passer alors que la planche nous montre déjà des horreurs… On est ainsi entraîné, ballotté comme un navire que l’auteur aime habituellement dessiner. [...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/21/le-vagabond-des-etoiles/
La série est une autobiographie romancée du militant et député noir américain John Lewis, en trois parties: le premier volume sur la jeunesse 1940-1960, la seconde plein feux sur le combat pour les droits civiques 1960-1963, le dernier 1963-1965. Les tomes deux et trois ont reçu successivement les prix Harvey (remis à la New York Comiccon), le premier comic à recevoir le National Book Award (ouvrages pour la jeunesse) et deux Eisner BD documentaire. A noter que Rue de sèvres a étrangement changé le titre original March par un autre titre en anglais et complètement remplacé les couvertures d’origine. Les volumes sont en format comic broché avec couvertures à rabat. L’album se termine par une page de remerciements et une bio des trois auteurs.
Janvier 2009: lors de l’investiture de Barack Obama comme premier président noir des Etats-Unis d’Amérique, le député John Lewis reçoit une mère et ses enfants dans son bureau et se remémore son enfance en Alabama, dans le sud ségrégationniste où il va progressivement découvrir les concepts de désobéissance civile et de non-violence dans les pas de Gandhi et Martin Luther King. C’est le début du combat pour les Civil rights qui commence. John Lewis fait partie des compagnons de route du célèbre pasteur et des six organisateurs de la Marche sur Washington du 28 août 1963…
Cette série mériterait d’être plus connue par le milieu de la BD tant elle impressionne à la fois en tant que BD et comme documentaire. Le fait que son auteur principal ne soit autre que John Lewis lui-même apporte une légitimité et une précision incroyable aux albums. Il n’est pas étonnant que ce soit aux Etats-Unis, où la BD n’a jamais été méprisée comme média artistique et d’information, qu’un député en fonction publie un tel album autobiographique (…ce qui serait peu probable en France). Personnellement je ne connaissais pas ce personnage, mais le sujet à lui seul suffit à passionner. Quel moment plus marquant de l’histoire moderne que ce combat opiniâtre appelant à la fois les théories politiques des Lumières, l’histoire de l’Occident et de la Traite et la ségrégation qui s’en est suivie, l’histoire américaine dont le péché originel n’est pas encore dissous même après l’élection d’Obama, les combats pour la décolonisation et les théories de non-violence venue de Gandhi et la désobéissance civile venue du milieu du XIX° siècle avec Henry-David Thoreau…? [///]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/17/wake-up-america-1/
Très monumental album de deux-cent pages illustrées en noir et blanc sur papier glacé, le tout découpé en seize chapitres avec pages de titres illustrées (superbes de finesse!) et quelques illustrations d’ambiance à la fin. C’est ce qu’on appelle un album très généreux où l’auteur semble avoir épuisé jusqu’au dernier centimètre de papier pour y dessiner son univers gothique. Le format est néanmoins assez compact, proche d’un comic… justifiant la sortie d’une édition grand format pour quatorze euros de plus. Ce n’est pas choquant au regard des pratiques des éditeurs mais le format original suffit amplement pour apprécier les superbes planches.
Le roman épistolaire de Bram Stoker sort en 1897 en pleine veine littéraire gothique et va inspirer tout ce qui suit d’inventeurs de l’imaginaire, au travers du cinéma, de la BD et de l’imaginaire collectif. Le réputé film de Francis Coppola va lui aussi poser sa marque comme une tentative d’adaptation très proche du roman visant à s’éloigner de l’iconographie posée par les figures de Bela Lugosi et Christopher Lee. A noter qu’en BD les versions de Pascal Croci et de Mike Mignola (adaptée du film de Coppola) semblent les plus notables.
Jonathan Harker est clerc de notaire et envoyé pour un étrange voyage en Transylvanie pour les affaires d’un mystérieux comte reculé dans son château. Sur place il va découvrir que les forces du Mal occupent la bâtisse et que son hôte n’est autre qu’un mort-vivant se repaissant du sang de ses victimes… un vampyre!
Il est peu évident d’entreprends une adaptation « fidèle » d’un tel roman dont on ne sait plus ce que le texte ou les adaptations suivantes ont provoqué comme images dans la tête de George Bess. Le magnifique auteur du Lama Blanc semble tout à la fois inspiré par l’atmosphère gothique victorienne qui se dégage du roman mais aussi beaucoup par les images de Coppola dans plusieurs scènes ou encore par le Nosferatu de Murnau dont il reprend la forme physique dans certaines séquences. [...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/20/dracula/
L'édition de cet album est minimaliste (pour l'édition classique), avec pour unique bonus la couverture de l'édition luxe en dernière page. Le dossier presse très intéressant donne des infos très sympathique sur la création et la relation entre les deux auteurs ainsi que sur le boulot sur la couverture qui n'a pas été une mince affaire. La grosse pagination peut expliquer la réticence de l'éditeur à augmenter encore les frais mais c'est toujours dommage de ne pas proposer quelques prolongements sur les éditions classiques. Concernant la couverture je trouve qu'étrangement c'est loin d'être la plus intéressante et percutante qui a été retenue, tant sur une question de couleur que d'ambiance graphique. Outre la version classique ce sont donc trois versions qui sortiront: la collector grand-format avec un cahier graphique de huit pages environ et deux éditions de libraires (Slumberland et Bulle du mans). A noter enfin que les auteurs prolongeront l'aventure western avec un album intitulé A l'ombre des géants et semblant se dérouler dans la neige...
L'ère des cowboys touche à sa fin avec l'arrivée du train qui va rendre inutiles les longues transhumances à travers le continent. Russel le sait et il a préparé sa retraite. Mais lorsque le hasard met un gamin dans ses pattes il se retrouve pris dans un engrenage où la réalité cupide de son époque le rattrape et où la vengeance va le sommer de faire des choix violents...
Je trouvais jusqu'ici l'année BD un peu faiblarde après la sortie du magnifique Nympheas noirs dès janvier... puis plus grand chose de très remarquable. La fin d'année étant propice aux grosses sorties, je n'attendais pourtant pas ce joyau de western classique qui montre que les grande genres (western, SF, fantastique) accouchent souvent des plus grands albums et que la différence entre un très bon album et un grand album tient à peu de choses. Jérôme Felix est un scénariste d'expérience avec quelques vingt ans de carrière derrière lui. On sent ainsi dans la solidité d'une intrigue mince comme un western ce savoir faire dans l'agencement des cases et de la narration. Tous les grands films du genre au cinéma l'ont montré, ce sont les atmosphères, les regards, les interactions qui distinguent ces mille et unes histoires similaires de vengeances. Ses personnages sont très solides dans Jusqu'au dernier et l'on ne sait jamais si la caractérisation tient au travail graphique phénoménal de son comparse, au sien ou aux deux... Le rôle du scénariste est toujours ingrat lorsque l'on a devant les yeux de telles planches qui nous incitent à oublier le travail amont pour ne voir que le jeu des acteurs.[...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/30/jusquau-dernier
Steve Skroce n'a pas une très longue biblio, ayant fait ses armes chez Marvel et du storyboard de cinéma (notamment sur Matrix!) avant de partir sur de l'indé qui semble bien mieux lui convenir quand on voit le plaisir qu'il a à insérer des scènes gores et vaguement chaudes dans ses planches. Avant Maestros il a dessiné avec Brian K Vaughan une uchronie où les USA envahissent le canada. On saisit déjà l'amour des renversements.
Comme dessinateur Skroce s'en tire plus qu'honorablement, livrant des dessins assez classiques (on pense parfois à du Frank Quitely) mais très propres techniquement et très au-dessus de la moyenne des dessins de comics. Le gars sait tenir un crayon et se permet des expérimentations formelles en habillant ses pages un peu à la manière d'un Olivier Ledroit. Car son univers est basé sur les codes de la Fantasy avec magiciens à chapeau pointu, dragons, ogres et monstres en tous genres. C'est assez cliché mais c'est voulu, afin de créer un clivage entre ces images de contes et un langage très fleuri, des exécutions tout sauf douces et un univers noyé dans la violence, la force brute et le sexe.
Du coup, si l'univers est vraiment sympa (même s'il reprend pas mal l'idée de décalage d'un Millar sur Jupiter's Legacy), une fois passés les premiers chapitres vraiment réussis, on tombe progressivement dans une pseudo histoire d'amour un peu mièvre et irréelle au regard de l'univers et du projet. Plusieurs fois on se dit que l'auteur va nous balancer une chute destabilisante pour constater qu'il ne s'agit bien que d'une banale vengeance du vizir contre son sultan... on a connu idée plus novatrice.
Du coup ce premier tome d'une série annoncée commence de façon tonitruante pour finir assez sagement, comme si Skroce avait oublié en cours de route qu'il était dans du comic indé adulte et n'avait plus à se censurer. Un peu dommage tant l'ouvrage commence sous de très bons auspices tant graphiques que scénaristiques en se livrant à de très joyeux et nombreux massacres bien rouges et bien réalistes que tous les amateurs de films d'horreur apprécieront. On se marre pas mal sur les dialogues de sales gosses, profite des jolis dessins et se demande quel sort galactique le Maestro et ses adversaires vont s'envoyer à la tronche. [...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/09/maestros
Homicide propose la chronique d’une année de la brigade des homicides de la police municipale de la ville la plus violente des Etats-Unis. Adaptée d’un livre de David Simon qui a donné naissance à la mythique série TV The Wire (Sur Ecoute), la série de Philippe Squarzoni, spécialiste de BD documentaire, se mets à hauteur d’homme en nous livrant le quotidien de ces hommes, loin du show des films et séries policières. Quatre volumes sont parus (sur cinq prévus), chacun couvrant un ou deux mois d’activité de la brigade.
Dans les rues de Baltimore il y a en moyenne un meurtre deux jours sur trois. Pour résoudre ces meurtres la police municipale a deux brigades d’enquêteurs. Ainsi les affaires en cours s’accumulent avant que l’on ait le temps de les résoudre. Entre fonctionnement administratif, réalité des crimes et relations humaines, entrez dans le quotidien de ces policiers qui tâchent de confondre des criminels en se demandant pour qui, pour quoi…
J’avais été impressionné par la qualité documentaire de l’ouvrage Saison Brune que Philippe Squarzoni avait publié il y a quelques années à propos du réchauffement climatique, en adoptant le point du vue du novice. Ici la démarche est autre puisque l’on est sur l’adaptation d’un bouquin source qui n’envisage pas de récit de l’observateur mais agit plutôt comme la caméra d’un Depardon, captant froidement des scènes, des dialogues, des regards. Il y a bien une narration qui nous explique les dessous, des chiffres, mais toujours dans le sens didactique. N’ayant pas vu la série TV je ne savais pas à quoi m’attendre et ai été bluffé par l’intensité du récit, la profondeur des problématiques. Ce sont des tranches de vie qui nous sont ainsi montrées, entre différentes affaires dont on ne sait jamais la conclusion car elles ne se résolvent pas en quelques jours (ce premier tome couvre quelques semaines seulement de l’année 1988, année couverte par David Simon comme journaliste au sein de cette brigade). Mais très vite on nous explique qu’en raison de la profusion de crimes et des moyens limités certaines constantes doivent vite être intégrées par un enquêteur: premièrement que tout le monde ment pour différentes raisons, à différents degrés, ensuite que la plupart du temps les affaires sont réglées sur un coup de chance. La chance de tomber sur l’indice confondant, la chance d’un témoin qui craque, la chance d’un collègue qui fait bien son boulot… Les enquêtes ne tiennent qu’à des détails derrière une pression hiérarchique toute administrative: le maire, l’élu chargé de la sécurité, les différents échelons de la police et cette mise en concurrence des deux brigades. [...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/11/10/homicide-1/
Cet album entame un cinquième cycle des aventures du camionneur de l’espace, une longévité remarquable même si tous les cycles ne se valent pas. Comme pour les derniers volumes la couverture est réalisée à quatre mains avec Nicolas Siner et est plutôt réussie. A noter que cet album a la particularité de tisser de très nombreux liens avec la série parallèle de Fred Duval, Carmen Mac Callum, ce qui est nouveau et ouvre des pistes originales pour cette série de hard-anticipation.
Lorsque la villa de Dario Fulci, le tout puissant patron de la multi-continentale Transgenic est occupée par un commando d’EGM (humains génétiquement modifiés), c’est le sort des ouvriers de la ceinture d’astéroïdes qui se retrouve sur le devant de la scène. Dans le même temps sur la Lune Travis apprend que la mission scientifique de retour de la lune Europe a été victime d’une mutinerie…
On constate en compulsant les premiers albums que Christophe Quet a perdu en qualité et en minutie sur ses planches, ce qui est surprenant et peut laisser penser à une lassitude après vingt ans passés sur cette série. L’arrivée de Siner en aide sur les couvertures serait-elle un signe de passation prochaine du crayon au dessinateur du très bon Horacio D’alba? Si le design général reste de grand qualité on perd ainsi en précision des arrières-plans et de l’environnement général comme sur les personnages dans un album de lancement d’un arc que l’on peut imaginer long et qui nous emmène des capitales européennes à la Lune en passant par le vaisseau de la mission Europe. Après un arc mexicain très terrestre on va passer un bon moment en apesanteur. Passée cette relative déception, j’ai retrouvé dans un scénario complexe la richesse du cycle des Cyberneurs avec le retour en grande forme des pourritures préférées de Fred Duval à commencer par le milliardaire Fulci, véritable Machiavel moderne dont le vol des données secrètes va mettre au jour les pratiques probablement illégales de Transgenics dans l’emploi des mineurs clonés. [...]
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J'avais chroniqué l'intégrale Bloodshot il y a environ un an avec un très bon ressenti. Avec le nombre de séries en retard chez Valiant je ne m'étais pas précipité, privilégiant Ninjak. J'ai eu tort tant ce premier volume de Bloodshot Reborn est une belle claque et pour l'instant ma meilleure lecture de l'univers Valiant! D'abord par les dessins de Mico Suayan que l'on a pu voir sur Bloodshot Salvation et Harbringer wars, est juste sublime. Je suis pourtant généralement réticent à ce genre de style souvent très figé. Ici l'expressivité, le mouvement, l'encrage sont totalement dans l'esprit de ce badass de bloodshot, c'est beau et ça crée un univers. En outre il introduit visuellement des dialogues mentaux du monstre avec le personnage de Bloodsquirt, sorte de surmoi violent en mode dessin-animé. Car ce qui fait la grande force de ce volume c'est à la fois la grande simplicité de l'intrigue et la focale mise sur la perturbation mentale de cet homme dévasté qui s'affronte avec ses pulsions intérieures entre humanité et inhumanité, entre rêve et réalité. C'est bien écrit, drôle, puissant, passionnant! L'album nous avertit qu'il s'agit de la suite directe de The Valiant, à la fin duquel ...
[ATTENTION SPOILER]
... la géomancienne mourante expulse les nanites du corps du soldat. Redevenu un homme en trouvant l'amour en même temps que la perte de cette dernière, il ne sait plus que faire de sa vie. Lorsque des meurtres se produisent il réalise qu'il est lié à ces assassins et s'interroge sur son libre arbitre… Ce volume marque un vrai saut qualitatif, du fait notamment du brillant scénariste Jeff Lemire déjà lu sur l'impressionnant Divinity, dans un catalogue Valiant déjà assez chouette et montre le potentiel qu'un tel personnage entre Punisher et Wolverine pourrait permettre au cinéma…
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/05/sushi-baggles-21/
Le deuxième volume est le plus faible. le dessin très classique de Butch Guice fait très bien le job mais n'apporte pas le truc en plus qui enthousiasme sur les autres épisodes. Surtout, il clôture l'intrigue lancée par le premier tome mais sans le gros plus qu'étaient les voix intérieures de Bloodshot incarnées par la géomancienne et l'excellent Bloodsquirt. On a donc une bonne intrigue qui reprends l'enquête de l'agent Festival (quel nom!) qui cherche à en savoir plus sur le Rising Spirit Project et les bastons de Bloodshot sans le côté psychologique. Ça reste sympa mais dans la grande moyenne des comics Valiant.
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/19/bloodshot-reborn-2-4
Le troisième volume nous bouscule en nous envoyant directement trente ans dans le futur, dans une dystopie post-apocalyptique où la nano-technologie a pris le pas sur la civilisation et où une élite s'est retranchée dans des cités fortifiées et alimentées en eau. le reste? Désertique et parcouru par des bandes sauvages... On est en plein Mad-Max ou plutôt Old-man Bloodshot (en référence au culte Old-man Logan de Mark Millar dont il reprend exactement le principe, avec un vieux Ninjak qui vient demander l'aide du soldat ultime pour sauver un monde devenu fou...). le dessin et le découpage incroyable du grand Lewis Larosa (que l'on retrouvera sur la série suivante Salvation) font le reste pour vous mettre une bonne grosse claque dans la tronche. Un monument du niveau de l'ouvrage de Millar et Steve MacNiven, dont la seule faiblesse est de paraître comme une repompade. Mais quel plaisir de voir transposé ce concept dans l'univers Valiant!
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/19/bloodshot-reborn-2-4
Le quatrième volume intitulé Bloodshot Island, est une grosse baston sur une île, avec le retour de Mico Suayan aux dessins. C'est très beau (malgré un personnage de Deathmate très numérique avec des effets pas terribles) et permet de découvrir les différents bloodshot créés au travers de différentes guerres. Ce principe (déjà vu notamment sur la dernière série Ninja-K) commence à sentir le réchauffé mais ça permet au dessinateur de créer des variations sympathiques. Du reste on est dans le dialogue de bidasse testostéroné, ce n'est pas très subtile. Cet épisode permet de découvrir différentes séquences des Bloodshot passés, avec un Tomas Giorelo bien moins en forme que sur le X-O Manowar mais cela reste très agréable à lire.
Cette série est l'une des meilleurs choses qu'ait produit Valiant, même si l'on peut regretter la mauvaise habitude générale à l'ensemble des comics d'en garder vraiment beaucoup sous le coude. Beaucoup d'éléments de construction d'univers et bien peu de réponses. Le principe de Bloodshot restant celui de la manipulation conspirationniste, on se rapproche de XIII et l'on s’éloigne des fusillades bourrin avec destruction corporelle gore auxquelles nous avait habitué le tueur aux yeux rouges. On est ainsi surpris de le voir très peu mourir. Est-ce une réorientation complète ou un simple intermède? Le gros apport de cette saga est la relation amoureuse et la culpabilité de Ray Garrison (qui sera prolongée dans la suite Salvation). Sur le PRS et le GATE on n'en sait pour l'instant que bien peu, c'est dommage. Mais pour peu que la mini-série Bloodshot USA clôture enfin cet arc (je vous dis ça très vite), l'ensemble est de haut niveau et une bonne façon de découvrir en douceur les éléments de cet univers super-héroïque.
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/19/bloodshot-reborn-2-4
J'ai découvert cet album en visitant l'exposition du Musée des Confluences de Lyon (destiné à aborder la Nature, les traditions et les cultures humaines et où j'avais vu récemment une exposition sur Hugo Pratt) sur les Derniers Kalash, visible jusqu'au premier décembre prochain. Réalisé en partenariat avec l'éditeur La Boite à bulle, l'album retrace le séjour des trois personnes dont les captations photos et vidéo sont à l'origine de l'exposition.
En 1978, trois jeunes français abandonnent leur emploi pour aller passer plusieurs mois au milieu des Kalash, dernière ethnie païenne du nord du Pakistan. Là-bas ils vont entreprendre une immersion ethnologique au sein d'une peuplade dont les rites hors du temps renvoient aux traditions primordiales de l'humanité.
Comme souvent dans une BD documentaire c'est la narration, le scénario qui donne son intérêt à l'ouvrage, en ajoutant une plus-valu très importante à une exposition dont j'avais trouvé le récit assez minimaliste. La difficulté de la muséographie, surtout pour des sujets dont peu de traces sont visibles, est toujours d'organiser une progression narrative pour structurer la prise de connaissance. Et cet album est non seulement très réussi sur ce point mais je dirais indispensable à tout visiteur de l'exposition, si bien que je ne comprends pas pourquoi le musée n'a pas intégré des planches de l'album directement dans l'installation muséale...[...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/10/20/fetes-himalayennes-les-derniers-kalash
L’illustration de couverture de cet album est intrigante mais à mon sens peu parlante. Personnellement j’ai cru un moment qu’avec sa grande barbe ce Monsieur Jules était l’histoire intime de Jules Verne… en tout état de cause, si après la lecture l’image devient parlante, je ne suis pas certain que cela percute le lecteur BD farfouillant en librairie en quête de son prochain coup de cœur…
Monsieur Jules est souteneur. Mais à l’ancienne. Il habite avec deux vieilles prostituées qui aiment leur métier. L’une est aigrie et nostalgique de sa beauté fanée, l’autre est ronde et troque ses services contre des paniers de légumes. Tous les trois conçoivent l’activité comme un artisanat. Mais l’ancien monde se meurt et la violence des réseaux va bientôt frapper à leur porte…
Je ne suis pas familier de ce type d’histoires que l’on trouve de façon typique dans le cinéma français ou belge et me suis laissé tenter par le mystère de cette barbe et par l’audience de la précédente BD d’Arno Monin, L’adoption (que je n’ai pas lue). Je reconnais le trait agréable, traditionnel avec une colorisation pastelle élégante. Le dessin a été plus précis sur d’autres albums mais le dessinateur garde une sacrée maîtrise du découpage et dans le rendu du temps. Cette BD est faite de visages et de décors. Beaucoup de séquences muettes, contemplatives et réflexives, à l’image de ce bonhomme dont la mine sombre cache une fêlure profonde. Le colosse est loin de la jeunesse mais sa détermination se ressent dans son pas ferme et allongé. Car il est là pour prendre soin de ses filles, tels un vieux couple à trois dont on ne sais pas bien les détails de l’arrangement. La vision de la prostitution est ici celle de l’ancien monde, du XX° siècle un peu romantique où à « Paname » les filles moches ou jolies pouvaient décider de louer leurs charmes en tout bien tout honneur. les putes nous parlent des clients violents bien sur, mais la petite vie du trio semble convenir à tout le monde, entre engueulades, repas rapides dans la cuisine vaguement déprimante et prélassement dans le jardin.[...]
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Doucement mais sûrement cet éditeur construit un catalogue de traductions (principalement venues d’Italie et d’Espagne) d’excellent niveau. Que ce soit dans le très classique comme dans l’expérimentation, je suis assez bluffé par les albums d’outre Alpes ou Pyrénées qu’il nous permet de lire. Pour cette nouvelle parution en deux tomes très rapprochés, nous avons en revanche droit au minimum syndical. Il n’y a pas toujours matière à donner du bonus mais la bio des auteurs, une biblio ou pour ce cas là une explication du projet BD/cinéma aurait été sympa…
J’adore découvrir de jeunes auteurs. Les éditions du long bec m’avaient déjà bluffé en début d’année avec le premier album de Ricardo Colosimo, une sorte de polar seventies en mode cubiste. Si je bave régulièrement devant la technique encrée de l’école espagnole, je commence à apprendre à reconnaître un style italien, très loin des patriarches Manara, Pratt ou Serpieri, un style nourri autant au comic qu’à la franco-belge. L’artiste italien Lorenzo Ceccoti (LRNZ) propose sur cet album un travail numérique proche de ce que peut faire un Gerald Parel, avec un design inspiré du manga et un travail esthétique très novateur, tant dans la recherche d’effacement des lignes que dans les idées visuelles pour exprimer le ressenti de l’héroïne au sein d’une intrigue minimaliste. Dès la couverture on sent la maîtrise de l’idée visuelle. je parle souvent du rôle majeur des couvertures et de certains (grands) dessinateurs qui ne savent pas l’utiliser… Ici, tant dans le titre que l’on retient que dans l’esthétique propre et la référence évidente au mythique film Christine, la couverture de Monolith accroche notre regard au sein de la multitude des rayonnages de BD.[...]
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La série de Runberg et Pellé propose des enquêtes "diplomatiques" sous un format de doubles albums, avec une continuité générale qui nous fait découvrir l'histoire des personnages au fil des intrigues. L'intérieur de couverture est illustré et le design de titre particulièrement réussi. Les couvertures sont assez classiques de la BD d'action SF et pas particulièrement inspirées au regard du style du dessinateur (j'y reviens plus bas).
Orbital est une station spatiale gigantesque située dans un autre espace-temps. Caleb l'humain et Mézoké la Sandjarr forment un duo d'agents diplomatiques, envoyés en mission sur des planètes pour éviter ou résoudre des conflits pacifiquement au sein de la Confédération rassemblant une myriade de peuplades. Leur duo marque symboliquement un espoir pour la confédération qui a été parquée il y a des années par une terrible guerre entre leurs deux peuples. Pourtant chacun a un passé pas toujours conforme à l'idéal qu'ils représentent...
A la lecture de ce résumé j'imagine que vous vous faites la même remarque que moi à la découverte de cette série: ... mais c'est Valérian! En effet il y a beaucoup de la mythique série de Christin et Mezière dans Orbital, tellement que l'on ne peut s'empêcher de voir le seul design de leurs combinaisons comme un hommage au valeureux agent spatio-temporel. Les extra-terrestres très exotiques, les conflits diplomatiques, le centre galactique et l'organisation de gestion des conflits... tous est là. Il est très étonnant que Dargaud ait autorisé cette série et que les auteurs n'aient pas plutôt proposé une série parallèle comme les épisodes de Lauffray/Lupano et Larcenet. Ceci étant dit, Orbital a ses qualités propre, à commencer par le design terriblement original et efficace de Serge Pellé. Venu de la pub et du design, le dessinateur parvient sur chacun des décors, véhicules, alien, à produire quelque-chose de particulièrement esthétique, dans un genre (la SF) très balisé. C'est clairement une des réussites de la série.[...]
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Bon, je vous rassure (un peu), ce troisième volume reprends les qualités du premier en gardant ses défauts: l'histoire avance à petits pas, avec beaucoup de mystères, de gros éclats fantastiques marquants qui montrent la qualité du dessin de Katsura mais on alterne souvent entre plusieurs personnages, plusieurs moments et plusieurs intrigues que l'on devine devoir se rejoindre progressivement. Ça peut lasser à la longue si ça reste trop séparé entre les histoires du frère et de la sœur de la riche famille d'industriel et l'intrigue principale de Zet et se ses mystérieux pouvoirs. La dureté visuelle et thématique sont étonnantes et bienvenues. Bref, on sent à la lecture que la structure de l'histoire se construit progressivement et ça peut donner quelque chose d'assez bon. A noter le côté rigolo d'une époque pas si lointaine où les téléphones portables n'étaient pas des ordinateurs miniatures et les mails avaient la forme de SMS...
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The promised Neverland est l'un des phénomènes manga de l'année 2018 et remporte des prix au Japon depuis sa sortie en 2016. Il y a donc deux ans de décalage avec l'édition française, au rythme de cinq albums par an, que l'éditeur Kazé suit. Une série animée a commencé à être diffusée et un film live est prévu l'an prochain (... comme pour à peu près tous les mangas qui marchent bien du reste). La couverture très réussie et le titre (faisant référence au Pays perdu de Peter Pan), sont un peu trompeurs puisque la série prends plutôt comme référence les histoires d'évasion et la série Prison Break à laquelle elle m'a immédiatement fait penser. Le lecteur est en effet très surpris de découvrir le pot aux roses dès le premier chapitre: le merveilleux orphelinat plein d'amour est en fait un élevage de bétail pour des démons vivant au dehors... Objectif évasion pour trois jeunes pensionnaires qui vont passer ce premier tome à réfléchir aux risques, pièges tendus par leur "maman", les raisons de ceci ou de cela. La structure du récit faisant une grande place à l'illustratif pendant les analyses des enfants ne permet pas un grand dynamisme, l'action proprement dite étant réduite à la portion congrue. Si l'on s'adresse à un public jeunesse la seule personnalité des enfants et les discussions en mode "club des cinq" peuvent soulever l'enthousiasme. Pour des ado ou des adultes ça fait un peu court. En outre sur ce premier tome les dessins (assez petits) n'ont rien d'extraordinaires. Bilan mitigé donc pour ce premier volume au regard d'autres séries contemporaines comme Docteur Stone on Dragon ball Super. Je continuerais probablement quelques tomes pour voir mais pour l'instant pas de grand enthousiasme.
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J'ai mis très longtemps à lire cet album sorti fin août car vu le morceau j'ai vu tout de suite qu'il fallait de bonnes conditions pour l'apprécier. Vue la taille il n'est d'ailleurs pas tout à fait adapté à la lecture au lit mais passons. Comme dit plus haut, un tel objet vous met d'office dans des (bonnes) conditions particulières, de par le luxe et l'immersion dans l'univers des récits picaresques, de l'imprimerie et des aventures en un temps où les inégalités étaient le lit de la monarchie assise sur son tas d'or mais où malgré le poids des classes sociales tout était possible à qui s'en donnait les moyens. Alain Ayroles, amoureux de la langue et de l'époque dite Classique comme il a pu le montrer avec sa série De capes et de crocs, a produit avec Les Indes Fourbes son grand œuvre, un monumental scénario qui rangerais presque le dessin de son comparse espagnol au second plan. Et ce n'est pas un mince exploit tant le dessinateur de Blacksad est considéré comme l'un des plus virtuoses du circuit. Projet plus ou moins secret, on comprend d’ailleurs mieux la faible productivité du dessinateur sur sa série best-seller quand on imagine le temps qu'il lui a fallu pour produire ces quelques cent-cinquante planches des Indes fourbes, probablement en parallèle des aventures du chat détective.[...]
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Contrairement au précédent double album de l'auteur, la référence assumée de Bootblack est Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. Sacré monument qui a dû faire douter un moment Mikaël tant il est risqué de s'émanciper d'une telle mythologie. Pourtant l'auteur parvient à installer un univers visuel, une atmosphère très particulière où l'expérience acquise sur Giant joue très certainement: j'étais un peu resté sur ma faim à la lecture de ce dernier dont l'histoire m'avait paru finalement un peu faible au regard des ambitions affichées et de la portée historique, quasi documentaire qu'affichait la référence à la photo si réputée des ouvriers sur une poutre. Ici il n'en est rien et dès l'ouverture sur le champ de bataille de la seconde guerre mondiale l'on sait que nous aurons droit à une chronique au passé, à une histoire originale. Cela a le double avantage de nous impliquer avec un personnage plus fort que le mystérieux et mutique Giant et de coupler la période avec son personnage. Il est vrai que ces quelques années au sortir de la Prohibition ont une force fascinante, entre l'imagerie de la Grosse pomme avec ses gratte-ciels, ses fumées permanentes et ses communautés européennes en cohabitation, la pègre, les clubs et surtout cette multitude de personnages aux parcours plus ou moins cabossés et qui souhaitent s'en sortir, souvent de façon illégale à une époque où la Loi est souvent celle du plus puissant et du plus corrupteur.[...]
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Je trouvais jusqu’ici l’année BD un peu faiblarde après la sortie du magnifique Nympheas noirs dès janvier… puis plus grand chose de très remarquable. La fin d’année étant propice aux grosses sorties, je n’attendais pourtant pas ce joyau de western classique qui montre que les grande genres (western, SF, fantastique) accouchent souvent des plus grands albums et que la différence entre un très bon album et un grand album tient à peu de choses. Jérôme Felix est un scénariste d’expérience avec quelques vingt ans de carrière derrière lui. On sent ainsi dans la solidité d’une intrigue mince comme un western ce savoir faire dans l’agencement des cases et de la narration. Tous les grands films du genre au cinéma l’ont montré, ce sont les atmosphères, les regards, les interactions qui distinguent ces mille et unes histoires similaires de vengeances. Ses personnages sont très solides dans Jusqu’au dernier et l’on ne sait jamais si la caractérisation tient au travail graphique phénoménal de son comparse, au sien ou aux deux… Le rôle du scénariste est toujours ingrat lorsque l’on a devant les yeux de telles planches qui nous incitent à oublier le travail amont pour ne voir que le jeu des acteurs.
Car Paul Gastine est un sacré bosseur. Contrairement à d’autres virtuoses du dessin il n’est pas passé par les prestigieuses écoles Emile Cohl, les Gobelins ou les Arts décoratifs. Comme Ronan Toulhoat il part d’un dessin amateur pour devenir après quelques albums l’un des tout meilleurs dessinateurs en activité dans la BD franco-belge. Il suffit de voir l’évolution de son dessin entre le premier tome de sa précédente série l’Héritage du diable et ce western pour voir le chemin parcouru. Cela fait longtemps que je n’ai vu une telle qualité technique et artistique. Pourtant l’excellent Dimitri Armand nous a comblé avec son Texas Jack l’an dernier. Mais le travail de Gastine sur les visages, les regards (le cœur des westerns), la physionomie de chaque personnage qui semble vivre à chaque déformation du visage, à chaque geste sont sidérants de justesse. [...]
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Les éditions Ki-oon continuent leur adaptation des manga de Gou Tanabe sur Lovecraft avec une qualité éditoriale toujours aux petits oignons: couverture simili-cuir (… que j’aurais préféré couleur cuir comme pour les Montagnes Hallucinées), cahier couleur en début d’ouvrage, titres de chapitres en anglais et français. Une courte bio de l’auteur et de Lovecraft est proposée en fin d’ouvrage. Seule remarque, qui était difficilement corrigeable par l’éditeur français (comme pour le précédent ouvrage) les bulles n’ont pas de queue, aussi il est parfois malaisé de savoir qui parle lorsque plusieurs personnages se côtoient dans une case.
Alors qu’il donne un cours d’économie à l’université, le professeur Peaslee est victime d’un malaise. Il reprends connaissance… cinq ans plus tard et découvre qu’il a été victime d’une amnésie aussi longue, pendant laquelle son esprit a eu accès à des visions monstrueuses. A l’orée de la folie, soutenu par son seul fils aîné, il entreprend de comprendre ce qui lui est arrivé et d’où lui viennent ces visions dantesques…
Étonnante série que ces adaptations de Lovecraft par un mangaka que je n’aurais sans doute pas lu sur un autre sujet… Au premier abord j’avais tiqué sur les visages lors de ma lecture de la précédente adaptation. C’est le style du dessinateur et il ne changera probablement pas, aussi soit on s’y fait soit il s’avérera compliqué de continuer. Assez statiques hormis lors des séquences de sidérations (fréquentes dans le fantastique), ces personnages étaient difficiles à identifier dans le décors antarctique. Ici c’est moins problématique car nous sommes pour l’essentiel dans des décors de la Nouvelle Angleterre, des maisons et de l’université. Surtout les personnages sont réduits à Peaslee, son fils Wingate, quelques médecins et, surprise, le professeur Dyer. Cette présence (je ne sais pas s’il est cité dans la nouvelle originale) indique donc très rapidement que nous nous situons dans la suite chronologique et le même espace-temps que les Montagnes hallucinées. C’est une très bonne idée puisque cela permet de structurer les ouvrages de Tanabe comme une série à suivre, avec la révélation progressive du Mythe de Ctulhu.
Construit en incessants aller-retour entre le voyage psychique de Peaslee dans un futur indicible (le fameux Abîme du temps) et le présent, à mesure qu’il se remémore des passages de son amnésie, l’album alterne pages classiques de l’homme ravagé par le doute, la recherche de ce qui lui est arrivé et de longues itinérances sur fonds noir dans le monde de la Grande race de Yith, laissant libre cours à la force du dessin de l’auteur sur les décors et architectures.[...]
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Il est vraiment dommage que Roger produise à chacun des albums des couvertures très peu engageantes pour qui n’aurait pas encore fait connaissance avec Jazz Maynard. Sa colorisation tout à fait dispensable écrase la puissance de ses dessins et la spécificité de l’exercice « couverture » lui échappe. Il se fait plaisir mais le rôle d’accroche de la couverture n’est pas rempli. Vraiment dommage et quand on voit la place du dernier tome de cette série d’exception dans les ventes d’albums cela confirme que la communication autour du cambrioleur trompettiste est bien en-deça d]e ce qu’elle devrait être…
Retour à El Raval pour Jazz et Téo après leur périple islandais. Là, dans la chaleur des nuits barcelonaises Jazz s’apprête à sortir son premier album… si son passé lui en laisse le temps. Car lorsque l’on est aussi de la rue il est difficile de s’en couper définitivement…
Ce Live in Barcelona est un Requiem. Un étonnant objet qui sonne comme le chant du cygne d’une série que ses auteurs n’ont pas vu évoluer et qu’ils n’ont pas su comment clôturer. Fermant en un one-shot trop court deux trilogies très différentes mais ô combien ébouriffantes il commence sur une note optimiste, sorte de tombé de rideau revenant au titre de la série et au nom d’un personnage que l’on n’a que trop peu vu jouer de l’instrument… avant de se précipiter en une poursuite mortifère. On y revoit des têtes familières, le commissaire, la clocharde, les grands-parents, mais trop vite, fugacement et sans lendemain. La question se pose alors dès l’étonnante dernière page: fallait-il ce dernier album? Ou plutôt ne fallait-il pas rester sur un rythme ternaire? [...]
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L'ouvrage est paru en format comics (2 vol.) aux éditions Caurette. Vous trouverez sur le blog ma critique des deux premiers épisodes en version noir&blanc; comics. La série est prévue en trois albums couleur et il me semble que la pré-publication (destinée au marché anglosaxon avant tout) en format comics est prévue pour la suite, ce qui permet notamment à Eric Herenguel de se faire plaisir avec tous les abords de la BD à base de goodies d'aviateur et de journaux pulp. Sachant que cette ambiance participe grandement au plaisir de la lecture, on ne peut que l'y inciter!
Comme à son habitude l'éditeur Ankama prends soin de son album avec la traditionnelle tranche toilée que je trouve toujours aussi élégante, une très évocatrice couverture (... qui risque de frustrer plus d'un lecteur étant donnée la grande timidité de Kong dans ce premier volume...) avec vernis sélectif sur le titre et un très élégant design d'aviation en quatrième de couverture. L'auteur a en outre inséré (comme son comparse Pétrimaux) en tout début d'ouvrage une jolie page toute prête et habillée pour la dédicace. A l'heure où nombre d'auteurs sont lassés du principe même de la dédicace cela montre qu'Herenguel reste attaché au contacte des lecteurs. En outre un cahier graphique final très chouette nous permet de nous régaler les yeux et de lire quelques explications de l'auteur mais aussi de découvrir qu'une série animée est prévue! L'album Caurette sort également une édition de luxe N&B en fin d'année. J'ajoute sans sourciller un Calvin pour l'édition aux trois donnés à l'album comics.
Je vous laisse lire la critique sur le lien en bas pour l'histoire elle-même, mais j'ajoute que la version couleur apporte beaucoup au déjà très bon dessin (j'aime toujours les dessinateurs encrés), notamment par-ce que Herenguel est l'un des meilleurs coloristes selon moi, avec une technique qui semble tout à fait traditionnelle. Si vous aimez la bonne humeur, le ping-pong verbal, le pulp et les flying-jacket, courez lire cette fausse suite de King Kong qui ni vu ni connu pourrait même finir par être un des cartons de ces prochaines années.
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L’ouvrage est au format Comic, broché avec couverture à rabat. La très parlante illustration de couverture n’est pas du dessinateur intérieur. Les rabats comportent une courte bio des deux auteurs. Des documents pour prolonger auraient été appréciés, c’est un peu dommage pour un album traitant d’un sujet aussi brûlant.
En 2013 l’ancien analyste de la NSA Edward Snowden rend publiques des informations top-secret sur les pratiques des services de renseignement américains. Depuis 2006 l’organisation de hackers Wikileaks diffuse des informations en masse à destination des journaux. Entre temps le journaliste Pratap Chaterjee enquête sur les drones militaires et le complexe militaro-industriel qui relie tous ces scandales et les attaques contre les libertés publiques.
Résultat de recherche d'images pour "verax les arènes khalil"Cet album est important par le sujet qu’il présente et par son urgence. Abordant en deux-cent quarante pages de BD un ensemble de sujets complexes aux ramifications, il a le très grand mérite de remettre en perspective des enjeux et des incidences que seuls les férus d’actualité et les spécialistes conçoivent. En ce sens on peut parler d’ouvrage de vulgarisation. La forme est un peu déconcertante au départ. L’auteur, journaliste britannique d’investigation (il collabore au Guardian), militant dans des organismes de journalismes de défense des libertés publiques, commence l’ouvrage autour de ses recherches de reportages, difficiles à financer, montrant la précarité des journalistes indépendants et à demi-mots la pression des actionnaires et dirigeants des journaux, tiraillés en permanence entre la recherche de scoops et la défense d’intérêts du système. Lors de ses travaux sur les assassinats par drones (où l’on parle de PTSD) il rencontre Julian Assange et l’équipe de Wikileaks, mais nous cite aussi divers acteurs de la diffusion des récents scandales mondiaux qui ont révélé les étroites relations entre gouvernements, grands groupes économiques, médias et complexe militaro-industriel. Ce dernier concept, spécifique aux États-Unis d’Amérique est essentiel pour comprendre le fonctionnement de ce pays et la tension permanente entre exigences démocratiques et demande de sécurité de la part de la population.
Résultat de recherche d'images pour "verax les arènes khalil"Je précise dès maintenant que j’ai inséré en fin de billet des liens vers trois films absolument liés à cet ouvrage et dont le visionnage est plus que recommandé pour donner vie à ce que vous apprendra rapidement Verax. On y saisit l’interinfluence paranoïaque d’un establishment politique qui, par semi-corruption (si ce n’est financière, au moins mentale) signe des chèques en blanc à une galaxie du renseignement et à des états-major qui se sont spécialisés dans le storytelling plus ou moins conscient et les prophéties autoréalisatrices. Après une enquête dure à suivre sur les drones et les « dommages collatéraux », au tiers de l’ouvrage commence l’affaire Snowden et le récit détaillée à la fois de la sortie de ces informations par des journalistes courageux et desréseaux des programmes de surveillance exhaustifs des États-Unis. Si Snowden, ce fier produit du nationalisme américain, issu d’une famille de droite pro-militariste, a choisi de parler en brisant sa vie et sa carrière c’est par-ce qu’il a acquis la certitude que le gouvernement avait mis sur écoute permanente la totalité de la population mondiale, au travers des réseaux informatiques. C’est tellement énorme que l’on crie vite au conspirationnisme. Et pourtant, cet album ne fait que reprendre les faits que les films cités ci-dessous vous décortiqueront et que la presse a documenté…
Résultat de recherche d'images pour "verax les arènes khalil"La dernière partie relie l’affaire des drones à la problématique globale, en illustrant le fait qu’en collectant de telles quantités de données le contre-terrorisme américain se retrouve incapable de les traiter, victime de ce que les bibliothécaires appellent le « bruit »: lorsque les perturbations atteignent un certain niveau vous devenez incapables de lire le résultat de ce que vous recherchez. Ayant dépensé des moyens considérables, ces dirigeants tombent alors dans un mécanisme psychologique évident: ils trouvent ce qu’ils veulent trouver. L’auteur ne le dit pas mais nous sommes là très précisément dans le fonctionnement des systèmes de surveillance paranoïaques des régimes totalitaires… Glaçant! [...]
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L'album étant lu en numérique je ne parlerais pas de l'édition. Je préciserais seulement deux choses: d'une part si certains albums se lisent très bien en numérique, du fait des dessins très fouillés, colorés je pense que celui-ci gagne particulièrement à être lu en album papier. Par ailleurs, je le précise presque à chacune de mes lectures Signé, je déplore vraiment que cette collection prestigieuse destinée à l'origine à publier des One-Shot exceptionnels comme le Western de Rosinski-Van Hamme, soit devenue une simple collection où des auteurs ont leurs habitudes, tels le très bon Pierre Dubois, mais également des Hermann ou Warnauts et Raives. Cela ne veut pas dire que tous ces albums sont mauvais, mais que le prestige initial de la collection fausse un peu l'a-priori du lecteur en diluant l'aspect exceptionnel.
La guerre de trente-ans fut l'une des plus sanglantes de l'histoire moderne. Sur des terres germaniques ravagées par cette guerre entre catholiques et protestants, une horde de mercenaires va se retrouver piégée dans une vallée qui ressemble à un paradis hors du temps. Là ils se retrouveront confrontés à des choix entre l'accès à l'humanité ou le maintien des pulsions sauvages qui les ont menées pendant des années…
Je découvre avec cet album un auteur, Kas, dont le style me rappelle rapidement un certain Rosinski. Ce n'est pas un hasard puisque, polonais comme le maître, il a pris sa suite sur la série Hans. L'on sent bien la filiation mais surtout une esthétique faite de grande maîtrise visuelle qui s'échappe de l'académisme du dessin de BD avec un rendu crayonné qui crée une ambiance dynamique et vivante. On pourra juger le traitement des filles un peu manichéen avec ces amazones aux lèvres sur-pulpeuses et aux yeux proches du manga, mais le tout à une grande élégance, notamment dans une mise en couleur très détaillée. Je ne suis d'ailleurs pas du tout certain que les planches aient la même force en noir et blanc du fait d'un encrage très léger et le rôle de la couleur d'habiller une multitudes de traits qui donnent une texture aux formes. le dessinateur nous propose ainsi un vrai régale pour les yeux tout au long de ces quatre-vingt pages très bien tenues.
Après une introduction puissante reprenant l'iconographie de la peinture du Moyen-Age avec ces scènes de vie rurale foisonnante ainsi que ces danses macabres qu'utilise avec tant de talent un Olivier Ledroit, j'ai été surpris de tomber dans une sorte de BD glorifiant un paganisme gaulois avec ses paysans joyeux dont la vie est rythmée par les saisons. C'est un peu kitsch, probablement assumé pour créer le décalage avec la brutalité sombre des Sans-visages. Ce ne sont pas les meilleurs passages de l'album mais l'on comprend le sens du message et vers où l'on va. Ainsi l'ambiance Horde sauvage avec cette bande de Ronins européens ne dure guère, ce qui peut troubler au regarde, notamment de la très belle couverture qui s'incarne dans les premières pages rageuses. Personnellement je m'attendais plus à une ambiance sombre à la Après l'enfer. le travail de design vraiment réussi sur les personnages de la troupe (on en voit les recherches détaillées dans le cahier graphique final) est finalement très peu utilisé puisque dès le premier quart de l'album on se retrouve avec des guerriers à la moustache mousquetaire et à l'habit huguenot, assez classiques dans la BD d'époque, mais surtout les masques si marquants sur les premières ages disparaissent.[...]
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Je suis totalement bluffé par cette série et m’interroge sur le choix de ce type de dessins et de la stratégie de l’éditeur Dupuis, plutôt spécialisé dans la BD jeunesse. Un peu comme avec Harmony, autre excellente série fantastique de l’éditeur, nous avons tous ce qui fait une bonne série de BD adulte mais avec des dessins de la veine Dupuis. Est-ce que les parents suivront, laisseront leurs enfants lire cette série résolument inquiétante, dérangeante par moments avec des thématiques comme la maltraitance infantile, la sexualité des enfants, la manipulation mentale, le totalitarisme et l’effet de groupe,…? Les auteurs assument la situation d’enfants placés dans la situation de devoir assumer des rôles d’adultes avec la disparition des règles et de l’autorité. Cela plaira aux jeunes qui pourront fantasmer sur cette fausse utopie mais nous montre également des scènes étonnantes avec des enfants alcoolisés, utilisant des armes, tuant d’autres enfants,… C’est une ligne éditoriale assez gonflée et pour ma part j’apprécie ce risque qui induit que la qualité et l’intelligence permettent de dépasser les codes d’age. La littérature (et la BD) jeunesse ont longtemps été soumis à une morale chrétienne assez conservatrice. Voir ce type de BD fait du bien en tant que parent. Nous avons de longs débats à la maison sur quelles BD montrer à quel âge. Est-ce que Thorgal est lisible par un enfant? Blake et Mortimer? Finalement on réalise que ce n’est pas l’aspect graphique qui détermine et que les enfants sont beaucoup plus ouverts que les adultes, moins enfermés dans des codes (d’où leur lecture de mangas autant que de franco-belge). Je pense que les auteurs ont conscience de leur responsabilité de ne pas dépasser une ligne choquante et assument une série très très ambitieuse à la fois artistiquement et thématiquement. La progression dramatique des révélations est très équilibrée, progressive en prenant les codes de la série télé avec apparition/disparition régulière de personnages.[...]
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Mes avis sur cette excellente adaptation de la fable politique d’Orwell La ferme des animaux sont ici et là. La parution au format gazette (couleur, très grand format avec rédactionnel exclusif) se fait en trois épisodes par album cartonné. Le premier tome relié vient juste de paraître et la « saison deux » au format gazette doit se poursuivre dès début 2020.
Pour une fois le format feuilleton s’agence parfaitement puisque les trois parties semblent adopter la structure du scénario. En effet, après une mise en place brutale dans le premier épisode et l’irruption du tiers perturbateur dans le second, voici venu le temps de l’action pour Miss B qui va apprendre à déplacer le conflit sur le plan de la dérision… Difficile de parler de cette publication qui reprends les mêmes qualités au niveau de l’album (texte très proche du propos d’Orwell, dessin superbe) et sur le format gazette (pages immenses, maquette élégante, textes à lire après la BD qui prolongent parfaitement l’esprit totalitaire. Pour l’amateur de politique que je suis c’est bien évidemment un des albums marquants de l’année que j’hésite à acheter au format relié…
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Je ne parlerais pas de déception concernant cette aventure Hors-série de Blake&Mortimer; car je n’en attendais pas grand chose et ne l’ai lue qu’en raison du battage médiatique fait autour de sa sortie, avec notamment trois éditions (classique, à l’italienne et grand format), une exposition et une importante couverture presse. Comme souvent la justification d’un album à part est difficile à trouver hormis la seule envie des auteurs. Et contrairement à Valérian dont les hors-série sont aussi originaux que truculents, ce Dernier Pharaon n’est ni un Blake et Mortimer ni un Schuiten. Trop de décalages pour un album qui se veut hommage et bourré de références. Si l’on devine l’esprit derrière certaines séquences, le dessin de Schuiten est trop éloigné, trop statique et contemplatif pour nous faire admirer autre chose que cette fascinante Bruxelle post-apocalyptique. On a malheureusement la désagréable impression d’un entre-soi belge qui fait de la capitale belge le centre du monde en nous balançant en quelques cases le plus grand plan jamais sorti d’un album de B&M… L’envie de dessiner la palais de justice de Bruxelles ne suffit pas à faire un album et tant l’époque adoptée (trop moderne) que l’esprit écologiste dénotent trop. Alors l’album se laisse lire et est plutôt joli. Mais un mauvais projet bien réalisé reste toujours un mauvais projet.
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La parution des trois cycles du Pouvoir des Innocents a été assez compliquée à suivre avec dès ce tome et le passage chez Futuropolis, la sortie des albums des cycles II et III en croisé. J’ai fait le choix de continuer chronologiquement avec donc ce début de cycle II dessiné par un très bon David Nouhaud. L’histoire débute quelques mois après la fin dramatique du premier cycle qui a vu l’élection de l’idéaliste Jessica Rupert à la mairie de New-York et l’incendie de la villa du boxeur Providence qui a traumatisé une grande partie de la population. Joshua Logan, en fuite avec sa femme est l’ennemi public numéro 1… jusqu’à ce qu’il se rende à la police pour dénoncer la conspiration des 508. Alors que tout l’édifice qui a permis l’élection de Rupert menace de s’effondrer l’avocat qui accepte de le défendre va mettre le nez dans un engrenage très dangereux… Avec le déroulé toujours aussi complexe de Brunschwig, cette suite nous place dans les meilleures conditions possible pour prolonger une intrigue qui s’annonce plus politique que jamais: le changement de dessinateur marque un saut graphique très appréciable. Le péché originel installé par le premier cycle laisse présager des réflexions profondes sur les buts du pouvoirs et les moyens mis en oeuvre et leurs justifications. Ce tome est une mise en bouche qui donne très envie de continuer cette très particulière saga.
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J'avais déjà émis quelques réserves sur le tome 1 de la série... avant de me déjuger tant le tome 2 était flamboyant. Cette seule couverture (qui part illico dans mon top thématiques de l'année) suffit à m'émoustiller en illustrant l'art de la mise en scène extravertie de Ronan Toulhoat. Comme j'essaye de rester objectif, je dois reconnaître que cette fureur normande souffre de l'habitude que l'on a à la lecture de ces auteurs: la réalisation globale est excellente, c'est bien dessiné, bien écrit (bien qu'un peu obscure en matière de stratégie),... mais il manque un sel, peut-être un personnage, peut-être un retournement, je ne sais. Cette série s'inscrit dans l'exotisme d'une période méconnue du grand public et dans la finesse des manigances politiques. Le premier cycle a montré combien il fallait juger du double album-cycle dans son intégralité tant cette histoire est imbriquée, aussi je me garderais de rabaisser ce tome 3, mais j'ai éprouvé des difficultés avec une introduction où il est difficile de comprendre si l'on se place dans la suite directe (et dans ce cas pourquoi une narration) ou dans une variation. Sans-doute ais-je du mal à saisir le concept d'une série qui reste néanmoins fort agréable à lire.
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Comme tous les albums de la collection Conan le cimmerien l'ouvrage comporte en intérieurs de couverture une carte de l'Age Hyboréen ainsi qu'un cahier graphique de treize pages incluant une contextualisation de la rédaction des Clous rouges par Robert E. Howard et quelques illustrations hommages de différents illustrateurs... l'occasion de voir Olivier Vatine aux crayons avec toujours autant de classe! Je vais profiter de cet habituel paragraphe "éditions" pour aborder la question de la couverture: celle-ci est très jolie et totalement dans le thème frazzetien... si ce n'était l'étonnante pudeur qui a fait jouer au caleçonneur en ajoutant de petites culottes à l'illustration originale de Didier Cassegrain (en pied de cet article) exposée à la galerie Maghen. Je n'ai pas pu savoir si cela avait été imposé par Glénat ou proposé par l'auteur mais c'est assez incompréhensible quand on voit le reste de l'illustration avec les demoiselles très aérées, le côté sanglant de l'album et la relative sagesse de ces pages intérieures côté nudité. Ce n'est pas une affaire d’État mais pose question sur l'éventuelle influence de l'éditeur sur le contenu de l'album...
Quand on sait que la collection Conan le cimmérien est issue de nouvelles courtes et que l'univers du plus célèbre des barbare est marqué par l'esthétique plus que par la complexité des intrigues, on n'est pas très difficile quand au scénario, qui ici s'avère aussi basique et attendu que celui de la Fille du géant de gel. Pas vraiment de surprises mais plutôt de l'intérêt dans les relations du barbare avec les filles, à commencer par la très réussie Valéria, farouche combattante qui rappelle Tao Bang, la première héroïne croquée par le dessinateur des Nymphéas noirs il y a une éternité. [...]
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Hasard des publications, deux ouvrages étranges sont parus à quelques semaines d'écart, avec de grandes similitudes à la fois graphiques et dans la démarche de leurs auteurs. Deux prises de risque des éditeurs également puisque nous avons affaire à des albums ayant vaguement la forme de BD mais sans texte (ou quasi) et adoptant une narration qui rappelle plus l'art-book que la BD. Pas évident de trouver son public et super occasion que de voir ces objets hybrides. Qu'est-ce qu'on a donc?
Dans les deux cas il s'agit de projets d'illustrateurs, le français Valentin Seiche pour The World, le néérlandais Pim Bos pour Tremen. Tous deux travaillent dans l'animation et cela s'en ressent par l'importance du seul graphisme pour installer une atmosphère. Dans The World une petite narration pose le récit d'une guerre ancestrale entre robots et magiciens et de l'évolution du monde depuis, alors que Tremen (qui signifie "passage") est totalement muet. Pour ce dernier la post-face de Marc Caro incite à aller voir le court métrage Ghozer de l'auteur... qui ne vous en apprendra pas beaucoup plus pour la simple raison que l'album édité par Dargaud vise avant tout à illustrer des visions graphiques dans un univers cohérent. Et c'est en cela qu'il est intéressant. Beaucoup de com' a été faite sur une pseudo-filiation avec l'Arzach de Moebius. Personnellement je ne vois pas l'intérêt de ce parallèle tant l'itinérance surréaliste et muette n'a pas été inventée par le dessinateur de l'Incal. Il est certain que Metal Hurlant a influencé Pim Bos, comme toute une galaxie d'illustrateurs qui publient chaque jour sur internet des foules d'images fabuleuses mais le projet est bien de donner vie au monde intérieur de l'auteur.[...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/09/11/tremen-the-world
Hasard des publications, deux ouvrages étranges sont parus à quelques semaines d'écart, avec de grandes similitudes à la fois graphiques et dans la démarche de leurs auteurs. Deux prises de risque des éditeurs également puisque nous avons affaire à des albums ayant vaguement la forme de BD mais sans texte (ou quasi) et adoptant une narration qui rappelle plus l'art-book que la BD. Pas évident de trouver son public et super occasion que de voir ces objets hybrides. Qu'est-ce qu'on a donc?
Dans les deux cas il s'agit de projets d'illustrateurs, le français Valentin Seiche pour The World, le néérlandais Pim Bos pour Tremen. Tous deux travaillent dans l'animation et cela s'en ressent par l'importance du seul graphisme pour installer une atmosphère. Dans The World une petite narration pose le récit d'une guerre ancestrale entre robots et magiciens et de l'évolution du monde depuis, alors que Tremen (qui signifie "passage") est totalement muet. Pour ce dernier la post-face de Marc Caro incite à aller voir le court métrage Ghozer de l'auteur... qui ne vous en apprendra pas beaucoup plus pour la simple raison que l'album édité par Dargaud vise avant tout à illustrer des visions graphiques dans un univers cohérent. Et c'est en cela qu'il est intéressant. Beaucoup de com' a été faite sur une pseudo-filiation avec l'Arzach de Moebius. Personnellement je ne vois pas l'intérêt de ce parallèle tant l'itinérance surréaliste et muette n'a pas été inventée par le dessinateur de l'Incal. Il est certain que Metal Hurlant a influencé Pim Bos, comme toute une galaxie d'illustrateurs qui publient chaque jour sur internet des foules d'images fabuleuses mais le projet est bien de donner vie au monde intérieur de l'auteur.[...]
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La série Jazz Maynard se termine cet automne avec un septième opus qui conclut les deux cycles (la trilogie barcelonnaise et l'islandaise). Chaque album est disponible en version simple couleur et la première trilogie est parue en intégrales grand format couleur et n&b. Cette dernière est assortie d'une passionnante préface du scénariste Raule qui raconte l'origine du personnage et de la série, ainsi qu'un cahier graphique final qui achève de nous faire tomber la mâchoire si celle-ci n'est pas totalement décrochée après cent trente pages d'encrages virtuoses.
"Jazz" Maynard est un enfant de la rue, de la nuit barcelonnaise. Revenu d'un séjour de dix ans aux Etats-Unis, il retrouve les saveurs, l'ambiance des clubs et la musique de sa trompette. Il retrouve aussi son pote Téo, spécialisé dans les embrouilles, la pègre locale et la police corrompue. Jazz aime la musique et la paix. Mais lorsqu'on touche à ses proches il est obligé d'intervenir...
J'ai découvert la série Jazz Maynard tardivement car les couvertures ne m'avaient pas attiré et que je croyais avoir affaire à une BD musicale. Lorsque je suis tombé dedans j'ai été scotché par deux choses: la puissance des encrages et le sens du mouvement. Roger est un virtuose capable en deux traits de suggérer un geste, une intention. Comme pour Ronan Toulhoat, autre dessinateur très encré, sa colorisation est assez monochrome et peut décevoir. Le fait de le lire en grand format noir et blanc confirme plus que jamais la puissance de son intuition graphique. Sous un aspect parfois grossier (notamment sur le premier tome) avec des visages caricaturaux, littéralement coupés au couteau, transformant certains sbires presque en androïdes et les femmes aux formes extrêmement plantureuses, il propose des planches à la force cinématographique rarement vue. J'ai coutume de dire que la supériorité de la BD franco-belge est basée sur le fait que ses dessinateurs ont digéré les atouts du manga et du comics pour en proposer une synthèse adulte et artistique. On en est là avec Jazz Maynard où les traits parfois non finis sur la planche encrée et destinés à être comblés par la couleur... se suffisent à eux-même et laissent la mémoire visuelle du lecteur faire le boulot avec une impression de mouvement saisissant.[...]
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Contient les épisodes Uncanny X-force 1-10 et Wolverine Road to Hell. L'album comprend le contenu éditorial classique chez Panini à savoir une introduction contextualisant, la bio des trois principaux auteurs (Remender, Opena et Esad Ribic) et une galerie de couvertures alternatives, ainsi qu'un diagramme de lecture des albums Deluxe Panini sur les X-men et X-force. Rien d'exceptionnel mais la beauté des couvertures et des planches suffit à rendre le volume agréable.
L'X-force a été reformée par Wolverine pour mener les opérations nécessitant de se salir les mains, ce que refusent de faire les X-men de Cyclope réfugiés sur leur île d'Utopia. Financée par le richissime Angel et épaulé par le mercenaire immortel Deadpool, la télépathe Psylock et l'espion androïde Fantomex, la X-Force se retrouve au premier plan pour empêcher le retour du premier mutant Apocalypse...
En entamant cet album j'avais tout à la fois bon espoir devant un casting pareil et les très bons échos trouvés sur les blogs pour cet arc,tout en craignant une équipe de mutants que je ne connaissais guère. Pour vous rassurer il s'agit d'un excellent Marvel, relativement accessible pour peu que vous ayez Wikipedia pas loin pour se renseigner sur quelques personnages. Qui plus est, et c'est assez rare pour le souligner, c'est un album surprenant à plus d'un titre. [...]
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On ne va pas se mentir, ce pulp plein de nazis, de soldats amérloques malpolis, de pom-pom girls, de dino et de Mechas se lit très très vite. Si tout est dans la couverture et que certains pourront trouver le ratio prix d'achat/temps de plaisir un peu dur, il est indéniable qu'Afif Khaled est un super dessinateurs qui maîtrise à merveille la technique numérique et que son dessin ne souffre que de très peu de défauts avec une minutie des détails remarquable. Jean-Luc Sala est un scénariste expérimenté qui aime les univers d'aventure décalés (son très bon Spynest et le plus complexe Cross-fire avec Pierre-Mony Chan) et il aurais pu nous en donner un peu plus pour cette entrée en matière. Du coup je crains la série à rallonge très commerciale... Il n'en demeure pas moins que l'on prend un plaisir certain dans cette immersion pop-corn proche de ce que va nous proposer Herenguel avec son Kong Crew: c'est chatoyant, plein de testostérone, de clichés qu'on aime, bref une BD de garçon coupable qui souffre surtout de dialogues franchement bof avec beaucoup de bons mots qui tombent à plat. Mais ce n'est pas très grave puisqu'on est là pour les dessins et l'action.
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Après des années passées chez Soleil où son univers fantasy a très grandement participé à marquer la ligne éditoriale de l'éditeur toulonnais, Arleston a accepté de prendre en charge le nouveau label Drakoo de chez Bamboo, avec en ouverture de bal ce Danthrakon, série jeunesse prévue en trois tomes. Si vous suivez ce blog vous savez que je considère les séries de plus de six volumes comme des démarches commerciales, aussi ce format me mets dans de bonnes dispositions. Je connais l'univers d'Arleston et ai toujours aimé Lanfeust (au moins les deux premiers cycles), en revanche si j'aime bien les images des BD de Boiscommun je n'avais rien lu de lui jusqu'ici. Cet album nous présente un univers (ou plutôt une cité) de magie ou différentes races cohabitent et se rangent par fonction. Les mages prennent des apprentis à leur service dans des maisonnées organisées comme les domaines du XVIII° siècle. Une caste d'inquisiteurs surveille l'utilisation de la magie dont la variante "magie du sang", considérée comme primale et incontrôlable, est interdite. Le héros, jeune marmiton un peu niais (ça ne vous rappelle personne?) se retrouve dépositaire de la puissance magique d'un ancien grimoire, qui le transforme en bête surpuissante... J'avoue avoir été un peu déçu par cet album qui se confirme être destiné à un lectorat jeune, [...]
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Le premier tome de cette série est paru en mars dernier et nous voilà déjà avec la suite d'une très bonne surprise du printemps. Si la couverture est tout aussi magnifique que la première, l'album souffle le chaud et le froid et l'on se demande du coup s'il n'a pas été réalisé un peu vite... Le scénario très étrange commence sur des récits de Léonard de Vinci avant de nous faire retrouver l'héroïne envoyée en Terre-sainte pour finir par retrouver les protagonistes des toutes premières pages de la série. Les sauts sont du coup un peu brutaux et le scénariste pourtant chevronné oublie un peu de développer son background et la liaison entre les séquences. Même chose pour les dessins de Pilipovic, parfois superbes et précis, parfois manquant étrangement de netteté. Le duo a un talent certain et le matériau est riche mais les affrontements dragoniers ne suffisent pas à maintenir l'intérêt au niveau du premier volume. Espérons que ce ne soit qu'un petit coup de mou car il serait vraiment dommage que cette série tombe dans une banalité du tout venant Fantasy.
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Tombé par hasard sur l’image de cette première couverture j’ai été surpris qu’Ankama ne communique pas plus sur ce cette série dont le potentiel est réellement intéressant. Je précise qu’elle n’a rien à voir avec le Zaroff paru au printemps au Lombard, hormis le roman et le film qui en sont partiellement à la source. Outre cette image alléchante et morbide qui reflète bien l’histoire, le volume comprend un intéressant cahier final de contexte abordant l’époque du film plus que le projet (… dont on aimerait lire des infos dans les prochains volumes!). Cette histoire en trois tomes abordera une vengeance au travers de trois époques en remontant dans le passé et constituées comme des variations sur les personnages du Comte Zaroff, du Docteur Moreau et de l’auteur de Frankenstein, Mary Shelley.
Londres, aujourd’hui. Intervenant à différents titres sur les lieux d’un crime énigmatique, deux hommes et deux femmes se retrouvent liées autour du mystérieux comte Zaroff, oligarque russe adepte de la chasse et associé à un médecin aux pratiques affranchies de la morale et de l’éthique. Bientôt ces quatre innocents vont apprendre qu’ils sont impliqués dans une vengeance qui remonte au siècle dernier…
Les chevauchements de calendriers sur des projets proches sont assez fréquents en ciné, beaucoup moins en BD. Qu’est ce qui a fait que deux scénaristes planchent sur deux projets cousins, que les dessinateurs rendent copie la même année et que l’éditeur prévoie une parution proche? Mystère! Cela ne doit pas pour autant vous dissuader de délaisser l’un ou l’autre qui sont très différents. Pour l’ouvrage de Runberg/Miville-Deschêne je vous renvoie à ma critique (vois ci-dessus). Chez Ankama si on reste dans la thématique du super-méchant fou et de sa chasse immorale, l’ambition des auteurs est plus vaste puisqu’il s’agit bien de convoquer en une forme d’uchronie des figures de la littérature ou de la société victorienne pour les lier en un projet criminel d’une envergure qui dépasse le siècle. Je dirais presque que Zaroff, modernisé en un milliardaire russe excentrique n’est pas le cœur du projet mais plutôt le monstrueux Docteur Moreau et ses créations indicibles. La finesse du scénario nous laisse comprendre que la thématique glisse imperceptiblement de Zaroff à Shelley en passant par Moreau. On commence sur le premier situé au cœur de l’histoire avec le second comme side-kick et quelques allusions à la troisième. On imagine que le volume deux se centrera sur Moreau avec une liaison avec Shelley, etc. J’aime beaucoup quand les auteurs présentent leur projet d’ensemble que l’on peut alors décortiquer au fur et à mesure de la lecture.
L’atmosphère (renforcée par les dessins très particuliers de Carlos Puerta) est pesante, immorale et radicale. Le scénariste n’y va pas par quatre chemins [...]
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Le moins que l’on puisse dire c’est que j’attendais de le lire celui-là! Lors de sa sortie beaucoup de battage avait été fait et pour cause, les deux auteurs que je ne connaissais pas sont parmi ce qui se fait de mieux dans le circuit du comic indépendant. L’abominable couverture m’avais fait passer à côté et je ne comprends toujours pas comment un dessinateur aussi talentueux que Stuart Immonen a pu produite un dessin aussi banal et de mauvais goût, surtout quand on connaît la propension des américains à survendre une série sur ses couvertures… Comme a son habitude Pannini propose l’album avec ses sept chapitres et leurs couvertures originales, un texte d’introduction, une bio des auteurs en fin d’album ainsi qu’une galerie des (superbes) couvertures alternatives d’Immonen. L’album est encré par le collaborateur habituel du dessinateur canadien, Wade von Grawbadger, l’un des meilleurs en activité et qui participe grandement à la qualité des planches d’Immonen.
Il y a bien longtemps… l’empire du roi Morax qui a son siège sur la planète Terre domine une grande partie de la galaxie. Tyran sanguinaire, il est marié à une jeune et magnifique femme, Emporia qui, lassée de cette violence et de son absence de liberté, va s’enfuir avec ses enfants et son garde du corps…
Allons droit au but, Empress est loin du chef d’oeuvre qu’il aurait pu être et jouit des mêmes qualités et des mêmes défauts que les autres créations du scénariste écossais: un dessinateur majeur, un pitch impérial, un traitement classique autour de la famille, de la trahison, une mise en image monstrueuse et globalement un aspect jamais vu. Millar a du talent, on le sait. Il est feignant, on le sait aussi et déroule des intrigues classiques sur des one-shot fort agréables mais qui ratent toujours le coche de l’album qui fera date. Manque d’ambition, de concentration, je trouve dans Empress les mêmes sentiments que sur le récent Magic Order avec Olivier Coipel: d’abord Waou! puis Ah bon?
La grande réussite de l’album ce sont les personnages, décalés, inattendus et qui se révèlent très progressivement [...]
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Jim Henson est un mythe dans le monde de la TV, du cinéma et de l’imaginaire aux Etats-Unis. C’est lui qui a créé le Muppet Show et Dark Crystal, mais aussi l’émission de TV The Storyteller où un vieux monsieur incarné par l’acteur John Hurt racontait des histoires à son chien parlant au coin du feu. Cette tradition de récits pour les enfants s’est prolongée grâce à Boom! studio en une série d’anthologie développant quatre histoires sur un thème commun. Contrairement à la plupart des éditeurs de comics en France qui piochent essentiellement dans le catalogue d’un gros éditeur partenaire, le petit Kinaye fait un sacré boulot de défrichage parmi l’ensemble des labels de comics indépendants et nous trouve des projets de qualité.
La réussite de cet album est de proposer des variations assez différentes (même graphiquement) sur la figure du Dragon. Les légendes du monde le présentent parfois comme une bête féroce, parfois comme l’incarnation du Démon/Satan, parfois comme un esprit protecteur, sous forme de dinosaure, de serpent, de ver [...]
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Je profite de la sortie récente du quatrième et dernier tome de cette saga sociale sur une favela brésilienne pour chroniquer l’ensemble d’une série que je ne connaissais pas, n’attendais pas et qui m’a littéralement bluffé, tant visuellement que scénaristiquement. D’ors et déjà une des révélations de cette année!
La favela de Beija Flor est une terre de non droit, une cité autonome dans Rio de Janeiro où les gangs ont établi leur loi et leur organisation autonome. Rubeus et sa sœur Nina naissent dans cette jungle où personne ne peut dire si le plus dangereux vient des trafiquants ou de la police militaire corrompue. Une sombre malédiction semble peser sur cette famille qui ira de tragédie en tragédie, aux couleurs de la violence endémique du Brésil de ses cités où bien malin peut déterminer où est le bien et où est le mal…
Pour commencer si les dessins choisis pour les couvertures de cette série sont moyennement attrayants, le titre est particulièrement mal choisi et assez feignant. Si l’action se situe à Rio, c’est surtout la favela Beija flor qui est l’acteur principal de cette chronique familiale, mythologique, sociale, policière… que l’on ne peut définir tant sa richesse nous emmène visiter un nombre de thème impressionnants sur seulement quatre albums. Le modèle de Rio est surtout celui des séries policières comme The Wire ou bien entendu le cinéma social de Fernando Meireles et sa Cité de dieu. Je précise cela car il est dommage que le premier outil de communication de cette BD qu’est la couverture n’attire pas plus de lecteur pour en faire une tête de gondole qu’elle mériterait…
Ce qui marque donc dans Rio c’est la profusion de personnages (à commencer par la favela que l’on respire, ressent, grâce à une reconstitution absolument documentaire de Corentin Rouge) et une construction qui interdit toute anticipation. Comme une chronique du lieu, on nous parle de corruption, de l’influence des ONG, de la dureté de la vie des enfants de rue, de l’absence d’Etat, de trafic, de violence, de culture brésilienne,…Tout intéresse les auteurs qui baladent leur focale sur l’océan de sujets et de personnages. Le fil conducteur est bien ce Rubeus dont la mère, indicateur de la police a été tuée par l’officier corrompu qui la faisait chanter, ordure magnifique que l’on apprendra à connaître avec ses faiblesses tout comme le héros n’est pas un ange non plus. Car dans cette série rien n’est manichéen, tout est bien et mal car on ne juge pas. La constante est la violence inhérente au lieu et à sa société qui oriente les action de tout le monde, avec ses passions, ses petites faiblesses, son humanité. La cohérence scénaristique qui donne toute sa force au scénario repose sur le réalisme des décisions des protagonistes. Il n’y a pas plus de personnage principal que secondaire dans Rio car tous ont pour rôle de faire comprendre un contexte. Au risque de dérouter le lecteur qui est lancé dans les premières pages sur une histoire de vengeance familiale et constate bien vite que ce destin est bien chaotique, bien incertain.
Cette densité de contexte est photographiée par la technique impressionnante de Corentin Rouge, élève des Arts décoratifs tout comme Lauffray, Bajram et d’autres qui ont pour point commun leur maîtrise technique infaillible qui donne un mouvement et une précision aux décors comme aux anatomies et font des planches des films. A chaque case l’on est impressionné par des traits, pas nécessairement fouillés, qui sont d’une telle justesse que l’on a l’impression d’un photo-réalisme. Quand une scène est vue sur trois ou quatre cases de plans différents, les personnages et objets sont positionnés au millimètres, avec une gestion de l’éclairage et des perspectives identiques. Une précision et une exigence qui impressionnent. Si les japonais ont inventé le mouvement, les cadrages, la mise en scène seules permettent d’atteindre la même efficacité sans les artifices typiques du manga, ces lignes de mouvement. Chaque détail permet de donner un mouvement, un bruit, une impression. Rien n’est délaissé, à commencer par les visages, ribambelle de trognes tantôt puissantes, tantôt déglinguées, mais que l’on a toujours le sentiment d’avoir vues dans la vraie vie. Un art du mouvement et une précision varandienne qui impressionnent.
On peut chercher des éléments perturbants, des défauts dans cette série, comme ces scènes récurrentes autour de la sorcière qui paraissent hors cadre, avant de réaliser que tout trouve sa place dans le puzzle scénaristique. Je n’attendais rien de particulier en commençant ma lecture et constate en refermant le dernier tome que cela fait longtemps que je n’ai pas eu une telle densité en BD (peut-être depuis Servitude, ou les Compagnons du Crépuscule…), avec le sentiment que chaque album est différent tout en faisant progresser une trame que l’on ne peut pas lire mais qui nous transporte au Brésil en plein documentaire. Une série impressionnante et un dessinateur extrêmement doué qu’il faudra surveiller de très près dans les années à venir.
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Démarrant rarement une nouvelle série avant sa clôture (j'évite les longues séries Manga), je me suis néanmoins laissé tenter par ce Tsugumi project à la couverture très réussie et intrigante. A lire l'interview de fin de volume il semble que ce soit une création originale en première édition chez Ki-oon, ce qui confirme le poids du marché français dans le Manga: si des auteurs hexagonaux commencent à être traduits au Japon (après l'expérience malheureuse de Jean Giraud avec Taniguchi sur ICARE), des orientaux font le choix de publications hors de leur pays d'origine. Tsugumi a beaucoup d'atouts, à commencer par son originalité, avec un concept post-apo classique (une arme terrifiante doit être ramenée du Japon dévasté par un commando après deux-cent ans d'une guerre nucléaire) qui vire très vite au survival avec un univers peuplé de créatures mystérieuses, à commencer par cette jeune fille aux pattes d'oiseau. Cela aurait pu être totalement WTF mais dans un univers graphique sombre, fouillé, ça passe totalement. L'auteur dont c'est un des premiers manga solo reconnaît son perfectionnisme qui se voit sur des planches de cité dévastée et réoccupée par la nature. C'est beau, très beau et ce premier volume se lit avec grand plaisir comme une mise en place d'une série que l'on imagine relativement courte. Tsugumi project apporte suffisamment d'originalité pour donner envie de continuer et constitue une réussite pour cette introduction.
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Nous retrouvons Talli et sa troupe de guerriers mal assortis dans un second volume qui fleure bon l'action et se présente essentiellement comme une confrontation avec une entité démoniaque increvable appelée "le roi de la forêt": une sorte de loup géant corrompu qui nous rappelle celui du récent Nils mais on imagine que les références de l'auteur se tournent plutôt du côté des sangliers de Princesse Mononoké. Je dois dire que si le premier tome m'avais plutôt accroché avec le développement d'un univers intéressant avec cette guerre ancienne et ses invocatrices capables de faire apparaître des créatures géantes extrêmement puissantes (l'atmosphère rappelle par moment le comic Monstress), la linéarité de ce volume, si elle apporte de nouveaux personnages, m'interroge pour une série prévue assez courte. L'histoire n'ayant pas avancé (hormis pour Lélo et Alan) dans la compréhension des personnages, on se demande comment Sourya va boucler son affaire en un unique volume. Les séquences d'actions sont toutefois maîtrisées et assez efficaces alors que les paysages de montagne enneigée et de la tour de garde sont assez inspirants. Pour une création originale d'un jeune auteur la série est honnête. On n'a pas la déception d'un Nils mais cela reste bien moins efficace qu'un Radiant (d'un auteur qui a beaucoup plus de bouteille). J'imagine que la collaboration de Sourya avec un scénariste chevronné sur un album complet lui aurait été profitable avant de se lancer seul, ses collaborations sur les collectifs Doggybags et Midnight tales restant sur de petits formats.
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Cet album est le premier de la série Marvel NOW!, que je rattrape album après album avec toujours autant de plaisir. Étant très méfiant envers les multiples reboot, relaunch etc de Marvel, je constate simplement que les dessinateurs de cette collection sont globalement excellents (cela m'a permis depuis plusieurs années de découvrir de petits scribouillards comme Esad Ribic, Stuart Immonen ou Sara Pichelli...) et les scénarios s’accommodent très bien du cahier des charges éditorial pour proposer des aventures rafraichissantes pour le lecteur occasionnel de comics que je suis. Simplement, les choix de couvertures et de présentation de l'éditeur Pannini brouillent toujours autant la compréhension des suites et collections. Le mieux est donc de se reporter sur les fiches BDgest qui permettent de distinguer les séries homonymes par années notamment. J'ai découvert le personnage de Miles Morales, le nouveau spider-man afro-latino dont l'idée a été inspirée à Bendis par l'élection de Barack Obama dans le film Into the Spider-verse. Cet album très sympathique se déroule après l'arrivée de Morales dans l'univers commun, où il y a donc désormais deux spider-man. On constate que le MCU a fusionné le personnage de Moralès avec Peter Parker notamment dans ses relations avec son pote. Ce volume est assez surprenant car il présente des X-men comme parcourant ouvertement le monde, fait des allusions aux événements des Inhumains.Un plutôt bon album très agréable à lire et assez didactique. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il peut constituer une entrée en matière mais le lecteur occasionnel de Marvel y trouvera son compte.
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La couverture hautement énigmatique ne nous dit pas si l'on a affaire à un délire sur le Loch Ness ou sur Internet mais donne bien envie d'ouvrir l'album, avec ses tons bleus que semble apprécier l'auteur. Ce dernier a inséré en début et fin d'ouvrage différents textes humoristiques présentant les avertissements "légaux" avant de lire l'album ou un florilège de pages web absurdes illustrant son propos sur Twi(s)tter. De petits bonus qui ne vont pas jusqu'au cahier graphique ou dossier mais sont bien agréables et prolongent l'immersion. Ça mets en bouche et j'aime ça.
Doug MacMurdock vit seul sa maison au bord d'un Loch écossais. Il est misanthrope et photographe amateur en mal de reconnaissance. Le jour où il décide de publier sur le réseau social Twister le cliché improbable d'une créature inconnue son monde bascule dans le grand maelstrom d'un monde médiatique en effervescence...
J'ai découvert Bruno Duhamel sur Le retour, formidable biographie d'un artiste fictif revenant sur son île natale de Santorin. J'ai prolongé le plaisir sur son précédent album Jamais, jouissive rébellion d'une vieille aveugle refusant de quitter sa maison sur le poinds de effondrer avec la falaise... Avec cet auteur on est en terrain connu et l'on retrouve avec son Doug le même caractère bien trempé, un peu anarchiste, un peu violent, à la répartie cinglante et aussi prompt à se mettre dans la crotte que de conspuer les bassesses du genre humain. Certains auteurs nous lassent en donnant l'impression de recycler leur concept thématique et graphique; ce n'est pas (encore) le cas de Duhamel, notamment par-ce que sa passion se ressent à la lecture, avec une énergie que seul un Wilfried Lupano transmet aussi bien dans ses BD. J'avais déjà fait le lien entre les deux auteurs sur le personnage de Madeleine dans le précédent album et ici on prolonge cette proximité d'univers comme jamais: radicalité du personnage, trognes poilantes (le militaire cerné, j'adore!), propos politique subversif... les deux auteurs sont assurément cousins!
Graphiquement c'est très maîtrisé. Son style, issu du dessin d'humour, a évolué depuis quelques albums en s'affinant doucement vers plus de réalisme. S'il aime toujours autant nous pondre des trognes et regards très expressifs, tout est précisément dessiné, premiers comme arrières-plans avec un soucis du détail remarquable et des couleurs vraiment agréables. Duhamel est en outre un excellent scénariste qui gère son découpage très efficacement en jouant sur les césures de case, de page et ellipses qui accentuent les scènes drôles. Il semble tenir à se référer aux bibles de la BD d'humour puisque après le poissonnier d'Asterix dans Jamais, il nous introduit une scène de lama cracheur directement issue de Tintin.
Duhamel est totalement dans le comique de situation, qui fonctionne absolument sur les deux premiers tiers de l'album. Dès que le héros disparaît pour nous montrer les conséquences de sa publication sur Twister on perd un peu l'effet comique pour quelque chose de plus attendu avec l'hystérie collective qui prends les différents groupes militants, avec un message plus ciblé sur Twitter. Du coup, si l'on comprend la nécessité de rentrer dans le cœur de son propos la machinerie comique se grippe un peu, ce qui m'empêche de laisser le cinquième calvin de notation que j'envisageais un long moment. On n'est donc pas loin du chef d'oeuvre sur la première partie, grâce à une succession de scuds verbaux et la constance du personnage à assumer son radicalisme. Si vous adorez le Pierrot des Vieux fourneaux précipitez-vous en écosse pour tâter la barbe de Doug. Si Madeleine est sa sœur, Doug est son fils spirituel!
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Cornélius n'est pas le type d'éditeur que je suis. Proche de l'Association et du Requin Marteau, ce petit éditeur édite des BD d'auteurs alternatifs avec une ligne graphique de contraintes chromatiques qu'illustre très bien Les intrus. Très attaché au dessin, ce style (qu'on peut retrouver chez Shiga, Trondheim, Crumb, Blutch,...) m'attire généralement peu, mais le trait de Tomine sur certaines sections, proches de la ligne claire ou des dessins plats que peut utiliser un Adam Hughes m'ont donné envie de le découvrir. Cet album a été emprunté en médiathèque. Il a été sélectionné au festival d'Angoulême, il s'agit du septième recueil publié en France. Tomine est dessinateur de presse et édite un magazine BD, Optic Nerve, donc sont issues les histoires publiées par Cornelius.
Adrian Tomine nous propose six histoires sur les vies médiocres d'américains moyens, tantôt aspirant à un destin d'artiste, tantôt perdus dans un couple mal assorti... Des tranches de vie dépressives sur l'Amérique d'aujourd'hui.
La couverture de ce recueil m'a beaucoup plu avec un design élégant reflétant un peu l'esprit sérigraphie. Le style des six histoires est très différent, entre une première aux textures tramées, celle en quasi noir-et blanc et l'histoire de l'humoriste en gaufrier au dessin d'un trait fin et élégant. Ce qui est certain c'est que le nipo-américain a une vraie facilité de trait et que son dessin est fort maîtrisé, malgré les séquences minimalistes qui empruntent (surtout pour la première histoire du jardinier, la plus drôle) au strip de presse avec des successions de séquences fixes en peu de vignettes. Si cette variété des styles peut déconcerter, elle permet de découvrir les palettes d'un auteur représentatif d'une école graphique et artistique loin des blockbusters du Big Two ou même des comics indépendants made in Image.
J'avoue que le traitement des sujets m'a en revanche un peu déprimé. L'auteur nous propose des vies médiocres, de personnes en difficulté relationnelle, professionnelle, sociale et à l'opposé de l'idéal américain de personnes qui se remontent les manches et réussissent par l'effort. De l'effort il y en a avec le jardinier, la jeune Stand-upeuse qui se donnent les moyens de réussir leur passion et parfois même sont soutenus par leur famille. Mais inlassablement ils échouent tout simplement car ils sont mauvais, médiocres, s'enfoncent dans les mauvais choix. Une vision très triste de l'humanité qui me plaît que moyennement.
L'histoire la plus intéressante est celle de cette étudiante dont la vie bascule lorsqu'elle réalise qu'elle est le sosie d'une star du web X... Sans aucune prise sur ce que pensent les gens d'elle elle comprend que toutes les relations qu'elle entreprendra seront issues de sa ressemblance. Une prédestination très dure mais la jeune fille fait ce qu'il faut pour se sortir de cette situation, jusqu'à rencontrer la personne à l'origine de ses problèmes. Une belle histoire sur les relations humaines d'où sort du positif.
Tomine parle aussi de lui, au travers de cet étonnant récit du voyage de sa mère du Japon vers les Etats-Unis vu à la première personne, permettant des sortes de Haïkus graphiques... Cet album n'est pas destiné à tout public mais permettra aux curieux de connaître les différentes formes de BD et notamment aux amateurs de strip de découvrir un auteur très représentatif du milieu culturel et intellectuel américain d'aujourd'hui.
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Cet album marque la sixième collaboration de Hermann avec la collection Signé sur un scénario de son fils. Il coïncide avec la remise au dessinateur du Grand Prix d'Angoulême pour l'ensemble de son œuvre. J'aime le format des albums Signé dont le projet était à l’origine de proposer des auteurs reconnus sur un one-shot, une sorte de Hall of Fame de la BD. Lorsque l'on voit aujourd'hui la composition du catalogue, de plus en plus d'histoires se déclinent en plusieurs volumes et les auteurs avec trois, quatre ou cinq albums dans la collection ne sont désormais pas rares. Je trouve que cela pervertie l'objet de cette collection qui se voulait d'exception et c'est dommage. Les collaborations du duo Hermann notamment, qui semblent composer une sous-collection, me pose problème, avec un manque de sélection manifeste de l'éditeur (j'ai en souvenir le catastrophique Station 16)... Pour se recentrer sur cet album proprement dit, il est de bonne facture, avec une jolie couverture intéressante, la bio et biblio habituelle des auteurs et une post-face de quatre pages reprenant des témoignages sur l'époque un rappel historique de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, croquis préparatoires et photos assez crues de lynchages.
Old pa est vieux et noir. Dans le sud des Etats-Unis cela laisse peu de possibilités. Lorsque sa femme décède il apprend que quelqu'un peut lui apporter des informations sur l'enlèvement de sa petite fille il y a des années, événements qui a brisé sa vie. Il n'a plus rien à perdre et est bien décidé à se faire vengeance...
Comme avec beaucoup d'auteurs se sa génération j’entretiens une relation de méfiance avec les albums de Hermann. Vieux routier de la BD avec une production phénoménale et un plaisir toujours manifeste de réaliser ses albums, le belge propose à la fois une maîtrise du récit et du découpage prodigieuse, une technique de colorisation indéniable, mais également une habitude à utiliser des couleurs et textures très sombres et de grosses lacunes techniques qui ne disparaîtrons certainement jamais. Un peu comme pour Yslaire, je reproche à ces autodidactes de ne pas travailler leur technique comparé à certains jeunes dont les progrès entre chaque album sont souvent impressionnants. Avec l'un comme l'autre les dessins de 1980 et ceux de 2019 n'ont pas bougé.... Quand à Yves H, je suis également réservé, ayant lu certains de leurs bons albums quand d'autres sont marqué de grandes faiblesses de récit.
Malgré cela j'ai toujours l'envie de lire un album de Hermann, notamment grâce à ses couvertures toujours réussies et qui sont de vrais appels à ouvrir l'album. Surtout car ses choix thématiques radicaux sur des sujets lourds et souvent très politiques me plaisent beaucoup. Le bonhomme rentre dans le tas, dit ce qu'il a à dire, dénonce sans détours et cela fait du bien. C'est tout cela qu'est Old Pa Anderson. Album lu rapidement, avec peu de textes et beaucoup de scènes nocturnes, il peut se comparer au film d'Arthur Penn La poursuite impitoyable, montrant le fonctionnement du Sud profond US avec des shérifs qui tentent de faire appliquer une loi bien lointaine pour une population bien attachée à ses traditions de lynchages et de racisme. Un petit soucis dans l'album repose (comme souvent chez Hermann) dans la difficulté de distinguer certains visages. Avec quelques aller-retours entre maintenant et le passé Yves H a l'intelligence d'utiliser ce flou dans sa construction, laissant parfois le doute sur l'époque visitée et le shérif concerné.
Histoire simple, linéaire, à l'aboutissement inéluctable et brutal, Old Pa Anderson est percutant par son propos, sa description sans détours d'une époque atroce, pas très ancienne, où les blancs disposaient de la vie des noirs de façon sans doute plus légère encore qu'au temps de l'esclavage où ceux-ci constituaient un bien matériel pour leur propriétaire. Le monde dépeint par les Hermann est toujours bien glauque, celui des bas-fonds de l'âme humaine où même entre gens de couleur on ne s'aide que contraint, on est lâche et soumis à de basses pulsions. La dernière odyssée d'Old Pa Anderson n'est finalement qu'une parenthèse dans la monotonie de ce Sud où le viol, le meurtre, le vol des noirs est la norme. Un album coup de poing dont le cahier final rappel que rien n'y est exagéré, comme un triste écho à l'actualité intérieure de l'Oncle Sam...
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Le titre de ce volume annonce la couleur avec l'éveil de Son Goku! Avec un Jiren qui semble invincible et des Sayan d'un univers 6 étonnant, les auteurs savent ménager un vrai suspens dans un arc qui ne s'y prête guère puisqu'il s'agit d'un Battle Royal où on imagine que Goku gagnera à la fin. Ce qui marche bien ici c'est de savoir dans quel nouvel état le héros parviendra à vaincre certains personnages qui semblent imbattables. Contrairement aux autres grands combats de l'univers DBZ le fait d'alterner entre des dizaines de combattants tous plus originaux (et qui donnent envie de les voir déclinés dans des séries parallèles tant leur design est réussi) permet de maintenir un attrait que les Kaméha et autres cassages de murs pourraient lasser. Le prochain volume terminera cet arc (alors qu'il ne reste plus que deux univers!) et annonce le retour de Jaco et la patrouille galactique. Excellente nouvelle!
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Le design guerrier, le thème des immortels et le design de couverture associés à un très bon bouche à oreille m'avaient donné très envie de lire ce volume... qui, je dois l'avouer m'a pas mal déçu. Ceci principalement du fait de dessins qui peuvent rappeler ceux des pourtant bons Shipwreck et Moonshine et dont j'aime généralement le style d'encrages très contrastés, mais qui ici pèchent franchement par une technique des visages et des personnages en général. On ne peut pas dire que ces cadrages serrés soient agréables à l’œil alors que la BD porte essentiellement sur ces personnages. Je ne sais si c'est un style recherché ou si le dessinateur atteint ses limites mais c'est très dommageable à la lecture de cette histoire d'un commando immortel trahi par son commanditaire. On retrouve pas mal de Eternal Warrior et Ninjak de chez Valiant dans cet album qui semble être fait pour être décliné en film ou série TV. Une BD d'action, de sang où la Vieille garde en prend plein la tronche et où Greg Rucka (qui aime les immortels!) sait apporter des éléments originaux. Un peu frustrant, The old Guard pourra vous satisfaire si vous n'attachez pas trop d'importance aux dessins, sinon je vous conseille d'attendre la version Netflix qui sera très probablement une grande réussite avec un tel matériau.
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L'opération 48h BD qui nous avait permis de découvrir cette série est décidément l'occasion de vraies trouvailles tant ce second volume confirme amplement les qualités et l'ambition du premier. Avec la réserve que justement on irait presque vers de la BD ado-adulte à la Lanfeust tant les thématiques et la complexité des noms et des péripéties politiques sont moyennement adaptés à de jeunes lecteurs. La carte en deuxième de couverture présente l'itinéraire de la bande sur les albums précédents et en troisième de couverture elle montre la progression de l'album lu. Très jolie carte très utile pour suivre l'intrigue, surtout que certaines ellipses sont un peu abruptes (le passage des lotophages à Charybde et Sylla par exemple... qui montre la difficulté à suivre le cahier des charges des étapes de l'odyssée tout en tenant dans un format d'album). Un résumé en forme de mosaïque (très esthétique également) prends les trois premières pages.
Comme l'ont dit les enfants, les thématiques politiques, féministe, sont assez étonnantes pour un album jeunesse, alors que par ailleurs les personnages sont tout en décalage avec leur milieu d'origine (Personne et anthropophagisme), procédé fréquent lorsqu'on s'adresse à un public jeune. Si l'intrigue de Télémaque est plus linéaire ici que dans le précédent volume, le développement du conflit entre Cités est un peu ardu à suivre du fait de la multiplicité des noms grecs et des liens diplomatiques. Je suis un peu circonspect sur l’attelage des deux intrigues mais laissons aux auteurs le temps de justifier cela.
Le passage dans l'Hadès est asses fascinant tant le découpage est sophistiqué et intelligent. J'ai rarement vu cela hormis chez un Ledroit ou dans certains comics. Cette séquence majeure confirme l'ambition visuelle d'un dessinateur vraiment très fort et en totale maîtrise de ses planches et que Télémaque est, contrairement à ce que son pitch pouvait laisser penser, une des séries ado majeure du moment. De très grandes qualités qui en font une série à suivre assurément pour peu que la mythologie grecque ne vous rebute pas.
A partir de 12 ans.
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Quand j'ai appris qu'une ribambelle d'adaptations de mangas des années 70-80 allait être lancée par des auteurs franco-belges, comme beaucoup d'entre vous mon cerveau s'est mis en pause et je me suis précipité sur cet Albator par l'auteur des Mythics. On parle ici du Albator 78 avec le vaisseau bleu. Tout d'abord je précise qu'il s'agit ici d'un ouvrage résolument jeunesse, qui contrairement à nombre de séries qui peuvent plaire à différents ages, se destine avant tout aux plus jeunes et aux fanatiques de la première heure du personnage. La fidélité au matériau d'origine, tant dans le design des personnages que dans l'esprit du récit est totale et validée par le maître Leiji Matsumoto, l'auteur d'origine. La colorisation impeccable nous donne l'impression de lire un Anime comic alors que l'on est bien dans une création originale. On sent que l'auteur s'est fait plaisir avec un très grand sérieux pour pour proposer cette histoire d'armada Sylvidre (des extra-terrestres humanoïdes semi végétales) revenant sur Terre alors qu'une période glaciaire enserre la planète dont les dirigeants corrompus ne gèrent pas grand chose. L'album reprend des éléments désuets de l'Anime et la simplicité de l'intrigue comme des personnages laissera les lecteurs adultes sur leur faim. Pour peu que l'on ne se soit donc pas trompé de cible, ce premier volume d'un triptyque remplit donc totalement son objectif et permettra aux enfants de la génération club-Dorothée de faire découvrir cet univers fascinant à leurs jeunes enfants.
A partir de 7 ans.
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Première lecture de ces deux auteurs, dont le scénariste est l'auteur du fameux Grand Mort avec Régis Loisel, que je n'ai pas encore lu mais qui est prévu tant on en dit du bien. Le nom de l'auteur de Peter Pan sort comme une évidence tant le dessinateur semble également s'inspirer directement du style du grand auteur, malgré un univers bien éloigné de celui de Loisel. J'ai été attiré par une couverture fort réussie qui laisse envisager une BD d'aviation avec une femme pilote noire dans les années 50. C'est partiellement le cas et dès le début on est plongé dans la seconde guerre mondiale au sein de l'escadrille noire des Red tails, dont l'Amérique parle pas mal depuis quelques temps. De premières planches d'aviation militaire comme les fait si bien Romain Huguault (et j'adore ça!)... qui basculent rapidement dans l'histoire familiale teintée de ségrégation raciale. La fille d'un des pilotes, quelques années après la fin de la guerre, est formée au pilotage et part à la recherche de son père dont elle soupçonne qu'il n'est peut-être pas mort. Un périple qui l'emmène, jeune femme noire, seule dans une Europe marquée par l'emprise des mafias et trafics en tous genres. Il ressort de cette BD une impression plutôt positive avec une envie communicative d'auteurs qui croient dans leur projet. Les dessins sont correctes avec une excellente colorisation qui gomme les quelques défauts, le scénario qui alterne entre récit du journal du paternel et action est efficace avec des dialogues et personnages réussis. L'héroïne manque peut-être un peu de caractère pour nous emmener réellement derrière elle et l'histoire ne nous montre pas suffisamment où l'on va entre les premières planches d'aviation pure très réussies, les séquences avec les trafiquants et le récit familial. A suivre donc, cet album qui se cherche encore et qui se révélera sans doute au prochain épisode.
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Steinkis fait partie des éditeurs qui publient peu mais bien, avec un vrai boulot sur l'objet livre. Mes critiques des albums de cet éditeurs sont généralement en rubrique BD Docu, ce qui explique le contenu additionnel qui permet de prolonger le thème traité par la BD. On en apprend beaucoup sur un sujet finalement peu connu hormis la musique Hip-Hop en elle-même. L'ouvrage contient en fin d'album un épais lexique détaillé sur des personnes, évènements ou termes "techniques" de la culture Hip-Hop ainsi qu'une biblio-musicographie. Comme d'habitude chez l'éditeur, ce travail très complet fait beaucoup pour la qualité globale de l'album. La couverture est, enfin, très réussie, à la fois attirante visuellement, fidèle à l'esprit de l'album et imaginative avec ce disque Vinyle évoqué. L'album a été réalisé à quatre mains scénario/dessins.
A la fin des années soixante, le Bronx est un ghetto de noirs pauvres au nord de Manhattan. On sait que c'est dans cette ville new-yorkaise que naissent le Rap et le Hip-Hop. Au travers de la jeunesse de deux jeunes frères, Marcus et Aaron qui se créent une identité et une appartenance l'un avec le Break-dance l'autre avec le Graf, c'est la genèse d'un des mouvements culturels les plus puissants du XX° siècle qui nous est proposé de découvrir.
Toutes les époques de l'histoire américaine ne sont pas également intéressantes. A l'heure d'un revival 80's on constate le plus souvent que cette décennie est l'aboutissement des dix années précédentes où ce pays, des campus élitistes universitaires aux ghettos noirs, sort de ses fondements violents et racistes pour voir naître de véritables cultures modernes, urbaines. Si les noirs du sud avaient le blues qui leur permettait de vivre leur identité de peuple au travers bien souvent de la religion, les jeunes désœuvrés des villes étaient loin de ces anciens et la plupart du temps vivaient dans un monde de violence, de crimes, de délinquance. C'est le cas des deux héros de ce superbe album très inspiré de Florian Ledoux et Cedric Liano pour l'une de leurs premières publications BD, d'une maturité graphique et thématique remarquables.
Florian Ledoux est graffeur et spécialiste de la culture Hip-Hop. Sa très bonne connaissance de ce mouvement lui permet de dresser une description progressive, historique, de la naissance de ce que l'on connaît par des artistes mais sans avoir conscience du puzzle général. L'itinéraire à la première personne de ses deux frères va nous immerger au cœur de ce bouillonnement très localisé où l'on comprend qu'un contexte général (le racisme, l'incurie des autorités municipales et policières) voit naître quelque chose de gigantesque qui au départ n'était que la volonté de jeunes noirs de s'en sortir hors du crime en revendiquant une fierté raciale et communautaire. C'est cela la culture, une appartenance. On retrouve un peu des éléments qui faisaient la réussite du précédent ouvrage de l'éditeur, Redbone. Ainsi l'aîné va commencer comme membre d'un des gang noir qui faisaient la loi et la structuration (par l'entraide autant que le trafic) du Bronx dans les années soixante-dix en remplaçant une municipalité totalement absente. On effleure le mouvement musical des clubs disco qui touche toutes les villes et où les noirs avec leur technique de Break-dance éprouvée dans les soirées DJ sauvages des rues vont être utilisés comme danseurs et comprendre qu'ils peuvent gagner de l'argent hors des gangs. Cette évolution est passionnante car l'on suit parfaitement cet itinéraire d'un jeune homme fier hors d'un mouvement ce revendication raciale mais qui en est conscient. Comme souvent dans les Ghettos c'est l'obligation de se construire sa propre organisation, sa propre culture qui va créer quelque chose.
La présence du lexique conséquent en fin d'album permet d'éviter un scénario trop explicatif et les auteurs peuvent ainsi utiliser ce background pour réaliser une bonne histoire de famille. Car les deux personnages et leur mère (jeune femme qui galère dans des petits boulots en essayant de protéger ses fils de la misère et du crime) sont attachants. Notamment la relation des deux frères, l'aîné protégeant le petit tout en l'introduisant dans ce bouillonnement de fêtes en bordure de la légalité. Aaron deviendra graffeur, activité identitaire par excellence, avec ses règles, sa fierté affichée: lorsqu'il explique la portée d'un Whole train (le fait de graffer toute une rame de métro) qui va voir son nom de graffeur parcourir tout New-York jusqu'à Wall Street et les quartiers blancs riches on comprend l'importance du Hip-Hop comme marqueur d'existence d'une minorité ignorée. On évoque également James Brown par son apport de fierté majeur, la tentative de la Nation of Islam d'utiliser le mouvement mais aussi le rôle des premiers DJ jamaïcains pour lancer ces Sound-systems de rue...
La partie graphique de Break est surprenante de maturité, notamment dans la colorisation et le découpage. Les deux auteurs utilisent un concept très efficace: l'album est en monochrome gris (très élégant) et voit apparaître des éléments de couleur chaque fois que le Hip-Hop apparaît. Ce peut être un danseur, un DJ, de la musique, un graff. C'est d'abord très beau visuellement et permet d'ajouter un sous-texte aux planches. De même les quelques scènes de danse (que les auteurs ont l'intelligence de ne pas surmultiplier) prennent l'aspect de combats à la mode manga, avec des déformations qui permettent de comprendre le mouvement, la vitesse. Enfin le découpage varié et dynamique rend la lecture extrêmement agréable, esthétique, visuelle. D'excellents dessinateurs que je ne connaissais pas et qu'il faudra suivre assurément, notamment via la participation de Cedric Liano à la revue XXI.
Il ressort de ce gros volume qui se lit d'une traite un sentiment de plénitude que l'on ne trouve pas si souvent dans une BD à l'aspect documentaire, le fait de parvenir tout à la fois à un bel album BD en tant que tel tout en apprenant énormément sur cette culture et l'envie de prolonger notre documentation. Pour ceux qui ont aimé le film Spiderman into the spiderverse avec son influence Hip-Hop je conseille vivement cet album qui permet à un public pas nécessairement fana de musique de découvrir un univers et de comprendre un peu mieux des éléments majeurs du cinéma et de la culture américaine.
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Je suis un grand fan de Masakazu Katsura, un des premiers mangaka, que j'ai découvert au travers de DNA2 à l'époque où l'éditeur-libraire Tonkam se lançait en premier (avec Glénat) dans l'aventure du Manga en France... Il est pour moi l'un des meilleurs dessinateurs japonais et si j'ai finalement lu peu de ses séries, j'avais depuis longtemps très envie de lire ce Zetman originellement issu de short-stories parues en 1997. La série a depuis été transcrite en dessin-animé.
Jin est un jeune orphelin vivant avec les sans abri. Élevé par son "grand-père" il est doté d'une force peu commune et s'occupe en défendant les gens contre les bandits. Lorsqu'une étrange créature non-humaine tue son grand-père, le naïf petit garçon se retrouve propulsé dans un univers violent où une étrange organisation semble le rechercher activement...
Je ne reviens pas sur les dessins vraiment chouettes, les nombreux tics et auto-références de l'auteur (la série animée Wingman qui l'a lancé, les petites culottes, les cheveu en pétard,...). Zetman commence vraiment bien avec un premier volume déjà plein d'action, de mystère fantastique un peu gore (la série est annoncée "mature") et des personnages intéressants. L'auteur lance de nombreuses pistes qui ont vocation à se développer et nous mènent vers des expériences scientifiques monstrueuses liées à un enfant qui semble être un être doté de capacités hors norme. Ça va a cent à l'heures avec force cliffhangers entre les douze chapitres du volume avec pour objectif une première crise qui sort le héros de son état naïf initial pour l'emmener vers le statut de super-héros. Très riche mise en bouche qui donne envie d'enchaîner cette série finie à la taille maîtrisée.
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Je poursuis la série Marvel NOW! des All-new X-men entamée par Brian Michael Bendis et Stuart Immonen au dessin qui m'avait fait forte impression sur les trois premiers volumes. L'écriture des premiers et les somptueux dessins d'Immonen se retrouvent partiellement dans cet affrontement entre X-men d'hier, de maintenant et du futur bien que l'équipe créative ait grossie: si les dialogues sont toujours très savoureux et le découpage, avec de nombreuses doubles pages, percutant, l'histoire tourne un peu en rond avec ces interminables interrogations de qui est qui, faut-il renvoyer Jean et Cyclope à leur époque contre leur gré et que font-ils ici?... Même chose pour les dessins, parfois superbes (Immonen toujours sur les quelques planches qu'il réalise, Bachalo étonnant) mais pour l'essentiel moyens (y compris sur les quelques planches de la bataille finale dessinées par Esad Ribic un peu en service minimum sur ce coup, Frank Cho pas très à l'aise dans l'univers super-héroïque). C'est dommage car sur le papier on a quand-même une sacrée dream-team, mais le concept semble s’essouffler et viser surtout les quelques pleines pages d'offensive collective X-men dont sont friands les fans et les dessinateurs. A noter tout de même le superbe design général des versions des X-men et notamment cette Xorg à la tête de mort, terriblement originale et réussie. On ne sait pas si cet arc est une transition vers quelque chose de plus grand mais malgré un plaisir certain entrecoupé de longueurs, on a le sentiment que la série aurait pu s'arrêter aux trois premiers, cohérents en tant que tels.
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Après la Colombie et le Canada, la plus bourrine et tarée des Vigilante débarque à Rome pour botter des culs et trancher des têtes! Le relaunch de la série initiée par Mark Millar va ainsi voyager avec une équipe différentes pour chaque one-shot. Si le premier volume était loin d'être inoubliable, notamment par son côté sadique un peu poussé, ici on reste dans les canons du personnage (à savoir de l'action brutale à base d'un mort par page et un langage très fleuri de la demoiselle) mais la course-poursuite initiée avec une sorte de Catwoman permet des scénettes drôles et plus structurées. On ne va pas se mentir, Hit-Girl ce n'est pas de la poésie ni Usual Suspects. C'est une lecture rapide, de la baston, super bien dessinée (par un Raphael Albuquerque qui prépare la série Prodigy avec Millar) avec des étoiles qui donnent un aspect cartoon... et des découpages de méchants bien sanglants! Ici les affreux sont une mafia de religieux timbrés, nonnes et moines en robes de bure armés d'Uzi et de masses d'armes, commandés par une vieille peau aussi psychopathe que bigotte, à la recherche d'une relique. Le cliché italien est assumé, le personnage est toujours aussi foutraque et primaire mais l'ensemble est très sympathique dans le genre, notamment grâce aux dessins (bien que les décors soient assez vides). Du coup on attend la suite, surtout que des pointures sont annoncées aux crayons...
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Ce second volume est très différent, beaucoup plus action que le premier et je l'ai trouvé plus intéressant pour quelqu'un de pas super passionné par les émissions de cuisine. L'histoire se découpe en deux parties: la participation au Cannibal Coliseum avec la très drôle P'tite Magicorne (imaginez un Petit Poney aux yeux étoilés et... psychopathe!) et le retour surprise pour la finale du SBL où tout va aller de travers. La fuite de Péony est un peu en mode n'importe quoi (on retrouve l'esprit de Volcano Trash à ce moment) mais l'action défile et reste efficace. L'auteure arrive à nous surprendre à de nombreuses reprises et c'est ce qui rend ce volume supérieur au précédent. Si le méchant est repérable depuis le début et qu'on se doute qu'il est derrière l'enlèvement de Péony, ses actions sont toujours subtilement machiavéliques et manipulatrices? Du coup on ne peut se douter du déroulement de la finale (dans une sorte de moule géant et en apesanteur) et encore moins du vainqueur. Deux éléments sont également surprenants et bien vus dans un album jeunesse: un certain côté gore très drôle pendant le Cannibal Coliseum et l'histoire d'amour homosexuelle entre Péony et Neptunia. Souvent ce genre de thème est évoqué sous le couvert de la grande amitié. Ici un bisou langoureux ne laisse pas de doute. J'aime bien que l'on aborde des sujets très contemporains sans sourciller dans des ouvrages pour les enfants, qui sont généralement plus ouverts à la différence et l'inconnu que les grands. Ce n'est absolument pas un thème central mais un élément des relations entre personnages avec une approche tout à fait normale.
Ce diptyque se termine de manière très sympa
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Cette critique porte sur le premier cycle (3 premiers tomes) de cette série.
Comme à son habitude Daniel Maghen propose avec cette série SF une édition de grande qualité, voir luxueuse. Chaque album, grand format avec papier épais, propose un cahier graphique de seize pages très complet, comportant croquis, pages encrées et explications sur l'univers. Je le dis souvent, tous les éditeurs devraient proposer en standard pour ce prix (moins de vingt euros) de telles éditions augmentées. Les couvertures de ce premier cycle (achevé) sont très jolies, illustratives et inspirantes. Rien à reprocher, un Calvin pour l'édition.
Mandor n'a pas de souvenirs. Il est un être neuf hormis cet étrange tatouage sur l'épaule. Après avoir été découvert dans une tombe par le jeune Pip, il découvre ce monde aride où la vie semble s'être organisée autour du village fortifié de Bas Courtil. Il apprend le langage et les plaisirs de la vie et commence à poser des questions que personne ne posait. Où est-on? Qu'est-ce que TER? Pour cela il va entamer un voyage vers le nord avec ses compagnons...
Ne connaissant aucun des deux auteurs de cette série je découvre tout à la fois un style d'imaginaire (une version de l'exploration dans un univers de science-fiction teinté d'ethnographie) et un trait, assez classique en hachures (on est proche du Vicomte de Sasmira) et très technique. Le côté visuel rappelle les BD Glénat des années quatre-vingt-quatre-vingt-dix.
Très surprenante, cette série commence sur la découverte d'un monde avec sa technologie rétro-futuriste, son organisation sociale effleurée et très vite (dès la fin du tome un) bascule dans de la SF beaucoup plus classique lorsqu'est découvert le vaisseau. La suite nous décrit l'itinérance des héros dans les gigantesques couloirs de ce monde de métal déchiré par une guerre civile entre deux factions. On est donc surpris par la grande rapidité avec laquelle le récit évolue et change radicalement d'univers, de thématiques. Un peut trop sans doute pour un projet basé sur la découverte de mondes cohérents, on aurait aimé prendre plus le temps de découvrir chaque environnement rencontré, ce qui aurait sans doute nécessité des albums de quatre-vingt pages au lieu de cinquante...
De façon très cohérente avec leur objet, les dessins d'immenses décors architecturaux sont la grande force de cette série, le dessinateur se faisant de toute évidence plaisir à inventer un monde que le scénariste a construit de façon très poussée (bien qu'à peine effleuré dans la narration), comme le montrent les cahiers graphiques à la fois composés de planches avant colorisation (et superbes!), de recherches graphiques sur les personnages et d'éléments de l'univers qui donnent de la substance au scénario. Je le dis très souvent, ce qui solidifie une histoire c'est le hors champ, ce qui est à peine évoqué, un objet ou un costume dans un coin de l'image dont on ne sait rien mais que les auteurs ont placé là pour une bonne raison. Ici tout semble pensé et avoir une justification et le lecteur ressent alors ce monde bien au-delà des seuls dessins. Sur ce point le projet est une vraie réussite. Je tiquerais juste sur l'idée un peu saugrenue expliquant le monde du tome un et qui fait perdre en crédibilité l'intrigue. Passons...
Les personnages son un peu moins impressionnants que les décors (probablement en raison de la technique très classique de Dubois, qui peut rappeler Serpieri ou le Bourgeon de Cyann). Ils sont en outre peut-être un peu légers: hormis le héros qui apporte une certaine tendresse par sa naïveté, chacun est défini par une seule idée, le copain costaud, l'amoureuse, la femme fatale, le méchant chef religieux,... Dès que l'on pénètre dans le vaisseau l'augmentation de l'effectif renforce l'intrigue en complexifiant les problématiques bien que ceux de l'intérieur soient également assez manichéens.
Finalement TER voit ses faiblesses dans sa force. Un peu comme les références citées plus haut l'on suit des personnages ballottés comme des fétus de paille au gré d’événements extérieurs et sans réelle prise sur leur destinée. C'est un peu dommage car on perd ainsi en intensité dramatique ce que les dessins, les décors et l'univers construit donnent en corps. On a néanmoins grand plaisir à découvrir ces mondes lointains et à craindre les disparitions de personnages, pas loin d'être aussi fréquentes que dans Game of Thrones... A la fois trop courts et laissant deviner une série longue de plusieurs cycles, TER est une belle odyssée qui parvient à donner de l'originalité à un genre assez balisé et occupé par des auteurs et séries réputées.
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Le troisième tome de l’odyssée mortifère d'Adam Osidis et du Roi fange arrive enfin et je peux vous rassurer de suite: Jerôme Opeña est de retour en intégralité sur ce volume après un intermède très dommageable sur le précédent livre. La couverture puissante invoque le retour du grand archiviste (la mort) entraperçu sur le premier tome. Comme d'habitude, après un lancement attirant avec un prix à dix balles et moultes bonus, Urban nous sert ensuite le service minimum: album, couvertures de chapitres en brut et quelques couv' alternatives. Je parlais cette semaine de Daniel Maghen, on en est loin et on se demande en quoi consiste le boulot d'éditeur. Bref...
Après la mort de la reine blanche, Garils, le roi fange est libéré de ses liens et peut maintenir son emprise sur Adam Osidis, de plus en plus convaincu qu'il doit lui faire confiance. La quête des sources de Zhal les conduits chez les pirates du ciel, dirigés... par le propre fils du roi Fange. Alors que ce dernier montre encore une fois sa capacité à prendre soin de ses dévoués, la fraternité continue la poursuite, sans savoir qui de Garils ou d'Osidis sera le plus dangereux...
Rick Remender est sans conteste pour moi le plus impressionnant des scénaristes américains en activité. Loin de la notoriété d'un Mark Millar qui peine souvent à aboutir ses exceptionnelles idées, il est une sorte d'aristocrate du comics, ayant officié sur beaucoup de séries de super-héros mais œuvrant depuis des années dans l'indépendant avec une exigence graphique et thématique assez hors du commun. Beaucoup ont pointé le caractère pessimiste, voir dépressif de ses bouquins, ce qui est vrai. Comme tout grand auteur il y a des constantes dans on œuvre, comme la filiation, la responsabilité paternelle et l'insoluble recherche du bon choix...
Il y a de tout cela dans Seven to eternity, série exigeante et dont on sent la recherche de difficulté à chaque choix d'écriture ou de dessin. Il en découle un univers visuel unique proposant des versions totalement originales de grands concepts tels que les pirates, la mort, les ancêtres... Surtout (je le dis dans une critique que deux!) cette série est dotée d'un méchant que je vais qualifier d'aussi charismatique et fascinant que le Thanos du film Infinity war! Sans être le seul moteur de cette histoire, le roi fange permet au scénario de maintenir une tension permanente autour des choix du héros, le torturé Adam Osidis qui tôt dans la série fera le choix de sauver le tyran pour se sauver et sauver sa famille.
Dans les deux précédents tomes Osidis était un être en questionnement, assumant difficilement ses choix. L'intervention brutale du fils de Garils et la menace immédiate qu'il fait peser sur son "sauveur", de même que le sauvetage du clan Osidis par les hommes du dictateur poussent le héros à passer à l'action, résolument, pour sauver son "ami". La subtilité de Remender est de ne pas surjouer le machiavélisme du méchant. Il juxtapose simplement les faits (l'action positive de Garils sur la vie d'Osidis) et les idées. Il confronte Osidis comme un pragmatique face aux idéologues incarnés par Gobelin et la reine blanche. Le lecteur est perturbé comme jamais, se retrouvant dans la peau du personnage sans aucun élément lui permettant de déterminer objectivement ce qui est bien et ce qui est mal. Complexe et intellectuellement passionnant!
Graphiquement Opeña est au top, même si on regrettera des arrière-plans assez vides. Mais ses personnages sont tellement travaillés et surtout le design de chaque créature, personnage, architecture, sont tellement originaux et réussis qu'on lui pardonne volontiers cette économie (... qui permet sans doute de tenir une cadence correcte entre chaque volume). Seven to eternity surprend constamment, que ce soit dans la violence crue, le décalage entre le récit a posteriori d'Osidis qui ouvre chaque chapitre et l'action que l'on découvre. Surtout, Remender nous propose un récit éminemment politique dans lequel on peut trouver sans difficulté un commentaire de notre monde, du rapport des citoyens au pouvoir et du rôle des élites entre esprit visionnaire dictatorial et réponse aux demandes des administrés. Dans une amérique trumpiste fascisante comme jamais on ne peut que saluer la capacité de cet auteur à dresser une analyse si adulte dans un habillage de dark fantasy de loisir. Ce n'est pas si souvent que l'on peut lire de la BD d'aventure à la réflexion si poussée. Pour moi il s'agit de la série la plus réussie de Remender avec le génial Tokyo Ghost.
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Cette critique porte sur les trois premiers volumes parus en France, qui suivent exactement la parution reliée US. Quinze épisodes sont actuellement parus, sur une trentaine envisagée à terme pour la série (environ cinq chapitres par volume). Chacun des albums comportent en fin de volume plusieurs textes sur les problématiques de la Hard-Science-fiction et sur l’univers d’Invisible Republic. Moyennement intéressants mais ils ont le mérite de donner des infos de la scénariste sur sa création et c’est toujours à saluer.
Sur la lune Avalon le régime dictatorial d’Arthur MacBride est tombé, laissant place à un gouvernement dont les mœurs démocratiques riment avec éloignement des centres du pouvoir martien du Commonwealth. Nous sommes en 2843, l’humanité a essaimé sur des exoplanètes grâce à des vaisseaux générationnels. Un journaliste va découvrir l’existence d’une proche du dictateur, dont le témoignage peut remettre en question toute l’historiographie officielle et secouer jusqu’aux fondements politiques du régime martien.
The invisible Republic jouit d’un sacré buzz au sein des blogueurs et dans la galaxie des comics indépendants. Ses très jolies couvertures et son étiquette de « SF politique » m’ont assez vite attiré… Première déception, les dessins. Je ne peux pas dire qu’ils soient mauvais, mais ils font partie d’une école graphique qui ne me plait pas, avec un style imprécis qui peut avoir un intérêt pour refléter une ambiance mais que je ne trouve pas joli esthétiquement. Pour les mêmes raisons que Lazarus, autre dystopie très politique, que Sheriff of Babylon, ce graphisme m’a empêché d’entrer dans cet univers pourtant riche, ambitieux, réaliste. En outre la colorisation donne un aspect « sale » certainement recherché mais qui accentue l’impression à la fois de zone de guerre, de documents récupérés et clandestins qui collent parfaitement avec le sujet, mais n’aide pas à la lisibilité. C’est très subjectif bien sur, certains aimeront.
La grosse qualité supposée de cette série est son réalisme et son côté politique. Là aussi j’ai été déçu par un scénario assez déstabilisant, qui semble fuir l’action et les scènes choc. On est dans une certaine normalité avec l’ambition des auteurs de déconstruire la mythologie que tout régime politique se construit. Sur ce point c’est très réussi et efficace. On a plus l’aspect d’un documentaire (le personnage axial est le journaliste) que d’un thriller politique. De même, l’histoire commence en suivant ce journaliste assez insipide alors que l’on réalise progressivement que le centre de l’intrigue est la cousine du dictateur, personnage très réussi pour le coup et que l’on retrouvera à différents ages de sa vie et de prise de connaissance par le lecteur de son journal et donc du déroulement de l’ascension du dictateur MacBride.
Vous l’aurez compris, Invisible Republic est une série exigeante avec des auteurs qui (un peu comme Christophe Bec…) s’efforcent de brouiller la lecture, de densifier en poussant le lecteur à l’effort, par des croisements constants de narration (maintenant, le récit de Maïa, la vie passée de Maïa). Cela participe de l’ambiance complexe bien sur, mais cela rend la lecture compliquée, peu fluide en créant des énigmes artificielles. Ce comic est sans doute une série à lire en intégralité quand elle sera finie et l’attente des volumes n’aide certainement pas à rester plongé dans cette atmosphère de hard-science. La scénariste a écrit en fin d’ouvrages plusieurs textes de réflexions sur les problématiques que pose cet univers: le voyage inter-générationnel, la faune et la flore, la gravité, l’ascenseur spatial,…autant d’éléments passionnant pour tout amateur de SF. Il est dommage que ces thèmes soient finalement assez peu abordés dans la BD qui tourne autour de l’enquête de ce journaliste lâche et peu charismatique en laissant un peu confus le but recherché: chronique ethno-politique d’une lune ou description d’une révolution? Personnellement je suis plus intéressé par la seconde et la description SF n’est pas soutenue par des dessins qui auraient nécessité d’être plus précis, plus design.
Je ne voudrais pas laisser penser par une chronique trop négative que The invisible Republic est un mauvais comic. Il est certain que j’ai moyennement accroché et que le déroulé avance assez lentement. Mais la lecture du troisième tome a un peu remonté mon intérêt, avec des dessins que je trouve améliorés, plus nets et colorés et surtout une intrigue qui se simplifie, non dans son scénario mais dans son déroulement, plus linéaire. Du coup l’attention gagnée par le lecteur peut se concentrer sur les détails et l’ensemble y gagne en qualité. On ne peut du reste que saluer l’investissement des auteurs dans une série atypique à tout point de vue et qui fait une proposition novatrice si ce n’est très créative. Pour les amateurs.
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J’entends parler de Frederik Peeters depuis quelques années mais n’avais jamais ouvert un de ses albums pour plusieurs raisons: d’abord l’homonymie avec l’autre Peeters (oui, j’en suis désolé mais il m’arrive de confondre des auteurs), ensuite des couvertures moyennement attirantes (L‘homme gribouillé pas du tout, celle-ci moyennement mais assez basiquement western). Mal m’en a pris puisque en découvrant son rêve métaphysique Saccage j’ai été éberlué par son très grand talent technique allié à un univers très personnel…
Oscar Forrest est photographe et participe à une expédition dans le grand Ouest, en compagnie d’un géologue fort en gueule et un garçon de ferme chargé de l’entretien du matériel. Le trio cohabite dans d’étranges relations entre méfiance et attirance. Autour d’eux les éléments à la puissance incommensurable, une nature belle et redoutable, mais aussi d’étranges rôdeurs. A mesure que chacun voit révéler les raisons de leur participation à ce voyage initiatique, les faux-semblants tombent…
Alors que le monde de la BD (re)découvrait le talentueux Meyer et son Undertaker érigé en héritier directe du Blueberry de maître Giraud, on en oubliait (moi le premier) combien ces garçons affamés se rapprochaient bien plus de l’univers ésotérique et un peu New Age prôné par l’auteur d’Arzach et son comparse Jodorowsky. Il y a clairement ces deux filiations dans cet album à l’atmosphère unique, faite de silences, de regards et de rêves. Ce dandy urbain transposé dans l’Ouest sauvage dénote et l’on sait rapidement qu’il fuit quelque chose. L’attitude des trois hommes est étrange dès les premières pages, comme des incarnations des trois ages de la vie, trois ages où l’appétit sexuel varie. Il est question d’homosexualité bien sur dans cette histoire, toute en pudeur, mais plus globalement des conventions et des normes. Je remarque souvent l’écriture des scénaristes femmes, assez différente de celle des hommes de par leurs thèmes et leur traitement. C’est le cas ici où Loo Hui Phang installe ses trois personnages comme se courant après, dans une hiérarchie rappelée par le chef Stingley qui a pourtant la curieuse manie de se promener fesses à l’air… Ses deux acolytes rejettent ces normes pourtant, celles qui font de Milton une sorte d’esclave et celles qui empêchent Oscar d’expérimenter librement son art photographique. Il est question de l’image aussi, celle de la BD, des grands espaces, des cadrages improvisés et renvoyant sans cesse à l’objectif du photographe, aux images mentales enfin, lorsque le monde intérieur, des rêves, des pensées, pénètre celui des vivants.
Très vite un petit mystère est présenté au travers de ces deux chasseurs, le pistolero défiguré et l’indien shaman. Que veulent-ils? L’un incarne sans doute la civilisation qui rechigne à laisser partir les deux jeunes gens, l’autre la liberté émancipée des corps… Comme dans tout récit initiatique, ésotérique, L’odeur des garçons affamés laisse son lecteur errer sur des images et des sons sans toujours véritablement comprendre ce qu’il voit. Et c’est agréable aussi de ne pas toujours chercher de sens lorsque le dessinateur laisse divaguer son imagination, comme Peeters l’explique dans ses motivations sur Saccage.
Visuellement on a les couleurs de l’ouest, assez tranchées, dans les orangés et les verts tendres. Le trait du dessinateur est très élégant, très maîtrisé, à la fois encré et hachuré, permettant des lignes fines remplies d’ombres colorisées. Essentiellement constitué de plans rapprochés, des visages de ses personnages, l’album se savoure avec gourmandise. Un auteur que l’on sent capable de tout dessiner avec facilité…
L’odeur des garçons affamés est un magnifique one-shot sans autre lacune que l’aspect inexpliqué inhérent à ce type d’histoire. Mais l’on aime voir l’amour naître entre ces deux insolents et la magie shamanique prendre corps dans ce monde où la Nature semble permettre un retour à l’essentiel. Une belle histoire faite de beaux dessins répondant à une belle écriture. Une odyssée à lire assurément pour s’évader en compagnie de deux amants libres.
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La jolie couverture très poétique de cet album et la maquette élégante (comme toujours chez Comix Buro) donnent envie d'ouvrir l'album. A noter que le studio d'Olivier Vatine publie désormais en tant que tel ses albums, dans le cadre d'une sorte de Join-venture avec Glénat, ce dernier gérant la fabrication quand tout le travail éditorial est intégré chez Comix-Buro. L'auteur 'Fane a déjà collaboré avec le studio sur le diptyque Streamliner qui avait joui d'une excellente audience à sa sortie. Vatine travaille toujours en "famille" et je dois dire que si sa régularité d'auteur peut agacer, sa qualité artistique pour lancer projets, auteurs et collections impressionne.
Megan se réveille d'un sommeil de 49 ans, amnésique. Son hôte lui dit qu'elle était volontaire sur le projet Hope, anticipation d'un apocalypse nucléaire sur Terre et destiné à recommencer l'humanité avec une équipe triée sur le volet. Mais Megan a peur. Elle doute, elle panique. Elle veut sortir de cette station spatiale, cercueil autour d'une planète devenue inhabitable...
Hope One est une version d'un genre très balisé: le huis-clos paranoïaque post-apocalyptique, ici transposé dans un vaisseau en orbite. Beaucoup de très bons films notamment sont sortis sur cette intrigue (récemment Cloverfield lane)et il est difficile de surprendre tant les hypothèses sont peu nombreuses et basées principalement sur la capacité de l'auteur à focaliser l'attention du lecteur sur le personnage principal et son esprit perturbé. Pour moi la réussite d'un tel album réside ainsi surtout dans l'efficacité et le respect des canons du genre. Faute d'originalité il faut parfaitement exécuter la figure de style.
Sur ce plan l'album est très réussi et montre une grande maturité, notamment scénaristique, de 'Fane qui déroule son intrigue progressivement dans un faux-rythme constitué de coupures temporelles destinées à nous rendre impossible toute appréciation d'une continuité. L'idée est de nous faire ressentir la désorientation de son héroïne. Le cadrage de l'intérieur du vaisseau (assez réussi et détaillé) nous interdit toute exploration de l'environnement, qui ne transparaît que subrepticement par le hublot. et par des plans extérieurs de la station. Là encore dans une technique éprouvée, le lecteur ressent l'angoisse en étant obligé d'imaginer ce que peut être le hors champ.
Tout se passe donc entre les deux personnages et rapidement on réalise que Megan est totalement dépendante de ce que lui dit Adam. Celui-ci, d'un physique et d'une allure très bienveillante, bonhomme, rassure dans un premier temps, avant que Megan ne panique et nous fasse douter de lui. Quelques éléments font monter la pression, comme ces cachets qu'il lui fait avaler ou le fait de se réveiller chaque jour nue dans son lit sans se souvenir du comment... Adam agit normalement, en technicien de vol qu'il est, opérant des sorties spatiales, suivant le protocole de contact des autres Hope en orbite autour de la Terre, mais chaque fois il est impossible à Megan d'en savoir plus. Il lui explique que son amnésie et l'isolement spatial provoquent une paranoïa qu'il lui faut contrôler. Qui dit vrai?
J'avais feuilleté Streamliner et avais moyennement accroché sur les dessins, pas assez précis. 'Fane est très clairement dans la filiation Vatine, avec des visages parfois presque sans contours, de beaux encrages mais une certaine économie du trait qui se repose sur la très jolie colorisation d'Isabelle Rabarot (coloriste de Vatine et figure incontournable de la collection Série B Delcourt à l'époque). Je trouve cela dommage et reprocherais donc la même chose à cet album qu'aux dernières BD d'Olivier Vatine: une qualité graphique un peu gâchée. On pourra dire que la sortie rapprochée des deux volumes de la série (le second était annoncé pour mai, on peut prévoir une sortie à l'automne) justifie une réalisation rapide. En outre on voit déjà une progression du trait de l'auteur depuis sa précédente série.
En conclusion, Hope one s'avère un album très formaté, comme tout bon blockbuster ciné, surfant sur des ressorts psychologiques éprouvés mais très bien maîtrisés. Hormis l'atypique Mort vivante (en raison du graphisme unique de Varanda), les albums de Comix Buro, comme ceux de Série B autrefois, n'ont pas une grande ambition mais assurent le job tant graphiquement que par leurs concepts. Je le disais en introduction le risque des histoire à twist final est d'être déçu. Il faudra voir le prochain album pour savoir où on en est après le cliffhanger attendu. D'ici là cet album jouit d'une réalisation tout à fait solide, qui donne du plaisir et fait attendre la suite. C'est ce qu'on attend avant tout...
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A chacun des albums de la (plutôt très intéressante) collection Conan le cimmerien j’hésite longuement entre les deux versions proposées. Je possède la NB grand format de La fille du géant de gel qui est vraiment superbe, tant par le format, papier utilisé que par le rendu graphique des planches non colorisées… mais n’a que peu de bonus (quelques illustrations additionnelles et aucun rédactionnel). La version couleur de Toulhoat et Brugeas et celle-ci de la très douée Virginie Augustin (dessinatrice d’une des meilleurs séries de ces dernières années, Alim le Tanneur avec Lupano) comporte un très intéressant texte explicatif sur la nouvelle qui sert de matériau de base à l’album et permet d’apprendre pas mal de choses sur l’auteur Robert E. Howard. Quelques illustrations d’autres dessinateurs complètent le cahier bonus. Tip-top donc question édition, juste étonnant que Glénat ne propose pas le même contenu sur la version de luxe. Enfin, malheureusement, la couverture ne rend vraiment pas hommage à la qualité graphique d’Augustin sur cet album. C’est étonnant et vraiment dommage…
Cet album est celui que j’attendais le plus depuis le lancement de la série. J’ai gardé un excellent souvenir d’Alim le tanneur, non que le style d‘Augustin soit absolument original, mais il se dégage de ses dessins un mouvement, une ambiance vraiment particulière. Il me semble qu’il s’agit en outre du premier album en solo de l’autrice et je dois dire qu’elle s’en sort remarquablement bien. L’adaptation des nouvelles Conan ne vise pas à révolutionner le scénario de BD. Il s’agit surtout d’une vision graphique d’auteurs confirmés et sur ce plan Augustin parvient à insuffler un esprit féministe très intéressant dans ce monde barbare où le Conan classique avec son slip de peau est conservé, pour mon plus grand plaisir (je suis un enfant de Conan le barbare, le film de John Milius!).
Dès les toutes premières pages la sauvagerie du cimmérien s’illustre, taillant en morceau le poursuivant de la donzelle. Si l’on ne voit que très subrepticement les palais des Hyrkaniens on en regretterait presque que l’autrice ne s’attarde pas plus sur cet univers des mille et une nuits où son dessin prends toute sa force en des matières subtiles. Mais le sujet est autre, fait d’île tropicale devant servir de piège pour les deux fuyards, en migrant vers l’univers de la piraterie que nous laisse deviner la conclusion très alléchante… mais que l’on ne verra jamais. Car on touche là une des limites de cette série, son format, variable selon les auteurs mais relativement proche d’un format classique de 46 planches… ce qui est trop peu pour pouvoir donner toute l’ampleur d’une histoire sauvage en one-shot. Il nous faut donc prendre ce que l’on nous offre avec ce petit regret.
Si la physionomie du barbare semble au début hésiter avec une étonnante gueule carrée presque néandertalienne (les croquis finaux nous montre les différentes versions), la subtilité du personnage surprend, lorsque la fille, incarnation de la faiblesse, craint de se faire viol(ent)er par lui. L’homme armé de son épée est sans peur dans l’espace ouvert de la forêt et y protège la fille. Dès qu’ils pénètrent dans l’étrange temple aux statues de fer le caractère féminin, perméable aux esprits, se connecte avec l’histoire du lieu pour avertir l’homme du danger. On aurait encore une fois aimé que soit poussée cette relation et l’histoire du personnage lumineux, mais il n’y avait pas la place. Cela permet cependant de garder cette part inquiétante que produit le genre fantastique, le lecteur ne sachant jamais le pourquoi du comment. L’équilibre est du reste parfait entre combats hargneux, début d’intrigue et pauses contemplatives sur les paysages luxuriants magnifiquement colorisés par Virginie Augustin. Tout est juste dans cet album, des dessins au découpage qui se permet quelques superbes pleines pages, dont cette séquence de massacre rouge remarquablement construite.
Un peu de frustration donc, avec une histoire qui se rapproche un peu du Colosse Noir, avec sa magie et sa relation homme/femme, les deux auteurs de celui-ci ayant pris quelques pages de plus pour finaliser une histoire qui s’avère ainsi plus confortable. Mais Virginie Augustin nous propose ce que l’on attend, une vraie histoire de Conan que l’on aurait très sérieusement envie de voir continuer ses aventures sur la mer intérieure. Pour ma part j’ai commencé à lister les albums d’Augustin que je n’ai pas encore lus avec une grande envie de rattraper mon retard! Et cet automne la version de Vatine et Cassegrain arrive alors que 2020 prépare du très lourd avec rien de moins que Valentin Sécher, Timothée Montaigne et Stepan Sejic…
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En entamant la lecture des Enfants de la colère je ne pensais pas lire un album jeunesse... C'est pourtant le cas et cela ne m'a absolument pas gêné tant la mise en case est dynamique, utilisant les techniques du manga pour illustrer la rapidité d'action. J'ai notamment beaucoup aimé l'utilisation très poussée des onomatopées qui sont ici un vrai personnage graphique, prenant une place importante dans l'image, suivant des courbes et des formes qui apportent à l'impression souhaitée au-delà de la sonorité même du texte. Ce n'est pas absolument nouveau mais assez rare et j'aime beaucoup ce genre d'innovation dans le genre BD qui est assez formaté.
L'intrigue est une trame simplifiée d'un récit guerrier avec méchants soldats hyper-équipés et gentils résistants avec un groupe d'enfants abîmés qui se vengent en utilisant des robots. Car c'est là le gros atout de la BD et l'envie des auteurs: proposer aux enfants une histoire de Mechas. Leur design est très réussi, permettant aux lecteurs d'identifier le caractère de chaque robot à l'enfant qui le pilote. Je pense d'ailleurs que Talia et Jean-Pédrovitch ont surtout accroché à cet élément. Les dialogues sont plutôt sympa, les personnages très archétypaux mais variés et la bande de jeunes est une mécanique habituelle aidant les jeunes lecteurs à s'immerger dans l'intrigue. Graphiquement Nico Naranjo se rattache plutôt à l'école Miyazaki avec des contours ronds et des hachures qui textures les formes. Il hésite un peu entre deux styles, ce qui a pu perturber les enfants, avec en effet une histoire assez dure et des dessins jeunesse. le découpage en revanche est très dynamique et renforce l'action, assez omniprésente dans ce premier volume.
Comme pour Garbage Night qui proposait un post-apo aux jeunes, l'album des espagnols Damian et Nico Naranjo a le mérite d'initier les enfants à de la SF militaire (pas toujours drôle!) et aux combats de robots.
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La couverture de cet album et le pitch l'ont envoyé directement sur ma page des albums les plus attendus... Elle va également illico dans mon top annuel 2019 catégorie Couverture tant cette image et le design du titre marquent et donnent terriblement envie de lire l'album! Bravo global pour cette composition à la fois esthétique et efficace... avec le risque que l'envie donnée ne soit pas totalement récompensée (j'y reviens plus bas). Hormis cela rien de particulier niveau éditorial.
La Guerre a duré quatre ans. Après un demi-million de morts et une politique de conquête sauvage de l'Union, le Sud est ravagé. Après cet enfer nombre de femmes se retrouvent seules dans ce qu'il reste de leurs grandes propriétés. La Loi n'existe plus et permet à des bandes de d'anciens soldats de mener des raids à la sauvagerie inouïe. Rescapées de ces massacres, Dorothy et la jeune Alice vont tenter de se reconstruire entre un monde mort et un imaginaire qui peut leur permettre une certaine résilience. Bientôt elles rencontrent des hommes. Abîmes, fuyant, semblant rechercher la même chose qu'elles. Mais peut-on leur faire confiance?
Damien Marie est une véritable découverte pour moi, n'ayant rien lu de lui et découvrant sur cet album un véritable talent d'écriture comme de découpage. Cette histoire n'était en effet pas simple à développer et très piégeuse. Les histoires de survivants de la guerre, les horreurs de la Guerre de Sécession, ont été beaucoup traités, de même que les variations plus ou moins pertinentes et réussies sur les classiques de la littérature imaginaire. Ici Dorothy et Alice font bien évidemment référence aux pays des Merveilles et d'Oz. L'intelligence de l'auteur est d'utiliser subtilement les références sans tomber dans des liens forcés. Car son histoire est originale et n'a pas vocation à reprendre celles de Lewis Carol et de Lyman Frank Baum. Elle sert de vecteur pour comprendre le traumatisme de la petite fille et son refuge dans un monde imaginaire apaisé. Par moments Marie pose un chat (que l'on suppose de Cheshire), un chien ou un Chapelier... qui restent des habillages, des coloration pour ce qui est le récit dramatique d'une fille violée après le massacre de sa famille. L'Enfer du titre est cette Amérique des Etats du Sud dont les yankees cherchent à se venger en déchaînant les atrocités partout. Comme s'il ne devait rien rester de cette culture certes esclavagiste mais réelle.
L'enfer s'est construit jour après jour, livrant le Sud à la cendre...
La qualité première de cet album est donc ce réalisme qui ne cherche pas à atténuer la dureté des évènements mais sait subtilement suggérer l’indicible, que ce soit graphiquement, par un découpage inventif et élégant (comme cette flaque en première page qui crée un miroir entre deux mondes) ou par le texte très agréable. Sous la forme d'une pseudo-chasse à l'or de soldats rebs blessés et démobilisés qui rencontreront les deux filles, les auteurs nous montrent des gueules cassées, des humains ayant vécu les uns le front et les mutilations, les autres la barbarie de l'arrière, qui ne souhaitent qu'à trouver la paix. Le chêne de l'histoire est Dorothy, que Fabrice Meddour prend plaisir à dessiner et dont l'inspiration a créé cette magnifique couverture. Plus âgée que la fillette, elle est la seule qui semble parvenir à gérer son trauma et réagit dans ce monde ravagé en prenant son destin en main. La galerie de personnages est intéressante, étonnante lorsque l'on s'attend à voir les hommes se défendre de l'agression d'un chefaillon bleu ou lors de la rencontre avec Dorothy. Car si l'aspect de cette équipée reprend les codes du western avec une définition graphique assez simple, ce qui intéresse Marie et Meddour c'est comment on parvient à s'échapper sans tomber à son tour dans la sauvagerie, sans se méfier de tout le monde.
"La reine et le chapelier ont trahis les leurs pour rejoindre le sorcier"
Pour représenter ce monde d'après, Fabrice Meddour propose des tableaux très élégants, en couleur directe avec des choix monochromes variés selon les ambiances et irruption de couleurs vives par moments. Cela permet d'illustrer un monde terne, où la vie semble s'être échappée, comme un voile dressé par ces survivants sur une réalité trop dure. J'avais découvert cet auteur à la même époque que les premiers albums de Luc Brunschwig, sur Le temps des cendres, où j'avais beaucoup aimé son style. Je suis surpris de voir que les faiblesses techniques de l'époque sont toujours présentes, notamment sur les visages et anatomies en situation d'action. Comme chez Perger ou Nguyen cela s'explique en partie du fait de la technique utilisée (qui exclue pratiquement les encrages) qui rend compliquée une grande précision sur les petites cases. Car Meddour sait pourtant dessiner et propose des planches superbes, sensibles et magnifiquement colorisées. Il n'est pas le plus techniques des dessinateurs BD mais propose un design agréable et qui dégage une certaine élégance. Autre détail dommage: les onomatopées sont étonnamment imprimées informatiquement en contradiction avec l'aspect très artisanal de l'album. Dommage.
"Vos cicatrices vous vont bien Hunk..."
Sur le premier tome de ce diptyque au sujet très intéressant, sensible et particulièrement bien écrit, les auteurs nous proposent une vision originale de l'après guerre, une histoire de survivants à la fois dure et sensible, un bel objet où l'on ressent le plaisir et l'investissement des auteurs. Je le conseille.
A lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/06/22/apres-lenfer
Très bonne surprise que cet album à la maquette et identité graphique surprenante. Que ce soit le dessin d'Aseyn qui emprunte totalement aux manga un peu rétro et mal imprimés ou aux vieilles BD vintage on sent dans la démarche du projet l'intention de s'éloigner des canons commerciaux faits de belles couvertures aux couleurs éclatantes. On a donc un vrai manga, que ce soit par son thème (de jeunes gens découvrent un monde virtuel qui prends le dessus sur leur vie réelle) ou par le dessin et design. Sur ce plan, si les personnages sont un peu rapidement dessinés, les plans larges spatiaux et vaisseaux sont remarquables par leur technicité et gigantisme. Du coup la lecture de ce premier volume est très agréable et nous introduit dans l'univers des jeux vidéo avec son langage particulier à base de Level et de respawn... Sur le pitch on est très proche du Ready player One de Spielberg, avec des airs narratifs des Jours qui disparaissent. On suit donc une étudiants du futur qui découvre ce monde virtuel et à tendance à s'y perdre, le récit passant abruptement de séquences virtuelles au réel de façon à montrer la perte de sens de l'héroïne qui s'éclate avec les possibilités fabuleuses de cet univers où elle semble exceller en tout. Une BD qui donne du peps et qui peut devenir un vrai blockbuster pour peu que le graphisme s'affine un peu.
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J'ai enfin lu le premier volume de la suite, "Rouge", du manga Innocent paru en 9 volumes et critiqués sur le blog. Si la césure en deux séries distinctes me laisse un peu dubitatif (la petite sœur terrible, Marie-Joseph, est déjà adulte et possédant un office de bourreau à la fin de la série mère), on commence ici sur exactement les mêmes bases avec une exécution "clinique", des dessins somptueux (réalisés en numérique, pour ceux qui s'interrogent...), un Charles qui semble rentré dans le rang après ses velléités de changer l'ordre établi et une Marie-Joseph décidée à utiliser tous les expédiant en sa possession pour venger la mort de son amant. Ce premier volume s'attarde sur l'exécution du responsable de l’incendie criminel où ont péri les enfants d'Alain et sur une pauvrette, mise enceinte à douze ans et condamnée à mort après un accouchement assez barbare. Ça commence doucement, avec toujours un grand soin à la précision historique. On en redemande curieux de voir comment les idées abolitionnistes des frangins Sanson vont opérer à l'aube de la Révolution...
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Le tournoi en mode Battle Royal pour la survie des univers commence, dans une arène adaptée et avec un respect des règles très stricte: tous les combattants s'engagent en même temps, il est interdit de tuer l’adversaire et toute sortie du ring vaut élimination. La présence de Freezer va quelque peu fausser cette bataille... Ce tome est entièrement dédié au tournoi. Du coup, comme souvent sur DB l'alternance humour/baston tourne ici totalement vers le combat avec quelques rebondissements classiques dus aux coups tordus de Freezer ou des pouvoirs particuliers de certains combattants. Les auteurs se lâchent un peu en mode "invente-moi un combattant" et l'on retrouve un peu l'imagination délirante des premiers Drabonball avec ses dinosaures et autres démons invoqués... A mesure que les combattants sont éliminés on devine un affrontement Goku/Vegena/Jiren/Hit mais Toriyama joue maintenant depuis quelques temps avec son lecteur sur la rivalité Goku/Vegeta et on risque d'avoir des surprises. Pas le plus original des albums de la série mais si vous aimez les combats dans DB c'est suffisamment dynamique pour ne jamais vous lasser.
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L'exigence graphique du catalogue de cet éditeur est importante et quand on regarde ce Vampire de Barcelone, avec une préface, une introduction, un épilogue, une conclusion (le tout illustré de journaux d'époque dans une très bonne définition), un cahier graphique et la première BD réalisée, en 1912 sur l'histoire de la Vampire de Barcelone, on ne peut qu'être élogieux. Cela participe grandement à l'appréciation générale sur l'album et l'immersion du lecteur.
En 1912 toute la ville de Barcelone est en effervescence après la disparition d'une fillette dans le quartier populaire d'El Raval. Très vite l'enquête révèle une affaire qui n'a rien de banale et semble impliquer des personnalités de la haute société catalane. Entre la personnalité de la suspecte, surnommée "Vampire" et les difficultés de l'avancée de l'enquête, le juge Fernando de Prat voit son professionnalisme mis à rude épreuve...
La Vampire de Barcelone intrigue par son titre et une couverture qui fait penser à l'orphelinat du film Les trois brigands. La qualité des encrages (comme souvent chez les dessinateurs espagnols) et des couleurs saute aux yeux dès cette première image au design élégant. Les auteurs nous proposent une véritable enquête policière dont le suspens ne portera pas sur l'identité du criminel (la fameuse vampire sera arrêtée dès les premières pages) mais bien sur la mise au jour d'une machination dont on ne sait si le plus horrible est les actes de la criminelle ou le cynisme des dignitaires qui couvrent ses agissements. La mécanique du scénario est la classique découverte d'éléments successifs, reprenant les confrontations entre juge d'instruction et suspecte, découverte d'indices, intervention de tiers maléfiques etc. Mais l'on sent que nous avons surtout affaire à une chronique de l'époque, des mœurs de l'Espagne d'avant Guerre, une société corsetée dans ses classes sociales et des puissants qui se croient tout permis, y compris le plus flagrant viol de la morale chrétienne et sociale. Ce qui fascine c'est, comme dans tous les documentaires, la confrontation de la BD avec les documents d'époque, le fait de savoir que ces évènements se sont vraiment passés.
La lecture ne garde pas moins l'aspect thriller avec une machination très efficace à mesure que le juge de Prat découvre les protection dont jouit Enriqueta Marti, qu'il se fait agresser et que les pièces à conviction disparaissent. Nous avons ainsi tout le long ce qui fait le sel des films à dossier avec des officiers idéalistes bataillant avec la procédure malgré des preuves qui devraient condamner l'auteur du rapt très rapidement. Le rythme n'est pas entrecoupé de coups de théâtres mais plutôt constitué d'une certaine linéarité dans la progression de l'enquête. Une sorte de tableau criminel où l'on se demande à chaque évènement si les véritables commanditaires historiques sont allés si loin ou si les auteurs ont pris des libertés. Les textes des annexes nous indiquent que le sujet a été relativement bien traité outre-Pyrénées dans la littérature et que la BD est bien restée au plus près des éléments connus, appuyée sur une documentation assez abondante dès les premières semaines des évènements. Totalement inconnu de par chez nous, on imagine néanmoins les cas similaires qui se sont produits dans l'histoire criminelle de notre pays au début du XX° siècle.
L'album nous permet de découvrir également un dessinateur (Jandro Gonzalez) de grande qualité, qui nous rappelle Jordi Lafebre et dont ce premier album BD en France laisse présager de très belle choses s'il devait continuer dans l'illustration album tant son talent, notamment dans les encrages et l'expressivité des visages, s'étend du réaliste-glauque au comique. Le rendu des espaces (essentiellement huis-clos), la dynamique des cadrages et une colorisation très élégante en font un bon représentant de l'école hispanique, style que j'adore et qui montre une qualité technique et esthétique redoutable depuis quelques années dans la BD franco-belge.
Cet album est une étonnante surprise de professionnalisme qui montre l'ambition croissante de ce petit éditeur alsacien qui semble se spécialiser pour l'instant dans les auteurs espagnols et italiens. L'alliance de beaux dessins expressifs, d'une documentation de qualité et d'un scénario efficaces font que ce sujet inconnu qui n'avait pas vocation à intéresser outre Espagne deviens une BD grand public qui rend curieux et montre que bien traité tout sujet est passionnant.
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L'album de Runberg et Miville-Deschênes est une suite d'une nouvelle de Richard Connell et non du film adapté qui lui a valu la gloire. Il a été proposé par le dessinateur à son scénariste de Reconquêtes, avec l'envie de traduire graphiquement les impressions ressenties à la lecture du texte. Le lien avec le texte d'origine est à la fois très fort (l'album comporte une longue introduction rappelant les événements précédents) et étiré notamment par la fin qui annonce une probable extension (j'y reviens). Comme d'habitude chez Signé, nous avons un très bel album (je ne suis pourtant pas super fan de l'illustration de couverture qui semble pourtant avoir été envisagée très vite) agrémenté d'un joli cahier final avec découpage du scénario, commentaires du dessinateur sur ses croquis préparatoires et explications de développement du scénariste. Du tout bon au niveau éditorial.
L'échec de Zaroff sur sa précédente chasse à l'homme l'a laissé dépressif. Réfugié avec ses hommes sur une nouvelle île, il découvre un jour une caméra devant le portail de son fort: la fille d'une de ses victimes a décidé de se venger et lance une chasse dont la proie n'est autre que la sœur et les neveux du comte. La situation chasseur/chassé semble s'inverser. Mais une fois sur le terrain, qui sera le prédateur le plus féroce?
François Miville-Deschêne fait partie de ces dessinateurs qui teasent beaucoup sur les réseaux sociaux et cette peinture de couverture, étrange avec ce vert et le look du comte circule depuis plusieurs mois, créant une envie certaine. Surtout depuis que j'ai découvert l'auteur en feuilletant en librairie l'intégrale de la saga d'antic-fantasy Reconquêtes, album qui m'a conquis autant par son scénario que par son graphisme quasi parfait. Car le dessinateur québécois est probablement l'un des plus techniques de la BD franco-belge. Juste pour vous prévenir: la lecture des pages de Zaroff ne souffrent d'aucun défaut esthétique! Concernant Sylvain Runberg je l'ai découvert sur la formidable série SF Warship Jolly Roger et je retiens deux choses: d'une part sa capacité à s'adjoindre la collaboration d'excellents dessinateurs, d'autre part l'imprévisibilité de ses scénarios, ce qui les rend très intéressants.
N'ayant ni lu ni vu La chasse du Comte Zaroff le projet n'avait aucune raison de m'attirer. Pourtant il se justifie par lui-même dans cet étonnant équilibre que les auteurs parviennent à insuffler à leur album, qui jouit de la mythologie du personnage avec la liberté d'une intrigue originale. Ou plutôt une revisitation. Un peu comme ce qu'a fait Abrams sur StarWars7 en remakant Un nouvel espoir. Du coup on passe les premières pages à se concentrer pour comprendre la chronologie des évènements précédents et le who is who. Je vous épargnerais une recherche internet inutile: hormis Zaroff et les personnages présents dans l'introduction tout ce que vous verrez dans l'album est original. Pourtant il s'insère avec fluidité et l'on a vraiment l'impression que tout cela est issu de l'ouvrage original. Cela s'appelle un background et Runberg est très doué pour développer ce hors champ qui donne une consistance à toute bonne histoire.
Mais le cœur de l'ouvrage est l'aventure, avec une recette simple: un méchant (très) charismatique, une bande de bandits très armés avec à leur tête une héritière contestée par ces machos irlandais, un environnement naturel plein de pièges, d'animaux sauvages et de décors grandioses,... Soyons clairs, le vrai héros de l'histoire est Zaroff et les auteurs se cachent à peine de leur envie de nous narrer ses prouesses. Il est un monstre mais est chassé par des bras cassés pas forcément plus vertueux. Fiona (la chasseuse) est également réussie avec son guide brésilien, sorte de crocodile Dundee. Mais la donzelle au caractère bien trempé reste dans l'ombre de ce que cherchent à nous narrer Runberg et Miville-Deschênes: ce génie du mal est invincible pour peu qu'aucun tiers ne vienne fausser ses plans. On réalise ainsi progressivement que l'enjeu n'est pas de savoir si Zaroff va s'en sortir mais plutôt combien d'irlandais survivront...
L’île est un décors improbable mais grandiose, avec des formations géologiques incroyables et des panoramas qui semblent presque issus de mondes Fantasy. Surtout, le dessinateur se régale dans ses palettes de couleurs, ses décors de jungle, ses falaises, ses arrières plans aussi détaillés que les personnages, il semble à l'aise partout. Du fait de l'histoire on peut ressentir une légère monotonie d'environnement mais l'action et la qualité du trait font que l'on n'a pas le temps de s'ennuyer une seconde. Disons pour chipoter que la partie graphique est légèrement moins impressionnante que sur ses derniers albums, mais cela reste techniquement parfait, notamment dans ces visages et expressions, tous spécifiques et totalement crédibles. Un sacré artiste.
Zaroff est typiquement le genre d'album au sujet minimaliste mais que la seule réalisation (sans faute) propulse au rang de blockbuster de la BD. Quand un album vous permet de découvrir deux grands artistes, vous donne envie de lire le texte d'inspiration et vous régale les yeux, il est difficile de résister. Si vous aimez l'aventure et les beaux dessins de style classique, courez, Zaroff est peut-être déjà derrière vous...
A lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/06/19/zaroff
La couverture de cet album et le pitch l'ont envoyé directement sur ma page des albums les plus attendus... Elle va également illico dans mon top catégorie Couverture tant cette image et le design du titre marquent et donnent terriblement envie de lire l'album. Bravo global pour cette composition à la fois esthétique et efficace... avec le risque que l'envie donnée ne soit pas totalement récompensée (j'y reviens plus bas). Hormis cela rien de particulier niveau éditorial.
Nick est hypermnésique. Il possède une mémoire totale: il se souvient de tout, n'oublie rien. C'est handicapant et l'oblige à organiser sa vie sous ce qui ressemble à des TOC, le rendant particulièrement instable professionnellement et émotionnellement. Un jour il est enlevé, pour ses capacités hors norme...
Eric Corbeyran fait partie des vieux briscards du scénario de BD. Il connait son métier et nous propose avec De Mémoire une histoire remarquablement ficelée sur un pitch redoutable. Tout dans cet album tend vers le thriller, de la couverture au déroulement progressif, structuré entre maintenant et l'enfance, avant l'accident que nous montre la couverture. Or s'il en a les habits cet album n'est pas un thriller mais plutôt la chronique d'une vie compliquée pour cet homme qui a perdu son père très jeune et doté de capacités que beaucoup voient comme un super-pouvoir mais que lui tente plutôt de gérer en en atténuant les effets. Sorte de chronique psychologique, De mémoire évite tout ce qui pourrait l'amener vers une BD grand public. Pourtant de l'action il y en a, que ce soit dans la mise en scène ou l'intrigue même. Mais les auteurs s'attachent plutôt à nous présenter la vie sentimentale de Nick, en couple libre avec sa psychiatre, la seule à même de le comprendre et de l'aider. Cette histoire est touchante car elle évite le misérabilisme très français en nous montrant un homme en pleine possession de ses moyens, que sa spécificité rend aussi fier que compliqué. Nick n'a pas réellement de problématique et c'est peut-être cela qui crée un étrange sentiment d'entre-deux à la lecture. L'on ne saurait dire s'il s'agit d'une volonté de Corbeyran de déstabiliser son lectorat par un traitement assez expérimental (on pense par moment aux rythmes d'un Gibrat sur Léna, sorte de thriller politique contemplatif). Comme en structure juxtaposée, le drame est apporté par la partie Passé, qui remonte jusqu'à nous pour nous révéler en fin d'album l'origine de l'hypermnésie de Nick et en quoi son enlèvement est lié à ses parents.
On ne peut pas dire que cela soit un défaut tant la maîtrise de la progression dramatique, des dialogues et des scènes est évidente et efficace. On a plaisir à voir cet esprit libre changer de job comme de chemise, incapable de s'inquiéter et honnêtement heureux avec sa chérie. Tout en détachement, Nick envoie des réparties décalées que seul le lecteur, complice, peut saisir et qui laissent ses interlocuteurs intrigués. Comme un film de genre à la française, De mémoire casse les codes. Selon le public que l'on est cela n'aura pas le même effet. Personnellement je vois le potentiel d'une grande série SF ou d'un thriller conspirationniste. Les auteurs ont plutôt opté pour une histoire simple, peut-être pas assez ambitieuse malgré les enjeux représentés par les recherches du père de Nick. La capacité de Nick pouvait permettre une revisitation su thème super-héroïque en mode réaliste. Plein de choses passionnantes que l'on n'a finalement pas et qui peut laisser un peu déçu.
Graphiquement, le dessinateur propose d'élégantes planches au trait fin et à la colorisation agréable. Si les personnages sont correctes, la partie technique (arrières plans, cadrage) est très réussie et participe à l'efficacité du récit. Les quelques scènes d'action sont très lisibles et l'album propose plusieurs visions graphiques vraiment réussies.
Cet album est donc un étrange objet qui intrigue surtout quand on sait l'attrait de Corbeyran pour le policier. J'ai été un peu frustré de voir ce potentiel bouclé (très convenablement) en un one-shot. Les lecteurs habitués aux BD psychologiques seront sans doute les plus satisfaits et surpris par ce scénario hybride. Les fans de thriller seront sur leur faim. La lecture n'en est pas moins très agréable, donnant envie d'avancer et sans accroc. Un travail très sérieux qui manque sans doute un poil d'ambition.
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Ce que j’aime avec Dragonball c’est que par rapport à tant de Manga qui s’étendent sur des dizaines et des dizaines de volumes, ici on est déjà au cinquième tome et le second arc (Zamasu) se termine! Toriyama a toujours aimé jouer sur les espaces-temps (jusqu’à nous présenter par un schéma les différents chevauchements de temporalité) sans se formaliser avec les invraisemblances et Deus Ex Machina tous plus gros les uns que les autres. Cela fait trente ans qu’il balade ses lecteurs dans des combats toujours impossibles, où les héros n’ont de cesse de monter en niveau devant un adversaire invincible, à affronter des dieux, des rois de dieux, etc… et le pire c’est qu’on marche encore et qu’on en redemande!
Ce volume est donc à cheval entre la fin de l’épisode Zamasu et le début du tournoi des univers qui rassemblera à la demande de Maître Zen-o (le seigneur de tous les univers) les champions des douze univers. Avec un retour attendu du désormais mythique Monaka (!!). C’est donc moins baston, un peu plus d’humour à la sauce n’importe quoi et on revoit des personnages étrangement disparus de la circulation (la Goku family). Bref, business as usual mais j’adore et je continue jusqu’à la fin des temps…
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Excellente surprise que cet album post Secret Wars (Panini comme à son habitude nous relate les dernières évolutions du monde Marvel dans une introduction), qui a la même fraîcheur que le récent Esprits de la vengeance, des albums courts et libérés du carcan de la trame infinie du Marvelverse… Des auteurs qui ne sont pas des cadores de l’industrie peuvent alors se livrer à une enquête simple mais réjouissante, notamment grace à un Hawkeye au tempérament constamment décalé par rapport à la gravité de la situation. C’est très drôle et très bien dessiné par Travel Foreman dans un style assez technique mais à l’encrage un peu léger à mon goût. Sorte de Buddy-story avec deux personnages aux antipodes, Hawkeye l’ado attardé et Bucky Barnes le super-tueur ultra sérieux recherchent une Veuve Noire… officiellement tuée par le Captain lors des événements Secret Wars. On plonge donc en pleine guerre secrète des organismes d’espionnage: c’est dynamique, les séquences d’action très réussies, les dialogues donc sont délirants, bref, on a du bon comics d’espions, sans aucun super-machin (ou presque) et on espère que Marvel sortira d’autres épisodes stand-alone de cet acabit.
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Je reconnais à Mark Millar une radicalité toute européenne et des concepts qui s’ils ne sont pas toujours révolutionnaires ont pour eux un traitement toujours fun. J’avais découvert Kick-ass au cinéma et le personnage de Hit-girl m’avait bien plu avec son côté bad-ass psychopathe. Je découvre donc le personnage en comics et je dois dire que si l’aspect déjanté et ultra-gore change un peu des BD de super-héros aseptisés, il y a un relent un peu malsain qui s’en dégage. Sous couvert de buter du narco on plonge en plein sadisme sans aucune autre justification ou prise de recul que le fun. C’est un peu court. Le dessin de Ricardo Lopez Ortiz rappelle par certains côtés celui de Kaare Andrews sur Renato Jones (notamment l’utilisation de trames) mais est moins travaillé dans son découpage. La thématique aussi rappelle le 1% killer mais justement, si Renato avait pour lui la morale, Hit-girl dézingue pour le sport uniquement. Millar aurait pu travailler le côté psychopathe en livrant un message sur cette anti-héroïne. On termine un peu épuisé par autant de violence vide de sens, moyennement graphique et l’on oublie cet album vite lu pour se replonger dans le Jupiter’s Legacy du magnat Millar, oeuvre autrement plus ambitieuse.
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L’album relié, au format comic comprend treize histoires des bandits Kili et son pote le robot Banjo, pré-publiées dans le mythique magazine Ekllipse (… qui a participé à nombre de découvertes d’auteurs pour votre serviteur!) et dans LanfeustMag. Les quatre premières histoires sont dessinées par Eric Herenguel, d’autres uniquement écrites par lui, certaines où il n’intervient pas. Une quinzaine d’auteurs participent à ce recueil délirant, dont Timothée Montaigne, le dessinateur du Troisième Testament-Julius. Les histoires sont découpées avec page de garde. Chose assez rare, l’album commence par des bulles dans l’intérieur de couverture en mode « ouverture de rideau et fermeture de rideau ». Enfin, un carton propose des bonus à télécharger. Un gros délire de la première à la dernière page, j’adore le concept. Seul bémol, la couverture, malgré la signature de la star maison de l’éditeur (Kim Jung Gi), est terne et assez peu engageante. Étonnant, mais pas suffisant pour ôter le Calvin pour l’édition.
Kili et Banjo ce sont les Bonnie & Clyde d’un futur en mode western, un univers désertique parcouru de camions géants et de stations service. Kili est une redoutable tireuse à la langue bien pendue et au verge très fleuri. Banjo est le dernier modèle des cyborg de type Mephisto, fabuleuse machine à tuer… dotée d’un défaut d’étanchéité qui le rend incontinent à l’huile de vidange!
Avec Kiliwatch Eric Herenguel a de toute évidence eu envie de rendre hommage à un chef d’œuvre que les quarantenaire ont découvert avec les premières publications de manga par Glénat au milieu des années quatre-vingt-dix: L’Appleseed de Masamune Shirow. On y découvrait dans un monde post-troisième guerre mondiale une vétéran de l’armée, machine à tuer accompagnée de son amoureux transformé en cyborg de type Hecatonshire aux capacités de perception phénoménales… Visuellement Kiliwatch est très proche du manga. Thématiquement on s’en éloigne avec un univers de sale gosse à la mode Fluide Glacial, beaucoup plus proche de Maëster. Les dialogues sont le gros point fort d’un album où on se marre franchement sur des réparties bourrines et vaguement vulgaires de Kili. Évidemment entre les histoires de gros (très gros!) flingues et les problèmes de fuite du robot, les histoires sont bardées d’allusions vaseuses basées sur les problèmes technologiques du robot ou sur la perfidie des bandits et autres salopards rencontrés. Mention spéciale au robot atteint du syndrome de la tourette. Amis de la finesse passez votre chemin!
"Allez, sortez gentiment ou mon pote vous finit au bazooka. Et il est locké en mode combat sans échec. Le premier qui descend les mains sous les oreilles je lui frise la tête au 44 Magnum"
Graphiquement malgré la profusion de dessinateurs tout se tient sur un assez bon niveau, mention spéciale pour Herenguel dont la colorisation notamment est remarquable en créant une ambiance rouge-soleil et poussière avec des textures très élégantes. On est étonné de trouver une telle qualité graphique dans une BD d’humour.
Même si l’album est un peu cher pour un format comics et une pagination a peine plus importante qu’un album franco-belge je vous conseille cette virée virile au pays des gros flingues et des bons mots. Je vous passerais la foison de références ciné, vous l’aurez compris, Kiliwatch est une bonne poilade qui donne envie tout autant de relire du steampunk à la mode mad-max que de feuilleter ses albums de Fluide.
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C’est peu de dire que je l’attendais celui-là! Depuis ma découverte des illustrations d’Olivier Coipel et ma première lecture de l’auteur sur Spider-verse, la diffusion des planches de l’album, j’imagine ce qu’un Mark Millar qui nous a proposé autant de chefs-d’œuvres pourra nous proposer. A noter que ce volume est un one-shot, comprenant les six issues de la publication US avec les couvertures originales en séparations de chapitres, des couvertures alternatives et une bio des auteurs (y compris l’excellent coloristes sans qui, tout de même, les dessins de Coipel ne seraient pas aussi forts). Le fait qu’il s’agisse du premier album publié par Netflix avec comme objectif une adaptation (déjà annoncée) à l’écran est pour moi totalement secondaire bien que cette info ait accaparé une bonne partie de l’attention des sites de comics. Et je crains d’ailleurs que la brièveté de l’album ne limite pas mal les possibilités d’univers large en série TV.
La famille Moonstone protège le monde des dangers d’entre les dimensions, de ce qui se cache entre les réalités. Ils sont magiciens. Ils ont une famille. Ils ont des problèmes. Ils sont humains… Lorsqu’une puissante magicienne bannie passe à l’action, les membres de l’ordre tombent les uns après les autres, massacrés par un mystérieux personnage déguisé en vénitien. Leur dernier espoir réside dans le plus puissant d’entre eux: Gabriel. Mais Gabriel a renoncé à toute magie depuis la mort de sa fille…
Les comics de Millar sont particuliers en ce que l’on sait à l’avance qu’ils ne seront pas ratés: la découverte réside dans la barre placée très haut et qui fait se demander si l’on aura été trop gourmand ou si l’on a un nouveau chef d’oeuvre. Sa très grande qualité (outre le choix d’immenses dessinateurs, contrairement à son compatriote Alan Moore qui semble opter pour l’inverse…) réside dans la cohérence de ses univers et la radicalité du traitement. Un peu comme Rick Remender, il aime placer de tout puissants personnages dans les affres des difficultés psychologiques du bas peuple. J’ai trouvé en cela de grandes proximités de Magic Order avec Jupiter’s Legacy, dans cette approche familiale alliant de brillants représentants confrontés aux désirs paternels et d’autres vilains canards qui n’arrivent pas à gérer leur vie quotidienne. Mark Millar a un vrai talent de dialoguiste et de metteur en scène (à quand une réalisation?), créant des caractères intéressants, des images géniales et des scènes d’actions que ses dessinateurs savent parfaitement dynamiser. On a tout autant de plaisir à voir un magicien faire ses courses avant d’affronter un Titan que des assassinats défiant les lois de la physique et un prestidigitateur compter les entrées de son spectacle du soir. Et lorsqu’il laisse divaguer son imagination sur le sort original qu’il pourrait trouver on a une explosion d’idées toutes plus inventive les unes que les autres.
Contrairement à la famille d’Utopian dans Jupiter’Legacy, l’ambition ici reste celle d’une transposition adule du concept Harry Potter (jusque dans les baguettes). J’aime voir des variation sur le même thème, comme le Black Magick de Nicola Scott qui penche plus dans l’intimiste féminin. Pas de discours politique donc, aucune dénonciation, Magic order est (ce qui est beaucoup reproché à Millarworld) un concept destiné à lancer une poule aux œufs d’or audiovisuelle pour l’investissement de Netflix. Ce manque d’ambition de l’auteur écossais est dommage car son talent est fou et il est un des rares scénaristes à assumer ses envies, sans censure, se rapprochant beaucoup plus de la philosophie du Franco-Belge que de l’industrie super-héroïque formatée. Chez Millar on se drogue, des gamins égorgent des adultes dans la nuit, les personnages sont ouvertement homosexuels et même quand c’est édité chez Marvel les super-héros se font massacrer et le monde dominer par une famille Hulk consanguine et dégénérée (Old-man Logan qui a inspiré le Logan de James Mangold au ciné). Ce n’est pas le trash pour le trash mais juste plus réaliste que ce qu’on lit souvent. Millar donne à voir la vie réelle des super-héros une fois ôté le vernis politiquement correcte. Et c’est ce que veulent les lecteurs comme le montrent les grands succès de super-hero movies au cinéma. Malheureusement Magic Order est au format one-shot, ce qui est suffisant pour lancer un pitch mais bien trop court pour développer un background solide et réaliste. Pour rappel Jupiters’s Legacy tenait en deux tomes…
Graphiquement en revanche on a sans doute un des plus beaux comics de l’année. Olivier Coipel est un très grand dessinateur avec un style qui évite les dessins trop léchés de nombre de ses confrères. Un peu comme Jerôme Opena ou Sean Murphy j’aime le côté rapide, à la fois très précis et hachuré de ses cases. La colorisation de Dave Stewart rehausse incroyablement ces dessins et si Panini propose une édition spéciale n&b, personnellement je ne suis pas sur que ce soit préférable tant on à ici l’alchimie parfaite dessins/couleurs qui rend l’album supérieur. Le design général est également au top, avec une élégance et un côté décalé qui rend cette histoire vivante. Les différents magiciens sont à peine entraperçus, nous donnant terriblement envie de savoir de quoi ils sont capables, avant de disparaître… Encore frustrant.
Magic order est donc bien un des tous meilleurs comics sorti depuis longtemps, d’une facture irréprochable, mais aussi frustrant qu’enthousiasmant. Qu’il s’agisse des personnages, de l’histoire de l’ordre et de la Guerre secrète, de la famille Moonstone, tout n’a que le temps d’être effleuré et c’est déjà fini. Pourtant il y a de la bravoure, du mystère, du sang, de la folie,… tout ce qui fait un succès. Les auteurs s’amusent pendant quelques planches à imaginer les pouvoirs de ces sorciers, comme si détruire les amusait plus que bâtir sur le long terme. Le magnat des comics aurait pu nous gratifier d’un ou deux volumes supplémentaires pour bâtir un sommet des comics. Il préfère nous laisser là les yeux brillants, à relire ce qu’il nous a jeté et attendant sagement son prochain concept. Avec une prolongation sur Netflix pour les plus passionnés.
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Très bonne surprise que ce Télémaque, avec notamment une découverte, l’excellent dessinateur espagnol Kenny Ruiz, au style proche du manga et aux encrages forts issus de l’école espagnole. L’équilibre n’est jamais évident à trouver pour les séries estampillées jeunesse, entre un intérêt scénaristique et une simplification qui parle aux jeunes. Les auteurs ont trouvé cet équilibre avec un vrai réalisme littéraire dans les noms grecs et la complexité mythologique comme politique du contexte de l’Egée antique. Les enfants pourront trouver cela un peu compliqué mais les férus de mythologie (ils sont nombreux) s’y retrouveront. L’action et le style manga est en outre diablement efficace, avec des personnages drôles et une succession de péripéties qui s’enchaînent en suivant l’itinéraire de l’Odyssée de façon fluide et non forcée. Dans l’esprit on est proche d’Aliénor Mandragore, avec le même humour décalé et des personnages semblant des transposition de héros mythiques. Télémaque est cependant plus efficace visuellement et en matière d’action. Et le principe de l’équipée de copains aux caractéristique bien particulières qui revisitent l’itinéraire d’Ulysse permet des perspectives sur une série longue. Une vraie réussite!
Cet album est un événement. Un peu comme l’Histoire de Siloë dont le dernier volume est sorti récemment après seize ans d’attente, le nouvel album du dessinateur Frank Miller, auteur qui a révolutionné la narration et le dessin de la BD américaine avec sa radicalité sur Hard Boiled (dessiné par Geoff Darrow, le designer de la saga Matrix), avec son ombre et lumière sur Sin City, avec son design sur 300… Xerxès est totalement lié à 300 sans aucunement en être une suite. Pour comprendre cet album il convient de faire un petit regard dans le rétro.
Miller naît artistiquement en 1985 avec la publication du Dark Knight return, en pleine époque Reagan, qui redéfinit totalement le Chevalier noir (autant que le fera bien plus tard Sean Murphy en… 2018). Toutes ses publications ont été marquantes mais celle-ci définit un comic mature qui se destine à un publique réellement adulte. N’ayant personnellement jamais vraiment apprécié cet album, trop daté, Frank Miller reste pour moi l’auteur (en 1991) de l’incroyable Sin City où, s’inspirant des dessinateurs sud-américains et du roman noir, il crée une œuvre unique par son approche graphique. Car Miller n’est pas un bon dessinateur et scénaristiquement un réactionnaire assumé… C’est donc dans la forme, le design, l’atmosphère que se trouvent la force de ses albums. Tirant parti de ses lacunes techniques il pousse le contraste et la recomposition des cases à l’extrême, ce qui donnera envie au très graphique réalisateur Zach Snyder (aucun lien avec le scénariste Scott Snyder) d’adapter au cinéma 300, album singulier notamment par son format à l’italienne qui permet une horizontalité étonnante en comics. L’histoire narre la bataille des Thermopyles où 300 spartiates tinrent tête aux légions de l’envahisseur perse Xerxès.
Là commence une nouvelle histoire liée au cinéma. L’adaptation de 300 suite d’un an celle de Sin city où Miller a fait ses premiers pas derrière la caméra comme co-réalisateur de Robert Rodriguez. Le succès des deux films donne des envies à la fois aux producteurs et à l’auteur qui, malade et fatigué de dessiner comme beaucoup d’artistes de BD, tente un solo catastrophique sur une adaptation du Spirit de Will Eisner. Une suite à 300 est annoncée chez Dark Horse, devant lancer un film. Mais Miller ne dessine plus… Finalement le film 300: naissance d’un empire sort six ans après le film de Snyder et reprends la partie la plus intéressante de la BD (les quelques planches alors dessinées) abordant la jeunesse de Xerxès derrière son roi de père, le grand Darius. L’histoire devait alors porter sur les batailles de Marathon et Salamine mais le scénario de Miller a totalement glissé pour aborder l’ensemble des guerres Médiques jusqu’à la conquête d’Alexandre.
Non que cette option ne soit intéressante. Mais, d’abord, le titre est bien celui du roi grandiloquent, vaguement drag-queen que Miller avait inventé en 1998. Le personnage, comme tout bon méchant, intéressait. Il n’occupe finalement que quelques pages avant que le lecteur ne voit des coupures chronologiques assez incompréhensibles: on passe de 490 avant JC à l’assassinat de Xerxès en 465 (séquence assez cryptique bien que graphiquement superbe, à base de drippings et de noirs puissants), puis l’on revient à -479 avant de sauter directement à Darius 3 en -336 et les conquêtes d’Alexandre. Guère de continuité entre tout cela (sur un album relativement bref). Sans doute Miller n’est que trop peu historien pour construire une histoire cohérente. Son propos est graphique et sur ce plan c’est très beau, original, spacieux. Mais Xerxès ne devait pas être un art-book, n’en est pas un…Matériellement superbe, cet ouvrage doté de 14 pages bonus fait la part belle aux pleines pages et propose sur une bonne partie des visions aussi puissantes que celles des albums précédents de Miller. Mais l’histoire chaotique de son accouchement a produit une dilution du scénario qui de matrice à blockbuster a glissé vers un enchevêtrement de plusieurs projets pas nécessairement mis en cohérence. Pour ceux qui chercheront une vision de l’antiquité il faudra repasser. Pour ceux qui attendaient une suite à 300 également. Les fans de Frank Miller eux seront comblés mais pas forcément rassurés sur la capacité de leur idole à réaliser de nouvelles BD de lui même dans les années qui viennent.
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L’édition intégrale n’apporte rien de plus que les cinq albums qui la composent. Les parties sont séparées par une page de titre.
Cette série est une référence, d’abord de par son âge, Luc Brunschwig ayant été un des scénaristes phares des débuts de l’éditeur Delcourt dans les années quatre-vingt-dix, à l’époque des premiers albums d’un certain Lauffray ou autre Vatine par exemple… Datée graphiquement, de par des couleurs que l’on faisait à l’époque et un dessinateur à ses débuts (qui progresse à chaque tome), le volume critiqué ici est le premier des trois cycles qui viennent de se terminer et reste totalement novateur dans son sujet comme son traitement.
Dans une ville de New York en proie aux violences et en pleine campagne pour la mairie, une série de personnages très différents, de toutes les strates de la société, vont s’entrecroiser autour d’une machination pour le pouvoir. Entre mafia, politiciens véreux, journalistes et citoyens marqués par une vie difficile, Jessica Rupert, une visionnaire idéaliste, est convaincue que l’intelligence peut conquérir la mairie de New York et rendre aux innocents leur place dans cette société inégalitaire…
Il est toujours compliqué de lire une grande saga avec un dessinateur débutant. Le niveau d’exigence graphique atteint par les jeunes dessinateurs aujourd’hui est sans commune mesure avec une époque où la pression était moins forte, les éditeurs faisaient leur boulot de lancer des jeunes, leur laisser leur chance. Je ne vais pas ici parler du débat actuel autour de la surproduction et du statut des auteurs (pauvres) mais le contexte actuel de la BD fait étrangement échos au sujet comme à la période de publication du Pouvoir des Innocents. Comme dit plus haut, l’aspect graphique ne doit pas vous dissuader de vous lancer dans cette aventure toujours pertinente et ô combien ambitieuse. Laurent Hirn propose dès les premières planches une partition, si ce n’est très technique, très respectable et il atteindra progressivement, avec une amélioration des couleurs dès le premier cycle, un niveau très agréable dans les cycles suivants.
En outre l’exigence du scénario de Luc Brunschwig, très cinématographique et original dans ses cadrages et surtout ses enchaînements, ne le rend pas facile à transposer visuellement. Car outre des effets atypiques que l’on trouve parfois au cinéma (des eyefish ou des perspectives faussées), la particularité du scénario est d’enchevêtrer les récits de manière perturbante au début mais ô combien efficace et intellectuellement motivante. Que ce soient les principaux protagonistes (le sergent Logan, sa femme, Providence le boxeur,…) ou des personnages secondaires, une narration continue l’autre, que ce soit dans le texte ou visuellement. En somme l’auteur utilise (là encore) le décalage entre image et son utilisé au cinéma qui permet d’emmener le spectateur sur des interprétations faussées de ce qu’il voit ou à l’inverse induire des similitudes. Vous l’aurez compris, Le Pouvoir des innocents est un véritable film en BD et pourrait sans aucun doute être transposé à l’écran pratiquement sans retouche.
Les thématiques abordées sont multiples même si elles correspondent à des sujets que l’on traitait fin 80 en BD comme à l’écran. La guerre du Vietnam, le traumatisme incurable, les riches et les pauvres en Amérique, la communication médiatique manipulatoire, tels sont les focus de la BD. Mais dans son aspect multiple le scénario ne s’accroche jamais sur un élément, entrecroisant l’ensemble en une toile cohérente, selon le personnage au manettes du récit à tel moment. Ainsi, l’histoire de Logan prends des aspects de film militaire alors que celle de Providence a l’image d’un film carcéral. Et ainsi de suite. En solo ces intrigues auraient été juste intéressantes, mélangées elles créent une dynamique qui immerge le lecteur dans sa complexité. On pourra néanmoins regretter un côté mièvre un peu insistant dès qu’il s’agit de Jessica Rupert. Un univers de bons sentiments un peu appuyés, qui restent cohérents par contraste avec la dureté des vies de ces « innocents » mais agace un peu la lecture par son côté premier degré.
Au final, avec ses défauts graphiques comme scénaristiques, Le Pouvoir des innocents reste une BD touchante par l’implication de ses auteurs, par le travail visible de Laurent Hirn, par son engagement politique réel. Comme toute l’industrie culturelle la BD a tendance à freiner ce qui peut sortir du consensus du loisir. Des BD comme celles de Luc Brunschwig ou Wilfried Lupano nous rappellent que l’imaginaire, le thriller, ne sont jamais aussi intéressants que lorsqu’ils se rattachent au réel et abordent des thématiques d’actualité et investissent le champ politique. Cette BD est un hymne à l’utopie politique, à changer le monde, à renverser la table des injustices d’un capitalisme triomphant. Merci aux deux auteurs de nous proposer cette bouffée d’espoir.
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Avant de commencer cette critique je tiens à féliciter l'éditeur Glénat qui fait un boulot assez remarquable sur ses albums depuis quelques temps, avec par exemple la collection Conan , l'exceptionnel Ramirez l'an dernier et donc cet album: alors que nous avons l'habitude, dans le monde de la BD, du marketing un peu facile sur des vrais-faux TT, les versions noir et blanc pas toujours sérieuses niveau tirage et des bonus maigrelets pour des prix de vente conséquents, l'éditeur grenoblois propose ici pour vingt euros un album de cent-vingt pages avec une superbe reliure et un cahier alliant entretien avec les auteurs et illustrations superbes. Ce que j'appelle une édition collector pour le prix classique vue la pagination. L'amateur de BD en a pour son argent et le sentiment d'être dorloté. Un album qui vous met dans des conditions optimales et qui mérite amplement un calvin éditeur!
A New-York, à l'été 1977 la canicule bat des records. Soudain une lumière aveuglante éclate. en arrivant sur zone les soldats découvre ce qui ressemble à une attaque nucléaire en plein cœur de Manhattan... Qu'ont à voir avec cette explosion Darby le bossu volontaire pour des expérimentations médicales avant-gardistes et Billy, le jeune noir qui semble communiquer avec les animaux? Alors que la haine raciale semble poussée par l’événement et la chaleur, des êtres aux pouvoirs inimaginables vont se révéler...
Luminary est presque une découverte totale pour moi. J'ai lu quelques séries de Luc Brunschwig qui est pour moi un scénariste de qualité, très régulier et dont la dimension politique me plait. En revanche je n'ai jamais lu la série de super-héros française Photonik, éditée par les éditions LUG dans les années quatre-vingt et ne connaissais pas le travail assez impressionnant de Stephane Perger. Et puisqu'il faut bien commencer par un côté, les dessins de l'illustrateurs, tout en couleur directe avec très légère retouche numérique à la marge sont un régal pour les yeux de la première à la dernière page. Et comme tout album peaufiné avec amour, les auteurs ont apporté un soin à l'ensemble du bouquin, d'un titre au design très original à la composition en chapitres, reprenant très clairement le format des comics US tout en restant dans la taille franco-belge. Dès la double page de titre on est jeté dans l'image, immense, immergente, explosive. Les auteurs prennent leur temps et c'est efficace pour nous conter cette origin story qui ne veut pas se presser (sans que cela soit ennuyeux). Car en conteur d'expérience, Brunschwig utilise a peu près la même structure en rétroplanning alterné que Bec sur son récent Crusaders mais avec une beaucoup plus grande efficacité. Si ce dernier perdait le lecteur dans son introduction par une trop grande opacité, ici le scénariste reste dans la simplicité, indiquant les bornes temporelles à chaque saut et suivant une structure finalement assez linéaire. Cela fonctionne très bien en nous donnant envie de comprendre tout le long comment ce bossu un peu débile a pu provoquer cette explosion d'énergie... De la même manière l'alternance avec l'histoire du gamin noir, sans être reliée jusqu'ici à notre héros, permet de doubler l'intrigue en maintenant le suspens. Des recettes simples mais toujours efficaces pour qui sait les manier.
Dans un schéma d'histoire de super-héros (peu originale donc), la mise en scène a une importance capitale et je dois dire que les planches sont bluffantes. Pourtant la technique d'aquarelle de Perger est peu évidente, comme le montre la série à succès Descender où Dustin Nguyen ne parvient pas à préciser ses arrières plans et donne une impression trop brouillonne. Le dessinateur de Luminary arrive lui à être remarquablement proche d'un dessin classique de la BD, d'abord par son trait précis (les annexes nous montrent l'évolution d'une page du crayonné à la couleur) mais surtout car sa colorisation éclate, dans des tons chaleureux de jaunes ou de rose. La taille des cases permet sans doute cela, mais toujours est-il que la maîtrise graphique est impressionnante et justifie à elle seule la lecture de cet album.
Du reste pour qui aime les super-héros on a ici une histoire de sensibilité européenne, jouant de politique, parlant de la ségrégation et des mécanismes de manipulation des foules à côté de l'histoire typique des expériences clandestines gouvernementales avec savant fou à la manœuvre. Le surgissement de Luminary est puissant, réussi, son affrontement avec sa consœur magnifique et l'histoire du jeune noir touchante. Les auteurs sèment les graines pour une série qui pourra durer longtemps et dont les bases sont suffisamment solides pour nous entraîner dans des aventures fantastiques tout au long des années 2020. Un poil trop formaté pour être un chef d'oeuvre mais assurément un coup de cœur quand à la qualité irréprochable du travail de bout en bout de cet album.
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L'équipe de la très sympathique série Wonderball revient chez son éditeur de toujours pour une nouvelle série éponyme qui sent bon l'Ouest et le soleil. Avec la qualité des trois auteurs on pouvait s'attendre à un nouveau succès parti pour de longues années de têtes de gondoles.
Nevada est un arrangeur: il est envoyé récupérer les acteurs d'Hollywood partis en vadrouille et qui mettent en péril l'équilibre financier des films en cours de tournage. Nous sommes aux Etats-Unis quelques années après la Grande guerre. Entre enquêteur et gâchette, il sait déjouer tous les traquenards. Lorsque son employeur l'envoie aux trousses de l'Etoile solitaire il se retrouve aux prises avec la mafia mexicaine...
Dans ce genre de BD je pars en confiance aveugle entre les mains de bons conteurs chevronnés. Car finalement dans la BD d'action et d'aventure le contexte est souvent secondaire face à l'efficacité des dessins, du découpage et des dialogues. On a de ça bien sur dans ce premier tome de Nevada. Des séquences amusantes lorsque dès l'introduction le héros trouve une actrice dans une situation fort scabreuse, un art de la réplique, des séquences d'action efficaces... Colin Wilson sait mettre en image bien que son style très années 90 n'évolue guère et conserve des lacunes notamment sur les visages étrangement plats de ses personnages. C'est vraiment surprenant car nombre de cases sont particulièrement léchées avec leur aspect western à la Giraud (Wilson a commencé sur Blueberry) quand beaucoup de gros plans semblent mettre l'artiste en difficulté. Les couleurs aussi (on a l'habitude chez Delcourt) sont remarquables et si les encrages de Wilson restent superbes (je conseille la version n&b) le travail de Jean-Pierre Fernandez donne une autre dimension à ces planches.
Tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes... sauf qu'une fois clôturé cet album on a un vague sentiment de consommation d'une énième BD dont la justification est discutable. Il semble évident que l'envie des auteurs de travailler dans une ambiance western avec ce profile inhabituel (encore que...) explique l'existence de cette série. Pourtant on cherche l'originalité. Le héros est abordé de trop loin pour être charismatique, le background est vraiment léger et seules les péripéties du personnage permettent de faire avancer une histoire dont on se préoccupe guère. C'est assez gênant car on finit ce joli album bien construit avec une impression de vacuité. Peut-être la mauvaise idée qu'un éditeur avisé aurait dû demander à retravailler... Devant la profusion de publications, L'étoile solitaire est aussitôt lue aussitôt oubliée.
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Je profite de la sortie du nouvel album du duo, la suite du film La chasse du comte Zaroff, pour chroniquer l'intégrale de la série Reconquêtes, que je n'avais pas vu passer lors de la sortie de ses quatre tomes et dont l'atmosphère et le dessin m'ont littéralement envoûté en librairie! La très belle édition du Lombard sépare les tomes avec d'immenses doubles-pages reprenant les illustrations originales des volumes, un régal. Elle inclut un cahier graphique de recherches préparatoires de huit pages, très intéressant car il permet de voir l'évolution des premiers jets des personnages, beaucoup plus typés sémites avant leur évolution vers un type européen (j'y reviens). Enfin, une bibliographie des deux auteurs clôt l'ouvrage. Du très beau travail qui vaut un Calvin.
Dans une Antiquité reconstruite, l'avancée des puissants Hittites en Asie Mineure pousse la Horde des vivants à se reformer: cette alliance de trois peuples nomades, redoutables guerriers, va entamer une reconquête de leurs territoires, entre trahisons, suspicions et courage guerrier. Leur chronique sera suivie par une scribe, la très belle envoyée du roi de Babylone Hammurabi...
Reconquête est un étrange objet, un scénario composite mis en image par l'impressionnant François Miville-Deschênes, que je ne connaissais pas et qui compte indubitablement parmi les plus grands dessinateurs en activité. Ce qui saute aux yeux dès les premières planches c'est la technique parfaite du dessinateur québécois. Que ce soient les animaux, les hommes ou les femmes, tout est précis, détaillé, différencié. Alors qu'un certain nombre de dessinateurs réutilisent le même visage avec de simples changements de coiffures et de costume pour leurs personnages (Bilal par exemple), ce qui peut être gênant pour la compréhension, ici l'hyper-réalisme est extrêmement agréable et donne véritablement l'impression de lire un péplum sur grand écran. Le travail documentaire très conséquent sur les costumes, les décors, mobilier et l'imagination pour rendre cette Antiquité semi-historique crédible sont vraiment remarquables et montrent une passion de tous les instants mise dans ce travail. Il a toujours été compliqué de représenter l'Antiquité sans tomber dans le kitsch. Le style de Miville-Deschênes accentuait ce risque, en se souvenant des grands dessinateurs réalistes tels Chéret (Rahan) qui ont produit nombre de BD historiques un peu désuettes depuis les années soixante. Or, que ce soit par la colorisation très élégante ou l'esthétique générale, tout est de bon goût, crédible, travaillé. Certains albums font ressentir le travail préparatoire, le développement de l'univers et des personnages. C'est le cas ici, un peu comme dans la grande série Servitude, où les combats ne sont qu'un moment (grandiose!) dans la description ethno-historique de peuples qui combattent pour leur mode de vie.
Sylvain Runberg nous propose avec Reconquêtes une Antiquité fantasmée, reconstituée par agencement d'éléments distants. Ainsi la scribe qui fait office de narrateur est envoyée par le roi de Babylone Hammourabi (XVII° siècle avant notre ère) pour suivre l'alliance des peuples Sarmate (env. V° siècle av. J.C.), Cimmériens (VII° siècle...) et Callipides (peuple cité par Hérodote) face aux conquérants Hittites (entre XVI° et XI° siècle avant notre ère)... L'ajout de références à l'Atlantide et de quelques créatures mythologiques permettent d'éviter toute confusion quand au projet de réalisme historique et nous laisse profiter de la reconstitution de ce qu'aurait pu être cette antiquité oubliée. Si la pâleur des peaux surprennent au début, habitués que nous sommes à des typologies sémites pour les peuples antiques, elles illustrent le sérieux documentaire des auteurs puisque nous savons que les peuples Scythes étaient de type "caucasien", blonds et à la peau claire... Ce qui fascine c'est la cohérence de l'ensemble, avec des styles vestimentaires reconnaissables (et la propension des guerrières Sarmates, sortes de proto-amazones, à vivre torse nu...), la rudesse des combats et des mœurs, l'originalité de ces palais mobiles dans lesquels ces rois nomades se déplacent. Les auteurs ne nous épargnent rien de la violence de l'époque, avec des soldats souvent balafrés, des sacrifices humains bien gores et quelques séquences de sexe sans insistance. Si François Miville-Deschênes se fait plaisir en matière d'anatomie féminines aux plastiques parfaites, les planches restent très élégantes et cela ne tombe jamais dans le grivois. Qu'il s'agisse d'éléphants de guerre, de vieux magiciens ou de cavalières sarmates tout est élégance du début à la fin dans cet album.
L'intrigue est dramatique, dans le sens théâtral. Si les combats en cinémascope sont nombreux et parfaitement lisibles, le cœur de l'histoire repose sur les relations entre les trois souverains qui jouent entre respect, concurrence et méfiance. Un élément perturbateur est venu perturber l'équilibre de la Horde et une conspiration va semer la discorde en imposant aux trois dirigeants un choix: risquer la disparition de tous pour l'honneur de leurs peuples ou respecter l'alliance au risque de trahir leurs traditions propres. Ce dilemme qui les taraude du début à la fin est passionnant et permet de connaître les spécificités de trois peuples que seul le nomadisme et l'esprit guerrier tient ensemble. Reconquêtes pose sa focale sur le peuple des femmes et se rapproche en cela du récent Cœur des amazones mais en bien plus réussi car il n'oublie pas le spectacle.
Reconquêtes est la série que je n'attendais plus, un peu lassé de la Fantasy et peu intéressé par des BD historiques qui restent souvent figées dans leur aspect documentaire. Runberg aime tordre l'histoire tout en gardant ses bases comme sur sa récente série Jakob Kayne. Il propose avec son comparse un modèle de BD grand public à la fois héroïque, belle et bien écrite. Un régal.
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Après la chronique des tomes 1 et 2 de ces histoires de l'Ordre de Minuit, voici un tome 3 spécial japon et qui semble préparer de futurs autres tomes thématiques (sur l'Inde?). La couverture est signée Bablet et présente le Kaiju d'Hiroshima. Comme d'habitude, l'intérieur sera composé de cinq courtes BD d'auteurs différents, une nouvelle et des articles de background toujours intéressants, que ce soit sur les thématiques abordées (la place des femmes au Japon, les Kaiju, l’Île fantôme) ou l'univers occulte de l'Ordre de minuit.
- Mokusatsu (Pagani/Bablet): le volume s'ouvre sur une origin story avec le combat d'une équipe de Midnight girls contre le Kaiju libéré par les occultistes américaines à Hiroshima. C'est bien mené graphiquement bien qu'un peu facile (l'origine cachée des grandes catastrophes on commence à connaître...). Surtout cela va lancer toutes les autres histoires de ce volume trois qui en découleront. Les dessins de Baptiste Pagani rappellent ceux de Singelin et sont assez sympa bien que les décors atomiques d'Hiroshima laissent peu de place à la virtuosité.
- Parasites (Rouzière/Bordier): nouvelle équipe, menée par la fille de l'héroïne d'Hiroshima (Kyoko), qui va combattre des Yokaï (esprits) parasites, alors que sa mère a sombré dans l'alcoolisme et rejette toute sa frustration sur la pauvre jeune fille. Pas franchement convaincu par les dessins alors que le dessinateur Thomas Rouzière présente des illustrations vraiment superbes sur son blog...
- Bâton de cendre (Maudoux): le comparse Maudoux propose l'histoire la plus forte à la fois graphiquement (peut-être une de ses histoires visuellement la plus réussie?) et scénaristiquement. La construction complexe est très bien menée, lisible et touchante avec ces jeunes japonaises prises entre tradition et modernité... auxquelles s'ajoute le devoir de protection qu'impose l'Ordre. Cette section symbolise totalement le projet Midnight Tales (et plus globalement celui du Label 619) d'allier pop culture et analyse des faits de société. La sensibilité de Maudoux (allez voir Vestigiales, ça vaut le coup!) sur l’altérite est toujours aussi intéressante.
- Les sœurs de Selene (Neb studio/Bablet): très jolie séquence dans un pure style Anime dessinée par les auteurs de La Valise, avec de superbes couleurs, de l'action, du bizarre, bref, du tout bon. Surtout elle ouvre beaucoup l'univers avec l'apparition de cette confrérie inconnue jusqu'ici, qui a opté pour la collaboration avec les esprits dans une sorte de refuge, et qui sont attaquées par leurs ennemies, les Magical Girls... menées par Kyoko, en suivant donc toujours cette filiation de la séquence originelle.
- Epilogue (Bablet): qui conclue cette histoire familiale de Kyoko rendant visite à la tombe de sa mère. Anecdotique mais ces quelques pages permettent de conclure joliment cet album.
Au final ce troisième volume des Midnight tales est assez différent des autres par son homogénéité. J'aimais bien l'idée de volumes thématiques mais (peut-être par manque de temps pour la développer) l'histoire de cette Magical Girl est finalement moins accrocheuse que les histoires de chaque séquences racontées jusqu'ici. Mathieu Bablet continue néanmoins avec ses comparses (en nous permettant de très belles découvertes!) à développer une mythologie assez riche et qui mériterait d'ici quelques temps des albums entiers. A savoir que la trame principale de la série est écrite sur plusieurs volumes et devrait se recentrer sur certains personnages maintenant que le background est installé.
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Si on peut remarquer quelque chose sur les albums de Christophe Bec c’est que les couvertures claquent! Et on peut dire que celle-ci est juste magnifique et va directement dans mon top de l’année dans cette catégorie! En plus on nous parle de Hard-science, du premier voyage interstellaire à la rencontre d’une intelligence supérieure… je ne peux qu’en avoir la bave aux lèvres! Reste que Bec, un peu comme monsieur Millar, est un maître pour lancer des super projets mais a beaucoup de mal à tenir la longueur en se perdant dans de multiples toiles scénaristiques avec un goût prononcé pour la complexification de construction. Moins il aide le lecteur mieux c’est. Je ne suis pas en désaccord profond sur cette idée mais pour cela il faut que le scénario soit nickel.
Crusaders commence mal sur ce plan puisque les vingt premières pages ne cessent d’alterner des séquences dans le passé , le présent et le futur, sans aucune indication, que ce soit en matière de découpage ou de bulles. On finit par comprendre que le fil rouge est Natalia, la commandante en chef de l’armada des cinq navires spatiaux Crusaders, « offerts » par un signal venu de trente-deux années-lumières de distance… Hormis ce démarrage un peu abrupte et l’arrivée du signal que je trouve ratée, on bascule ensuite dans une trame plus classique qui suit la formation des équipages sélectionnés pour être les premiers humains envoyés si loin, le décollage des vaisseaux qui donneraient presque des frissons et la première étape du voyage emprunte d’angoisse de l’inconnu. A la fin de l’album la boucle n’est pas encore bouclée avec un prologue en mode apocalypse qui est très mal relié qui casse un peu ce mystère qui fait tout le sel de cet album au demeurant fort réussi. On retrouve dans La colonne de fer l’ambiance du premier film Star Trek avec un design général vraiment réussi, mélange de réalisme technique et d’esthétique futuriste crédible. De même avec les artefacts alien qui ont une cohérence d’ensemble remarquable. Et pour une fois le scénariste Bec (… oui, si vous n’avez pas suivi il est de plus rarement dessinateur sur ses séries) fait de gros efforts de pédagogie en nous expliquant via les discussions entre Natalia et son père ou avec le scientifique de bord les concepts de physique assez pointus qui sont utilisés ici. De la bonne Hard-SF, réaliste, gigantesque (l’arrivée sur la colonne de fer!!!), ambitieuse et qui évite le cryptique. Le risque est grand de tomber dans de la BD SF plus classique à l’arrivée des aliens, mais pour le moment hormis ces quelques accrocs on peut dire que Crusaders (prévu en maximum six volumes pour le premier arc) est la bonne surprise Space-opera que l’on n’attendait plus, ambitieuse, assez bien dessinée, mystérieuse et documentée.
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Attention, événement comme il y en a peu dans le petit monde de la BD! L’histoire de Siloé fut lors de sa sortie il y a … 19 ans!! un des projets SF les plus attendus et réussis avec un partenariat de deux valeurs sures du Franco-belge: Serge Letendre (le co-créateur de la Quête de l’oiseau du temps) et Servain, dessinateur typique des premières grandes séries Delcourt (l’esprit de Warren avec Brunschwig) et récemment de Holly Ann. Pour des raisons que j’ignore (je n’ai pas trop cherché…), la série prévue en trois tomes s’était arrêtée après le second alors que le dessinateur avait pourtant tenu les délais sur des albums de 70 pages. Rangée depuis presque vingt ans au cimetière des grandes séries inachevées, la saga dotée de l’ambition d’un Akira était considérée comme une grosse perte pour beaucoup tant l’intrigue et le dessin étaient réussis. Il faut croire que les personnes impliquées savent parfois tenir leur langue car c’est avec une immense surprise que Delcourt a mis en ligne il y a quelques semaines une date de sortie. Servain parlait en 2015 sur le forum BDgest de sa reprise a zéro du tome 3 dont les 2/3 avaient déjà été réalisés… et depuis plus rien. Pour le coup, si les arcanes des relations dessinateur/scénariste/éditeur restent souvent obscures sans que l’on sache à qui la faute, pour ce coup Delcourt a été très patient et fidèle jusqu’au bout puisqu’il propose en simultané la sortie du T3 et de l’intégrale qui permettra aux personnes à qui cette interminable attente aura été épargnée de découvrir la série d’une traite. Pour les autres il faudra relire, ce que je viens donc de faire avec attention.
Alors qu’il s’apprête à lancer l’expérience finale de ses travaux sur le Temps et la Matière, le professeur MacGuffin constate que sa femme, enceinte a pénétré l’enceinte du laboratoire… Devenu veuf avec une fille dotée de pouvoirs difficiles à comprendre, le professeur se retrouve au centre d’une lutte de pouvoir entre le président des Etats-Unis et une secte chrétienne très organisée. Poursuivi de toutes part il va devoir protéger sa fille et tenter de comprendre les implications de l’accident originel…
Cette série est compliquée à critiquer tant il est nécessaire de séparer les envies, les souvenirs et la comparaison avec les autres BD SF du même type. Tout d’abord les trois tomes de Siloë sont très différents, tant graphiquement que dans les rythmes de l’histoire. Serge Letendre a une grande ambition au départ, faire le récit d’une famille détruite par la science en même temps qu’une anticipation politique et un habillage scientifique autour de l’espace-temps. Dès les premières pages l’on sait que le professeur MacGuffin ambitionne de révolutionner (comme son scénariste?) la connaissance de la physique. Malheureusement le lecteur reste un peu sur sa faim quand aux développements des implications de ces recherches. Car très vite tout tourne autour des pouvoirs de sa fille, avec des mécanismes de mystère efficaces. Que sont ces chauves-souris qui surviennent autour de ses crises? D’où sortent les losty connectés mentalement avec la fillette? La secte des Esséniens?… On voit très vite différents thèmes repris d’Akira (on peut difficilement regretter les références à une telle bible): la secte religieuse, le pouvoir politique semi-démocratique, la crise institutionnelle, l’expérience qui dérape, l’enfant-mutant,… Le soucis est que passer après un tel monument nécessite d’apporter une autre vision d’auteur si ce n’est des éléments novateurs. Et c’est principalement ici que le bas blesse: le manque d’ambition au final. C’est étrange car les deux premiers volumes lancent des pistes et proposent une intrigue qui monte en puissance et qui laissait supposer un grand final. Mais comme ces séquences action très bien menées individuellement mais peu articulées dans les albums, trop timides, on a l’impression d’un manque de passion du scénariste pour ses personnages, pourtant assez réussis: les méchants comme le major West n’interagissent pas avec les héros, le super vétéran de l’armée dont l’on imagine l’intervention déterminante reste un spectateur un peu piteux, Siloë est passive tout le long et le président Steiner comme le chef des Esséniens sont cantonnés dans leurs bureaux. Comme un dramaturge qui ne saurait pas gérer la diversité de lieux on a un sentiment de juxtaposition d’événements, d’actions, de personnages, sans liens.
Logiquement il en est de même pour les planches de Servain, capable de dessins très subtiles, il alterne ici entre très beaux décors, vaisseaux qui semblent l’inspirer et personnages parfois rapidement dessinés. Le cadrage est hésitant comme s’il n’avait pas eu trop de direction de son scénariste… La séquence spatiale finale est par exemple très réussie mais ne se termine pas vraiment de même que son démarrage n’est pas préparé… il en est ainsi de beaucoup de scènes qui manquent de liant. Si le style a légèrement évolué (sans problème de cohérence pour autant), c’est surtout la colorisation qui est plus subtile aujourd’hui qu’à l’époque du tome 1 mais reste dans des tonalités un peu ternes. Avec un style rapide, Servain propose toutefois par moment de très beaux plans calmes ou des graphisme puissants lorsque le contraste de la case l’oblige à rajouter de l’encrage.
Je ne voudrais pourtant pas laisser croire que l’on a affaire à une mauvaise BD. Sans doute que l’attente et les portes ouvertes ont créé de la déception. Mais dans l’univers très concurrentiel de la Hard SF très peu de séries parviennent à assumer leur ambition (Universal War est un peu une singularité). L’art des faiseurs d’histoire est celui du bon agencement des emprunts. Et l’on peut dire que Serge Letendre connaît ses classiques en proposant une Terre futuriste où les déviances actuelles sont à peine poussées: la montée du fondamentalisme, la dépendance envers les technologies (les Dreamboxes rappellent d’ailleurs le récent Paris 2119), le pouvoir des médias,… Comme pour le Niourk de Vatine, on a le sentiment de quelque-chose qui n’est pas parvenu à sortir de sa chrysalide et qui nous laisse un peu penaud. Pas sur que le problème soit lié à la taille de la série (on a tout de même trois albums de soixante-dix pages, soit quasiment six tomes) mais bien plutôt à assumer le statut de série grand-public, d’associer l’intime, la réflexion scientifique et le spectacle. Essai moyennement transformé donc, qui reste malgré tout un projet original qui se classe dans le haut du panier SF avec l’oeuvre de Fred Duval.
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Années 80, Corse. Catherine rencontre par hasard un demi-frère dont elle ignorait l’existence. Il comble un manque inconscient, cette part corse que la parisienne, étudiante venant se ressourcer chez sa cousine ne connaît pas bien. Il révèle les mensonges de sa famille, de sa mère, obligée d’abandonner cet enfant d’un mariage turbulent. C’est l’histoire de la France, de la Corse, d’une famille qu’elle découvre en spectateur. Mais les secrets ne sont jamais terminés…
J’ai lu cet album car il figurait dans la sélection du prix des médiathèques du territoire où j’habite. Il s’agit d’une jolie découverte, dans un style graphique et une sensibilité générale proche du Paroles d’honneur de Leila Slimani et Laetitia Coryn. L’histoire corse en question est remarquablement construite, avec plusieurs étapes qui suivent une évolution surprenante et permettent de découvrir tout en souplesse des sujets assez différents: la mafia, les colonies et la France des années 50, les secrets de famille, la question corse et le terrorisme,… On pense lire une histoire de famille et le curseur s’ouvre rapidement sur quelque chose de plus vaste, sur le principe de la petite histoire qui intègre la grande Histoire. Le personnage principal est assez touchant, jeune fille simple découvrant la complexité des secrets de famille. Cette histoire aurait pu se passer ailleurs et aurait été tout aussi intéressante. Mais elle se passe en Corse et les spécificités de l’île (peut-être un peu caricaturale puisqu’elle ramène inévitablement la question mafieuse: la French Connection… ) rajoute un peu plus de drame. Pourtant le traitement se fait tout en douceur, sans pathos car c’est le point de vue de Catherine qui prévaut, aimant son demi-frère sans jugement malgré les ombres de sa vie. Les aller-retour temporels sont très bien balisés visuellement et se suivent sans difficulté, hormis peut-être l’évolution physique des personnages qui peut parfois être un peu compliquée.
Il en ressort un joli album dont la couverture reflète particulièrement bien cette narration douce et ombrageuse à la fois. Une belle BD que je n’attendais pas et qui, si elle nous surprend peu, est très cohérente et maîtrisée.
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L’album a été lu dans le cadre de l’opération annuelle 48h BD proposant une sélection d’albums à 2€. L’occasion de découvrir cette série incluse dans la collection créé par Jean-Luc Istin (les séries Elfes, Orcs, Nains, etc.). Je dois dire que si ma première tentative sur Elfes n’a pas été très concluante, j’ai essayé cette série notamment pour sa très jolie couverture qui respire la ride et l’âpreté… Les Inquisiteurs sont un ordre d’enquêteurs, à la fois juge et bourreau, envoyés en compagnie d’un sage elfe par le haut conseil des Juges pour résoudre les crimes commis sur le monde d’Oscitan, divisé en deux empires, au nord et au sud. Le concept de la série, par cycles de cinq tomes autonomes conclus par un album commun, propose donc des enquêtes avec un personnage différent chaque fois. Ici Obeyron qui assouvit sa vengeance après avoir été envoyé dans un piège mortel il y a des années et dont il est revenu doté d’une rage et de pouvoirs imprévisibles… Graphiquement on est dans du très correcte, notamment pour les personnages (moins sur les arrières-plans). L’univers de fantasy n’est pas très original mais intéressant néanmoins avec cette ancienne guerre globale dont le monde panse encore les plaies. Si le thème de l’enquête dans un monde de fantasy est sympa, on n’avance pas beaucoup, du fait sans doute d’une intrigue à étaler sur cinq albums. Du coup on lit surtout une succession d’actions violentes de cet ex-inquisiteur qui a un peu oublié qu’il ne devait pas se faire justice lui-même. L’originalité de l’album réside surtout dans ce fantôme d’elfe qui parle à l’oreille du anti-héros sans que l’on sache tout le long si le personnage est fou ou doté de facultés spéciales. Une demi-réussite, comme très souvent malheureusement dans ces séries concept dont est friand l’éditeur Soleil, dotées de belles couvertures, de dessins correctes et de scénarios qui se tiennent… mais peinent à justifier leur existence hors de l’intérêt commercial.
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J’avais chroniqué la très bonne surprise que représentait le premier tome de la nouvelle série SF de Bilal, qui m’avait réconcilié avec le grand illustrateur qui est cette année membre du jury du festival de Cannes… Le tome 1 nous laissait en compagnie de Junia Perth et Obb, à bord d’un aéronef à destination du rendez-vous pour récupérer la fille de ce dernier. Maintenant que le monde entier sait que le spationaute possède dans son crâne, une foule de services secrets, mafias et factions est à ses trousses. Son odyssée ne sera pas de tout repos malgré les pouvoirs gigantesques qu’il a acquis grâce à la cohabitation avec le parasite qui a élu domicile dans son corps…
Bug a le mérite de reprendre les thèmes chers à Bilal (et qui finiraient par devenir obsessionnels tant on les retrouve dans la quasi-totalité de son œuvre BD…) dans une trame scénaristique très classique bien que là-aussi très Bilalienne. J’avais laissé tomber ses BD après la grande déception qu’a été pour moi la quadrilogie du Monstre et je dois dire que nous retrouvons ici comme dans la trilogie Nikopol le même schéma de fuite chaotique d’un héros habité par un trésor improbable. Les héros de Bilal, portant toujours les mêmes visages, sont à la fois dépressifs (le mal de crâne de Nikopol ou de Nike Hatzfeld) et imprévisibles, avec une forte propension à être enlevés par des sectes et autres groupuscules. Résultat de recherche d'images pour "bug bilal"Ses récits sont emprunts d’une sorte de passivité qui transforme les voyages en succession d’enlèvement-fuite. On peut s’en lasser mais constater également que nombre d’auteurs reprennent leurs thèmes de façon plus ou moins originale, à commencer par le patriarche Jodorowsky. Personnellement je trouve que l’on perd un peu en originalité mais si Bug est plus classique, plus sage que le Monstre (notamment graphiquement) il est aussi beaucoup plus accessible et pourrait presque être vu comme une version grand public de sa dernière grande saga. Cela sans-doute car moins personnel, moins intime et plus en phase avec notre actualité. Bug est un pur récit d’anticipation et en cela la vision de Bilal, avec son humour décalé et sa vision toujours fraîche (j’adore ses versions du néo-marxisme, des mafieux corses et des supporters-terroristes de l’OM!) touche juste. Son personnage connecté donne une vision sérieuse et franco-belge de l’héroïne Valiant Livewire et il est amusant de comparer ce traitement très différent, comme quand on mets en miroir les films MCU et l’Incassable de Night Shyamalan! Ce second volume poursuit donc sur les mêmes bases que le premier, avance un peu mais sans que l’on s’attende à un coup de génie scénaristique. C’est bien sa vision du futur et l’ambiance graphique unique qui plaît chez Bilal. On ne peut pas contester l’élitisme/hermétisme de précédents albums et la simplicité du nouveau. Moi je préfère comprendre ce que je lis en rêvant, qui sait, à un retour à une collaboration plus sage avec un certain Pierre Christin…
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Dans cet épisode le tournoi pour déterminer le futur chef du village qui épousera la sœur de Kohaku bat son plein. L’arc du village touche à sa fin avec l’invention de la chimie et du médicament qui devra sauver la prêtresse. Je trouve que la série commence à s’essouffler en réduisant le côté world-building avec un combat où l’on retrouve les grimaces chères à Boichi mais pas très intéressant ni graphiquement ni thématiquement. Heureusement les auteurs savent rebondir régulièrement avec un cliffhanger assez costaud qui nous relate ce qui s’est passé juste après la pétrification… Je pense que je vais m’arrêter là pour ma part mais cette série reste de très bonne qualité pour les jeunes et peut aussi servir à introduire un lecteur (disons à partir de 10 ans?) au manga avec son aspect vulgarisation scientifique accélérée.
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Mauvaise pioche… J’ai découvert le talentueux Gerald Parel sur twitter où il publie régulièrement des fan-art de toute beauté. Du coup j’ai voulu tenter un des rares comics qu’il a dessiné… et comme pour nombre d’autres illustrateurs Parel est clairement plus attiré par les dessins de couvertures et autres concepts que par des albums complets. Celui qui doit publier une nouvelle version d’Astroboy très prochainement (on espère que Morvan saura cadrer) propose ici ce que je qualifierais de brouillon… Si l’histoire n’est pas inintéressante (bien que fortement reprise du scénario du film, avec un focus sur l’alcoolisme de Stark), si Parel excelle dans un style proche du rough tout numérique pour ce qui est des visages et premiers plans, les séquences action, arrière-plans et décors sont totalement brouillons, à peine esquissés et franchement pas chouettes à voir! Je suis dur mais quand on connait le talent du bonhomme on peu être assez choqué que l’éditeur ait accepté de publier cela. Je n’ai rien contre le dessin numérique esquissé, bien au contraire, et il est toujours impressionnant de voir combien en trois traits une silhouette lointaine prends vie. Mais tout de même… Est-ce le problème du calendrier imposé ou Parel qui n’a pas pris le boulot au sérieux, je n’en sais rien mais cela aboutit à un album que je déconseille clairement, même aux amoureux d’Iron-Man et du dessinateur.
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Sa sent la fin! La vague finale de Sato est lancée pour détruire les institutions du pays après avoir pris le contrôle de la base d’Iruma dans une bataille dantesque! Ce volume comporte un peu moins d’action mais garde un rythme endiablé de révélations sur le fonctionnement des Ajin, de leurs fantômes et de leur « physique ». Gamon Sakuraï est un redoutable marionnettiste qui joue de ses personnages en recherchant toujours l’inattendu. Si quelques ficelles du plan de Sato s’avèrent un peu faciles, laissant les forces de défense et le gouvernement dans une sidération totale, on apprécie toujours autant ce diable se jouer de tout le monde avec une facilité déconcertante et une gestion de son corps totalement machiavélique. Au risque, depuis le début de la série, de vampiriser quelque peu l’attention du lecteur en laissant les personnages secondaires en retrait. On ne sait pas trop comment fait le héros Kei Nagaï pour parvenir à comprendre le raisonnement de Sato mais c’est finalement un détail tant cette série continue tome après tome à nous aspirer dans ce tourbillon d’action géopolitique qui n’oublie pas de questionner la société japonaise sur son élitisme et son rapport à l’autre. Résolument un indispensable si vous appréciez les manga!
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La couverture est superbe et le titre diablement intrigant et accrocheur. Un pari réussi sur ce coup de poker étonnant qui a fait parler de lui! Une biblio des deux auteurs est proposée en ouverture. Hormis cela rien de particulier. A noter que contrairement à ses habitude, l’éditeur n’indique pas de nombre de tomes prévus, ce qui est bien dommage, surtout sur une série de Loisel qui nous a habitué à des séries relativement longues.
Années 70, frontière du Brésil, Max arrive en terre inconnue pour retrouver son père, dont il ne connaît pas le nom… Il tombe sur un trio de copines délurées qui le prennent sous leur aile. Entre chaleur tropicale, camps d’ouvriers où règne une loi très primitive et amours simples, Max entame une quête improbable au sein d’une hostile Amazonie où les Mythes et croyances semblent ne pas avoir tous disparus…
Je dois dire que le titre a été l’élément accrocheur qui m’a fait m’intéresser à cette série en titillant ma curiosité. Les deux noms d’auteurs m’ont poussé à l’acheter: si je ne suis pas un fanatique de Loisel dont j’ai tendance à apprécier plus les scénarios que les albums qu’il a dessiné, j’avais énormément aimé le style d’Olivier Pont sur Où le regard ne porte pas… série qui a beaucoup de proximités avec Un putain de salopard (j’y reviens).
Ma première surprise après avoir refermé ce premier volume porte sur le ton de l’album, que j’attendais beaucoup plus sombre au vu du titre. Or si le sujet est bien « Max au pays des salopards » avec un univers féroce qui contraste avec la bonhomie des « 3C » (Corinne, Charlotte, Christelle, les trois filles de l’équipée), le traitement rappel l’atmosphère colorée et rigolote du Magasin général ou du diptyque d’Olivier Pont et Grégoire Abolin. Dès les premières planches à la superbe mise en couleur de François Lapierre (que Loisel a amené dans ses valises depuis ses séries précédentes), on savoure le style à la fois cartoon et très graphique d’Olivier Pont, qui se retrouve dans un univers familier fait de cabanes bricolées, de ciels azure et de feuillages verts profonds. Les respirations ésotériques apportent cette touche de mystère que le dessinateur avait su tisser dans son grand succès… une autre histoire de copains! Cette proximité entre les deux séries n’est pas une redite, elle raconte l’univers personnel d’un grand dessinateur qui rencontre un autre auteur amoureux de la nature. Car du vert il y en a dans ce Putain de salopard! Pages après pages, une bonne partie de l’histoire se déroule en effet dans une fuite de Max et son équipière muette, l’indienne Isabelle, aussi belle que mystérieuse, au sein de la jungle où entre fauves, pluie et maladies la chasse va se rapprocher de la quête initiatique. Malgré ce décors monotone, les planches ne le sont jamais. Avec un art du cadrage et des détails remarquable, le dessinateur (et son scénariste?) parvient à rendre chaque case superbe, inspirée, dessinée. Je note très souvent dans mes critiques la différence entre les bons albums où le dessinateur délaisse ses arrières-plans et les grands albums où chaque détail est travaillé. C’est le cas ici, au-delà d’un simple jeu premier/arrière-plan où la BD vire presque au documentaire animalier, Olivier Pont prends le temps tout au long de ses quatre-vingt pages de peaufiner ce qui fait vivre un univers, ces mille petits détails, mouvements, personnage qui donnent envie d’aller de l’autre côté de la page.
Cette vie est aussi apportée par les personnages, la grande force de Loisel. Ici l’on n’est pas chez les apollons et nymphes que beaucoup de BD nous dépeignent. Si le dessinateur sait dessiner de beaux traits, le duo croque volontairement des filles un peu grasses, un peu maigres, des ouvriers-esclavagistes pas-tibulaires mais presque, ou son héros bien couillon avec ses grandes dents. Les trognes de Corinne, la nympho libre, sont à mourir de rire et les séquences aux dialogues très dynamiques rendent la lecture rapide et joyeuse. On se sent bien avec les « trois C », un peu naïves, amoureuses de la vie, positives en diables et qui apportent une modernité à cet espace loin de la civilisation.
Le dernier élément qui rend cette BD attachante c’est son féminisme béat. Les deux gugus aux manettes de l’album nous dépeignent ce que l’on imagine la Guyane (l’album commence sur un tarmac au Brésil mais tout le monde parle français), où seules les femmes sont intelligentes et rassurantes. Les bonshommes sont soit moches, soit inquiétants, soit violents, soit les trois. Les filles sont amoureuses, optimistes et ont le savoir… J’ai pris beaucoup de plaisir en compagnie des quatre zigoto dans ce début d’odyssée contre l’injustice que l’on imagine virer vers le grand feu d’artifice dans les prochaines tomes. Sur un sujet presque aussi sombre que le Katanga de Nury et Vallée, je préfère cette lumière et cet optimisme où la beauté des feuillages rencontre la beauté des personnes. Et avec deux auteurs aussi talentueux on aurait presque envie que l’aventure se prolonge sur la longueur…
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J’avais critiqué le tome 1 que vous pouvez trouver ici avec notamment le descriptif éditorial. Entrecoupés de pages noires, les chapitres de l’album sont titrés en français et en anglais. Un court cahier couleur démarre l’un des chapitres centraux qui portent sur l’histoire des Anciens. Une courte bio de l’auteur et de Lovecraft est proposée en fin d’ouvrage.
Après le massacre du camp de Lake le professeur Dyer part à la recherche du seul survivant. Après avoir franchi la crête des immenses montagnes noires, par plus de 7000 mètres, ils découvrent une cité cyclopéenne datant de millénaires avant l’apparition de l’homme sur Terre. Une cité qui les mènera aux portes de la folie…
J’avais été légèrement déçu par le premier volume, notamment sur des dessins par trop imprécis et j’ai été très surpris par la différence avec ce second volume, qui s’explique sans doute par la construction du texte original (très progressif) mais pas uniquement. On sent en effet l’auteur bien plus à l’aide dans le graphisme architectural de la cité(les premiers mirages aperçus dans le premier volumes laissaient présager cela). Mais surtout, cette exploration laisse moins de place aux personnages humains (réduits à deux protagonistes) pour entrer pleinement dans une découverte absolument fascinante et remarquablement bien découpée. Pas un seul temps mort dans cet album que l’on peut découper en trois parties: la découverte de la cité, en plans larges, paysagers, montrant les dimensions incroyables des constructions, un gros passage central très réussi relatant l’histoire des Anciens et des Shoggoth qui nous fait entrer pleinement dans le Mythe de Ctulhu, enfin la fuite des explorateurs (je m’arrête là pour ne pas spoiler l’ »indicible » :).Résultat de recherche d'images pour "les montagnes hallucinées tanabe"
On peut regretter le petit manque d’imagination de Tanabe quand au type de constructions, parfois aux proportions démesurées qui illustrent bien le caractère « non-euclidien » de cette cité, parfois on tombe dans le basique mur en pierres avec voûte en berceau… Ca reste un détail mais toute la force des écrits de Lovecraft reposant sur l’impossibilité de ses visions (par exemple le principe même de la mégalopole par 7000 mètres d’altitude), des architectures que des humains auraient pu bâtir brisent un peu la magie. Néanmoins l’auteur sait semer des liens comme cette tour qui rappelle discrètement les peintures de la Tour de Babel (illustrant la descendance humaine des Anciens!) et ces bas-reliefs qui permettent aux explorateurs de découvrir l’histoire des créatures étoilées.Résultat de recherche d'images pour "les montagnes hallucinées tanabe"
Si le premier tome traînait à démarrer, ici on est dans l’action du début à la fin avec un rythme parfait. On découvre l’incroyable avec nos deux témoins, on apprends ce qu’il est advenu du survivant du camp Lake, tout est résolu jusqu’à la conclusion parfaite et logique. Avec ses références bien placées à nombre d’éléments de la mythologie ctulhienne (du plateau de Leng au Necronomicon en passant par la Ville sans nom des déserts d’Arabie,…), le manga de Gou Tanabe sait titiller notre envie de fantastique et pousse à aller lire les ouvrages de Lovecraft et sans doute ceux à venir du mangaka dans la collection éditée en France par Doki-Doki. Très fidèle au texte original, il cite également l’ouvrage mythique Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe, qui a en partie inspiré le mythe de Ctulhu. Un ouvrage sans faute qu’il aurait sans doute mieux valu publier en un unique tome et qui mériterait cinq Calvin avec des dessins un peu plus expressifs.
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Esad Ribic est un de mes dessinateurs chouchou depuis ma lecture du fantastique Thor: le massacreur de dieux et les graphic novels qu'il a sorti sur Loki, Silver surfer et Namor. Capable de l’exceptionnel comme de l'assez banal, ses dessins ont néanmoins toujours une ambiance unique, barbare et éthérée, que j'adore. Mercenaire de Marvel depuis des années, pour lequel il produit un nombre important de couvertures, toutes superbes, Ribic propose avec VS son premier comic indépendant, peut-être lassé par une industrie qui ne permet plus à des auteurs de proposer de beaux albums finis... Panini sort très rapidement sa traduction dans une édition identique à l'originale, avec la maquette particulière qui intègre intelligemment l'atmosphère télévisuelle aux chapitres de la BD et ajoute les couvertures originales et alternatives en fin de volume.
Sur une planète futuriste les conflits armés sont devenus un spectacle télévisé jouissant d'une audience record et sponsorisés par une foule de produits. Tout se vends, tout s'achète. Satta Flyn est le meilleur soldat de la garde industrielle. Voici ses chroniques...
Je ne vais pas vous cacher que je n'ai pas compris grand chose à cette histoire... Est-ce d'ailleurs bien un one-shot? Rien ne le confirme ni ne l'infirme et j'espère sincèrement qu'un tome deux viendra expliciter quelque peu cette intrigue très obscure. Mais y a t'il seulement une intrigue ou le projet n'est-il pas plutôt de dépeindre les chroniques d'une société du spectacle publicitaire?
Car sur ce point l'affaire est tout à fait réussie avec une omniprésence de messages d'annonceurs qui rappellent les films de Paul Verhoeven et le récent Il faut flinguer Ramirez qui proposait comme ici de fausses publicités pleine page. Dans VS ces publicités sont placées idéalement comme pages de transition entre les chapitres, véritables intermèdes dans l'histoire. Bien vu! On découvre ainsi au fil de la lecture de nombreux messages par des bulles et icônes qui nous maintiennent dans cette omniprésence de l'intervention commerciale, du sponsor, sans jamais savoir si nous voyons à travers un écran de diffusion ou la réalité. Les BD traitant de Big Brother ou de l'hyperconsommation publicitaire sont nombreuses mais je n'avais jamais autant été immergé dans cette ambiance par des planches elles-mêmes. Ainsi nous voyons des soldats, entre le sportif et le gladiateur, soutenus par des sponsors qui peuvent décider au gré des choix des actionnaires de retirer leur soutien financier et l'équipement de haute technologie qui va avec. Le héros, amputé de la jambe, peut soudainement se retrouver infirme et le lendemain champion pour peu qu'il ait trouvé une autre écurie.
L'autre réussite est graphique, notamment le design des combattants et l'univers général hyper technologique que maîtrise Ribic depuis longtemps, avec ces arrières-plans brumeux laissant entrevoir de colossaux vaisseaux lardés de halos lumineux provenant des hublots et balises, que l'on voit souvent dans ses albums. C'est réchauffé mais que c'est puissant! Le découpage est généreux, avec un album d'un format ni trop gros ni trop court, des pleines pages et surtout cette science du mouvement, du cadrage dans laquelle le croate excelle.
Et j'en reviens donc à l'histoire, sans quoi on frôlerait l'album parfait (un message, des dessins, et...). Car hormis le démarrage avec de très belles séquences d'action en mode squad militaire SF dirigé par un héros qui déchire avec ses bras robotiques d'appoint très classes, on ne sait pas bien ce que l'on lit. Une description de sa vie de super-soldat, de son contexte, mais une gestion du temps tout à fait opaque (est-on avant, pendant, après?), le scénariste nous instillant par une bulle ici des infos qui seront contredites par la séquence d'après et surtout aucun élément pour attraper une linéarité. Du coup on voit combattre Satta comme un vieux soldat rouillé sans que l'on sache comment on est passé du statut de héros à celui de raté. Est-ce que l'héroïsme était fictif, qu'il le devait au talent de ses adjoints? Est-ce que le temps a passé? Est-il toujours en vie? Est-il un clone? Beaucoup de questions se posent, souvent riches, permettant d'aller dans plein de directions... mais sans rien pour valider une thèse. Du coup ça fait mal à la tête et on finit par perdre totalement le fil à se désintéresser du personnage, pourtant très charismatique.
L'atmosphère militaro-spatial, le graphisme unique de Ribic, justifient pour moi la lecture de cet album mais on a tout de même ici un gros gâchis sur un projet qui avait tout pour donner une BD majeure. Je dis souvent sur ce blog que je suis particulièrement attaché aux dessins. Mais quand on en vient à oublier carrément de construire une intrigue il est difficile de garder une cohérence à un projet. Dommage.
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Blackout est intégré au relaunch Valiant après le très bon Secret Weapons (dont c'est la quasi suite directe), le récent Ninja-K (qui se déroule à peu près en même temps) et la trilogie en cours X-O Manowar.
La psiotique Livewire (dont on comprend qu'elle est destinée à devenir le personnage majeur de cet univers), capable de communiquer et contrôler tout ce qui est électronique, provoque un blackout total sur les Etats-Unis lorsque le gouvernement s'en prends à ses protégés, les jeunes psiotiques branques découverts dans Secrets Weapons. Le GATE envoie alors le héros Aric tout juste rentré de ses aventures spatiales pour contrer Livewire. Ninjak et Bloodshot se mêlent à la bataille ainsi que le HARD corp, dans un conflit sur le rôle que doivent jouer les héros, la liberté individuelle et l'attitude autoritaire des gouvernements.
Un héros doit-il obéir au pouvoir ou est-il un contre-pouvoir? Les psiotiques sont-ils un danger pour l'humanité?... des thèmes classiques de l'univers X-men qui nous sont proposés ici de façon pas hyper originale donc mais très bien écrit et remarquablement dessinée. Car si j'aime toujours le traitement radical des héros Valiant, avec des caractères bien trempés et indépendants voir sombres, c'est bien le graphisme qui marque sur cet album et en fait sans hésitation le plus bel album de l'éditeur proposé jusqu'ici. J'ai déjà remarqué depuis plusieurs albums la barre mise assez haut en matière de dessins mais ici on arrive à un niveau rarement vu en comics. En effet les quelques quatre artistes qui officient sont tous très très forts et particulièrement inspirés. Par exemple Renato Guedes qui m'avait estomaqué sur ses planches de X-O Manowar mais beaucoup déçu sur Bloodshot Salvation #2, impressionne fortement sur cet album. Idem pour Thomas Giorello dont le style semble plus adapté à l'univers terrestre de Blackout (comme celui de Ninja-K) que le gros bordel guerrier d'Aric. Enfin, Patricia Martin reprends exactement le style, la colorisation et le découpage particulier de Secret Weapons pour notre plus grand bonheur. Une véritable dream-team sans aucune baisse de régime qui maintient un intérêt visuel sur une trame sans les ruptures qui avaient pu faire la marque de fabrique de certains albums Valiant (Bloodshot ou Ninjak). Du coup la lecture est aisée, sans réflexions permanentes sur qui est qui et on est quand et reste centrée sur l'intrigue principale. Ça se fout pas mal sur la gueule, l'évolution de Bloodshot est très intéressante et pour peu que vous soyez à jour dans les derniers albums publiés par Bliss vous prendrez grand plaisir à lire l'évolution émotionnelle de Ninjak et Livewire. L'image totalitaire des agences gouvernementales (déjà aperçue dans Ninja-K) étonne et pousse les héros à remettre en question leur rôle. Dès mes premières lectures Valiant j'ai aimé l'idée d'un Toyo Harada, sorte de Magneto œuvrant pour l’essor de la race psiotique tout en les persécutant, cette zone grise où personne n'est très propre. Avec de vrais questionnements qui laissent de côté les quelques délires fantastiques d'autres séries Valiant, Blackout est pour moi le deuxième album de l'éditeur où je prends autant de plaisir (... et qui donne envie de lire d'autres titres!) depuis The Valiant qui m'a fait commencer cet éditeur. Une grande réussite et une porte d'entrée/vitrine possible, relativement facile d'accès et rattachée à beaucoup de séries publiées en France par Bliss.
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