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:::: SPOILERS ::::
C’est vrai que c’est cool de retrouver les personnages et l’univers de La Quête, difficile de bouder complètement son plaisir. Sauf que Le Tendre pratique un art du recyclage bien à lui. Je vais encore faire le parallèle avec la série-mère mais là, c’est le scénario lui-même qui m’y renvoie :
On retrouve donc Mara dans la même situation que dans « La conque de Ramor », le nez plongé dans le même grimoire, mais pour y découvrir un autre secret caché. Ah... Cette fois-ci ce n’est plus un oiseau qu’il faut aller chercher mais une graine. Ah... Pour "affaiblir la menace du dieu Ramor". Ah ! Par quel moyen ? Sais pas, on n’en apprend pas plus.
Je continue : il se trouve que cette graine pousse dans l’estuaire du fleuve Dol. Tiens, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, « Le Rige » bien-sûr ! A moins qu’un fleuve n’ait deux estuaires, c’était déjà là que nichait l’oiseau du temps. Sauf qu’à l’époque s’y dressait le majestueux Doigt du ciel, gigantesque pic rocheux enraciné ici depuis l’aube des temps. Alors pourquoi n’est-il pas là quelques années plus tôt ? Mystère. Nulle trace de la jungle du territoire du Rige non plus, soit dit en passant…
Bref, et qui se cache par là pour garder la fameuse graine ? Fol de Dol évidemment, le même qui apparaissait dans chaque album et barrait l’accès au Doigt du ciel dans « Le Rige ». Le fan-service est assuré ! Je note que Bragon avait déjà rencontré Fol, du coup, du moins sa voix. Pourquoi ne le reconnait-il absolument pas dans « La conque de Ramor » alors, puisqu’il a la même et inimitable façon de s’exprimer ? Un mystère de plus, un mystère de trop.
Ces incohérences et ces facilités me fatiguent. Et encore je n’ai pas parlé de cette histoire de secte sur laquelle repose toute la 2ème saison, dont aucune mention n’avait jamais été faite dans la quadrilogie originelle, à l'encontre de toute logique.
Donc oui, d’accord, tout ça reste sympa et bien dessiné. Mais 8 tomes là où 4 auraient déjà très largement suffi, c’est trop cher payé en temps et en argent pour tenter de prolonger artificiellement la légende de « La quête de l’oiseau du temps ».
Il n’y a plus qu’à espérer que le dernier volet soit, lui, vraiment à la hauteur. En attendant les alléchants « Après la quête ».
J’ai découvert Melvile avec le tome 3 et j’ai immédiatement su qu’il me faudrait la série complète. Dès le lendemain, j’achetai les deux premiers chapitres.
« L’histoire de Samuel Beauclair » est un régal de lecture que je conseille à tous.
L’univers de Romain Renard est construit avec une maitrise totale sur des bases simples mais extrêmement solides : une esthétique hyperréaliste aux couleurs mélancoliques, une ambiance hypnotique et pénétrante, un scénario plein d’ombres, de silences et de secrets, un monde mental au bord du vertige, légèrement flou, ou la réalité n’est jamais complétement certaine. C’est superbe !
« T’zée » fait partie des grandes œuvres qui auront sans doute du mal à trouver un public.
Pour apprécier et saisir la force de cet album, il faut déjà connaître a minima l’Afrique. Or, qui s’intéresse vraiment à l’histoire de ce continent, ses peuples, ses cultures ou ses croyances ? Qui connait ses dictateurs, ses luttes d’indépendances, ses accointances avec la France, le Liban ou la Chine ? Car il est ici question de tout cela.
Et cette tragédie africaine – comme son sous-titre l’indique – EST fondamentalement africaine. Elle met en scène de façon tout à fait réaliste (et en 5 actes comme il se doit) les derniers soubresauts d’un dirigeant autocratique, mégalomane et corrompu. Après sa chute, ce qu’il reste du clan présidentiel est retranché dans son palais et assiste, impuissant, à la dislocation et l’embrasement des régions, livrées aux rebelles. Il n’est alors plus question que de sauver sa peau. Mais d’autres enjeux surgissent inopinément et un piège mortel se tisse.
Si le pays n’est jamais nommé cela pourrait se passer dans n’importe quel état du continent, tant ces régimes post-colonialistes s’y sont maintenus de partout, des années 60 à nos jours, avec l’appui de sombres officines politicofinancières occidentales.
Et Appollo, qui a vécu plusieurs années là-bas, le restitue avec beaucoup d’intelligence et d’acuité. Inspiré de « Phèdre » de Jean Racine, son récit est précis, sec, implacable. Y compris dans la théâtralité parfaitement maitrisée des dialogues et des situations. Chaque protagoniste est dans son rôle et incarne avec lui un pan du drame. Tout se joue sous le regard du « fleuve immense et éternel », élément de décor allégorique, immuable, indifférent aux piteuses intrigues du genre humain.
Toutefois, malgré son enracinement dans la culture africaine, cette histoire a valeur de conte contemporain et possède une ambition et une portée universelles. Comme le précise le scénariste dans sa postface : « Phèdre et Hippolyte, Thésée et Théramène, Aricie et Œnone, tous les personnages de Racine sont zaïrois. »
Une portée universelle certes, mais à condition d’avoir quand même de solides bases littéraires...
A ce texte rigoureux donc, répond idéalement le dessin de Brüno. Élégant, puissant, il atteint par son épure une forme de perfection. Il s’en dégage un équilibre hors du commun. La classe absolue.
En conclusion « T’zée » est une grande œuvre, j’insiste, mais très singulière, presque étrange. Accessible sans être grand public, sérieuse, multi-référencée, en appelant autant à la réflexion qu’à la contemplation… bref, une lecture édifiante, visuellement superbe, mais assez exigeante.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, j’ai l’impression d’avoir raté mon rendez-vous avec cette série qui connait un franc succès – peut-être mérité – mais me laisse perplexe depuis le début alors qu’elle avait tout pour me plaire.
L’excellent dessin de Dimitri Armand n’est pas en cause, au contraire c’est un régal pour les yeux.
En revanche je ne suis jamais parvenu à accrocher à l’histoire de Tristan Roulot. Ce 3ème tome m’a semblé à la fois plus intéressant puisque s’y lèvent un par un les mystères sur la vraie nature du convoyeur, mais aussi plus anecdotique : en effet, la quête de Minerva, s’exposant aux pires dangers pour retrouver son amour perdu de façon presque romantique, semble totalement décalée au vu du contexte (survie, fin du monde) et de ses actes (violence extrême). J’ai vraiment du mal à voir les enjeux et où cela va mener…
Cela dit, je reconnais que ce scénario est original. Il est complexe, relativement cohérent, déjoue les attentes et dénote dans le paysage de la BD post apocalyptique.
« Ces ténèbres qui nous lient » m’a enfin donné un peu envie de connaitre la suite. 2,5/5
Toujours aussi prenant, ce 2ème épisode chez les primates fait preuve d’une maitrise totale du récit comme du graphisme. Le découpage, notamment, est parfait et permet une fluidité remarquable entre les différents arcs narratifs.
Le personnage d’Alissa, mutique et ambigu et celui d’Hisa, aussi perfide que redoutable, se font idéalement pendant. Ce duel à distance apporte une dimension humaine intense à l’intrigue.
Un plaisir de lecture constamment renouvelé tome après tome. Une série exceptionnelle.
Vraiment sympa cet album !
Il y avait de toute façon peu de risques d’un ratage avec ces deux-là : Matt Kindt, scénariste exigeant et pointu et Jean-Denis Pendanx, excellent dessinateur qui s’améliore davantage à chaque parution.
Décors, ambiances, ton, rythme... ils cochent toutes les cases. Un ensemble très plaisant à lire couronné par le personnage de Mammoth qui a un potentiel aussi énorme que sa silhouette. Je ne serais d’ailleurs pas surpris qu’une série voit le jour après le second tome à paraitre en juin.
Cela dit, c’est pour l’instant beaucoup trop court pour se faire une idée. 48 petites pages et 20 mn de lecture à tout casser… Espérons juste que ces bonnes intentions se confirment. A suivre.
Tous les bédéphiles font la même expérience : malgré notre vigilance, des BD majeures arrivent toujours à passer sous nos radars sans qu’on ne comprenne ni comment ni pourquoi. On a beau se tenir au courant, consulter des sites spécialisés, magazines ou librairies, rien n’y fait, on loupe quand même le coche… C’est le cas de « Melvile » en ce qui me concerne. Une série apparemment bien connue depuis des années et encensée par la critique, dont j’ignorais complètement l’existence.
Mais il n’est jamais trop tard ! D’autant que « L’histoire de Ruth Jacob » peut se lire en one shot.
J’ai vraiment accroché à cet épais album qui rappelle d’autres excellentes références mais possède une identité bien à lui. L’écriture est un modèle d’équilibre entre fluidité et complexité narrative, drame intimiste et thriller poisseux.
La partie graphique est d’une beauté pénétrante. Le style cinématographique renforce la précision et le réalisme de l’univers imaginé par Romain Renard et immerge le lecteur dans une ambiance quasi fantastique, parfois solaire, parfois flippante, mais toujours envoûtante.
Réunir à la fois un dessin d’une telle maestria et un scenario aussi riche est très rare de la part d’un seul auteur. Très peu en sont capables et cela force le respect. « Melvile » est une œuvre franchement impressionnante.
Je vais de ce pas me procurer les deux premiers tomes pour me replonger dans cette atmosphère à l'esthétique mystérieuse, magnétique et fatale.
La 1ère scène du 1er tome donne le ton : 4 doubles pages sur fond noir à l’esthétique surpuissante, serties d’un texte minimaliste mais calibré pour plonger le lecteur dans le mystère et l’angoisse. Cette tension ne fera que s’intensifier au long des deux volumes jusqu’au dénouement final dans un crescendo infernal.
Le récit écrit par Lovecraft en 1931 n’évite pas certaines descriptions à la limite du grotesque, époque oblige. Mais elles s’inscrivent dans une trame complexe qui réussit à rester parfaitement réaliste grâce à une myriade de détails tous plus effrayants les uns que les autres. L’écriture est d’une maitrise absolue. Sa mécanique narrative implacable (chaque nouvel élément découle du précédent) tient en haleine continuellement. Le lecteur assiste impuissant au cauchemar éveillé du jeune Robert Olmstead, qui malgré son courage et ses ressources, s’enfonce toujours plus avant dans le piège d’Innsmouth qui se referme inextricablement sur lui.
Gou Tanabe livre avec ce diptyque sa plus belle prestation graphique. Son dessin, précis et fouillé, restitue d’incroyables décors et révèle page après page l’effroyable vérité en ménageant ses effets avec un art consommé de la suggestion.
Une lecture fascinante, à mon avis le meilleur « Chef d’œuvre de Lovecraft » de la collection.
Un troisième et dernier tome réussi, surtout au niveau des ambiances. Le trait plein d'élégance et d'énergie de Clément Oubrerie, complété par une colorisation vintage, lui permet de bien restituer l'époque et l'exotisme du Moyen-Orient.
Côté scénario, en plus d'une atmosphère toujours très mystérieuse, Julie Birmant anime l'action de dialogues tout en finesse et propose une conclusion inattendue et malicieuse.
Au chapitre des bémols, il est dommage que Renée n'ait pas davantage de caractère. C'est un personnage original et bien trouvé. Elle aurait mérité d'être mise au premier plan avec plus de mordant et de sagacité. L'ensemble de la narration, plutôt feutré au regard de l'intrigue échevelée, aurait d'ailleurs gagné à être plus vif. Le flegme britannique qui s'en dégage est tout à fait approprié mais engourdit parfois le rythme.
Il ne s'agit pas d'une série inoubliable mais c'est une lecture agréable. Savoir qu'une suite de cette trilogie est prévue est une bonne nouvelle. Je poursuivrai l'aventure sans hésiter.
Cette BD est de celles à "double effet".
Premier effet : après un début qui prend son temps pour définir le contexte, le rythme de croisière s'installe avec ce qu'il faut de souffle et de tension. Rien ne manque au décor. Aucun doute alors, on est bien embarqués au cœur d'une bonne vieille aventure de flibuste, efficace et peuplée d'excellents personnages.
Mais c'est à ce moment-là qu'arrive le deuxième effet : l'aventure tourne court et prend un cap beaucoup plus politique. L'action cède la place à une réflexion humaniste faite de dilemmes, de cas de conscience et de convictions. Les pirates se retrouvent traqués, acculés et leurs rêves libertaires ne pèsent plus très lourd. Leur existence même - faite de pillages, certes, mais aussi d'honneur, de dignité et de respect - est un défi aux empires qui n'auront de cesse de l'éradiquer.
Ils ont contre eux l'ordre du monde.
C'est la fatalité de ces vies-là, les derniers feux d'une utopie égalitaire, que Toulhoat et Brugeas mettent en images avec réalisme et beaucoup de générosité dans ce superbe album, haletant, intelligent et dramatique, qui va beaucoup plus loin que ce que les codes traditionnels imposent au genre.
Beau et prenant. A lire absolument !
J'ai trouvé ce nouveau tome moins intense que les précédents.
Le dessin est toujours aussi bon pour les personnages et les éléments de décors mais il m'a semblé un peu moins spectaculaire en termes de lumières et de cadrages. Autre exemple, beaucoup de fonds de cases neutres, uniformément bleus ou gris, auraient mérité plus de textures et de profondeur.
Cependant, même si J. Homs nous avait habitué à encore plus de virtuosité, son talent n'est évidemment pas à remettre en cause. C'est clairement à la précision et la force de son trait que la série doit son succès.
Le scénario part lui aussi sur des bases plus simples. Les 2 arcs narratifs ne réservent guère de surprise pour l'instant. Mais linéaires et cohérents, ils permettent une excellente fluidité de lecture.
Malgré cette légère baisse de régime, "Shi" reste une BD de très haut niveau et je ne doute pas que ce nouveau cycle se conclura de façon détonante dans sa seconde partie.
Il est certain que le dessin d'Antonio Lapone ne fera pas l'unanimité. Il est exagérément anguleux et extrêmement chargé. Il s'en dégage parfois une impression de fouillis visuel pas toujours agréable.
La mise en couleur plutôt terreuse - hormis les rouges - est utilisée comme un simple élément graphique. Elle est belle mais n'aide pas à distinguer convenablement les différents plans des cases.
En clair, la lisibilité a été délibérément négligée et c'est un choix assumé de l'auteur. On adhère ou pas.
Pour autant le rythme et l'énergie débordent des pages et donnent un souffle certain au récit. Cette densité permet de restituer les ambiances effervescentes des rédactions de presse périodique de cette époque, de l'après-guerre au milieu des 70's. C'est ce que nous montre le scénariste, l'excellent Juan Diaz Canales : même les magazines de divertissement comme "Gentlemind" n'ont pu ignorer les douloureux bouleversements sociaux qui ont agité les Etats-Unis. On le voit à travers les nombreuses couvertures qui jalonnent l'album et résument à elles seules ces 3 décennies bouillonnantes qui auront emporté avec elles les restes d'un monde masculin, blanc, conservateur et bien pensant. L'amorce du changement à venir se dessine (littéralement) à la une de toutes ces revues ; jusqu'à la conclusion que j'ai trouvé efficace et réussie. C'est un travail d'écriture très fin, ambitieux et intelligent.
Cela dit je reconnais que je n'ai pas retrouvé le même plaisir que pour l'épisode 1, surtout à cause de certains personnages, devenus aigris et antipathiques, que je ne suis pas arrivé à cerner.
Il me semble malgré tout que les qualités l'emportent sur les défauts. C'est une BD au thème singulier, traité de façon très originale, qui mérite largement qu'on s'y attarde.
::: Avis basé sur l'édition grand format :::
Comme tout le monde connaît déjà le personnage, c'est plutôt à une fascinante REdécouverte de "Frankenstein" que nous invite Georges Bess. Un livre visionnaire écrit par Mary Shelley en 1818, devenu une des pierres angulaires de la mythologie fantastique moderne. Tout comme Dracula d'ailleurs, le précédent chef d'œuvre de Bess, avec qui cette version définitive du mort-vivant le plus célèbre de la littérature forme un des plus beaux diptyques de l'histoire de la BD.
Je n'ai jamais lu le roman originel mais on devine que l'adaptation lui est parfaitement fidèle : la langue utilisée, les décors, la dramaturgie, le romantisme gothique, et bien évidemment le dessin somptueux qui évoque parfois des monotypes ou des encres de Chine d'époque. Tout nous projette au 19e siècle tel qu'il l'était quand la géniale Mme Shelley l'a écrit. Pourtant, les questions soulevées au fil du récit font encore écho à notre société contemporaine et résonneront toujours dans l'actualité tant que l'homme créera ses propres monstres, quels qu'ils soient.
L'univers graphique, maitrisé jusque dans ses moindres détails, confère une telle intensité à la confrontation mortelle entre Victor Frankenstein et son abominable création qu'elle en est déchirante.
Les planches sont moins ornementées qu'elles ne l'étaient pour "Dracula" mais la relative sobriété de la mise en page donne à la créature sans nom une dimension encore plus pathétique et pénétrante. Son humanité vacillante, sa silhouette, sa stature, son regard, sont inoubliables.
Un album magistral.
L'enfance de David Sala a été placée sous l'égide de deux figures tutélaires intouchables : ses deux extraordinaires grands-pères, tous deux survivants de guerre, aux parcours aussi dantesques et héroïques l'un que l'autre.
On devine la chance que peut avoir un enfant de grandir juché sur les épaules de ces géants-là, guidé par leur bienveillance et leur courage. Car ils ont eu en plus la sagesse de rester humbles et n'ont jamais tiré la moindre gloire de leurs exploits.
Mais on mesure moins la difficulté que ce même enfant peut ressentir devant la hauteur vertigineuse où ces hommes ont placé leur exemplarité. A côté d'eux, le jeune David ne peut que se sentir minuscule, quoi qu'il fasse de sa vie. En somme, rassuré par leur force mais effrayé par la portée de leur ombre.
Dans la première partie de l'album, David Sala dresse donc leurs portraits tel qu'il s'en rappelle quand il était gamin. Et quels portraits ! Ils prennent vie à travers un graphisme d'une beauté foudroyante. Sa reconstitution des années 70 est visuellement exceptionnelle. Là, les mots ne servent à rien, il faut se plonger dedans.
Puis vient une seconde partie. David a grandi. La narration s'accélère. Il est adulte et parle maintenant de lui au présent. Je me suis alors demandé ce qu'il allait faire de tout ça, de cet héritage si riche qui laisse le souffle coupé et le regard songeur.
Et bien il n'en fait rien de particulier. Pas de leçon, pas d'autofiction, pas de légende personnelle. Son récit est simple et sincère. C'est justement toute la puissance de son travail. Au plus près de lui-même, il nous montre comment il s'est construit tant bien que mal avec ces souvenirs. Les siens propres mais aussi ceux de la mythologie familiale qu'il perpétue, la mémoire hantée par la fatalité, la résilience et la mélancolie. Comme si, jour après jour, une longue maturation avait infléchi le cours de sa vie pour l'amener à créer ce livre, qui prend une valeur d'œuvre testamentaire universelle.
Une façon pour l'auteur de se délivrer du poids de ces héros en le transmettant au lecteur qui lui, s'en sent paradoxalement plus léger. C'est superbe (hormis la couverture, complètement ratée).
Quelle histoire !
Mais où Julien Lambert va-t-il chercher tout ça ?
Pourtant ses ingrédients sont assez simples : une ville craspouille et mitée, des égouts tentaculaires, un héros qui dialogue avec les objets, une légende urbaine... et voilà tout. Mais avec ça il fabrique de bric et de broc un conte généreux à l'intensité dramatique saisissante.
Ses moyens graphiques et sa mise en scène sont modestes mais clairement maitrisés. Le dessin est d'une lisibilité parfaite, les personnages sont incarnés en quelques traits bien posés et les décors n'ont besoin que d'un détail pour sentir la rouille et le salpêtre. S'ajoute à cela un scénario inventif et cohérent qui prend des risques pour sortir des sentiers battus. Il gagne même plusieurs degrés de lecture grâce à des thèmes sensibles intelligemment traités.
J'avais beaucoup aimé le premier diptyque mais je n'imaginais pas que VilleVermine deviendrait une série. Après avoir lu "Le tombeau du géant", cela s'impose comme une évidence. J'espère donc que de nombreux autres tomes de cette qualité suivront.
Jacques Peuplier, le gentil colosse aussi doué pour parler aux choses que pour prendre des gnons, promène ses rouflaquettes dans un univers décidément fécond sur lequel Julien Lambert, son créateur, règne en maître inspiré. Je lui dis bravo !
:::: AVIS POUR L'EDITION GRAND FORMAT ::::
Autant être clair, ce n'est pas le scenario que je plébiscite dans ce 2° tome.
Les personnages - et surtout les décors - sont bien traités mais l'intrigue est trop peu crédible, ou disons trop banale, pour venir m'interpeller.
C'est plutôt le rythme et le sens du découpage de L. Astier que j'apprécie. Il se dégage de ses pages une énergie qui rend la lecture accrocheuse.
D'ailleurs, à moins d'être allergique au noir & blanc, cette série gagne à être lue dans l'édition grand format qui bonifie le dessin en révélant sa richesse et en lui apportant une force que la version courante peine à atteindre.
Quel album ! Quel plaisir de lecture !
D'une part, une intrigue sanglante autour d'un clan familial véreux et ses trafics pour faire main-basse sur une ville aussi mystérieuse qu'inquiétante. Mais pas que...
D'autre part, un graphisme magnétique qui instaure page après page un climat délétère et suffocant. Avec une mention spéciale pour le personnage du Derviche, exceptionnel.
Les auteurs de "L'homme gribouillé" ont frappé très fort.
'Saint-Elme' devrait rapidement se positionner comme une série de premier plan tant c'est excellent !
En découvrant "Saint-Elme" dans les rayons, sa couverture étrange et l'intérieur bizarrement bariolé ne m'avaient pas totalement convaincus. Mais Frederik Peeters est l'un de mes auteurs préférés (j'ai quasiment tous ses albums). Comme en plus les premiers retours étaient bons, j'ai fini par l'acheter et j'ai carrément bien fait.
Cette colorisation si particulière prend tout son sens à la lecture. Dès l'entame j'ai été aspiré par ce graphisme hallucinant qui donne à ce polar une atmosphère fantastique, une dimension corrosive presque malsaine, avec des bleus et des rouges irréels. C'est du grand Peeters !
Côté scenario, on a Saint-Elme, une ville improbable et un décor extrêmement bien trouvé, des personnages plus interlopes les uns que les autres, une intrigue poisseuse à souhaits... Tous ces éléments s'agencent à la perfection et m'ont laissé une impression de trouble persistante.
Un excellent premier tome, addictif et pleinement maitrisé.
Winshluss - un auteur très rare - signe avec "J'ai tué le soleil" un roman graphique intense et crépusculaire. En phase avec l'époque, en phase avec le genre Survival post apocalyptique dont il reprend les codes en y ajoutant sa radicalité.
Le récit se divise en 2 grandes parties extrêmement bien maitrisées :
La première, "Avant", est essentiellement graphique avec de nombreuses planches muettes.
La deuxième, "Après", est plus narrative, moins horrifique, et vient apporter les éléments de contexte grâce auxquels on réalise la portée insoupçonnée de l'histoire.
S'ajoute enfin une troisième partie de quelques pages, "Maintenant", qui met en perspective toute la trame. Cet épilogue donne un effet de loupe poignant au personnage et peut changer le sens du récit en fonction de ce qu'on en comprend. C'est du grand art !
Un album coup de poing, d'une incroyable maîtrise, je l'ai dit, dérangeant aussi par la dimension psychotique, trash et nihiliste qui s'en dégage. Winshluss, en iconoclaste un poil cynique et désabusé, nous oblige ainsi à porter un autre regard sur la survie et remet en question les espoirs et les convictions qu'elle suscite en chacun de nous. C'est très fort.
Techniquement, son noir & blanc tranchant, superbement ponctué de quelques passages en couleurs, donne des séquences d'une puissance cinglante. Le trait brut et charbonneux installe une tension qui colle particulièrement bien à cette ambiance de fin du monde.
Une œuvre forte. Une lecture passionnante.
Les tomes s'enchainent et ne se ressemblent pas, même si le référentiel reste inchangé : le dessin sombre et contrasté, la double planche, l'histoire sans gloire ni honneur, le fatalisme exacerbé...
Pourtant, malgré ces marqueurs forts que l'on est sûr de retrouver, je suis à chaque fois surpris par la tournure des évènements.
C'est encore le cas avec "Maître Bryce" qui revient longuement sur la jeunesse dramatique de Bass.
Après 7 tomes, le travail d'écriture de Darko Macan est toujours aussi sobre et efficace. Il a réussi à forger un personnage impénétrable et tourmenté dont les fêlures mal colmatées cachent une fragile mais profonde humanité.
Il est extrêmement rare que j'achète une BD sans en aimer le dessin. C'est pourtant ce que j'ai fait avec "47 cordes".
Je l'ai fait car je sais que Timothé Le Boucher écrit ses histoires avec une grande finesse. Elles distillent une étrangeté très particulière, un parfum d'inquiétude que j'apprécie beaucoup. Il accorde également une importance majeure à la psychologie de ses personnages et sait jouer de mille petites subtilités pour affiner leurs caractères. En un mot, c'est un grand scénariste.
Il est sans doute aussi un grand dessinateur mais je ne parviens pas à apprécier son trait à sa juste valeur, question de style. Il est beaucoup trop aseptisé pour moi.
Je reconnais toutefois qu'il arrive à insuffler de la vie et du mouvement à ses acteurs grâce à un équilibre harmonieux des corps, des positions justes, un design impeccable et des cadrages élaborés. Je n'y suis pas sensible mais c'est un travail graphique remarquable.
Tout ça pour dire que "47 cordes" coche toutes les cases. C'est une œuvre impressionnante et réussie à tous points de vue. En tout cas dans le registre visé, à savoir le conte fantastique, ça fonctionne à la perfection.
Il y quelque chose de très théâtral dans tout ça mais ce n'est pas un défaut, bien au contraire. C'est justement ce qu'il fallait dans ce contexte de faux-semblants, de polymorphisme et de métamorphoses. Plus d'action ou plus de réalisme aurait ruiné cette élégance froide et raffinée, parfaitement adaptée aux décors quasi surnaturels, trop luxueux pour ne pas être suspects. Et c'est cet aspect qui provoque la dimension hypnotique et obsédante indispensable à la trame. Entre illusions et fantasmes, une atmosphère vénéneuse se répand dans ce qui devient peu à peu une scène où se jouent les destins.
Cet univers artificiel, incertain, vaguement décadent est le terrain de jeu de la métamorphe, une insaisissable créature qui a jeté son dévolu sur Ambroise, le héros qu'a choisi l'auteur pour lui servir de proie. Je le trouve assez terne et peu attachant mais par effet de contraste, il fait de la métamorphe la véritable héroïne du récit - et une grande héroïne tout court - que j'ai vraiment appris à aimer au fil des pages. Malgré son charisme magnétique, ses pouvoirs de déesse et sa dangerosité, elle est pénétrée par une forme de vulnérabilité qui la rend magnifique.
En conclusion, 47 cordes possède ce qu'il manque trop souvent aux autres productions : l'ambition.
Timothé Le Boucher se donne les moyens d'explorer l'univers qu'il imagine dans les moindres recoins, de le faire exister en prenant tout son temps pour y installer un climat de tension fascinant, y faire planer une menace indistincte sur des êtres devenus objets d'enjeux qui les dépassent. Tout cela fait sens et réussit immanquablement à interpeller le lecteur.
Cet album est captivant, solide et réalisé avec grand talent.
La barre est haute... Si la deuxième partie se maintient à ce niveau, le 9ème art aura gagné une nouvelle référence.
Dans un présent alternatif, une partie de la France est sous les eaux.
Le pays se réorganise tant bien que mal en se calfeutrant derrière des digues. Mais nombreux sont ceux qui veulent échapper à ce nouvel ordre sécuritaire et rapiécé en partant vivre au gré des flots. Cependant, leur mode de vie libertaire et autarcique n'est pas du goût des autorités qui vont rapidement l'interdire et les traquer...
J'adore ce scenario, aussi propice à l'imaginaire qu'à la réflexion.
La couverture, superbe, est déjà une invitation à l'évasion !
A l'intérieur, Benjamin Flao alterne les planches pleine pages hyper réalistes faites au pinceau avec ce dessin crayonné, vibrant et expressif, si caractéristique de son style. Le combo parfait pour créer une ambiance de délitement très immersive. Visuellement il s'en dégage une force évidente et une sensation de liberté sauvage.
Pourtant, loin d'une vision post apocalyptique anxiogène, l'atmosphère reste chaleureuse et poétique, presque bienveillante.
L'histoire est d'ailleurs racontée par un chien télépathe, rêveur et contemplatif. Ce narrateur impromptu n'a rien d'un artifice. Il contribue à rendre les protagonistes encore plus humains tout en apportant une touche fantastique bien en phase avec cet univers. Grâce à ce regard animal, tout ce qui pouvait être glauque a été laissé hors-champ et l'attention est focalisée sur les personnages, particulièrement attachants et bien incarnés. L'auteur s'en approche au plus près et prend le temps de les faire dialoguer pour permettre au lecteur de mieux les connaitre.
Le rythme, entrecoupé de silences, n'est donc pas intense mais l'action n'est pas le moteur narratif. C'est une forme de mélancolie qui fait progresser le récit à hauteur d'homme, indolemment mais sans faiblir, au milieu de décors vertigineux.
Au bout des 156 pages, il est encore difficile de savoir où Benjamin Flao veut nous emmener. Sans doute vers une certaine idée de la liberté ? On peut le penser. Une chose est sûre, je me laisserai embarquer avec Hans et Gorza en toute confiance dans le second tome de ce diptyque.
Un album humaniste, riche et beau, qui m'a procuré un ardent plaisir de lecture.
Bravo et merci !
PS. Attention, grosse faute d'orthographe page 108 : "Je ne peut..." Ouille !! A corriger impérativement dans les prochaines réimpressions...
Il suffit de feuilleter "René.e aux bois dormants" pour deviner que cet album va nous faire plonger dans l'inconnu.
Chaque page est un nouvel univers qu'Elene Usdin réinvente sans cesse avec un langage graphique radical, peuplé d'Esprits chamarrés, de créatures inquiétantes et de fantômes. Libre et inventive, elle ne fait aucune concession à un quelconque formalisme.
Ce voyage hallucinant où le réel n'a (presque) plus cours, saturé de couleurs, tient plus de l'art que du simple dessin. On pense à Delaunay, à Kirchner, à Bacon, au Fauvisme surtout. Et ce n'est pas qu'un vernis esthétique pour en mettre plein la vue. Cette incroyable palette est porteuse de sens et traduit magnifiquement les puissances de la Nature qui jouent ici un rôle fondamental. L'autrice en fait un poème visuel envoûtant et troublant, fortement teinté d'animisme.
Elle s'immerge dans le ressenti et les sensations, comme emportée par des visions chamaniques qui convoquent en nous quelque chose d'archaïque, quelque chose qui n'a pas de nom. Un déferlement d'émotions crues qui noie tout besoin d'explication : "Allons ensemble nous enivrer du sensible", page 178.
Cette forme fantasmagorique est entièrement au service du fond. Car, il y a bien sûr une finalité à ce vertige chromatique.
On pressent dès le départ que le trame est cohérente et qu'un récit précis, puissant, se construit. Preuve de la maîtrise peu commune d'Elene Usdin : malgré de multiples digressions oniriques imbriquées les unes dans les autres, le fil n'est jamais complètement perdu.
Je savais intuitivement en m'égarant dans ces images qu'il en ressortirait une vérité bouleversante. Mais j'ignorais laquelle.
La quête éperdue de René.e/Judith à la poursuite de leur doudou lapin (hommage à l'Alice de Lewis Caroll) est en réalité une quête identitaire, vitale. Derrière ces métamorphoses, ces transmutations mêmes que vivent les jeunes personnages, c'est l'histoire d'un terrible drame, bien réel, qui remonte à la surface de la mémoire. Le rêve est donc ici un refuge, un mécanisme de défense que l'esprit élabore pour se protéger d'une douleur indicible.
Cette histoire, on le comprend explicitement à la fin, est celle de la "rafle des années 60". Celle du martyr des enfants autochtones du Canada, déracinés de force, arrachés à leur culture, leurs dieux, leur langage, privés du respect ancestral que leur peuple éprouvait pour la nature.
J'en suis ressorti sidéré, groggy.
La question de noter une telle œuvre n'a d'ailleurs pas beaucoup de sens. C'est une expérience plus qu'une lecture.
Je mets évidemment 5 étoiles pour l'impact et la beauté du dessin, la leçon de bande dessinée, la symbolique, la profondeur du propos... Mais d'autres pourraient n'en mettre qu'une, voire aucune. C'est tout à fait insignifiant.
C'est un livre important, hors norme, qu'il faut lire absolument, quitte à ne pas tout saisir.
Magistral !
Quand on feuillète l'album il n'a pas vraiment l'air sexy (j'y reviendrai). Mais derrière ces apparences un peu mornes se cache une œuvre irrésistible.
Son scenario est impressionnant d'érudition et pétille d'énergie. Il fait du Livre, avec un grand L, le cœur battant de la connaissance et de la transmission du savoir. 'Savoir' que Lupano sacralise et érige en bien universel, en intelligence collective héritée de siècles de pensée. Il en fait surtout un étendard étincelant contre la barbarie.
Et cette lumière pour l'humanité, il suffira de l'aveuglement d'un seul homme pour l'éteindre à jamais. C'est ce que commet, cet an de grâce 976, le puissant vizir de Cordoue en livrant aux flammes la plus prodigieuse bibliothèque de son temps.
Pour la progression de son intrigue, le scénariste va constamment jouer sur la fragilité du livre - en tant qu'objet - et créer ainsi un suspense digne des plus grands récits picaresques : un archiviste replet, une brillante copiste et un voleur minable vont risquer leurs vies pour sauver d'inestimables manuscrits du funeste autodafé et tenter de les emmener en lieu sûr.
Les ouvrages réchappés du brasier, rudement transbahutés à dos de mule, vont alors subir tous les outrages au fil d'un trépidant périple tragi-comique. Cette équipée est si piteuse qu'elle en devient grandiose. A l'image de ce récit truculent remarquablement fluide.
Les excellents personnages, vivants et parfaitement caractérisés, touchent autant par leur détermination que par leur maladresse et leur impuissance à préserver leur trésor.
S'il s'agit d'une fable, l'auteur nous rappelle également avec force qu'elle est ancrée dans une époque lointaine mais bien réelle : celle où le monde arabo-musulman, pourvoyeur de culture, rayonnait aux portes d'une Europe encore plongée en plein obscurantisme.
Voilà pour l'écriture inspirée d'un Wilfrid Lupano toujours très affuté.
En revanche pour la partie graphique je serai plus mesuré. Il s'en dégage de belles ambiances et beaucoup de vivacité, c'est indéniable. Mais je ne peux pas dire avoir été transcendé par le dessin de Leonard Chemineau, tantôt très caricatural ou crayonné, tantôt réaliste et précis. Sans démériter, ce style incertain m'a semblé bizarre et moins abouti que sur le très réussi "Edmond", par exemple. Mais je salue bien sûr son énorme travail sur ce titre.
La faute également à une qualité d'impression moyenne, et là, je ne rejoins pas du tout les autres commentaires. C'est pour moi une vraie déception de la part de Dargaud, d'habitude irréprochable. Peut-être ne s'agit-il que d'un défaut de mon exemplaire mais le trait manque singulièrement de netteté. Par ailleurs, les couleurs sont belles mais ternes et de nombreux grains et autres impuretés viennent trop souvent salir les aplats, surtout les jaunes. C'est vraiment dommage.
Pour un album qui fait du livre son sujet, l'ensemble du travail éditorial aurait pu d'ailleurs être encore plus soigné. Le signet et la tranche des pages bleue sont sympa, certes, mais le reste ? Au hasard, un papier de meilleure qualité, un dos toilé, un titre embossé ou un simple vernis sélectif aurait eu plus d'allure, surtout à ce prix-là (35€, imprimé en Italie !..)
A titre d'exemple, je viens d'acheter "René.e aux bois dormants" chez Sarbacane, à la pagination comparable mais d'un format beaucoup plus grand, avec un papier plus épais, chatoyant de couleurs impeccables, pour moins cher (32€, imprimé en France...)
Mais mis à part ces bémols qui ne feront sûrement grommeler que moi, je ne peux que recommander cette Bibliomule, une excellente BD pleine d'émotion, d'enseignement et de sagesse. A lire absolument !
Devant l'avalanche de parutions qui submerge les étals, j'avais fait l'impasse sur La Venin lors de sa sortie, non sans avoir hésité.
Mais quand j'ai vu que Rue de Sèvres allait ressortir chaque tome en grand format N&B (tout ce que j'aime) ce fut l'opportunité de rattraper mon retard en m'offrant le premier et je ne le regrette pas.
"Déluge de feu" est un bon album.
Il ne fait certes pas dans la dentelle ! Mais malgré la trame classique et les clichés, les rebondissements s'enchainent sans mollir en impulsant un rythme hyper dynamique, boostés par des cadrages très efficaces. Emily - mélange de pin-up badass et d'ange de la mort - en devient une héroïne attachante et suivre sa cavale, aussi invraisemblable soit-elle, est un vrai plaisir.
Du coup, je suis bien content de découvrir enfin la série dans cette belle édition, écrin idéal au dessin bien typé de L. Astier.
Ouais ouais ouais... Il ne faut quand même pas être exigeant pour trouver cet album excellent.
Pour ma part, ce furent 20 mn de lecture sympa, sans plus. Dès les premières pages j'y ai vu des défauts qui ne m'ont pas lâché jusqu'à la fin. Le principal d'entre eux est qu'il n'y a aucun enjeu à cette histoire, totalement anecdotique, presque inutile. En fait, les Sarmates se débrouillent très bien toutes seules et n'ont nul besoin de nos gaulois qui, du coup, ne servent à rien. Tout comme César n'a nul besoin d'un griffon.
Sur la forme j'ai trouvé l'ensemble peu drôle, et malgré de bonnes situations, les dialogues sont rendus artificiels par des kyrielles de jeux de mots lassants à longueur de bulles qui m'ont provoqué plus de soupirs que de sourires.
Mais bon, par respect pour les auteurs qui ont fourni un travail honorable, je ne vais pas me répandre en critiques.
Pour les qualités : l'originalité des décors, les nombreux personnages féminins et le dessin, bien sûr, vraiment bon.
2,5/5
J'ai relu l'Acte 1 pour me rafraîchir la mémoire avant d'entamer "Maison-vide". Et, malgré ses qualités, c'est vrai qu'il avait une structure narrative assez complexe qui nuisait un peu au confort de lecture.
L'auteur, décidément très pro, a parfaitement corrigé le tir.
Ce 2ème tome est plus court, plus fluide, plus rythmé. Les flashbacks sont encore très nombreux mais ils éclaircissent le récit et donnent à voir les personnages sous un jour inattendus. L'atmosphère de thriller se renforce et la tension s'installe. C'est du très beau travail.
Lire "Le Serpent et la Lance", c'est se plonger dans une époque et des décors complètement inédits en BD, écrits et dessinés avec grand soin. Mille mercis à Hub d'avoir créé cette aventure avec autant d'intégrité et de passion. Je trépigne d'en connaitre la suite, bravo !
Je viens de relire la toute première version du Secret de l'Espadon (voir mon avis pour ceux que ça intéresse) et qu'on aime ou pas les vieilles reliques, l'ambition, l'énergie et la tension de ce tome inaugural lui donnaient une ampleur inégalable. Franchement, je trouve que ce "Dernier Espadon" fait pâle figure à côté. J'ai vraiment du mal à comprendre qu'on puisse lui attribuer la note maximale.
Evidemment ce n'est pas si mal non plus. Je ne suis pas un spécialiste de B&M mais l'esprit de la série est globalement respecté. L'ambiance est authentique, malgré la violence, et la ligne claire fidèle.
En revanche le scénario est largement perfectible et n'a rien à voir avec la qualité de l'Espadon historique. Les efforts de Van Hamme pour coller à l'histoire originelle sont louables et certains passages restent efficaces. D'autres en revanche m'ont semblé faiblards.
Quant aux deux "subterfuges" autour desquels s'articulent le récit - faible hommage au 1er opus - ils sont si prévisibles qu'on les voit venir à des kilomètres. C'est navrant, et surtout dommage, car derrière cette forme de facilité, voire de paresse scénaristique, c'est le plaisir de lecture qui s'enfuit aussi vite qu'un espadon gagnant la stratosphère...
En résumé c'est un album correct mais que j'oublierai très rapidement.
A titre personnel, je préfère les albums "vu par" ou les hors-série comme "Le dernier Pharaon" (même si oui, je sais...). Au moins ce ne sont pas des copies serviles qui ne tiennent jamais la comparaison avec l'original. Et les personnages existent par eux-mêmes, hors leurs créateurs; Ils n'en sont que plus vivants, intemporels et universels.
"Hudson Megalodon" confirme toutes les bonnes intentions qu'avaient affiché d'entrée "Manhattan Jungle".
Il se déroule dans une ambiance assez hollywoodienne et décomplexée, avec de l'action en Cinémascope et des rebondissements en cascades. Les personnages surjouent largement mais leurs répliques, même les plus lourdingues, restent ultra efficaces et adaptées au cadre.
Le clou du spectacle, lui, est assuré par les improbables dinosaures qui peuplent New York et bouffent tout ce qui leur tombe sous les crocs, surtout si ça ressemble à un GI !
Bref, ça peut paraitre n'importe quoi mais c'est super bien fait et ça marche à fond. Le scenario, précis et bien huilé, exploite à la perfection ce ton décalé qui permet constamment d'accrocher le lecteur avec un mélange détonnant d'humour et d'adrénaline.
Avec son dessin qui en met plein la vue et le rythme de dingue qu'il arrive à insuffler à ses planches, Eric Hérenguel est un de ces gars qui maitrisent tous les codes de la BD populaire, auxquels il sait ajouter ce truc en plus pour en faire un succès. On peut parier que ce sera le cas pour The Kong Crew, tant on devine intuitivement que cette série jubilatoire a le potentiel d'un futur Classique.
Ce 2ème tome est beaucoup mieux que le précédent.
De la bonne SF à l'ancienne, un peu pépère mais dépaysante, avec des décors aussi beaux qu'efficaces et un rythme agréable. Quelques séquences marquantes viennent enrichir un scénario qui reprend du poil de la bête et annonce de belles surprises à venir.
J'ai toujours des réserves sur les personnages, un peu statiques et insuffisamment développés à mon goût. Mais ça n'amenuise pas l'impression de qualité qui se dégage de cet album.
J'ai pris un grand plaisir à le lire en tout cas. En bonus, la couverture est superbe !
Ce nouveau cycle démarre à Alysandra, la florissante capitale de Lys, Terre du peuple primate. Un univers dépaysant, semblable à la Chine, très différent de l'ambiance minérale d'Angleon.
Autre nouveauté : l'intéressante féminisation de la société. La plupart des rôles-clés sont tenus par des femmes. Et cela semble tout à fait naturel et cohérent.
D'autant que les dialogues sont nettement moins bavards. La bonne idée est d'avoir remplacé les manigances de cour par la chronique d'un puissant clan mafieux au leadership affaibli par des luttes intestines et des gangs rivaux...
Plusieurs autres arcs narratifs secondaires s'entremêlent avec une belle fluidité et un découpage parfait.
Côté dessin, c'est toujours très bon.
Les costumes et décors, bien détaillés, apportent une crédibilité appréciable à l'ensemble.
Les personnages sont aussi très convaincants. Les faciès simiesques étant beaucoup plus proches des visages humains que des têtes de félins. Cela les rend plus expressifs, plus incarnés et charismatiques. On reconnait chaque protagoniste immédiatement, autant par son physique que par son caractère.
Avec ce renouvellement total des acteurs, du background et de l'action, il est juste étrange qu'il n'y ait, pour l'instant, aucun lien avec le 1er cycle. Mais cela s'annonce de bon augure. A croire que les auteurs ont pris en compte les remarques des lecteurs qui trouvaient qu'un trop-plein de discours politiques ralentissait un peu le rythme dans le cycle inaugural : le deuxième s'ouvre sur une promesse d'action tous azimuts.
Et franchement, bravo, ça commence très très bien !
::: Avis pour le tirage limité de la collection "Une histoire du journal de Tintin", noté TL2021 :::
Superbe idée, cette édition spéciale du Secret de l'Espadon !
Les planches originales y sont restituées tel quel avec tous leurs défauts de conception et d'impression, en plus de leurs couleurs craspouilles et fanées. On a vraiment la sensation d'avoir en main un authentique journal de Tintin de l'époque. Et ça, ça change tout. Moi qui n'aimais pas forcément Blake et Mortimer en édition normale et bien léchée, ces deux albums vintage m'ont permis de redécouvrir complètement cette œuvre fondatrice que je préfère 1000 fois comme ça. Un peu comme les épisodes noir et blanc d'une vieille série télé, on la lit à travers ce prisme historique sans la juger selon les critères actuels, au regard desquels B&M passe à mes yeux pour une série ripolinée baignant dans son conservatisme propret comme dans du formol.
Je me dis que, même si ce premier opus à quelque chose de désuet aujourd'hui, cela a dû être fabuleux de découvrir ces héros sous cette forme - et en feuilleton - dès 1946 !
Mais désuet ne veut pas dire périmé. Ca reste une BD solide qui m'inspire le plus grand des respects.
Pour tous ceux qui sont attachés au côté patrimonial de la série, cette version, augmentée de nombreux documents inédits, est indispensable. Dépêchez-vous, il n'y en aura peut-être bientôt plus (6000 exemplaires).
Pour ceux qui auraient vécu au fond d'une grotte et seraient passé à côté de "Tyler Cross", la sortie de cette intégrale est inespérée, providentielle, bénite, miraculeuse... Jetez-vous dessus, une séance de rattrapage s'impose !
J'en rajoute un peu mais je ne peux pas être objectif, Tyler Cross étant au sommet de mon panthéon personnel. Cette série déjà culte, incontournable, est simplement géniale. La lire en N&B était jusque-là un privilège rare réservé aux possesseurs des tirages limités. J'en rêvais... C'est désormais chose faite (merci Dargaud d'avoir lu dans mes pensées et exaucé mon souhait !). Ce bouquin est un bijou.
:::: Avis pour le tirage limité à 4200 exemplaires N&B (noté 'TL2' sur le site) ::::
Cette édition est superbe. Sans doute un peu chère mais le format, déjà, est impressionnant. S'y ajoute un frontispice numéroté de Marini reprenant la couverture de l'édition classique et un cahier graphique avec des croquis de Bertail, Labiano, Blasco-Martinez, Prugne, Taduc et Toulhoat. Mais c'est surtout la qualité du papier, doux, mat et épais, qui fait une vraie différence.
De plus, hormis les histoires de Prugne et Bertail qui restent inchangées, le passage au noir & blanc est splendide et fonctionne à 100%. Il procure un tout autre plaisir de lecture. Possédant les deux éditions, je n'ai d'ailleurs pas du tout l'impression d'un doublon.
Comme je l'ai déjà dit, même si le rythme des différentes histoires est abrupt, un tel casting de dessinateurs fait de "Go West young man" un titre définitivement hors-norme à mes yeux qui justifie l'achat de cette édition spéciale.
"L'abîme", une conclusion généreuse et poignante qui exalte des valeurs de respect, de solidarité et de détermination face à l'ennemi. Et cet ennemi n'est pas celui qu'on croit. Ce ne sont ni les terribles animaux géants, ni la magie noire : c'est la guerre. La guerre, absurde et cruelle qui n'épargne personne et emporte ceux qu'on aime.
Jonathan Garnier renvoie ses héros comme les lecteurs à ce dur principe de réalité. Le background fantasy, par ailleurs fort réussi, agit comme un écran derrière lequel apparaissent en creux toutes les choses de la vie, simples, essentielles, universelles, que les enfants doivent comprendre et affronter pour grandir.
Le récit explore brillamment de nombreux thèmes mais se cristallise sur la perte des illusions. Le dénouement ne verra aucun triomphe. Nul n'y gagne, nul n'en sort indemne ni même heureux...
Du coup, bien qu'il ait beaucoup aimé, mon fils a trouvé cet album carrément triste. Effectivement, il manque sans doute à ce 4ème tome une dimension d'évasion que l'univers 'viking' laissait entrevoir au début. De cette mélancolie surgit pourtant à la fin un immense espoir où tous les possibles semblent se dessiner. Le principal est là.
Une série qui brille autant par son superbe dessin, hyper lisible et sensible, que par son scenario, inattendu mais toujours cohérent.
De la BD qui élève sans en avoir l'air, belle, humble, intelligente et émouvante. Bravo !
Les enfants, oubliez un peu Mortelle Adèle... Et lisez "Bergères Guerrières" !
Les décors s'élargissent, l'intrigue se densifie, l'univers se complexifie. Le périple des personnages n'en est que plus périlleux. Face à l'adversité, la petite troupe partie en Terres Mortes devra puiser dans les tréfonds de ses ressources pour poursuivre sa route et atteindre son but.
Les jeunes lecteurs, eux, seront confrontés à de plus en plus de mystère et d'émotion. Les qualités graphiques et scénaristiques, inchangées, font de ce 3ème tome un superbe album de plus.
Cette fois, une ténébreuse magie noire se mêle à l'histoire... Molly et Liam, accompagnés d'une puissante alliée se retrouvent seuls pour livrer un combat fatidique.
Un deuxième tome beaucoup plus sombre, presque effrayant. Le scenario est toujours aussi nuancé et ne bascule jamais dans la facilité. Tous les personnages sont remarquables, avec leurs failles et leurs caractères bien à eux. Ils agissent pour de bonnes raisons et ressentent tous de la peur, quel que soit leur héroïsme. Le message adressé aux jeunes lecteurs est donc particulièrement intelligent : oui il est normal d'avoir peur, et non, cela n'empêche en aucun cas d'avoir du courage !
Les dessins, toujours superbes, sont animés d'une énergie folle, de bonnes bouffées d'émotion et d'un rythme haletant. Une lecture réjouissante !
Drôle, enlevé, malin... Une BD jeunesse qui ne prend pas les enfants pour des crétins !
Un scenario complexe, cohérent et fouillé ; des personnages crédibles et attachants... tout l'univers est super sympa. Il est de plus parfaitement mis en images. Le graphisme d'apparence simpliste est en fait très riche et élaboré avec un immense talent. Il a la grande qualité de se faire discret malgré sa beauté et de savoir s'effacer devant l'histoire, de la mettre réellement en valeur.
Un excellent premier tome qui n'a rien à envier à la plupart des séries adultes sur des thèmes similaires.
Je l'ai acheté pour mes enfants mais sa lecture m'a passionné.
J'ai attendu 2 mois avant d'ouvrir le "Madeleine, Résistante" remisé sur mes rayonnages. Je n'avais pas envie de le lire entre Goldorak et La Horde du Contrevent...
Et j'ai bien fait je crois. Il faut être dans le bon état d'esprit pour affronter la réalité de l'Occupation. Les auteurs nous plongent littéralement dedans :
D'abord visuellement avec le monochrome bleu entêtant qu'utilise Dominique Bertail au pinceau. La couleur est froide mais les personnages sont étonnamment chaleureux. La lumière est utilisée de façon magistrale et rend les visages expressifs et touchants. Les éléments de décors sont minutieusement détaillés et mis en valeur par des ambiances exceptionnelles. Tout est réussi : les intérieurs, la nuit, la pluie, la neige, la ville... Dans une époque si bien restituée, l'immersion est profonde et durable.
Ensuite, le travail de JD Morvan au scénario est tout aussi subtil. Vivant, prenant et vibrant.
Un point reste discutable : le témoignage de Madeleine Riffaud est souvent cité tel qu'elle l'a livré, en tutoyant l'auteur, dans de longs récitatifs. Et là, pour le coup, ça n'est pas très immersif puisque cela arrache le lecteur au contexte historique. On a parfois l'impression que certaines planches ne sont que l'illustration de ses souvenirs racontés au présent.
Ca ne veut pas dire que ça ne fonctionne pas. Cela interrompt juste la narration pour créer un aller-retour entre deux temporalités. Ce parti pris a au moins le mérite de ne pas trahir la parole de cette grande résistante pour la transmettre respectueusement avec ses mots à elle.
Une œuvre solide, intelligente et splendide que la suite devrait encore raffermir.
Impossible de ne pas s'extasier d'emblée par la pléiade d'auteurs ayant signé cet album. C'est un véritable fantasme de lecteur qu'a réalisé Tiburce Oger en rassemblant autour de lui la fine fleur du dessin réaliste, tous aguerris au genre western. Le résultat est carrément somptueux.
Moi qui avais adoré la radicalité de "Jusqu'au dernier" de Félix et Gastine (qui a d'ailleurs remis ça ici en signant des planches de toute beauté) j'ai été également servi côté scénario. Car au-delà de l'idée de la montre qui passe de main en main en créant un fil conducteur, c'est l'aspect complètement dépouillé des mini récits qui m'a le plus enthousiasmé. Pas de chichi, pas d'harmonica, pas de chevauchée dans le soleil couchant. C'est aussi sec qu'impitoyable. Ca va vite, limite un peu trop vite parfois. Mais rapide ne veut pas dire bâclé. Mon histoire préférée, "La lettre", est aussi la plus courte : 2 pages ! Pas besoin d'en dire plus. La précarité d'une vie de pionnier en 1883 se passe de digression...
Tiburce Oger s'est employé à démystifier le mythe, à le rendre à la réalité. Tous les ingrédients traditionnels du western sont là, c'est fait exprès. Mais sans manichéisme aucun. Il n'y a ni bons, ni méchants, ni héros. Les indiens meurent, les brutes avinées meurent, les soldats meurent, oui. Mais les simples fermiers, les femmes ou les enfants meurent aussi parce que c'est l'ouest et que c'était comme ça.
Une œuvre superbe, édifiante et mûre. Qui pourrait malgré tout déplaire à certains car elle est presque frustrante. On aimerait juste qu'elle fasse le double de pages !
@ Pulp_Sirius
L'excellentissime P.T.S.D est bel et bien dans la base de données du site, heureusement d'ailleurs ! Mais comme à chaque fois que l'on fait une recherche, BDGest demande qu'on soit précis : Il est donc référencé à P.T.S.D avec un point entre chaque lettre, sinon ça ne marche pas :)
Je n'ai pas lu "Les larmes d'Ashura" mais je recommande "Golden Path" du même auteur, toujours au label 619.
Je vais être un peu sévère avec ce beau bouquin qu'est "Le droit du sol", désolé Etienne Davodeau (dont je possède par ailleurs un bon nombre de titres).
Avant tout, je veux saluer sa plume. Dans son genre, son écriture est ultra efficace. Elle peut être emphatique, économe ou introspective en fonction des circonstances, et toujours au bon moment. Elle est surtout riche d'une douce ironie, d'autodérision, de bonnes formules, et couronnée de valeurs d'humanisme, d'humilité et de respect. Un "journal" comme son sous-titre l'indique, qui donne envie de boucler son sac et de se lancer à l'assaut des sentiers.
Mais - car il y a un gros MAIS - une autre caractéristique de M. Davodeau est qu'il s'empare de sujets sociétaux en les traitant de façon partisane. Ce livre est volontairement engagé. Ce n'est pas qu'une simple balade champêtre. On est clairement dans le militantisme et c'est revendiqué comme tel. Pour ma part, j'aurais préféré découvrir au fil des pages des pensées personnelles, des réflexions véritablement inspirées par son périple, plutôt que des copier/coller d'intervenants déjà entièrement acquis à sa cause. En souhaitant réveiller les consciences, il suscite forcément des réactions. Je réagis donc en contestant ses prises de position rigides et autres arguties rebattues.
Car ce choix narratif, avec ses "invités" qui partagent virtuellement son chemin n'est pas toujours pertinent, loin s'en faut. Je n'ai pas compris le passage avec la sémiologue, par exemple, qui m'a semblé peu clair et hors sujet. La pédagogie est utile mais le ton et les développements sont très orientés et beaucoup trop tarabiscotés pour moi.
Le récit s'empêtre dans ces démonstrations pédantes et appuyées qui congestionnent le propos, alourdissent cette légèreté procurée par la marche et surtout, entravent cette liberté que l'auteur-randonneur veut célébrer dans ses pages.
Je précise quand même que je ne suis pas un pro nucléaire. Et dénoncer l'impasse des déchets est salutaire. Mais JAMAIS, Etienne Davodeau ou ses 'experts', n'expliquent comment ni par quoi le remplacer. Et ça, c'est beaucoup trop facile. Je suis plus que lassé par ces discours professoraux assénés sans la moindre nuance à grands renforts de spécialistes, sans aucun contradicteur en face. Parce que c'est hélas la même forme de démagogie dont usent les énarques qui nous gouvernent. Si l'idée est juste de dire que le nucléaire c'est nul, ma foi, très bien, mais ça manque vraiment de fond, alors. Et je ne saisis pas du tout en quoi cette marche aide à le faire comprendre.
Arrivé au terme du voyage (800km à pieds !) je me suis demandé pourquoi, du coup. Avec un effet "bah voilà, c'est fini" et l'impression que l'essentiel m'avait échappé.
Son expérience fut intense, certes, mais le lecteur ne fait pas la même. Du fond de mon canapé je n'ai pas du tout ressenti ce vertige dont il parle.
Pourtant, moi qui ai visité, ébahi, la grotte ornée de Fond-de-Gaume, je peux vous assurer que ce qu'on éprouve devant ces peintures préhistoriques est indescriptible et inoubliable.
Et justement, j'adorais le postulat de départ : il y a 20000 ans, des sapiens ont légué de la beauté à leurs descendants, via ce fabuleux mammouth de Pech Merle ; puis d'autres sapiens vont léguer 20000 ans après du poison à leurs propres descendants... Quel sujet magnifique !
Mais pour moi la question était surtout "que s'est-il passé entre les deux ? Pourquoi en est-on arrivé là ?"
Aucune réponse à ça, malheureusement. Or, il y en avait, j'en suis sûr, ne serait-ce que dans la poésie ou la philosophie que Davodeau sait parfaitement manier. Son talent est tel qu'il aurait pu creuser un autre filon que l'activisme politique qui affadi considérablement, par sa petite lorgnette, la portée universelle de ces interrogations.
Pour moi son questionnement, si profond qu'il soit, a loupé sa cible (cette espèce de trans-temporalité qu'il évoque) alors qu'il avait réussi à le faire dans le superbe "Rupestre !", ouvrage collectif auquel il avait participé de façon éblouissante. Là, le vertige était palpable!!
Bel album, en somme, mais inutilement clivant.
Troisième tome, troisième ambiance :
La 34ème Horde du Contrevent s'obstine à "contrer en trace directe", malgré les risques, et commence à s'embourber dans la redoutable Flaque de Lapsane. Golgoth, son inflexible et terrifiant traceur, seul responsable de ce désastre annoncé, révèlera à cette occasion une personnalité des plus inquiétantes qui fragilisera comme jamais la cohésion de la horde...
Dans cette "Flaque de Lapsane", Éric Henninot s'attache principalement à l'action, sans autre enjeu que la survie. Ici, il n'est plus question des Fréoles ou des intrigues de L'Hordre. Le vent lui-même semble pratiquement absent du décor. Le récit n'en est que plus frontal, crépusculaire et rugueux, mais n'a pas la subtilité de "L'escadre frêle".
En revanche les tensions, les doutes, les peurs et les trahisons qui se tissent entre les personnages sont saisissants, hormis quelques redondances, et interpellent sur les forces et les failles de la nature humaine confrontée à l'hostilité des éléments.
Même si j'ai trouvé cet épisode d'une intensité inférieure aux autres, cette traversée garde quelque chose de titanesque qui maintient la Horde du Contrevent au niveau des grandes œuvres de la bande dessinée.
Allez, j'y vais moi aussi de mon petit couplet sur Goldorak :
Comme tous les quarantenaires biberonnés à Récré A2, j'ai forcément la nostalgie facile. Sans avoir été non plus un grand fan de la série dans mon enfance, je me suis senti quasiment obligé d'acheter cet album, poussé par une petite voix intérieure...
Mais ça va, ça fonctionne. C'est propre et bien goupillé. Du Goldorak pur jus avec un petit truc en plus qui en fait une BD pas si con que ça. Voire même très bien par endroits. Le scenario est malin, l'œuvre originale totalement respectée, portée par l'idée de la rendre plus mature avec une réflexion de fond et des personnages vulnérables.
Pas du tout indispensable, faut pas exagérer. Mais à lire, oui, clairement.
J'étais plus qu'impatient de lire ce "Ténébreuse" que j'attendais depuis des mois. Pourtant, dès l'entame, j'ai très vite réalisé qu'il n'y aurait rien de spectaculaire ou de démesuré dans ces pages. Le récit est simple, fluide, maîtrisé. On reconnaît aisément le regretté Hubert dans cette volonté d'aller à l'essentiel, mais en prenant bien soin de casser les codes, de déjouer les attentes. A travers cette Heroic Fantasy sans esbroufe et parée d'une certaine gravité, c'est clairement le fond qui intéresse le scénariste. Il sait comme personne emmener le lecteur au delà des apparences vers - comme le dit la 4ème de couv - une réflexion sur nos monstres intérieurs.
Hubert a réinventé le conte pour adultes en lui donnant cette forme atypique, chargée de symboles et de métaphores. C'est pour cela qu'il parvient toujours à faire vibrer en nous une corde sensible. Précisément parce qu'on ne s'y attend pas.
Il est possible que ce premier tome ne convainque pas tout le monde à lui seul, mais la suite apportera à coup sûr cette profondeur que l'on devine déjà pour faire de "Ténébreuse" une grande œuvre et lui offrir une place de choix dans la Fantasy.
D'autant que ce scenario est particulièrement bien servi par le talent de Vincent Mallié, très à l'aise sur ce terrain. La partie graphique est à mon avis encore supérieure à ce qu'il a réalisé pour La Quête de l'Oiseau du Temps. Avec toutefois un petit bémol : si les personnages sont parfaitement caractérisés dans l'ensemble, Arzhur le héros chevalier, m'a semblé trop peu expressif.
En conclusion "Ténébreuse" est, dans le registre évoqué plus haut, pleinement réussi et a potentiellement de quoi finir en apothéose. Croisons les doigts !
Le dessin est génial, rien à redire, mais le scenario !
Au-delà des clichés déjà évoqués par tous dans le tome 1, la longue séquence de la jungle m'a laissé franchement perplexe.
Exemples parmi d'autres :
- Le garçonnet qui traverse tout seul et sans encombre une forêt infestée de dangers mortels...
- Un des pirates qui se fait transpercer (on ne sait pas trop par quoi, d'ailleurs) page 42, mais qu'on retrouve à la scène suivante frais et guilleret comme si de rien n'était.
- Le groupe qui saute à l'aveugle d'une falaise rocheuse dont "on ne voit même pas le fond", je cite, sans qu'aucun ne se fasse la moindre égratignure.
Et d'ailleurs, combien sont-ils dans ce groupe ? Cinq ? Six ? Sept ? Impossible de les dénombrer en se fiant aux cases en tout cas, puisqu'il en manque toujours un ou deux alors qu'ils devraient être dans la scène (en fait ils sont 8 mais il faut le déduire...)
Bref, la liste de toutes les incohérences est trop longue.
J'adore les pirates, l'aventure et l'action, et Mathieu Lauffray a bien-sûr un talent fou pour les mettre en image (et j'achèterai la suite pour les dessins). Donc oui, d'accord pour les plus improbables péripéties, je veux bien ne pas être exigeant sur ce genre d'albums de pur divertissement. Mais par contre avec le minimum de crédibilité et de vraisemblance. Parce que là, c'est quand même un peu limite. "Raven" bascule involontairement dans la parodie.
Sauf que "Pirates des Caraïbes" fonctionnait parce que c'était drôle ! Là non.
Cette suite du formidable "Negalyod" est un voyage aux confins de l'imaginaire, assez difficile à décrire.
C'est une BD à l'ancienne, à la fois universelle et très personnelle, incarnée par un récit homérique et un graphisme grandiose. Il s'en dégage quelque chose de brut, de massif et de puissant qui, entre autres références, m'a évoqué l'ampleur mystique de l'Incal.
On peut ne pas tout comprendre mais ce n'est pas le but. Il n'y a plus aucune prise avec la réalité. On est sur le champ de la symbolique, du mythe. Je vois dans cette fresque immense une parabole sur le destin de l'humanité, la fatalité même de son existence et son incapacité à évoluer.
Les couleurs, notamment, contribuent à créer une poésie visuelle qui hypnotise littéralement. Et c'est justement cette sidération, ce pouvoir de contemplation qui permet au lecteur de perdre toute mesure, d'abandonner tout questionnement superflu et de s'immerger dans la lecture.
Une œuvre profonde, méditative, audacieuse et ambitieuse qui marque une rupture. Elle peut vous happer, comme elle l'a fait pour moi, ou vous laisser complètement déconcerté au bord du chemin...
Une chose est sûre, ces 2 albums deviendront une de mes BD-cultes. J'entends par là pas forcément génialissimes ou parfaites, mais auxquelles je pardonne tous les défauts car elles renferment un Graal : un aller simple pour l'évasion dans un univers unique, onirique, métaphysique.
Vincent Perriot a l'étoffe des très grands !
Ce second tome, toujours aussi brillant, utilise les mêmes dispositifs formels que le 1er. A savoir une mise en page spectaculaire, exubérante, ramifiée, enrichie de mille et un détails qui fournissent au lecteur observateur les moyens de mener l'enquête en temps réel.
Certaines planches, très chargées, en font sans doute un peu trop mais les auteurs, en phase parfaite, ont l'élégance de ne pas dénaturer le plus grand détective de tous les temps. Ce fouillis visuel a le mérite de représenter efficacement la complexité de son esprit d'analyse et de déduction.
Un travail impressionnant qui m'a procuré un vif plaisir de lecture.
La réussite de ce diptyque ne peut, à mon avis, qu'en appeler d'autres à venir...
Même si de mon point de vue, il n'atteint pas les sommets que sont " Artic-Nation " et " Âme rouge ", ce nouvel opus est du meilleur tonneau.
Malgré une couverture assez moyenne, tous les fondamentaux de l'univers Blacksad sont en première ligne : un background 50's hyper détaillé, une galerie de personnages extraordinaire, une enquête en eaux troubles, un rythme trépidant, un ton mâtiné de cynisme et d'humour, de l'action, du suspens, de la culture, de l'amour... et toujours une puissante mélancolie pour napper l'ensemble.
Quel bonheur de lecture après une si longue absence !
Une classe à part ce Docteur Radar !
Du scénario, je retiendrai surtout les dialogues à l’ironie savoureuse, l’extravagance jubilatoire des situations et le panache des personnages, tous très en verve.
Le reste de l’histoire est plus convenu, volontairement cantonné à l’esprit feuilletonesque des années 1920 avec le super méchant, génie du mal à plein temps, qui veut conquérir l’univers depuis sa base sous-marine secrète…
Mais c’est surtout visuellement que Dr Radar est hors norme. A ce niveau ce n’est même plus du dessin mais une véritable création artistique, unique.
Ce 3ème et dernier tome se déroule entièrement de nuit, ce qui donne à la lumière un rôle capital. Les éclairages, très théâtraux, projettent des ombres menaçantes et découpent à la serpe les visages et les décors pour plonger instantanément le lecteur dans une atmosphère vertigineuse de mystère, de glamour et d’effroi.
Le jeu des personnages est à la fois exagéré et subtil, proche d’une pantomime expressionniste. Ils en imposent avec leurs mouvements dansants et leurs yeux écarquillés copieusement surlignés.
Le découpage inventif et des cadrages déséquilibrés renforcent constamment la dramaturgie et confèrent une énergie tourbillonnante à chaque planche.
La couleur, enfin, est la pièce maîtresse de ce langage graphique ; puisée dans une palette inhabituelle et peu usitée, chaque teinte participe à la structure de la case et lui donne son rythme et sa profondeur.
L’ensemble témoigne d’une recherche esthétique et d’une maîtrise éblouissantes. Je n’ai pas d’autre mot que « chef d’œuvre » pour qualifier le travail de Bézian.
Je préviens tout de même que cette trilogie reste exigeante. Le texte est riche et les planches ne se décryptent pas toujours au premier coup d’œil.
Mais pour moi c’est une très grande BD. Bravo !!
En entamant la première page, la seule question que je me suis posée est : « Esprit de Corto, es-tu là ? »
En terminant la dernière, la réponse fut « oui !», indubitablement. Pour la simple raison que Corto sera toujours Corto, quelle que soit l’époque. Il est intemporel. Océan Noir en apporte la preuve flagrante et rien que pour cela mérite d’être lu.
Ce nouvel opus est (comme il se doit) une errance un peu planante, assez improbable, entre Japon et Amérique du Sud. Mais les dialogues allusifs et le graphisme éthéré le rendent beaucoup moins bavard et plus épuré que ses prédécesseurs. Cependant, la plupart des incontournables sont bien là : la nonchalance, le mystère, l’action, l’histoire, l’élégance, la pointe d’humour…
À l’ironie du personnage répond d’ailleurs celle des auteurs qui semblent s’amuser d’avoir téléporté leur héros en 2001. Par exemple, Corto ne cesse de changer de casquette - 6 au total je crois - mais pas une seule fois ils ne lui feront porter sa cultissime casquette de marin, alors qu’ils savaient pertinemment que tout lecteur l’attendrait. Anecdotique, oui. Mais une façon pour eux de déconstruire le mythe pour mieux se l’accaparer et le retranscrire différemment.
On peut bien sûr débattre longtemps de la pertinence d’avoir ancrer le personnage au 21ème siècle… Je respecte l’avis de chacun là-dessus mais ce n’est pas mon propos.
Je note juste qu’Océan Noir aurait dû être un « Corto Maltese vu par…» et non un Corto Maltese tout court. Cet album n'a rien à faire dans la série.
À part ça, c’est une aventure certes mineure mais rafraîchissante et une belle interprétation, tout à fait digne de sa lignée, dans laquelle on peut se laisser dériver avec plaisir et indolence. Ou pas.
Whaou ! Si j'étais un auteur de BD, je serais sans doute jaloux du Dernier Atlas. J'imagine du moins que c'est typiquement le genre de projet que la plupart aimerait réaliser. C'est ambitieux, complexe, maitrisé, intelligent, immersif et addictif. Ça ne ressemble à rien de ce que j'ai lu jusqu'à maintenant. Et quelle intensité ! Dans les 2 premiers tomes, les auteurs avaient déjà exploré le polar, l'uchronie et le fantastique. Le tout simultanément, avec réalisme et brio.
Ce 3ème et dernier tome rajoute encore deux dimensions supplémentaires : le politique et la science-fiction, tout en restant cohérent et crédible. Ce tour de force est tout bonnement magistral !
Mais comme si ce n'était pas suffisant, le Dernier Atlas réalise encore à mes yeux une autre prouesse. Concilier, voire réconcilier, la BD contemporaine et la BD classique. On l'avait déjà vu dans "Groenland Vertigo" qui prenait des allures de Tintin, le trait de Tanquerelle est extraordinaire pour cela. Expressif, détaillé, dynamique, tout en conservant une ligne presque claire, hyper lisible, qui rappelle parfois les indémodables auteurs d'antan. Le souffle de l'aventure et les élégants aplats de couleur de Laurence Croix font le reste.
Je ne dirai rien sur l'histoire, il faut le lire !
Enfin, pour rebondir sur la remarque d'herve26, Le Dernier Atlas est la seule série que j'ai intégralement en double, édition classique + édition N&B sous coffret. C'est dire si je la considère comme une œuvre définitivement à part. Définitivement indispensable. Bravo et merci.
Disons-le d’emblée : j’ai ressenti une légère baisse de rythme dans ce 4ème tome.
Cela tient probablement au personnage d’Albert lui-même, peut-être moins solide que les autres. Difficile de croire en effet qu’un simplet rachitique dans son genre puisse être ce psychopathe insaisissable œuvrant dans un hôpital désaffecté, tel un Dexter ou un Tyler Durden…
Malgré ce décalage, cet épisode contient néanmoins beaucoup de surprises !
Car c’est aussi cela, RIP. La façon dont les intrigues se croisent, se recoupent et s’additionnent depuis le début est totalement jubilatoire. C’est un puzzle mortel auquel chaque tome apporte son lot de pièces aussi sanguinolentes qu’inattendues. Même si « Albert » est un poil en dessous, il s’inscrit parfaitement dans cette mécanique diabolique qui ne laisse aucun répit au lecteur en l’entraînant toujours plus loin dans l’affreux. Je suis à chaque fois sidéré par les qualités graphiques et la précision implacable de la narration.
Gaet’s et Monier, en repoussant ainsi les limites de tout ce qu’on avait coutume de lire jusqu’à présent, sont en train de réinventer le polar et réalisent l'une des plus grandes séries actuelles !
Au fil des albums, Ralph Meyer affine et peaufine toujours plus son dessin. Ce 6ème tome regorge de gros plans particulièrement réussis. Et comme la couleur de Caroline Delabie est heureusement plus lumineuse que dans le terne « Indien blanc », « Salvaje » est un régal pour les yeux.
Le scénario est quand même assez improbable, mais sur l’ensemble de ce 3ème diptyque, il reste suffisamment fouillé et abouti pour accrocher même les lecteurs les plus grincheux (et je m’inclus dans le lot !). On n’est clairement plus dans du simple western, mais dans de la grande aventure épique et pleine de souffle.
D’autant que le retour tant attendu de Rose, et peut-être de Lin et Jeronimus Quint ne semble plus très loin…
Bref, un bon cru et un nouveau carton assuré !
Pour 3€, aucune hésitation !
Le papier est épais et le format généreux. Les "articles", truffés de clins d'œil sont copieux et réjouissants à lire. Quant à la pub illustrée par Antonio Lapone, elle est vraiment stylée !
Un petit Hors-série pas cher et franchement sympa pour les 20 ans de la série ; pas de quoi bouder son plaisir.
::: CAHIER DE STORYBOARD - Tirage Limité :::
Un collector pour les passionnés de la série. Et il y a de quoi l'être ! Le dessin de Ralph Meyer est exceptionnel et justifie amplement cette parution. Attention cependant... Le format est riquiqui, et vu son prix, certains la jugeront trop chère.
Cette version crayonnée a pour atout sa reliure toilée, le numérotage à la main et le choix du papier.
A contrario, la qualité d'impression peut paraitre moyenne. La trame, notamment, est souvent visible et fait apparaitre une multitude de petits points dans les traits. Cela fait perdre un peu de sa puissance au tracé, rendu presque flou par moment. J'ai vérifié : la plupart des cahiers graphiques que l'on trouve en fin d'albums sur les tirages limités, tous éditeurs confondus, sont en général bien plus nets.
Ceci étant dit, ce carnet a quand même répondu à mes attentes. Si les lecteurs occasionnels n'y verront sans doute que peu d'intérêt, les collectionneurs, eux, y jetteront un œil attentif. Car en plus d'être un bel objet, il est probable qu'il devienne assez recherché d'ici quelques années. Comme tout ce qui touche à Undertaker...
Vu sa diffusion réduite et ses critiques, je ne chercherai pas à vous convaincre que c'est une série géniale. Mais elle ne me semble pas si nulle que cela non plus.
C'est un divertissement tout public, modeste, dépaysant et plutôt bien réalisé, sur lequel je ne porte pas un regard exigeant. J'ai même pris plaisir à le lire car un truc a réussi à m'accrocher. Les personnages, notamment, prennent une épaisseur intéressante.
En tout cas, on sent clairement que le scenario a été pensé de manière globale. Et malgré les raccourcis et les facilités du récit, il aura sûrement quelque chose à défendre sur la durée qui pourrait valoir le coup. Ou pas.
"Fausses pistes" au pluriel.
Un titre qui révèle la trame du scénario. En effet, Duhamel explore savamment plusieurs "pistes", de la chronique sociale au western historique en passant par le burlesque ou l'action. Mais il n'en suit qu'une jusqu'au bout : la plus intimiste. Celle qui nous plonge dans la psychologie de son personnage, un loser magnifique qui accomplira malgré lui son destin. Et il fallait bien cette narration multidirectionnelle pour qu'il y parvienne.
Au final ce jeu de (fausses) pistes prend la forme d'un conte contemporain qui s'attache plus au sens des situations qu'à leur crédibilité. Cela permet à l'auteur de prendre des distances vis à vis de la réalité pour poser d'excellentes questions et rendre son récit passionnant. Car chaque scène est porteuse d'un message. En partageant ainsi sa réflexion, il fait appel à l'intelligence du lecteur pour transformer une histoire toute simple en une quête initiatique véritablement touchante.
Acheté sur un coup de tête, j'ai pris un grand plaisir à lire cet album bien abouti et surprenant.
Habituellement je préfère commenter des albums récents mais une relecture du "Réseau bombyce" m'incite à poster un avis. Tout simplement parce que cette qualité de scénario se trouve de moins en moins à l'heure actuelle.
Rien d'extraordinaire non plus mais juste une très bonne histoire, solide et bien bâtie : des héros charismatiques et vulnérables avec de vrais personnalités ; un univers soigné ; une intrigue élaborée, cohérente et fluide où toutes les scènes sont justifiées et habilement interconnectées ; un ton sombre et poignant ; un rythme soutenu... Bref, un travail impeccable.
Alors on aime ou on n'aime pas mais c'est un vrai bon scénar comme on en fait peu aujourd'hui. Bravo monsieur Corbeyran !
Comme le dessin de Cécil a aussi un caractère affirmé qui crée une superbe ambiance steampunk crédible et sans esbroufe, cela en fait une BD à part qui vieillit en se bonifiant et que je suis fort heureux d'avoir dans ma bibliothèque.
A lire obligatoirement, bien entendu.
Ce n'est pas si fréquent qu'un scénariste prenne de tels risques en faisant bifurquer ainsi le cours de son histoire. Ce qui commençait au tome 1 comme un Survival classique se transforme avec "Chaos rampant" en saga ésotérique à la Lovecraft ! C'est plutôt bien goupillé d'ailleurs, malgré la densité du contenu qui m'a demandé de m'y reprendre à deux fois pour commencer à comprendre...
On peut ne pas accrocher, c'est certain. Mais être étonné à ce point en lisant une série est une qualité que j'apprécie. Du coup, même si tout ça est tiré par les cheveux, avouons-le, je suis curieux de savoir où cela mènera. D'autant que le dessin n'est pas désagréable et colle parfaitement à l'histoire.
Ça part loin, c'est déroutant, mais dans son genre c'est assez réussi.
Un 1er cycle prenant et parfaitement réussi. Il jette les bases d'une aventure au long cours qui sera passionnante si la suite se maintient et s'étoffe.
Je pourrais éventuellement lui reprocher son rythme ralenti par l'abondance des dialogues, l'influence marquée de Game of Thrones ou encore trop de personnages secondaires sur certaines séquences. D'ailleurs je note à ce sujet que l'ajout de la galerie de portraits dans ce 6ème tome apporte enfin la clarté indispensable pour suivre l'intrigue.
Mais foin d'esprit chagrin… "Les 5 Terres" est une série sacrément solide qui parvient à se démarquer brillamment dans un genre déjà pourtant surexploité.
J'en serai donc pour les 24 tomes à venir !
Cette série étrange et décalée est une vraie curiosité !
C'est du grand n'importe quoi, mais c'est rythmé, assez jubilatoire et très bien dessiné. Je ne la trouve pas aussi géniale que d'autres lecteurs mais elle gagne à être connue. A lire.
Il y a une classe intense dans cet album qui privilégie clairement l'esthétique à l'action.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'impressionnante partie graphique. A commencer par la superbe couverture qui en dit long sur la faculté d'Emmanuel Bazin à maitriser les vides et la lumière.
Les personnages paraissent souvent cernés de solitude et de silence, au cœur d'espaces trop vastes pour eux.
Les décors sont magnifiques, à la fois vaporeux et précis, parfois rehaussés de reflets ou de contrejours ; quelque part entre Edward Hopper et Voutch.
Le découpage est classique mais efficace et la palette de bleus et de verts mélancoliques confère à chaque planche une élégance sobre et distinguée. Un travail vraiment splendide.
Cette prédominance de l'image est favorisée par un rythme lent et des dialogues assez brefs. La narration, d'ailleurs, aurait pu gagner à être plus linéaire. Je m'y suis perdu de temps en temps, ne sachant plus trop qui est qui, avec cette impression de n'avoir que quelques pièces disparates d'un puzzle. A ce niveau-là, j'espère un peu plus de clarté au prochain tome. Mais finalement ça ne m'a pas semblé non plus si important que ça dans cette ambiance planante.
Bref, bien plus qu'une biographie terre à terre, "Mauvaise réputation" est un western contemplatif qui ne fait pas dans le bourre-pif. Cela donne à la mythologie Dalton une autre dimension, plus réaliste et teintée d'une poésie sombre, comme le film "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" l'avait fait pour une autre figure culte de l'imaginaire collectif. Et ça fait du bien !
Ma lecture de ce dernier tome se résume un peu à "tout ça pour ça".
Autant le précédent m'avait emballé par son rythme, sa dramaturgie et ses rebondissements, autant là, aucune prise de risque, pas de sursaut ni grosse surprise pour ma part. L'histoire se boucle bien mais d'une manière assez banale.
Le principal atout de la série était son graphisme 100% numérique, époustouflant, avec ses effets de lumière et de relief sophistiqués très cinématographiques.
Cette technique était novatrice et attrayante en 2013 mais elle a beaucoup perdu de sa force en 8 ans, de nombreux auteurs ayant proposé depuis des albums du même acabit. C'est aujourd'hui habituel. Du coup, il n'en reste pas grand-chose, à part une vision typiquement adolescente de l'apocalypse (jusqu'à la caricature !). C'est un peu régressif, ça rappelle les films de Spielberg des années 80.
Dans l'ensemble la série reste donc cool et très sympa à lire, mais rien à voir avec le blockbuster révolutionnaire que l'éditeur avait voulu nous (sur)vendre à l'époque... Mais ça a marché ! A tel point que la fin, ouverte, pourrait bien donner une suite...
Je ne connaissais pas Aimée De Jongh, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle est talentueuse !
En s'emparant d'un authentique phénomène climatique (des tempêtes de sable) ayant marqué l'histoire des Etats-Unis par ses répercussions humaines et sociales, elle en impose avec son dessin clair et lisible, dont quelques traits suffisent pour rendre les visages expressifs et touchants.
Les paysages et décors, très réalistes, bénéficient d'une atmosphère saisissante où l'on ressent la densité des nappes de poussière diffracter la lumière du Dust Bowl, cette région dévastée par une sécheresse cataclysmique au cours des années 30. Je me suis longuement absorbé dans les pleines pages à la beauté hypnotisante, impressionnantes d'un point de vue technique.
Côté scenario, j'ai trouvé que l'intention de l'autrice se révèle assez vite, son jeune héros ne pouvant que se révolter au contact d'une si dure réalité. Mais l'aspect légèrement naïf du récit est gommé par une sincérité poignante qui parvient immanquablement à faire naitre l'émotion.
Une BD superbe, doublé d'un beau travail d'édition, qui apporte un éclairage passionnant sur des faits peu connus chez nous. Bravo ! A lire absolument.
Grand admirateur de Charles Baudelaire, je ne pouvais qu'acheter ce titre. Un bel album qui permet de revoir cette grande figure du passé à travers un prisme féminin, voire féministe. Celui de Jeanne Duval, la maitresse métisse du poète, que tous ont voulu effacer.
Le récit s'aventure bien au delà de la sphère littéraire et s'enrichit d'une dimension politique bien documentée qui recontextualise les protagonistes dans leur époque. C'est un excellent travail de scénario.
La trame suit une voie chronologique, claire et fluide, en utilisant une longue lettre que Jeanne adresse à la mère de Charles. Elle y détaille la puissance de la relation qu'elle vivait avec son génie de fils. La vieille dame, bourgeoise et acariâtre, étant évidemment peu encline à reconnaitre cette "vénus noire" comme la muse et l'inspiratrice qu'elle fut pourtant pour lui.
L'équilibre entre chronique sociale, biographie et romantisme, associé à la beauté ténébreuse des décors rend ainsi la lecture très agréable.
Par contre un détail m'a tout de même chiffonné côté dessin :
je n'ai pas reconnu Baudelaire dans le personnage au visage maigre, yeux écartés, cheveux frisés et nez bosselé, plein de la fougue d'un dandy insouciant qu'Yslaire a choisi de dépeindre. Il ne ressemble pas du tout aux quelques portraits connus de lui. Personnellement, je m'étais toujours imaginé un homme peu vigoureux, peu loquace, mélancolique et souffreteux... J'ai donc eu beaucoup de mal à me figurer qu'il s'agissait bien de Baudelaire au fil de ma lecture. Mais bon, comme je disais c'est un détail.
Pour une fois, je poste un avis très personnel n'ayant aucune valeur de critique.
En effet, je ne nie pas que cette série soit de bonne facture mais elle me laisse largement mitigé.
Si le dessin de Dimitri Armand reste excellent, voire exceptionnel, je n'adhère définitivement pas au scenario. L'univers est certes intéressant (un genre de post-apo médiéval) mais trop perché pour moi. Même en lâchant prise, rien ne m'y fait croire un seul instant. Et ce depuis la 1ère page du 1er tome.
Cette "cité des mille flèches" n'arrange rien, la sauce ne prend toujours pas.
Dommage, j'aurais vraiment aimé adorer cette série qui, en théorie, avait tout pour me plaire. Car en plus de l'aspect 'comics' qui m'horripile avec ces super-mutants un peu ringards, c'est le "convoyeur" même qui ne me convainc pas du tout. Impossible pour moi de m'attacher à un personnage aussi bourrin, antipathique et "bizarre" !
A tel point qu'à la fin de ce 2ème tome je n'ai aucune curiosité pour la suite. Je l'achèterai quand même avec l'espoir d'être agréablement surpris mais j'avoue ne plus trop y croire.
Il n’aurait pas fallu qu’une conclusion aussi longtemps attendue déçoive ! Heureusement, ce 5ème et dernier tome est aussi beau que prenant. Je note l'album à l’aune de la série entière qui mérite ses cinq étoiles. Série qui semble d’ailleurs avoir été bien peu promue et défendue par Futuropolis... C’est étonnant, désolant même, vu la qualité générale de la réalisation : dessin et scenario parfaitement en phase captivent à chaque page.
Mi science-fiction, mi anticipation, l’univers profondément ténébreux développé par "Urban" est particulièrement maitrisé et abouti, même s’il peut rappeler certaines productions d’un genre proche. Et si cet ultime opus ne répond pas précisément à toutes les questions, il boucle de façon fluide et cohérente une série foisonnante, spectaculaire, inventive, intelligente, glaçante. En un mot, incontournable.
A découvrir absolument pour ceux qui seraient passés à côté.
Frantz Duchazeau est un auteur émérite et son « Peintre hors la loi », à l’image de sa couverture, est superbement illustré.
En revanche, son récit est âpre, sec et sans concession.
Au regard de la pagination généreuse, je m’attendais à plus de développements dans le scenario et à davantage de finesse, voire de psychologie dans le portrait qu’il brosse du peintre Lazare Bruandet. Même si quelques éléments traumatisants de son passé sont évoqués, il est surtout dépeint comme un homme peu attachant dont on ne retient que le caractère farouche et ombrageux. Rien ou presque sur sa peinture elle-même, le feu créatif qui l’anime et le dévore, son parcours révolutionnaire ou la place du contexte artistique dans cette époque violemment troublée. C’est un choix respectable mais qui m’a laissé un goût d’inachevé et limité mon intérêt pour cet ouvrage, malgré la grande beauté de l’ensemble.
« Les contes de la Pieuvre » sont indescriptibles. Dans le sens où leur contenu, leur concept, leur réalisation dépassent totalement mes capacités de description. Et c’est évidemment un compliment.
Je me demande encore comment Gess a pu créer à lui seul un univers aussi cohérent, complexe et singulier. Je trouve ça fabuleux, tant en termes de graphisme que de scenario. Et le superbe travail d’édition de Delcourt parachève l’ensemble.
Ce 3° tome, qui comme les précédents allie magistralement fantastique, Belle Époque, mafia et pouvoirs surnaturels, est en plus profondément humaniste. Car comme son titre l’indique, il est question de cœur dans cet album. Mais, si celui de Vendrezanne est un spectre horrifique et meurtrier, l’auteur n’oublie pas tous ceux des pauvres hères miséreux qui hantent ses pages et les bas-fonds parisiens en cette fin de 19°s. Leur condition et leurs portraits nous touchent; leur destin nous révolte. Et les vers mélancoliques d’Albert Samain, égrenés en tête de chapitre les accompagnent de bien belle manière.
De la bande dessinée à plusieurs niveaux de lecture, inspirée, rare et généreuse, qui élève le lecteur. Des albums relativement exigeants, certes, mais indispensables.
Quel plaisir !! Je me suis franchement régalé en lisant cet album.
Rien de révolutionnaire pourtant… mais un rythme ultra fluide, de bons personnages, des rebondissements, de superbes décors, de l’humour et même un brin d’émotion… Je n’en demande pas plus.
A mes yeux, Matthieu Bonhomme est un magicien qui a réussi l’impossible : faire « son » Lucky Luke sans copier servilement ni avoir ce besoin pénible de se démarquer à tout prix. Il a œuvré tout en finesse, modestement et respectueusement, avec une élégance rare, dans son dessin comme en esprit.
J’espère en tout cas que ces 2 premiers albums nés sous sa plume donneront naissance à une longue et – forcément – magnifique série !
J’aime beaucoup Marshal Bass que je considère comme une série de premier plan. Mais « Los Lobos » m’a un peu moins enthousiasmé. En cause, un rythme un poil mou, des personnages secondaires assez peu développés, une « mission » moins spectaculaire que d’habitude – même si River Bass va comme toujours au casse-pipe – et un découpage parfois étrange qui n’aide pas à la compréhension de certaines situations.
En revanche, le ton est toujours aussi poignant et désenchanté. C’est une des grandes forces de cette excellente série.
Cette série est définitivement brillante, malgré une notoriété confidentielle.
Chaque tome semble un one-shot puisque les intrigues et les protagonistes n’ont a priori aucun rapport entre eux. Pourtant, « Moi menteur » fait des liens jubilatoires avec les 2 tomes précédents et prouve qu’il s’agit bel et bien d’une trilogie parfaitement orchestrée.
La lecture est toutefois exigeante car le contenu est très dense. L’action se trame dans les arcanes véreux de la politique espagnole et met en scène de très nombreux personnages. Le jeu des manipulations, des trahisons et des faux-semblants tisse un polar complexe et mortel, dont certaines subtilités peuvent être parfois difficiles à suivre. Mais quelle intelligence dans le propos et quelle maitrise dans la construction ! Le graphisme, toujours aussi marquant, y fait beaucoup. Un noir & blanc sombre et réaliste, avec ses touches de vert, comme le fiel du mensonge qui imbibe le récit.
Altarriba et Keko signent une œuvre absolument remarquable avec ces 3 albums faussement indépendants, qui gagnent une profondeur extraordinaire pris et lus ensemble, pour devenir la fascinante « Trilogie du Moi ».
Chaque nouveau tome des "Chefs d’œuvres de Lovecraft" est une pépite, même si l'intensité semble légèrement faiblir au fil des parutions. Les 2 récits réunis ici peinent à saisir le lecteur et ne parviennent jamais véritablement à le plonger dans l’effroi ressenti par les personnages. C’est un peu dommage tant cette série est magnétique et superbement éditée.
Mais si le scenario de « Celui qui hantait les ténèbres » manque selon moi d’épaisseur et de frisson, la lecture reste fascinante grâce au toujours superbe dessin de Gou Tanabe qui parvient à créer des ambiances expressionnistes de toute beauté.
Les amateurs de la série l’achèteront les yeux fermés ; ceux qui voudraient la découvrir, préférez plutôt "les Montagnes hallucinées" ou "La couleur tombée du ciel" pour commencer.
« Ceux qui restent » clôt en beauté une trilogie marquante, même si le scenario de ce troisième tome est sans doute moins subtil que les précédents. En effet, la majeure partie de l’album est consacrée à la bataille finale entre les différentes factions présentes sur Mars. Ça tire donc dans tous les sens et il est parfois difficile de distinguer les belligérants. Mais la fin, franchement réussie, rattrape aisément cet aspect parfois peu digeste. Sur l’ensemble des trois tomes, le scenario reste donc particulièrement bien ficelé.
Il faut bien sûr ajouter à cela l’impeccable mise en image de Grun, dont le trait a encore progressé depuis « Metronom’ ». Son travail est superbe ! En plus d’un character design convaincant et du soin apporté au réalisme des décors, « On Mars_ » brille surtout par sa magnifique palette de couleurs qui plonge instantanément le lecteur dans une ambiance dépaysante.
Une série de grande qualité, sans aucun conteste, bien éditée par Daniel Maghen.
Adaptation fidèle mais extrêmement concise de l’œuvre de Jules Verne. Aucune fioriture, aucun temps mort, ça va très vite. Et ce rythme trépidant est tout à fait raccord avec le thème. Le dessin est assez peu précis mais retranscrit très bien les différentes ambiances. Un album efficace et agréable à destination d’un jeune public.
« A fake story » nous entrainent au cœur d’une mystérieuse tuerie, provoquée – selon les apparences – par la fameuse émission d’Orson Welles, diffusée sur CBS le 30 octobre 1938. L’acteur sema la psychose dans le pays en annonçant en direct une fausse invasion extraterrestre. Mais comment une fiction a-t-elle pu ainsi être interprétée comme la réalité ? C’est cette troublante question qui sert de point de départ.
Sur la forme, il manque ici ou là quelques développements, mais le fond de l’intrigue reste passionnant : le shérif d’une bourgade rurale, secondé par un journaliste de la chaîne, n’a que 72 h pour boucler son enquête avant de transmettre le dossier au FBI. Trois jours pendant lesquels la vérité peut sortir… ou bien être définitivement enterrée !
Laurent Galandon tisse un scénario malin et rythmé qui met en abime les faux et usages de faux. Une rapide recherche sur internet vous dévoilera d’ailleurs l’astuce qui s'y cache... Son récit dénonce habilement toutes les manipulations, illusions ou dissimulations qui nous font tordre la réalité des faits dès que notre intérêt rentre en jeu. Et ces dévoiements résonnent particulièrement fort à l’ère des fake news et des jugements rendus par le tribunal des réseaux sociaux.
La partie graphique est comme toujours impeccable avec Jean-Denis Pendanx. L’homme a du talent et le résultat est simplement superbe ! Son travail parfaitement documenté, son souci du détail et ses personnages bien croqués créent de suite une ambiance immersive dans l’Amérique profonde d’avant-guerre. Les couleurs automnales sont un gros plus et rajoutent un grain vintage très plaisant à l’ensemble.
En revanche, un bémol pour la typo peu lisible. Hormis ce détail, c’est un solide polar qui soulèvent de bonnes questions ; et au-delà, une très bonne BD.
« Première-née » m’a réconcilié avec la saga des Ogres-Dieux sur laquelle j’ai toujours eu quelques réserves. Ce 4ème tome, que je n’attendais pas après le décès du scénariste Hubert, permet de boucler la boucle en faisant un lien généalogique parfait avec « Petit », le tome inaugural.
Remonter aux origines d’une lignée légendaire est un grand classique. Mais c’est ici réalisé avec intelligence et le récit capte l’attention par sa force d’évocation. Il se place ouvertement du côté des femmes, reléguées dès le départ au rang de génitrices à la merci de mâles stupides et libidineux, tous plus barbares les uns que les autres. Bragante, la première-née, n’a ainsi d’autre salut pour contrer leur force brutale que sa finesse d’esprit et la connaissance qu’elle trouve dans les livres, auxquels Hubert rend également un hommage appuyé. L’album se termine d’ailleurs par 18 longues pages d’un texte raffiné, superbement illustré.
« Première-née » n’est peut-être pas l’épisode le plus spectaculaire des 4 mais il donne du sens et une ampleur inattendue à l’ensemble, tout en renouant avec le fabuleux univers gothique créé par Hervé Gatignol, que le troisième avait curieusement délaissé.
Je me ravise donc humblement et porte un jugement beaucoup plus favorable sur cette série au graphisme exceptionnel qui restera en bonne place dans ma bibliothèque.
Anaïs Nin fut vraiment une personnalité hors du commun et elle méritait bien, à ce titre, d’être l’héroïne d’un roman graphique. Encore fallait-il qu’il soit suffisamment abouti pour respecter son œuvre sans mollesse ni tiédeur, mais sans non plus tomber dans le scabreux. Et Léonie Bischoff a réussi la biographie parfaite. Son univers visuel est d’une beauté aérienne et gracile. Le trait multicolore, épuré, parfaitement équilibré entre les pleins et les vides procure une lumière chatoyante aux planches et plonge le lecteur dans une ambiance onirique et voluptueuse qui sert à merveille le récit. Celui-ci s’axe sur la transformation progressive d’Anaïs, de jeune mariée innocente à la sensualité réfrénée, en une amante polyamoureuse assouvissant ses désirs multiples.
Tous ses paradoxes apparaissent alors :
Femme libre à l’esprit trop large pour son époque, jouisseuse, épicurienne, sans aucune limite, féministe, avant-gardiste, écrivaine de génie…
Mais aussi dépendante du regard de l’autre, incapable de dire non, immature, névrosée, borderline, flirtant sans ambages avec la perversion la plus sordide…
Un portrait d’une complexité rare dont l’autrice a fait un régal de lecture à travers un très bel album, élégant, poétique, poignant, troublant, fascinant. Bravo !
« Les voyages d’Ibn Battûta » tient plus du récit illustré ou du carnet de voyage que de la bande dessinée. Joël Allessandra, coutumier du genre, est donc à l’aise pour retranscrire par des aquarelles, parfois magnifiques, les innombrables contrées prétendument visitées par Ibn Battûta de 1325 à 1354. Cet insatiable voyageur aurait parcouru, sur 3 continents, toutes les terres d’islam de son époque et fit écrire ses exploits, réels ou supposés, par un scribe.
Une histoire aussi fertile aurait pu donner une épopée mémorable, la BD étant le format idéal pour procurer l’évasion et les mirages d’un tel voyage. Mais Lotfi Akalay, décédé en 2019, fut sans doute un grand écrivain mais pas un scénariste. Le récit manque hélas de fluidité. Les scènes, hachées, se succèdent sans contexte, ni dramaturgie. Et la rareté des dialogues limitent au strict minimum les interactions entre les personnages, pourtant pittoresques.
Cet bel album, objectivement riche et intéressant, est donc à réserver aux férus de voyage, aux passionnés d’histoire ancienne ou aux spécialistes du monde musulman.
Une œuvre colossale dans tous les sens du terme ! 300 pages chargées d’un texte dense, intense, dans lequel s’est littéralement fondu Luz, avec une puissance et une liberté éblouissantes. Ses dessins enflamment les planches avec la même énergie rageuse que les mots de Virginie Despentes. Le résultat est une véritable dissertation graphique sur le thème « sex, drugs & rock n’roll ».
C’est extrêmement long à lire mais il fallait bien ça pour décortiquer aussi précisément le milieu underground des années 80/90, dans son nihilisme, sa fureur et sa démesure. Avec, en filigrane, le souvenir persistant de tous ceux qui y sombrèrent.
« Vernon Subutex » n’est pas qu’une adaptation, c’est la BD exceptionnelle de deux très grands auteurs en parfaite symbiose.
Par contre, inutile de préciser que tous les tenants d’une morale proprette passeront leur droit chemin !
Vu la finesse pachydermique du scénario depuis le début, j’entamai ce 3ème tome avec un a priori négatif. Mais j’avoue que Didier Tarquin a réussi à m'étonner. Non par la qualité de son écriture, je n’irai pas jusque-là, mais par le lot de surprises qu’elle réserve. Il booste son rythme, multiplie les rebondissements et ne prend pas de pincettes pour boucler son cycle. C’est conclu et bien conclu ! De plus, toutes les questions posées ici ou là depuis l’entame trouvent des réponses cohérentes et l’ensemble se tient plutôt bien.
L’énergie et la radicalité de ce « Cristal rouge » offrent donc une lecture 100% récréative franchement plaisante.
« La chute » est une version catastrophe de la crise sanitaire, sociale et environnementale que nous vivons actuellement, qui se projette dans l’effondrement de notre société. Car même si ce 2ème volet suit une trame assez classique, l’atout de cette série est son réalisme prenant. Une qualité qui fait trop souvent défaut aux récits post-apocalyptique qui ont toujours tendance à recourir au fantastique pour justifier la fin du monde. Là, nous assistons aux difficultés d’un homme ordinaire qui essaye juste de mettre les siens à l’abri, sans qu’ils sachent réellement ce qu’ils fuient. Mais ce pauvre Liam n’a pas le profil d’un survivant. Il n’est ni entrainé ni équipé pour affronter un monde devenu brusquement mortel : une pandémie de grippe et la violence des hommes livrés à eux-mêmes faisant autant de morts l’une que l’autre. Aucun moyen physique, intellectuel ou technique particulier ne peut l’aider à préserver l’essentiel. Ses efforts, ses échecs, ses craintes, sa vulnérabilité pourraient donc être les nôtres.
Jared Muralt n’est pas le plus expérimenté des auteurs et cela se ressent parfois au fil des pages tant dans le dessin que dans le scenario (Cf. l’avis de thieuthieu79). Mais cela ne m’a en rien gâché la lecture et en tant qu’amateur du genre, je trouve « La chute » vraiment réussie. Ces deux tomes m’ont accroché au point d’attendre le 3ème avec grande impatience.
Je constate que cette série est malheureusement mal notée. Donnez-lui sa chance, elle mérite largement d’être lue ! Ma note reflète mon envie de la défendre.
« L’objet de votre haine » est toujours mené par une écriture aussi brillante. Les joutes verbales s’enchainent et déchainent passions, trahisons et manipulations. L’orgueil léonin et la rouerie étant parfaitement incarnés par Mederion, souverain aussi dangereux qu’intelligent, et Térys, son ombre au jeu trouble. L’habileté politique sans égale du jeune roi peut à elle seule faire basculer le destin d’Angleon et c’est là toute la force du scenario qui parvient sans cesse à surprendre le lecteur.
Toutefois, on s’approche déjà de la fin du 1er cycle et je m’étonne que cet avant-dernier tome ne fasse guère avancer l’intrigue. Car ces complots fomentés dans le secret des alcôves deviennent habituels et gagneraient à être contrebalancés par un peu plus d’ampleur et d’action. Il est un peu dommage que les arcs narratifs parallèles, plus riches en mouvement, ne soient qu’entr’aperçus dans ce 5ème opus. J’espère donc que le rythme final s’accélèrera sensiblement pour nous offrir la conclusion épique que cette série mérite.
Ce 1er tome est sympathique mais pas de quoi s’emballer non plus.
A partir d’une base ultra référencée – des voyageurs s’échouant dans un motel vide au milieu de nulle part, cernés de gens plus ou moins louches – « Valhalla hotel » fait monter tranquillement la sauce avec de bons ingrédients. Mais vu la couverture et l’affiliation évidente avec « Il faut flinguer Ramirez », je m’attendais à beaucoup plus détonant. Les dialogues restent assez sages et le rythme n’a rien de trépidant. Les différents personnages sont pourtant bien incarnés et immédiatement identifiables. Mais leurs rôles étant encore trop flous à l’issue de ces 60 planches, il est difficile de s’y attacher pour l’instant.
D’autant que le dessin est bon, mais particulier. Si les tronches des acteurs sont bien trouvées et l’action parfaitement rendue par des cadrages dynamiques et efficaces, l’obsession géométrique de Fabien Bedouel m’a paru en revanche un peu décalée. Comment peut-on tracer à la règle les bords d’une route poussiéreuse au Nouveau-Mexique ?? Idem pour tous les bâtiments et chaque élément de décors…Tout est rectiligne, lisse, soviétique. Si l’on rajoute une colorisation ingrate (personnages jaunâtres, fonds de cases neutres) qui refroidit tristement l’action censée se dérouler sous une chaleur désertique, on peut avoir quand même une légère impression de trop peu. C’est frustrant car on devine clairement un gros potentiel à la clé. La lecture est d’ailleurs très agréable. Mais avec une image un peu plus naturelle et mieux texturée, son effet serait décuplé.
Ces petites critiques ne m’empêcheront pas bien sûr de suivre cette série qui connaitra probablement un beau succès. Allez, go !
« David Boring » était devenu rare. Sa réimpression par Cornélius en 2017 s’imposait donc.
J’imagine qu’on ne doit pas être des foules à tenir ce roman graphique pour un chef d’œuvre mais c’est mon cas. Il rassemble le meilleur du petit monde intrigant de Daniel Clowes. Une ligne claire un peu statique flanquée d’une trame grise uniforme, une écriture souvent verbeuse mais toujours subtile, des anti-héros presque ordinaires gorgés de névroses, une sexualité engoncée entre fantasme et déviance, des angoisses existentielles, des airs de fin du monde… et cette étrangeté tragi-comique omniprésente et indéfinissable, véritable signature de l’auteur.
Je comprends qu’on puisse être hermétique à cet univers peu glamour, hanté de personnages pathétiques, de mésaventures improbables et de références intello. Mais avec cette matière aride, Clowes arrive à traduire les mille petits maux muets qui se logent en chacun de nous, les plus profondément enracinés, ceux qui nous rendent aussi solides que vulnérables, banalement et singulièrement humains. En toute subjectivité, cela suffit pour en faire un génie à mes yeux !
Une suite directe du 1er tome avec lequel elle forme un vaste et poignant pamphlet contre le régime carcéral en vigueur aux États-Unis au début du 20°siècle, et par extension contre l’oppression de l’individu en général. Mais nul discours partisan ou grande tirade moralisatrice ici. Riff Reb’s adapte Jack London avec intelligence et livre un diptyque plein d’aventure et d’inconnu, humaniste, poétique et puissant, davantage axé sur un dessin à la fois réaliste et onirique que sur les mots. Il parvient à en dire beaucoup plus ainsi et révèle la puissance de l’imaginaire, qui ne sert pas seulement à rêver, mais bel et bien à vivre.
Une œuvre troublante et passionnante à lire absolument.
Comme le dit Nicolas Pétrimaux lui-même, IFFR est plus un « static picture », autrement dit un film dessiné, qu’une BD.
J’aime bien, mais je ne fais pas partie du fan club de cette esthétique de jeux vidéo appliquée au 9ème art. Le dessin numérique a son intérêt mais il ne fait pas tout. Or, ce graphisme ostentatoire en met tellement plein la vue qu’il a tendance à l’emporter sur l’histoire. Histoire qui, il faut le dire, possède une qualité majeure : son rythme frénétique, créé par une mise en scène inventive. Ce tempo parfaitement maitrisé est un modèle du genre.
Pour le scenario en lui-même, on a 80% de boum boum et d’enrobage – effets de cadrages, de perspectives et de couleurs, tous très efficaces – et 20% d’un récit relativement pauvre, truffé de gimmicks et de situations loufoques, qui, au delà de son allant, ne débouche sur rien de très consistant pour l’instant. Je passe sur les fausses pubs à l’humour assez bas du front ; ce genre de conneries ne me fera jamais rire mais je reconnais que c’est stylé et que ça donne une identité forte à l’ensemble.
Le défaut principal, pour moi, est de n’avoir pas créé de véritable héros à cette histoire. Ramirez est quand même un peu neuneu et aucun personnage n’émerge du lot à part peut-être Ramon, le tueur, que sa capacité à ne pas mourir rend intéressant. Mais ce choix narratif m’a semblé discutable car finalement, la double ou triple vie de Ramirez devient secondaire, et la maigre intrigue finie noyée sous la pyrotechnie et les couches de vernis.
3 étoiles pour l'ambiance, la beauté des planches ET le boulot monumental que cela représente. Mais visuellement spectaculaire ne veut pas dire révolutionnaire... Au vu du battage médiatique hallucinant dont elle bénéficie, cette série est quand même largement surcotée, un peu comme les films de Tarantino desquels elle s’inspire. Un divertissement de luxe, flatteur pour la rétine, mais dénué de réflexion, de finesse, de toute profondeur. Ça tombe bien, c’est apparemment exactement ce que voulais faire Pétrimaux : « Un truc d’action qui ne se prend pas la tête » a-t-il dit en interview.
Moi, il m’en faut quand même un peu plus pour déchainer mon enthousiasme…
Une adaptation de l’œuvre phare de Lovecraft toujours aussi bien réalisée. Gou Tanabe parvient à s’appuyer sur une narration à tiroirs sans perdre le lecteur. En revanche, si ces nombreux sous-récits sont indispensables pour faire comprendre les origines du culte de Cthulhu, ils diluent et dispersent largement la montée en puissance de l’horreur. Le crescendo vers « l’indicible » est donc moins efficace que dans les précédents tomes qui, en se concentrant sur une seule et même aventure, s’avéraient beaucoup plus angoissants et prenants. Ils avaient pour eux une forme d’abstraction qui fait défaut ici.
Je me demande simplement s’il ne manque quelques pages à cet Appel de Cthulhu. Il aurait peut-être mérité plus d’ampleur pour permettre aux personnages de mieux exister et au suspense de s’installer progressivement.
C’est donc celui qui m’a le moins enflammé pour l’instant mais il reste de très haut niveau.
Le superbe « Terra Australis » racontait l’arrivée au 18°s des 1ers colons en Australie, bagnards ou prostituées pour la plupart. Le pays s’appelait encore alors la Nouvelle-Galles du sud et avait le redoutable statut de colonie pénitentiaire.
« Terra Doloris » a été annoncé comme une suite mais n’en n’est pas vraiment une : Mary Bryant et Thomas Muir, deux personnages ayant réellement existé, vont réussir à fuir cette prison à ciel ouvert, et c’est le périple de leurs évasions respectives par-delà les mers que l’on va suivre au long de ces 350 pages.
Toute la profondeur du scenario est là : ils considèrent tous deux pour des raisons différentes que le continent austral est maudit. Mais c’est précisément en fuyant cette 'terre de douleur' qu’ils connaitront chacun le malheur et l’adversité.
Le travail documentaire de L.F. Bollée est comme toujours remarquable. Il sait admirablement tirer parti des éléments historiques qu’il collecte pour faire revivre l’époque. D’un contexte déjà passionnant en soi, il fait une aventure humaine palpitante, doublée de réflexions pertinentes sur la liberté.
Ph. Nicloux réalise également un excellent travail au dessin. Son style particulier ne sert pas forcément les personnages, dont on peine parfois à reconnaitre les visages d’une case à l’autre, mais il fait des merveilles dès qu’il s’agit de décors ou d’ambiances.
Un beau livre, aussi divertissant qu’instructif, qui complète bien « Terra Australis », même s’il est probablement moins inspiré.
Sombre et moite sous ses airs de polar, « L’homme bouc » se révèle très actuel et franchement prenant. Il explore plusieurs pistes intéressantes mais n’en suit qu’une, plutôt inattendue. On pense forcément aux œuvres du grand Comès puisqu’il y est beaucoup question d’ésotérisme et plus encore de chamanisme, avec pour décor quasi unique les boueuses forêts limousines, noircies par un hiver sinistre. On accroche ou pas, mais le récit a le mérite d’aller au bout de son propos, sans concession, bien aidé par un rythme sec et des personnages peu diserts mais très humains. E. Corbeyran connait son boulot. Ce qui ne m’a pas empêché de noter quelques facilités scénaristiques (la captive muette qui dessine si bien qu’on reconnait sur sa feuille un modèle précis de voiture ou tous les détails d’une vieille chapelle ? mouais… passons).
A condition d’être indulgent, donc, le récit fait preuve d’une belle efficacité.
Le dessin n’est pas en reste. Dans un noir et blanc harmonieusement nuancé de gris, il permet des ambiances glaçantes parfaitement adaptées au scenario. On pourrait toutefois lui reprocher un certain statisme, l’ensemble manquant un poil de dynamisme. Par ailleurs, l’aspect photographique de certaines cases est parfois très marqué. Mais globalement, le travail d’Aurélien Morinière, que je ne connaissais pas, est bon, solide et rend la lecture fort agréable.
Bref, ce n’est pas parfait, mais c’est une bonne BD à découvrir si vous n’êtes pas rebuté par les enquêtes sordides nimbées de paranormal…
« Inhumain » est pour moi l’exemple typique de l’album frustrant. Pas raté, loin s’en faut, mais comme survolé un peu mollement de haut. Je dirais qu’il ne fait que la moitié des pages qu’il aurait fallu pour développer efficacement cette histoire.
Dessin et scenario souffrent du même défaut : un sentiment de trop vite, de trop peu. Le background est fertile mais les personnages n’ont que peu d’épaisseur, sans personnalité ni dimension psychologique. Ce à quoi s’ajoute un character design quelconque, qui ne les rend ni attrayants, ni attachants. L’histoire est rapidement posée et emprunte quelques raccourcis qui donnent l’impression de rester constamment à la surface des choses. C’est un point commun avec le triptyque « Ter » qui m’avait interloqué exactement de la même manière.
C’est d’autant plus dommage que le canevas est excellent. Et la variété des décors, associée à de belles perspectives et une palette de couleurs flatteuse, a réussi à me tenir en haleine et titiller mon imaginaire. Ce rythme trop rapide a au moins comme qualité de faire tourner frénétiquement les pages pour vite lire la suite et n’en rien manquer !
En conclusion, sont-ce les auteurs, est-ce l’éditeur..? Je n’en sais rien, mais l’ensemble a manifestement été réalisé sans autre idée que divertir. De ce point de vue c’est réussi, mais pourquoi si peu d’ambition ? Il y avait une matière extrêmement riche à exploiter. Et franchement, on n’est pas passé très loin de la grande fresque spatiale qui sidère en en mettant plein la vue et questionne par sa profondeur philosophique… Mais finalement c'est un album SF de plus, sympa, mais que rien ne distingue vraiment du ventre mou de la production habituelle.
Néanmoins, et j’insiste là-dessus, cela reste une BD de bonne facture qui contentera tout amateur de SF mainstream. Pour ma part, je ne regrette pas l'achat et la relirai avec plaisir.
Quel souffle !
Cet ultime tome de Servitude est d’une intensité rarement vue en BD. Cela grâce au dessin vertigineux d’Éric Bourgier qui n’aura cessé de s’affiner au fil du temps : je reste admiratif devant la précision du trait et des couleurs qui viennent donner chair aux personnages, les lumières qui sculptent les décors et les visages pour en révéler les moindres détails, le dynamisme des angles de vue et la variété des cadrages qui parachèvent les cases. Une partie graphique qui frôle la perfection, donc, et happe le lecteur au cœur d’une bataille épique, en lui en faisant ressentir toute la fureur, l’héroïsme et la fatalité.
En revanche plusieurs « trous » subsistent dans le scenario au terme de ce dernier volet. L’histoire donne l’impression de rester en partie inachevée et des questions demeureront sans réponse ou mystérieusement allusives, comme la scène des dragons par exemple, dont la beauté ténébreuse envoûte mais dont le sens reste assez flou...
Pour autant, inachevé ne veut pas dire inabouti. Loin de brouiller la lecture, cela confère à l’ensemble une profondeur poétique inattendue.
Cette construction atypique est une des caractéristiques de Servitude. Dès le second tome, les auteurs ont fait choix d’une narration non linéaire, chaque épisode étant dépeint comme un "tableau", au sens théâtral du terme, n’hésitant pas à rompre avec les précédents. C’est une prise de risque assumée qui force l’admiration car si cela rend la lecture plus exigeante, ces différents biais permettent aussi une immersion globale dans l’univers. Ainsi la trame emprunte de multiples détours mais ne perd jamais son fil : nous chanter la geste du Royaume des Fils de la Terre, de ses fiefs et différents peuples, à travers un seul et discret personnage, Kiriel, le maître d’arme du roi Garantiel.
L’influence de Game of thrones, écrasante sur le 1er tome, s’est peu à peu estompée pour laisser place à une épopée dantesque, crédible, originale, baignée de noblesse et de mélancolie.
Ce dernier tome peut donc susciter des frustrations mais la qualité de l’œuvre transcende ses imperfections. « Servitude » restera pour moi la référence en Héroic Fantasy. Et bien au-delà, une grande série tout simplement.
Cet épisode des « Chefs d’œuvres de Lovecraft » est un peu moins fluide dans sa narration et j’avoue avoir eu plus de mal à rentrer dedans que les précédents. Mais une fois l’histoire bien lancée, c’est un régal. Gou Tanabe nous offre encore des planches de toute beauté et l’on mesure au fil de l'intrigue tout le génie précurseur de Lovecraft et l’influence évidente qu’il a pu avoir sur la culture contemporaine et la SF en particulier.
Une lecture presque perturbante. Les talents croisés de Lovecraft et Tanabe procurent un sentiment de malaise qui ne fait que croitre au fil des pages et laisse un goût tenace de tristesse et d’horreur. A partir d’un postulat très mince (la simple chute d’une étrange météorite), les 2 auteurs parviennent à dialoguer à plus de 80 années de distance pour livrer une œuvre puissante et formellement superbe.
Dès sa parution, « Les montagnes hallucinées » m’avait tout de suite intéressé. Mais n’étant pas trop manga, j’ai longuement hésité. La sortie des coffrets, particulièrement bien présentés, m’a convaincu de sauter le pas. C’est peu dire que je ne le regrette pas ! Avec les couvertures en simili cuir, la prise en main souple et confortable invite à tourner les pages. Ensuite, le dessin est magnifique et parfaitement adapté à ce récit à l’ancienne. Il retranscrit à merveille l’ambiance de ces aventures improbables, mélangeant sciences, mystères, horreur et mythologie. Même si l’histoire est assez peu approfondie, elle incite à l’indulgence et reste palpitante. Avec Gou Tanabe, Lovecraft a trouvé un interprète à sa mesure.
Une œuvre vraiment impressionnante, tant par la puissance de son dessin que par l’écriture, à la fois sombre et pleine d’espoir. Pourtant, ce n’est pas l’histoire en tant que tel que je retiendrai le plus (les 3/4 se passent dans une prison, entrecoupés de flash-back, flash-forwards et séquences oniriques). Même si elle demeure passionnante, ce sont surtout les non-dits qui sont les plus évocateurs. En effet, le récit est sous-tendu par de multiples thèmes comme la rédemption, la transmission, la résilience, la littérature, l’imaginaire, la fragilité des existences, la force des idées… et bien d’autres encore, subtilement imbriqués au texte et aux images.
En résumé, une lecture fascinante, mais exigeante. Les amateurs de romans graphiques la trouveront incontournable. Pour les autres, cela pourra être fastidieux, voire hermétique.
A noter le beau travail d’édition de Sonatine qui fait de cette BD un objet très élégant.
"Le baron" est un hommage irrésistible aux conteurs et doux affabulateurs. Truculent, cocasse, lunaire ou homérique… les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cet album dans lequel, on le devine, Jean-Luc Masbou a mis beaucoup de passion. Je dirais qu’il est simplement généreux, quelque part entre la faconde de Pagnol et la verve de Cyrano.
Il s’empare du Baron de Münchhausen avec une poésie graphique et littéraire savoureuse, doublée d’une grande tendresse pour son personnage, chantre de l’imaginaire et homme intègre. Il interroge le lecteur sur la place de la mémoire et le rôle de la légende.
En revanche, l’ensemble manque de fluidité, notamment entre chaque « souvenir » narré par le baron, mais le dessinateur a su déployer beaucoup de talent pour faire sienne une histoire maintes fois évoquée et nous l’offrir dans un superbe écrin, format XL et dos toilé. La place du livre est d’ailleurs prépondérante dans son récit. Pour ma part, je placerai celui-ci dans ma bibliothèque aux côtés des « Cinq conteurs de Bagdad » et de « La vierge froide et autres racontars ».
Une belle bande dessinée à mettre en toutes les mains !
Ce deuxième tome est venu me confirmer que « Le château des animaux » se profile comme une série exceptionnelle. Les auteurs semblent avoir conscience du potentiel de leur œuvre et l'ont réalisée avec rigueur en étant tous deux parfaitement en phase. Non seulement la partie graphique est enchanteresse mais le récit est pleinement maitrisé. La narration, fluide et rythmée, monte crescendo au fil des pages jusqu’à la scène finale, grâce une remarquable distribution des personnages. Et chose assez rare pour être notée, une véritable émotion se dégage de certaines cases. Seule la mise en couleur un peu timide aurait peut-être mérité plus d’éclat. Mais la délicatesse des tons froids contribue aussi à retranscrire l’atmosphère glacée d’un hiver mortel.
Au final, c’est une impression d’intelligence et de qualité qui domine l’ensemble. Impression qui perdure longtemps après avoir refermé l’album.
Le tome 3 est d'ores et déjà l'une des sorties que j'attendrai le plus l'année prochaine.
Je précise que j’émets cet avis sur la base de l’édition grand format qui magnifie le superbe travail de Félix Delep. Mais je suppose que l’édition ordinaire est très bien aussi.
Ce « Bonheur inquiet » n’est ni meilleur ni pire que les précédents. C’est peut-être le principal problème de cette série : les tomes sont interchangeables car l’autofiction (plus que l’autobiographie) atteint vite ses limites. L’esprit général est sympa mais la recette est toujours la même et les tribulations égocentrées du sieur Trondheim ne sont pas toujours exaltantes. Néanmoins il reste un bon observateur et un dessinateur de talent. Certaines planches sont très belles.