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Un portrait saisissant.
Portrait d'une guerre civille qui se concluera en un massacre ethnique.
Portrait d'une famille perdue dans le chaos de ces affrontements. Affrontements raconté par un enfant.
Si ce roman graphique n'apporte que peu d'explication sur le conflit entre Hutu et Tutsi, la partie lié à l'enfance marquante de l'auteur est d'une grande intensité, d'un grande justesse et d'une grande sincérité.
Une œuvre mémorable, tout comme le roman dont il s'inspire.
Grand admirateur de Gaël Faye – chanteur – je ne l’ai pourtant jamais lu car cela fait quinze ans que je ne lis plus que des BD. La sortie de l’adaptation par Savoia et Sowa de son fameux « Petit pays » fut donc une bénédiction pour moi et ne pouvait pas m’échapper.
Visuellement l’album est de très bonne facture. Le dessin, réaliste, léger et expressif est particulièrement agréable et permet une immersion naturelle au Rwanda et au Burundi des années 90, bien aidé en cela par une palette de couleurs chaudes qui restituent de superbes ambiances équatoriales.
Cette plongée au cœur de l’Afrique est également favorisée par un récit qui prend son temps et se développe d’abord autour du quotidien des jeunes protagonistes, entre insouciance de l’enfance et forfanterie adolescente.
Mais l’écriture étant d’une grande subtilité, le lecteur attentif pourra comprendre dès les premières pages que quelque chose se trame. Quelque chose d’indistinct et de fort mauvais augure. Une multitude de signes, d’abord imperceptibles puis de plus en plus concrets, viennent peu à peu assombrirent un horizon qui finira par basculer dans l’horreur absolue. Une horreur incompréhensible, d’autant plus tragique qu’elle est vue à hauteur d’enfant. Du jour au lendemain les amis, les copains, les proches peuvent devenir des ennemis ou être massacrés sans discernement.
Le sujet est dur. Dans la deuxième partie, la plus sombre, les auteurs doivent surfer en permanence sur une ligne extrêmement difficile à tenir : montrer la peur, la folie, le sang ou laisser tout cela hors champ ? Ils trouvent le bon équilibre, sans se draper dans une fausse pudeur mais sans la moindre complaisance non plus pour la violence. Tout ce qu’ils décrivent a du sens. Ce sont, ni plus ni moins, les rouages d’un nettoyage ethnique qui ensanglanta ces deux « petits pays ».
Une histoire bouleversante traitée avec beaucoup d’intelligence et de talent. A lire absolument.
Ce n'est pas l'histoire d'une guerre, c'est l'histoire d'hommes et de femmes embarqués dans une situation qui les dépasse totalement. C'est un roman sur la fin des illusions, la fin de l'enfance, la vie qui avance et qui devient rapidement incontrôlable. L'ouvrage nous remet rapidement face a nos propres destins et à nos choix. Malgré le contexte extrêmement dur et clairement explicité, les auteurs font le choix de la dignité et, à aucun moment, on ne tombe dans l'affichage de la violence. Et pourtant, ce récit est violent, dur, émouvant, poignant. Mais avec quelle dignité. Un album à mettre de toute urgence entre toutes les mains.
L’adaptation en bande dessinée du roman homonyme de Gaël Faye (succès littéraire sorti en 2016) par la scénariste Marzena Sowa et le dessinateur Sylvain Savoia se concrétise par ce voluptueux volume de 125 pages. Certes le duo nous avait déjà séduit dans un autre genre avec leur série Marzi. Mais surtout, depuis « Les esclaves oubliés de Tromelin », le poignant roman graphique de Savoia sorti en 2017, j’attendais avec ferveur une nouvelle production dans la même veine : un récit ancré dans un contexte historique, une tragédie humaine sidérante, et un personnage central auquel s’identifier pour fil conducteur.
L’histoire de « Petit pays » est imbriquée au génocide de la population tutsi par les Hutus qui ravagea le Rwanda sur plusieurs mois en 1994, non sans débordements au-delà des frontières. C’est le cas du pays voisin, le Burundi, où vivent tranquillement Gaby, enfant métisse de dix ans, sa petite-sœur Ana et leurs parents : un père français travaillant pour la coopération et une mère réfugiée rwandaise de l’ethnie tutsi. C’est que les persécutions, prémisses à l’explosion de la haine raciale, frémissaient au Rwanda. En cet instant la bulle si fragile, le quartier de privilégiés, l’école, les copains, les aide-ménagères, tout ce petit monde doré allait bientôt voler en éclat par la folie meurtrière des hommes.
Cette tension est palpable dès les premières pages, avant-même que la sauvagerie sanguinaire ne déferle jusqu’à leur porte. Les auteurs la font monter progressivement comme une eau entrant en ébullition. Au paroxysme du récit, la narration graphique ne sature pas en images violentes car les auteurs se placent savamment dans le regard et le vécu de l’enfant. Savoia réussit l’équilibre parfait entre la pudeur et la nécessité de montrer toute l’horreur du génocide. Cette réalité nous frappe par images instantanées comme s’il s’agissait de flashs traumatiques dans la mémoire de victimes survivantes. Nous nous mettons alors à retenir notre souffle et à tourner les pages sur le fil de l’espoir que ne perd jamais le personnage principal.
À la prouesse du dessinateur se marie la qualité de l’adaptation opérée par Marzena Sowa. L’autrice arrive à nous faire suivre les histoires, souvent tragiques, d’une multitude de personnages pris au piège de la barbarie et cherchant l’échappatoire chacun à leur manière. Mais jamais l’on ne perd le fil de cette toile de destins qui basculent si brusquement, comme jamais l’on ne perd pour eux l’espoir de la survie au milieu d’un monde sombrant dans le chaos total.
Du grand art, comme nous avaient déjà servis ces deux auteurs auparavant. Et un album magistral.
Belle adaptation du roman de Gaël Faye, en format BD et dans la veine franco-belge...
Par les auteurs de la série Mirza (une chronique BD à caractère autobiographique, sur la Pologne communiste, paru initialement dans le magazine Spirou), c'est-à-dire Marzena Sowa (au scénario) et Sylvain Savoia (au dessin).
Petit pays raconte de manière simple et accessible l'histoire d'un jeune garçon vivant au Burundi, pourtant empêtré dans un contexte géopolitique complexe, celui du génocide rwandais (1994) et de la guerre civile au Burundi (à partir de 1993)... Deux petits pays voisins d'Afrique orientale, marqués par des tensions entre les ethnies Hutu et Tutsis.
Le point de vue narratif, un peu décalé par rapport aux événements tragiques qui secouent la région, apporte une forme de réalisme au récit, se concentrant sur des scènes de la vie quotidienne de l'enfant, sur son regard et ses sensations.
Néanmoins, on ressent dans les relations entre les personnages, leurs discours, leurs jeux, le passage à l'adolescence... les fortes inégalités de la société burundaise. La violence du colonialisme et de la discrimination des peuples africains s'immisce dans toutes les strates de la société, peut se retourner contre tout le monde, y compris les dominants. Dès lors, le cours de cette roue tragique du destin paraît insurmontable... Il n'y a quasiment plus d'espoir, on voit arriver l'horreur de ce vaste mouroir...
Les auteurs de la BD on su retranscrire la part autobiographique du roman. L'expérience de Gaël Faye, né au Burundi d'un père français et d'une mère rwandaise (réfugiée à Bujumbura après le début des persécutions contre les Tustis, dans les années 1960), est tangible. On retrouve dans cette BD les thèmes, les champs sémantiques du slam de Gaël Faye. Une poésie engagée qui lui permet aussi "d'extérioriser sa douleur de l'exil et de se reconstruire".
Ainsi, cette BD est aussi d'une grande profondeur émotionnelle.
« ...Et de pays en pays, il pédale, il pédale.
Et de guerre en maladie, il pédale, il pédale... » (extrait de Pili pili sur un croissant au beurre, Gaël Faye)
Adaptation totalement réussie du roman. J'avais été subjugué par le livre, et, comme souvent, plutôt un peu réservé au sujet de l'adaptation en film. Ici, la transposition en BD fonctionne parfaitement, je suis rentré dans le dessin sans aucune difficulté. Mais assez curieusement, j'ai trouvé la BD encore plus dure, plus violente. Dans mon souvenir, le livre, poignant, avait aussi sa part de poésie, de rêverie. L'enfance confrontée à la guerre et au monde réel. Ici, j'ai juste ressenti l'enfance confrontée à l'Horreur. Avec un grand H. Le poids des mots Vs Le choc des images ?
Un album qui appelle le respect.