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Un titre lourd de sens...
...adouci par les nuages de la typographie et une couverture colorée, où figurent trois enfants, s’amusant à taquiner un poivrot, dans un champ de pâquerettes. Dès lors, on sent bien que l’autrice Aroha Travé n’ira pas par quatre chemins pour narrer les péripéties de ces gosses, dans leur village fictif...
Cette BD, empreinte de culture fanzine et underground, est moins accessible qu’il n’y paraît au premier abord. Pour ma part, je dois avouer que j’ai été dérouté par la (trop) grande finesse du trait d’Aroha Travé, pas très lisible dans ce petit format, ainsi que par une composition très simple (gaufrier en 3x2 cases), qui contraste avec la richesse du découpage et le fourmillement des détails. J’ai également été marqué par les propos outranciers des personnages, par la dureté de leurs vies, ainsi que par les décors décadents qui les entourent. Par empathie, même s'ils peuvent parfois être grotesques voir dangereux, je n'ai eu aucune envie de me moquer de ces personnages, trop emblématiques du petit peuple et comme broyés dans un système.
D'ailleurs, ils ont tous beaucoup de relief, ne se laissent pas complètement démonter, et on finit par s’attacher, mais plus aux enfants qu'aux parents, plus aux doux qu'aux violents... Après tout, il n’y a pas que la Syrie qui est touchée par la pauvreté, c’est aussi le cas dans nos pays développés, où les inégalités ne cessent de se creuser, notamment à l'école.
Ainsi, j’ai fini par m’immerger dans cet univers précaire, mais aussi par adhérer au propos de cette BD, au ton tragi-comique. Parce qu’il y a des problématiques de société, révoltantes et parfois criantes de vérité... Parce qu’il y a de l’humour, assez absurde et avec des situations abracadabrantesques, tout en conservant un lien avec le réel... Mais aussi parce que l’autrice sait prendre le contre-pied de ce misérabilisme, à l’image des enfants qui trouvent toujours un moyen de jouer, pour nous faire esquisser un sourire...
Pour moi, c’est une sorte de Tom et Nana, mais en beaucoup plus cru, punk et trash.
Parfois j'ai grincé des dents, d'autres fois je me suis retenu de verser une larme.
Mélangez "la Vie des Jeunes" de Sattouf, du Boulet pour le côté "détails", et peut-être un soupçon de Backderf, vous obtiendrez ce genre de BD. Réjouissante !
Pour moi c'était une sorte d'achat coup de coeur, fondé sur quelques cases qui semblaient assez savoureuses et drôles, un peu un quitte ou double mais qui a très vite tenu toutes ses promesses. Quelle découverte !!
Ok, on sent que cette auteure a encore une gentille marge de progression, notamment dans les décors et les véhicules (pas son point fort), mais c'est compensé par le talent et la gourmandise avec lesquels elle dessine ces pauvres gens ! Quelle galerie de personnages !! Dans ce quartier populaire, on voit s'agiter tout un panel de mères vulgos, d'enfants livrés à eux mêmes (avec toute la palette : les gentils, les couards, les méchants, les beaux, les laids, les très laids, et le petit frère autiste, dans sa bulle, absent, drôle et même touchant, tel un succulent fil rouge...) et jouant dans des squats, de toxicos, d'alcoolos...
C'est une symphonie des bas quartiers qui sonne totalement juste ! Une espèce de nectar que l'auteure a tiré de l'observation de son propre quartier.
Complètement hameçonné, je vais suivre de près cette dessinatrice et j'ai grand hâte de voir sa prochaine offrande !
En tout cas je fais le pari qu'on tient là une personne dont la popularité devrait grandir. Si elle parvient à transformer ce premier essai archi-croustillant, on en reparlera.