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Désorientant,
Suicide Total est une BD « border line », en marge, à la fois dans son propos et dans son style graphique, Julie Doucet (Grand Prix d’Angoulême 2022) s’étant affranchi de la contrainte des cases. Tout est en noir et blanc et on ne sera pas étonné de voir des scènes de sexe ou des menstruations.
Le début du bouquin est un peu raide, écriture/dessin automatique oblige et Julie Doucet étant en plein redémarrage, après avoir délaissé ses fanzines à consonance autobiographique pendant très longtemps. La deuxième partie a été plus à mon goût, quoique je lui préfère quand même ses œuvres de jeunesse, à l'énergie inégalable.
Ce n’est pas non plus un authentique album, puisque « Suicide Total » prend originalement la forme d’une longue fresque dessinée, d’un leporello de 20 mètres, compressé en une centaine de pages dans cette édition de L’Association. Alors on observe, on lit, de bas en haut (les dessins ayant été croqués dans ce sens), mais aussi de droite à gauche, en diagonale, en roulant les yeux comme un fou ou un drogué...
Puis, je suis les bulles, rares fils directeurs dans ce flux anarchique, ce déchaînement de traits noirs. Je m’en tiens au rythme, cadencé par la quantité des objets et autres personnages, unité de mesure de ces entrelacs, dont les têtes apparaissent parfois par séries, par vagues... Poétiques et musicales, certaines images sortent du lot, contrastent la composition, invitent à prendre le temps. Tandis que la profusion des monologues de Doucet donne parfois envie d’accélérer... Anxiogène.
Alors, on découvre quelques moments de sa vie, des rêves, des thématiques qui lui sont chers... Cela peut choquer, car ce n’est pas pour rien que la BD s’appelle « Suicide Total »... ou au contraire être encourageant, tant Julie Doucet est une artiste engagée, dans son art, dans les sujets qu’elle aborde...
Pour vivre pleinement l’expérience, je ne suis pas allé jusqu’à prendre du LSD (plutôt crever...), par contre je me suis écouté les références musicales de Doucet, indiqués en conscience dès la page de titre : Christian Death, Joy Division...
A la manière dont on apprend une nouvelle langue, il est finalement difficile de comprendre la BD de Julie Doucet à la première lecture, en tout cas de s’en faire une idée précise, arrêtée. Par contre, on n’en ressort pas sans émotion, ni sans un sujet de débat pour faire grandir nos communautés, celles de France, du Québec, de la BD...
...Une expérience différente.