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Les derniers avis postés sur les albums de la série

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    Captain_Eraclés Le 17/05/2024 à 15:40:17

    Pour faire bref, à l'image de la BD "Le portrait de Dorian Gray" , nous avons droit ici à une nouvelle adaptation qui vaut le détour . Ces récits imagés permettent de faire découvrir et d'appréhender des oeuvres littéraires plus facilement, tout en conservant la richesse des idées mais aussi , dans une moindre mesure la sémantique et la syntaxe . Et puis, si on peut ajouter l'appréciation de l'art du dessin, c'est tout bénéf .
    Dans d'autre cas, il s'agira d'une piqûre de rappel afin de raviver la flamme d'une lecture passionnante mais lointaine .

    Erik67 Le 04/11/2021 à 07:38:46

    Mon défi personnel de 1984 se poursuit : voici la quatrième version que je lis cette année de ce roman de George Orwell adapté en BD. Cette fois-ci, il s'agit de la version de Xavier Coste. Visiblement, cette adaptation lui tenait à cœur depuis 15 ans comme en atteste un petit mot sur la préface.

    Je n'arrive pas à départager ces différentes lectures car le fond est magnifique et puissant. Chacune de ces versions apporte quelque chose de nouveau à l'édifice. J'ai compris par exemple dans cette version que le bibliothécaire était également dans le coup pour faire tomber les opposant à Big Brother en les piégeant. Cependant, on retrouve certains points communs comme le fonctionnement et l'utilisation de la novlangue (vidéo-protection au lieu de vidéo-surveillance par exemple).

    J'avoue avoir bien aimé cette version qui ne se perd pas dans les petits détails pour aller directement à l'essentiel ce qui provoque une mise en scène assez dynamique. Pour autant, cela va trop vite parfois au point où l'on se demande comment Julia a pu tombé amoureuse si rapidement de Winston. Mais bon, passons car ce n'est qu'un détail.

    Par ailleurs, graphiquement, j'ai trouvé la conception de cet album un peu plus moderne avec un décor plus contemporain ce qui ne fait pas de mal afin de rendre l’œuvre intemporelle.

    Les dessins dégagent quelque chose d'assez oppressant si bien qu'on entre tout de suite dans cet univers. On prend une vraie claque visuelle d'autant qu'il s'agit d'un bel objet édité dans un bel écrin. A noter également une couverture vraiment magnifique et une bichromie différente selon les passages. Sur la forme, rien à redire.

    Sur le fond, j'espère qu'on ne basculera jamais vers une telle dictature tant on peut trouver des similitudes à partir de ces petits rien qui s'accumulent. La réécriture de l'histoire et de notre passé en fait partie. La dérive technologique des moyens d'information et de surveillance également. Cela fait peur.

    En résumé, cette adaptation du chef d'œuvre d'Orwell mérite amplement votre attention. Pari réussi pour Xavier Coste et très beau travail éditorial de Sarbacane.

    bd.otaku Le 26/02/2021 à 21:07:01

    Auréolé de sa parution récente dans la prestigieuse collection de la Pléiade et tombé cette année dans le domaine public, le célébrissime « 1984 » de George Orwell se retrouve décliné en quatre albums quasiment en simultané ! C’est un événement inédit dans le petit business pourtant bien rôdé de l’adaptation de romans en bandes dessinées…Peut-on pour autant taxer la version de Xavier Coste parue en janvier aux éditions Sarbacane d’opportuniste ? Rien n’est moins sûr …
    C’est en effet un projet qu’il porte en lui depuis plus de quinze ans. Adolescent, il découvrit le roman d’Orwell grâce à son professeur d’arts plastiques qui voyait en ses dessins un équivalent à cette dystopie ; ce fut un choc. Depuis il n’a eu de cesse d’en faire un roman graphique mais s’est heurté à nombre de de refus de la part d’éditeurs. Le dernier contacté, Frédéric Lavabre, n’était a priori guère partant pour l’aventure mais le bédéaste a su trouver les mots pour le convaincre. Le projet a été signé début 2018 et le jeune auteur y a consacré trois ans à plein temps…

    Une œuvre aux troublants échos

    Ce roman d’Orwell entre étrangement en résonnance avec l’époque actuelle : les éléments de langage, la géolocalisation, les caméras de vidéosurveillance, l’hégémonie des écrans dans nos vies, les fake news … Ses ventes se sont envolées au moment de l’élection de Donald Trump et ce n’est pas un hasard … La crise sanitaire a renforcé ce sentiment d’œuvre prémonitoire avec l’interdiction de dépasser les 100 kms et Xavier Coste a choisi de dresser des parallèles avec notre univers contemporain.
    Ainsi, même si « 1984 » est une critique des régimes totalitaires et surtout du stalinisme comme « la Ferme des animaux », Coste ne choisit pas – contrairement à Amazing Ameziane par exemple – de donner les traits du petit père des peuples à son Big Brother. De même si l’écrivain parlait des ouvriers en bleu de travail, le dessinateur préfère quant à lui présenter plutôt des cols blancs en costume et inclut malicieusement dans les pages de garde une pseudo-attestation de sortie au nom de Winston Smith ; cette dernière ne paraît nullement anachronique et sert de guide de lecture : « 1984 » c’est aussi 2020 …

    Un travail de recréation

    La pagination est très imposante car, contrairement à d’autres versions (celle de Derrien et Torregrossa par exemple), qui ont laissé de côté des pans entiers du roman, Coste a tenu à en garder toutes les dimensions. Il a cependant élagué ce qui pouvait être redondant tel le livre de Goldstein qui conférait certaines lourdeurs au roman. Il nous en livre des extraits sur cinq pages seulement et cela est suffisamment éclairant. De même, dans le roman, Winston Smith écrit énormément dans son journal ; cela pourrait amener à beaucoup de statisme dans l’adaptation mais l’auteur ne se laisse parasiter ni par la voix off, ni par les récitatifs qui reprendraient de longs extraits du roman (ce qu’on pourrait quelque peu reprocher à la version de Fido Nesti chez Grasset) et synthétise. Il propose une nouvelle traduction à partir du texte anglais puisque la traduction de Josée Kamoun pour Gallimard n’était pas libre de droits et alterne très intelligemment entre voix off, dialogues, « bande son » (les télécrans, les slogans lors des minutes de la haine) et silence.
    « 1984 » est un livre profondément noir et le dessin traduit cela magnifiquement. D’abord par l’utilisation des couleurs : de grandes masses noires plongent les personnages dans l’ombre et une dominance de gris permet de garder l’aspect austère du livre ; Coste ne se contente pourtant pas d’une palette de nuances de gris et travaille en quadrichromie. On notera cependant que dans la palette utilisée le vert n‘apparaît jamais : comme si ce symbole d’espoir, de renaissance et de vitalité n’avait pas sa place dans un univers miné. A la place, on trouve des couleurs primaires. Cela permet de bien différencier les séquences et les atmosphères : le bleu et le jaune quand le héros est en représentation au Ministère, le bordeaux quand il se trouve dans un espace intime (chez lui, dans la nature ou dans le quartier des prolétaires), un gris bleuté pour la prison et un jaune et rouge très vifs pour les apparitions de Big Brother ; ces couleurs primaires mettent aussi en relief la violence sourde par leur côté tranché.
    La dimension déshumanisante de l’univers dans lequel évolue le héros est également remarquablement illustrée par les graphismes géométriques extrêmement rigoureux et désincarnés et les jeux de perspective. Les hommes représentés avec un trait « jeté » sont souvent dépourvus de visage, comme anonymes et invisibilisés. Ils sont perdus dans cet univers à la fois bétonné (d’où émergent les symboles de l’état : les trois pyramides des ministères) et détruit puisqu’Orwell s’inspirait pour son décor du Londres d’après le Blitz. Cette atmosphère délétère est renforcée par le choix de bâtiments au style architectural bien précis : des références au « Métropolis » de Fritz Lang certes mais également à des lieux bien réels : la bibliothèque Philips de Louis Kahn à Exeter dans le New-Jersey , le musée Whitney de Marcel Breuer à New-York, le quartier de la Défense ou encore le palais de justice de Créteil de Daniel Badani, les « camemberts » de Manuel Núñez Yanowsky ou les espaces d’Abraxas de Ricardo Bofill à Noisy le Grand où furent tournés des scènes des films et séries dystopiques « Brazil », « Hunger Games » et « Tripalium ». Dans cet univers architectural brutaliste, tout de béton, Coste joue avec les rapports d’échelle et les angles de prise de vue : les immenses bâtiments monolithiques présentés en contre plongée écrasent les personnages.
    Le format carré du livre renforce ce sentiment d’oppression et d’enfermement car il permet de jouer à fond sur la symétrie. Le malaise et la surprise culminent dans le pop-up imaginé par l’ingénieur papier Nicolas Codron qui clôt la première édition. Loin d’être un gadget ou un appât pour collectionneurs, il crée un final spectaculaire dans lequel Big Brother aspire littéralement le personnage principal et le lecteur.

    Une histoire d’amour

    Comme dans le « 1984 » paru chez Soleil, Coste donne également une large place à l’histoire d’amour. Il reprend presque tous les passages du roman qui y sont consacrés. Il fait d’ailleurs de Julia quelqu’un de solaire : il la dote d’une chevelure blonde contrairement à la description qu’en fait Orwell. Au milieu de personnages sans visages y compris le héros « anonymisé » par ses lunettes fumées et ses traits peu individualisés qui en font l’homme lambda que sous-entend son patronyme (Winston Smith c’est un peu l’équivalent de Michel Durand), on ne voit qu’elle et on se prend à avoir pour Julia les yeux de Winston puisqu’elle est vue en caméra subjective dans de nombreuses cases… Mais, contrairement à la version Derrien et Torregrossa, Coste développe bien plus le dénouement. Alors coexistent la « respiration » créée par des pleines pages de bonheur dans la nature ou dans la chambre du quartier des prolétaires, et la « culmination » de l’emprise du régime totalitaire ; les scènes de tortures dans le Ministère de l’Amour - au nom ô combien ironique- ainsi que l’épilogue montrant comment le régime annihile toute humanité dans un final glaçant et respectueux du roman.


    L’adaptation en bande dessinée d’une œuvre littéraire est traditionnellement perçue comme une tentative de vulgarisation en offrant une porte d’entrée à des gens qui n’auraient pas lu le roman mais cet album, exigeant et fidèle, démontre s’il en était besoin qu’une telle vision est bien trop réductrice. Habité par son sujet, Xavier Coste a trouvé un équivalent graphique aux métaphores orwelliennes. Il a su recréer à la fois la dimension de brûlot politique de l’œuvre mais également restituer la superbe histoire d’amour entre Julia et Winston. Il donne au récit une dimension universelle et contemporaine à la fois qui en souligne toute la pertinence et nous permet d’interroger notre société à l’aune d’un miroir déformant et troublant. Une magnifique réussite : à coup sûr l’un des albums marquants de 2021, un futur classique, et mon premier gros coup de cœur de l’année !