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Tout a globlement été dit dans les autres avis.
J'ai juste envie d'ajouter que la justesse de cet album réside aussi dans la capacité des auteurs à la fois de nous montrer l'horreur de la situation (toujours d'actualité dans certains endroits de notre planète?...) et en même temps de nous emmener dans une forme de poésie car tout n'est pas totalement "noir" dans cette histoire.
L'album vaut surtout pour l'histoire originale. J'ai appris que même dans l'Amérique non esclavagiste, les comportements racistes (et même très racistes) étaient partout dans la société y compris dans la difficulté des noirs pour accéder à l'école.
Cet album raconte donc l'histoire d'une institutrice blanche qui, contre le reste de a population, s'accroche à sa volonté de faire l'école à des jeunes filles noires. La société est violente au possible. Cela aide à comprendre le chemin à parcourir par cette société qui manifestement n'est pas encore au bout du chemin.
Mais malgré le thème intéressant et instructif, le récit en cases est un peu mièvre et sans grande envergure. Le graphisme est du style conte pour enfants, pourquoi pas mais aucune envolée, tout est sage.
La partie la plus intéressante du livre est la postface où la conservatrice du musée de cette école donne une vision plus dynamique des élèves.
C'est une histoire vraie qui se situe trente années avant la fin de l'esclavage aux Etats-Unis. On se rend compte que même dans le Nord, les blancs étaient assez racistes. Certes, l'esclavage avait été aboli dans ces états mais les noirs n'avaient aucune considération et aucun droit et notamment celui de l'enseignement.
Quoi de plus normal que d'enseigner à tous les hommes et les femmes de la terre de nos jours ! C'est grâce à l'instruction que l'humanité progressera et on évitera peut-être la bêtise humaine qu'est le racisme.
Il est intéressant de constater que ce qui choquaient le plus les blancs étaient de petites filles inoffensives qui allaient pouvoir un jour s'insérer dans la population en accédant à l'instruction et la connaissance. Il y aura des épisodes assez désolants dans leur volonté de mettre fin à cette école et surtout à cette idée. Cela ne se terminera pas forcément bien sur le court terme. Les idées par contre ne meurent jamais.
On voit malgré tout que cela précipitera un jour ce pays dans la guerre civile. Cependant, il faudra encore une bonne centaine d'années pour que la ségrégation cesse dans ce pays et que les noirs puissent avoir les mêmes droits que les citoyens blancs. L'élection du président Obama a été un moment de symbole assez fort même si balayé par la suite par l'affreux Trump marquant presque un retour en arrière dans l'idée d'une race supérieure.
Rien à redire sur la narration qui est parfaitement fluide avec un récit plutôt simple à comprendre. On ne sera pas noyé dans des détails inutiles. Un mot sur le dessin pour dire qu'il fera dans la simplicité également tout en apportant une petite touche de fraîcheur.
Sinon, on se souviendra de cette école de Canterbury et comment la population de l'époque avait réagit face à de petites filles noires désireuses d'apprendre la connaissance du monde. Elle avait envahi cette école comme plus tard, ils envahiront le Capitole pour ne pas accepter la démocratie. Toujours les mêmes !
J’arrive un peu tard, je sais. Mais je me devais quand même de partager avec vous cette lecture tardive. Tout a déjà été dit sur cet album. Que dire de plus ? Je découvre le travail de Stéphane Fert que je ne connaissais pas et j’ai beaucoup aimé l’ambiance graphique… c’est beau ! L’idée n’est pas d’avoir des décors précis et réalistes mais on navigue dans un univers coloré et assez enfantin qui convient très bien. Les personnages féminins sont superbes, dignes… les personnages masculins me font penser à ceux de Tomi Ungerer, éructant leur bêtise.
L’histoire est évidemment très forte et on ne peut que s’attacher à Prudence Crandall et sa volonté de briser les barrières raciales et sexistes.
Au final, un album qu’il faut lire et admirer, une réussite !
Aurait-on pu imaginer qu’une école pour jeunes filles noires ait existé dans l’Amérique profonde trente ans avant l’abolition de l’esclavage ?
Tel fut pourtant le défi lancé par l’institutrice Prudence Crandall à la bourgeoisie bien-pensante du Connecticut. Cette affaire méconnue, portée devant les tribunaux à l’époque, inspire à Wilfrid Lupano et Stéphane Fert leur nouvel album : « Blanc autour » paru chez Dargaud. Un album graphique qui met en avant le courage de cette institutrice et de ses élèves qui militeront pour le droit d’apprendre.
Révolution, révolution
Les thèmes du dynamisme et de la sororité sont d’emblée mis en avant par la couverture : on y voit un groupe constitué de jeunes femmes noires ou métisses saisies de profil et bien individualisées par leurs gabarits divers et variés, se dirigeant vers un endroit qui reste hors champ. Elles semblent déterminées et les couleurs et les décors marquent un renouveau. D’emblée, elles paraissent en quête de liberté.
Ce thème est cher aux deux artistes. Wilfrid Lupano n’est, en effet, pas que l’auteur du « Loup en slip » et des « Vieux fourneaux ». Il a écrit des albums « historiques » tels « Les Communardes » et « le Singe de Hartepool » ; il réorchestre ici ce qui parcourait ces précédents albums : le féminisme et la critique des préjugés. Stéphane Fert, quant à lui, a mis en scène dans ses deux contes, « Morgane » et « Peau des Mille bêtes », deux héroïnes luttant pour leur indépendance dans un monde dominé par des hommes. Après avoir raillé dans « Quand le cirque est venu » les dictateurs de tout poil, ils s’associent cette fois pour dénoncer l’hégémonie du pouvoir des WASP qui entrave Prudence et ses pensionnaires comme le résume de façon frappante le titre « Blanc autour » raccourci énigmatique et percutant du titre originellement choisi « le pouvoir blanc autour ».
Même si le Connecticut ne pratique plus l’esclavage, les préjugés y ont la vie dure : on n’y voit déjà pas trop l’intérêt d’enseigner aux jeunes filles blanches ; alors, l’instruction prodiguée aux fillettes noires est perçue comme une hérésie ! Le scénariste décrit le quotidien de l’école tout en rapportant les différentes décisions de justice prises par les tribunaux. Il n’édulcore nullement la dureté, la violence et même la haine auxquelles l’institutrice et ses élèves ont été confrontées.
Un dessin décalé et coloré
Le travail sur la couleur de Stéphane Fert apparaît alors comme décalé : il ajoute une douceur au récit qui tranche avec la dureté du propos. Il a commencé dans l’animation et on perçoit dans son dessin l’influence du style tout en rondeurs de Mary Blair la dessinatrice des Studios Disney qui œuvra sur « Cendrillon », « Alice » et « Peter Pan » dans les années 1950. Il y a du Pimprenelle, Flora et Pâquerette également dans les silhouettes pastel des jeunes filles en aplats doux libérés de contours. Tout cela concourt à provoquer l’empathie du lecteur.
A contrario, Fert manie la caricature lorsqu’il met en scène les notables qui’ s’opposent à l’initiative de Prudence : le juge Judson est comme sanglé dans ses principes et son col amidonné et les trois notables qui viennent raisonner Prudence sont décrédibilisés par leur faciès : nez énorme en forme de courgette et disproportionné par rapport à un tout petit corps, silhouette dégingandée voire clownesque. Reprenant les codes de l’illustration enfantine, le dessin oriente le jugement.
Une absence de manichéisme
Il ne faudrait pas y voir cependant une forme de manichéisme. Si c’est l’histoire de Prudence Crandall (et c’est d’ailleurs le nom que porte le musée construit sur les restes de l’école) les auteurs ont choisi de ne pas tomber dans l’écueil du « white saver » : Prudence est une héroïne parmi d’autres. Sarah, Eliza, Maria et les autres sont tout aussi importantes. Avec leurs différences, leurs mésententes parfois, elles vont trouver une force dans le collectif.
Fert et Lupano abordent aussi de façon délicate et nuancée le thème de la spiritualité grâce notamment aux personnages de Miriam la sorcière blanche, Jeruska et Eliza et ne tranchent jamais pour l’une ou l’autre, la seule voie qui est clairement blâmée est celle du prédicateur rigoriste qui appelle à la haine : façon pour Lupano de dénoncer comme dans « Alim le tanneur » les extrémismes religieux ! L’album met enfin en avant deux façons de réagir : à travers l’histoire de Nat Turner rapportée par le jeune Sauvage, on perçoit le désespoir qui étreint une partie de la population et le choix de la violence ; à travers l’attitude de Prudence et de ses élèves c’est la voie pacifiste qui est choisie. Là encore, aucune démarche n’est valorisée par rapport à l’autre. En effet le personnage de Sauvage permet de mettre en question la pertinence du combat de Prudence et de ses élèves : l’enfant souligne en effet combien le monde est façonné et pensé par les blancs et combien les élèves s’obstinent à rentrer dans des codes qui ne sont pas les leurs… Ce roman graphique suscite donc des questions mais laisse au lecteur le choix de ses réponses. Refusant le dogmatisme, il prodigue néanmoins une leçon d’espoir grâce au dossier de postface qui montre comment les élèves ont poursuivi le combat de Prudence en devenant des membres du « railway » et surtout en enseignant.
Donc ce roman graphique n’est pas une simple relation d’une anecdote historique mais bien un miroir qui permet de réfléchir aussi sur notre société : l’album nous ramène à des thèmes d’actualité : la lutte des femmes pour leurs droits et leur visibilité dans la société, les violences policières à l’encontre des minorités, le rôle de l’éducation et la remise en question de celle-ci, l’acceptation de l’autre. « Blanc autour » est donc très actuel ! Cet album rappelle dans un contexte fort particulier (il est sorti peu de temps après l’assassinat de Samuel Paty) combien l’instruction est importante pour vaincre les préjugés et comment les plus grands changements sont souvent nés de petites graines plantées dans une salle de classe.
Le dessin est très beau, tout en délicatesse. L’histoire est prenante dès le départ, mais je ne me suis jamais senti happé par l’histoire, ce qui m’a un peu déçu de la part de Lupano.
Je ne regrette pas ma lecture, mais je n’en conseille pas pour autant l’achat.