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Le désormais célèbre Black Label de DC qui réunit les grands noms des comics sur des formats one-shot hors continuité, avec une ambition de qualité et de création sur le modèle franco-belge, nait en 2018 sous les brumes de cet album de Batman et sur l’affaire du Bat-zizi. Poursuivant leur vision ultra-réaliste des héros DC après Luthor et l’excellent Joker, Azzarello et Bermejo ne marquent pas que des points avec ce volume presque carré que beaucoup de lecteurs accusent d’être par trop cryptique et ésotérique.
Pourtant il n’y a pas d’arnaque dans cette histoire relativement linéaire narrée par le héros de Hellblazer (retour aux sources pour les deux auteurs) puisque l’idée de confronter le plus rationnel des héros DC aux forces magiques n’est pas nouvelle et clairement annoncée. En outre le scénariste convoque des êtres relativement mainstream comme l’Enchantresse (vue dans le premier film Suicide Squad), la Créature du marais ou le démon Etrigan. Ce bestiaire permet ainsi de plonger par alternance dans la psyché du jeune Wayne en brouillant cauchemar et passé comme une sorte de multivers Batman.
Si les passages à Gotham se résument comme souvent à une chasse au fantôme alternant les baston, le grand intérêt de cet album réside dans les hypothèses concernant la fameuse nuit où les parents sont morts. Grace à ce brouillage général, on propose ainsi que l’Enchantresse ait été impliquée, ce qui expliquerait l’amnésie de Batman. Ou que Bruce ait été tué en même temps qu’eux, ce qui laisse penser que les aventures de Batman seraient un cauchemar. Ou que Thomas Wayne ais quitté sa femme… Autant de propositions plutôt nouvelles (Snyder avait tenté une telle hypothèse finalement foirée dans son Last Knight on earth), très sombres et assez alléchantes du point du vue du lecteur.
Graphiquement on pourra reprocher le traitement numérique aux textures floues de Bermejo mais il est incontestable que les planches sont superbes dans cette ambiance glauque et humide. Le style bien connu pourrait donner lieu à un film tant il s’éloigne grandement (et paradoxalement au regard du thème mystique) de tout aspect super-héroïque en collant. Souvent on soupçonne un retraitement de photos avant de se rappeler les immenses qualités de dessinateur de l’artiste, flagrantes sur certaines planches.
Au final ce Damned est une grande réussite à la lecture relativement facile et qui innove dans un Batverse si formaté. Un album dans la continuité de leur Joker et qui devrait atteindre également le statut de classique avec le temps.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/06/16/batman-damned/
Dix après leur travail sur Joker, Brian Azzarello et Lee Bermejo se retrouvaient en 2018 pour une nouvelle collaboration autour de l’univers de ce personnage (sans qu’il ne s’agisse pour autant de sa suite). L’album inaugura une nouvelle collection, "DC Black Label", au sein de laquelle les auteurs disposent d’une plus grande liberté artistique pour y proposer des récits plus matures qu’à l’ordinaire (du moins avant d’être parasitée par une multitude de rééditions) et celui-ci y trouve toute sa place par la noirceur de certaines séquences ou de son dessin (Batman: Damned 2018, #1-3).
Certes, le Joker n’est plus au cœur au l’intrigue mais sa mort en est le point de départ. Batman mène l’enquête – de façon assez sommaire – mais l’histoire touche au fond à son enfance, au souvenir de ses parents et au traumatisme de leur mort. C’est un thème qui m’a toujours beaucoup plu et qui offre mille manières de raconter sa motivation future à devenir le personnage que l’on connait. Ainsi, Azzarello choisit ici le créneau de l’occulte et de la magie. Je préfère habituellement les scénarios plus pragmatiques mais il fonctionne plutôt bien. Par contre, sur le forme, l’histoire aurait pu s’intituler "Batman rencontre la Justice League Dark" tant ses membres y défilent avec plus ou moins d’opportunisme (John Constantine, Zatanna, Etrigan, Enchanteresse, etc.). Ce n’est pas non plus trop mon truc mais ça colle bien avec le thème.
J’aurais volontiers attribué une étoile supplémentaire à cette lecture si les auteurs s’étaient abstenus de deux scènes vulgaires : il n’y avait nul besoin d’une polémique sur le Bat-Zizi et Harley Quinn n’avait nul besoin de monter de la sorte sur Batman. Ces scènes n’apportent rien à l’histoire et il n’était pas utile d’en arriver là pour mériter sa place dans cette collection. L’album contient d’ailleurs d’autres scènes bien plus fortes et symboliques qui, elles, participent pleinement au déroulé et à l’ambiance du récit.