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Je suis tombé par hasard sur ce petit album sorti en 2017, et c’est une bonne surprise. La jeune autrice française, Chloé Wary, nous conte l’histoire de Nour, une jeune femme saoudienne qui rentre au pays après avoir vécu cinq années d’adolescence à Londres avec ses parents : les obligations professionnelles du père permirent ce long séjour. Mais la désormais jeune femme a goûté à la liberté occidentale, à l’émancipation. Son père compte bien la recadrer et la brider à leur retour. En Arabie Saoudite les femmes ne disposent pratiquement d’aucun droit et vivent en permanence sous la tutelle d’un homme -que ce soit un membre de la famille ou le mari. La tension est palpable dès le départ du récit. Nour étouffe sous cette chape de plomb patriarcale jusqu’à ce qu’elle intègre un groupe de femmes féministes se réunissant clandestinement. Ensemble, elles décident d’une action spectaculaire : une sortie en voitures qu’elles conduisent et qu’elles occupent exclusivement, alors que leur société les y interdit. Elles seront durement réprimées.
Wary s’est servie d’un fait divers authentique s’étant déroulé en 1990 en Arabie Saoudite et de ses connaissances sur les sociétés islamiques pour bâtir son récit. À la base, sa bande dessinée « Conduite interdite » est un travail de fin d’études artistiques. Cela valait le coup de le publier. L’album m’a fait penser à « Persépolis », le chef-d’œuvre de Marjane Satrapi -toute proportion gardée car le récit de Wary est assez sommaire et utilise la fiction. Mais le propos percutant sur la condition des femmes est bien-là. Pour l’anecdote, le droit de conduire pour les femmes saoudiennes ne sera obtenu qu’en 2018 après un long et âpre combat.
Côté dessin, c’est du noir et blanc. Chloé Wary s’en sort très bien même si de toute évidence nous n’avons pas affaire à une professionnelle ou à une autrice expérimentée. Le trait est maladroit mais l’équilibre des pages est assuré par les parties sombres que Wary a décidé d’hachurer plutôt que d’effectuer des aplats noirs. De tout façon l’émotion passe et c’est ce qui compte dans sa démarche.
Un album qui a le mérite d’exister pour son sujet et le traitement délicat qui en est fait.
C’est une bd qui a été écrite pour dénoncer le fait que les femmes n’ont pas le droit de conduite en Arabie Saoudite depuis un décret du début des années 1980. L’actualité a rattrapé cette œuvre puisque le royaume a annoncé que les femmes pourront reconduire à partir de juin 2018. Il faut s’attendre à un tsunami de demande de permis de conduire.
Que l’Etat interdise un certain nombre de choses, on l’accepte car cela s’appelle la loi. Maintenant que la religion au nom d’un Dieu dont on suppose l’existence sans preuve matérielle et scientifique interdise, c’est sans doute plus difficile à admettre. C’est dommage de se créer de telles restrictions supplémentaires que ce soit dans l’alimentaire ou dans les actes courantes de la vie de tous les jours.
Les femmes en sont malheureusement les premières victimes. On a le droit de dire qu’on n’est pas d’accord avec de telles restrictions discriminatoires. Cette œuvre y concourt largement en citant d’ailleurs des sourates qui font d’ailleurs froid dans le dos. Je n’ai rien contre cette religion d’amour et de paix mais contre toutes les religions qui asservissent les gens au nom de certaines interprétations des textes sacrés. Finalement, quelle joie d’être libre en ayant aucune croyance. Il n’y aura pas d’erreur d’interprétation. Tout cela, ce ne sont que des chimères, point final.
Cette bd est à pleurer sur le sort de ces pauvres femmes. On va suivre l’évolution d’une jeune fille qui a gouté les espaces de liberté quand le père de famille a travaillé à Londres. C’est certain que l’Occident, cela n’a rien à voir. Le retour dans la monarchie islamiste est difficile surtout avec la présence de la muttawa, la police des mœurs qui veille à ce que le port du voile soit intégral. Les nouvelles technologies sont encadrées, la musique n'est pas autorisée en public, encore moins le théâtre, et la télévision par satellite est également filtrée, tandis que la ségrégation sexuelle est accentuée, et la conduite des femmes interdite. Féminisme et libertés ne font pas bon ménage.
J’ai bien entendu été sensible au message d’espoir apporté par cette bd. Cela va se concrétiser bientôt. Il était sans doute nécessaire d’en parler afin de sensibiliser le public sur ce qui se passe dans une autre partie du monde où les mœurs et coutumes sont différentes. Mais bon, il faut savoir que selon un classement totalement indépendant, l’Arabie Saoudite est l’un des pays qui respecte le moins les droits de l’homme. Les autorités considèrent toute voix dissidente comme du terrorisme. Du coup, on ne peut être qu’admiratif envers ces femmes qui ont décidé de braver le pouvoir en conduisant pendant quelques minutes. Une escapade qu’elles paieront très cher.