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La série noire continue et se termine fort heureusement avant de connaître l'agonie...
Je n'arrive décidément pas à aimer cet auteur Andrian Tomine pourtant adulé qui propose des univers qui me paraissent assez stériles. Il y a de la vacuité dans les dialogues et dans les situations présentées. Le mal être contemporain est pourtant exploré sous toutes ses formes.
Le dessin présenté sur un petit format n'est décidément pas adapté car certaines petites pages contiennent 20 cases. Le style graphique est plutôt froid et les personnages peu expressifs ce qui laisse peu de place à l'émotion ou à tout autre sentiment d'ailleurs. C'est franchement ennuyeux à lire. Encore une fois, cela n'engage que moi.
Cependant, les inconditionnels de l'auteur pourront se laisser tenter par cette œuvre mélancolique stylée, les autres peuvent aisément laisser tomber. Moi, je passe encore mon tour.
Cornélius n'est pas le type d'éditeur que je suis. Proche de l'Association et du Requin Marteau, ce petit éditeur édite des BD d'auteurs alternatifs avec une ligne graphique de contraintes chromatiques qu'illustre très bien Les intrus. Très attaché au dessin, ce style (qu'on peut retrouver chez Shiga, Trondheim, Crumb, Blutch,...) m'attire généralement peu, mais le trait de Tomine sur certaines sections, proches de la ligne claire ou des dessins plats que peut utiliser un Adam Hughes m'ont donné envie de le découvrir. Cet album a été emprunté en médiathèque. Il a été sélectionné au festival d'Angoulême, il s'agit du septième recueil publié en France. Tomine est dessinateur de presse et édite un magazine BD, Optic Nerve, donc sont issues les histoires publiées par Cornelius.
Adrian Tomine nous propose six histoires sur les vies médiocres d'américains moyens, tantôt aspirant à un destin d'artiste, tantôt perdus dans un couple mal assorti... Des tranches de vie dépressives sur l'Amérique d'aujourd'hui.
La couverture de ce recueil m'a beaucoup plu avec un design élégant reflétant un peu l'esprit sérigraphie. Le style des six histoires est très différent, entre une première aux textures tramées, celle en quasi noir-et blanc et l'histoire de l'humoriste en gaufrier au dessin d'un trait fin et élégant. Ce qui est certain c'est que le nipo-américain a une vraie facilité de trait et que son dessin est fort maîtrisé, malgré les séquences minimalistes qui empruntent (surtout pour la première histoire du jardinier, la plus drôle) au strip de presse avec des successions de séquences fixes en peu de vignettes. Si cette variété des styles peut déconcerter, elle permet de découvrir les palettes d'un auteur représentatif d'une école graphique et artistique loin des blockbusters du Big Two ou même des comics indépendants made in Image.
J'avoue que le traitement des sujets m'a en revanche un peu déprimé. L'auteur nous propose des vies médiocres, de personnes en difficulté relationnelle, professionnelle, sociale et à l'opposé de l'idéal américain de personnes qui se remontent les manches et réussissent par l'effort. De l'effort il y en a avec le jardinier, la jeune Stand-upeuse qui se donnent les moyens de réussir leur passion et parfois même sont soutenus par leur famille. Mais inlassablement ils échouent tout simplement car ils sont mauvais, médiocres, s'enfoncent dans les mauvais choix. Une vision très triste de l'humanité qui me plaît que moyennement.
L'histoire la plus intéressante est celle de cette étudiante dont la vie bascule lorsqu'elle réalise qu'elle est le sosie d'une star du web X... Sans aucune prise sur ce que pensent les gens d'elle elle comprend que toutes les relations qu'elle entreprendra seront issues de sa ressemblance. Une prédestination très dure mais la jeune fille fait ce qu'il faut pour se sortir de cette situation, jusqu'à rencontrer la personne à l'origine de ses problèmes. Une belle histoire sur les relations humaines d'où sort du positif.
Tomine parle aussi de lui, au travers de cet étonnant récit du voyage de sa mère du Japon vers les Etats-Unis vu à la première personne, permettant des sortes de Haïkus graphiques... Cet album n'est pas destiné à tout public mais permettra aux curieux de connaître les différentes formes de BD et notamment aux amateurs de strip de découvrir un auteur très représentatif du milieu culturel et intellectuel américain d'aujourd'hui.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/07/31/les-intrus
"Les Intrus" est mon premier Tomine, auteur américain (mais métis d'origine japonaise...) de "romans graphiques", comme on dit pompeusement là-bas pour distinguer la BD un peu adulte du commun des comic books pour ados. Au bout de quelques pages des "Intrus" (le titre original de "Killing and Dying" n'est pourtant pas mal...), impossible de ne pas penser au génial Chris Ware (la minutie elliptique des dessins, superbes...) et à Daniel Clowes (la peinture terriblement dépressive d'une Amérique moyenne, citadine, aux espoirs et aspirations inévitablement déçus...). Au fil des pages de six de ce qu'on pourra qualifier de "nouvelles", qui n'ont d'ailleurs que peu de points communs (Tomine effectuant en outre des variations graphiques et narratives de l'une à l'autre), quelque chose de singulier s'impose néanmoins, une "petite musique" qui se révélera sans doute (il me faudra le confirmer avec d'autres livres...) "tominienne" : une sorte d'empathie, voire de tendresse envers ses personnages de blessés, voire de vaincus par la vie, se dessine discrètement derrière l'humour de certaines situations. Malgré les comportements légèrement déviants, ou simplement erratiques, des "héros" ordinaires des "Intrus", comportements qui sont souvent des stratégies d'évitement du désespoir une fois que tout s'est effondré, on reconnaît dans la douce prison de ces cases bien ordonnées par un Tomine qui, en bon "japonais", ne sacrifie jamais aux facilités du débordement demonstratif d'émotion, nos frères, nos soeurs de souffrance. "Les intrus" est un livre captivant, fascinant, plus complexe qu'il ne pourrait sembler de prime abord (même si Tomine ne joue jamais "au malin" comme Ware par exemple), un chef d'oeuvre en mode mineur.