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Je suis navré de poster un avis négatif sur un album de Duchazeau qui est l’un de mes dessinateurs préférés mais hélas, « La main heureuse » est pour moi un énorme plantage !
Le pitch ? Années 90, deux jeunes décident de faire 100 km en mob pour aller à un concert de la Mano Negra...
Au lieu de faire de ce périple le passionnant rite de passage à l’âge adulte qu’il aurait pu être, Duchazeau opte pour une hagiographie assommante du groupe, quasiment divinisé, à laquelle il est impossible d’adhérer. Tous les vrais sujets (sociaux, familiaux, générationnels) sont évacués en trois cases et le récit perd tout sens.
Même le dessin subit une cure drastique : pas de contraste, pas de nuance, pas de texture...
Moi aussi j’ai adoré la Mano à l’époque, mais je ne me reconnais absolument pas dans cette vénération surjouée qui hypnotise ces ados, et leurs visions mystiques me semblent un peu ridicules.
Bref, très déçu de ce rendez-vous manqué avec cet admirable auteur, et plus que sceptique sur l’intérêt d’une telle BD.
Fan de la Mano Negra ou non, l'ex-adolescent perdu dans une province somnolente où les rêves menacent toujours de finir écrasés par la banalité de la vie et le renoncement facile se reconnaîtra aisément dans cette épopée à mobylette (chez moi, on disait à "chiotte", c'était dans les années 70) pour essayer d'aller voir son groupe favori jouer loin, trop loin de chez soi. Pour vibrer à leur musique comme on vibre vraiment à cet âge-là. Pour oublier aussi les crises familiales (pour Duchazeau, le divorce douloureux de ses parents, qui lui arraché les membres un par un), ou bien les filles qu'on commence à trouver belles mais tellement inaccessibles. Pour vivre, avant tout. Et vivre AUJOURD'HUI. "We want the world and we want it now" chantait Jim Morrison, ma Mano Negra à moi. Bon, "la Main Heureuse" est un livre qui frappe juste, et fort. Grâce à un dessin remarquable, dans le dépouillement mas également dans la précision. Grâce, je l'ai dit, à la pertinence de cette représentation, assez noire finalement, de nos existence bornées mais qui résistent. Pourtant, au final, on sort de ces 100 pages élégantes avec une frustration très forte : c'est que, même si l'on ne contredira pas le choix de l'ellipse finale (ce concert parfait, nos deux ados l'avaient déjà tellement vécus dans leur tête qu'il ne fallait sans doute pas le représenter), le rôle croissant des pages "oniriques" dans le récit de Duchazeau, qui intrigue au début, finit vite par lasser, puis par irriter : en dé-réalisant une chronique dont la force vient au contraire de son absolue véracité, et de son universalité, Duchazeau perd le fil, et l'attention de ses lecteurs. Abandonnés sur le bas côté d'une histoire qui était pourtant la nôtre, nous en voulons beaucoup à Duchazeau pour cet échec.