Amédée de Noé, né à Paris le 26 janvier 1818 ou 1819, va décevoir les ambitions que sa famille avait mises en lui: elle le voyait polytechnicien, tandis qu'il avait décidé d'être artiste. Le jour de l'épreuve d'admission en Polytechnique, pendant l'examen oral, le jeune Amédée fait la caricature du professeur qui l'interroge: il est refusé. Son père, le Comte de Noé, Pair de France et ami de Louis-Philippe, ne se résout pas à accepter le choix de son fils. Grâce à ses relations, il lui trouve un emploi au Ministère des Finances. Mais Amédée est têtu: quelques semaines plus tard, il quitte le Ministère. Le Comte baisse les bras: s'il faut qu'Amédée devienne artiste, qu'au moins il soit peintre, sculpteur ou musicien, et non... caricaturiste comme il le voudrait maintenant. L'expansion de la caricature est prodigieuse vers 1830, du fait de l'éclosion de la presse moderne et du perfectionnement de la lithographie. C'est dans l'atelier de Charlet d'abord, puis dans celui de Paul Delaroche, qu'il apprendra les techniques de son métier. Le choix de ces maîtres n'a peut-être pas été des plus heureux. Nicolas Charlet (1792-1845), qui a exalté par la peinture et la lithographie la légende de la Grande Armée, puis les Trois Glorieuses, n'a fait -selon Baudelaire- que répéter inlassablement « un vulgaire crayonnage que ne voudrait pas avouer le plus jeune des rapins, s'il avait un peu d'orgueil » (1) Très populaire sous Charles X -parce qu'il incarne l'opposition libérale- et au début de la Monarchie de Juillet, Charlet est aujourd'hui oublié -à l'instar de Béranger. Quant à Paul Delaroche (1797-1856), voué à la peinture d'histoire médiévale, il était jugé encore plus sévèrement par ses contemporains. Eugène Delacroix, rapporte Charles Baudelaire, manifestait un grand respect à l'égard de ses confrères. "Le seul homme dont le nom eût puissance pour arracher quelques gros mots à cette bouche aristocratique était Paul Delaroche. Dans les oeuvres de celui-là, il ne trouvait sans doute aucune excuse, et il gardait indélébile le souvenir des souffrances que lui avait causées cette peinture sale et amère, -faite avec de l'encre et du cirage-, comme a dit autrefois Théophile Gautier." (2) Dans l'atelier de Delaroche, Cham se lia avec un autre illustrateur de la geste im-périale, Adolphe Yvon (1817-1893). À 21 ans, en 1839, Amédée de Noé publie, sans nom d'auteur, son premier album, M. Lajaunisse. En 1840, il adopte le pseudonyme de CHAM, pseudonyme facétieux qui s'explique par son patronyme (fils de Noé). Dès ce moment, sa vie et sa carrière vont se confondre: il collabore à de nombreux journaux et il publiera plus de 40.000 dessins. Cham a pratiqué tous les genres sans se spécialiser dans aucun: la parodie littéraire, la satire des moeurs, la satire politique (pendant la IIe République, en 1848: L'Assemblée nationale comique). En 1843, il commence à collaborer aux journaux et aux revues dirigés par Charles Philipon, Le Charivari (il y restera jusqu'en 1873) et Le Musée Philipon (où il côtoie Gavarni, Daumier et Grandville). Les dessins qu'il publie là assurent sa réputation. Sous le Second Empire, Cham connaît un vif succès. Il écrira dans les années 1860 plusieurs pièces comiques qui n'auront pas de succès: Pierrot Quaker, pantomime (s.d.), Une Martingale (1862), Le Serpent à plumes, opéra-bouffe, musique de Léo Delibes (1864), Le Myosotis, aliénation mentale et musicale, musique de Ch. Lecoq (1868), etc. "Galérien de l'existence parisienne", viveur, il voyage peu. Les cités thermales et balnéaires l'attirent, sans doute parce qu'il y retrouve la vie parisienne: il séjourne à Boulogne-sur-Mer, au Havre, à Dieppe, à Isle-de-Noé, à Enghien, et surtout, chaque année, à la fin de juillet, il passe plusieurs semaines à Bade en Forêt Noire. Cette dernière station possédait son théâtre, ses courses, son trink-hall, son jeu de trente et quarante. Il va aussi, rarement, en Angleterre. Les journaux Punch et Illustrated London News publient de ses dessins. Toute sa vie, Cham a souffert d'une maladie de poitrine qui devait l'emporter le 6 septembre 1879.
Amédée de Noé, né à Paris le 26 janvier 1818 ou 1819, va décevoir les ambitions que sa famille avait mises en lui: elle le voyait polytechnicien, tandis qu'il avait décidé d'être artiste. Le jour de l'épreuve d'admission en Polytechnique, pendant l'examen oral, le jeune Amédée fait la caricature du professeur qui l'interroge: il est refusé. Son père, le Comte de Noé, Pair de France et ami de Louis-Philippe, ne se résout pas à accepter le choix de son fils. Grâce à ses relations, il lui trouve un emploi au Ministère des Finances. Mais Amédée est têtu: quelques semaines plus tard, il quitte le Ministère. Le Comte baisse les bras: s'il faut qu'Amédée devienne artiste, qu'au moins il soit peintre, sculpteur ou musicien, et non... caricaturiste comme il le voudrait maintenant. L'expansion de la caricature est prodigieuse vers 1830, du fait de l'éclosion de la presse moderne et du perfectionnement de la lithographie. C'est dans l'atelier de Charlet d'abord, puis dans celui de Paul Delaroche, qu'il apprendra les techniques de son métier. Le choix de ces maîtres n'a peut-être pas été des plus heureux. Nicolas Charlet (1792-1845), qui a exalté par la peinture et la lithographie la légende de la Grande Armée, puis les Trois Glorieuses, n'a fait -selon Baudelaire- que répéter inlassablement « un vulgaire crayonnage que ne voudrait pas avouer le plus jeune des rapins, s'il avait un peu d'orgueil » (1) Très populaire sous Charles X -parce qu'il incarne l'opposition libérale- et au début de la Monarchie de Juillet, Charlet est aujourd'hui oublié -à l'instar de Béranger. Quant à Paul Delaroche (1797-1856), voué à la peinture d'histoire médiévale, il était jugé encore plus sévèrement par ses contemporains. Eugène Delacroix, rapporte Charles Baudelaire, manifestait un grand respect à l'égard de ses confrères. "Le seul homme dont le nom eût puissance pour arracher quelques gros mots à cette bouche aristocratique était Paul Delaroche. Dans les oeuvres de celui-là, il ne trouvait […]