Née à Nantes et précocement terrassée d'ennui, Claire Bretécher se lance très vite dans la bande dessinée, pour s’occuper. Au début des années 60, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis elle livre des illustrations dans différents dans des journaux du Groupe Bayard. En 1963, elle rencontre Goscinny qui l'invite à dessiner son Facteur Rhésus, bouleversante épopée d'un héros postal, dans l'Os à Moelle : "J'ai été flattée de cette proposition, et puis je n'étais pas en position de refuser... Il me faisait dessiner des trucs que je ne savais pas dessiner : un ravalement d'immeuble, par exemple. Je suis nulle pour dessiner un ravalement d'imeuble. D'ailleurs, il n'a pas été content du tout du résultat et il ne me l'a pas envoyé dire, avec courtoisie, comme toujours. Après, il m'a commandé des illustrations pour Pilote.". En attendant, en 1965-66, Bretécher collabore au journal Tintin et crée en 1968 dans Record la série Baratine et Molgaga. De 1967 à 1971, Spirou l'accueille pour quelques courts récits. Puis, Les Gnan-Gnan, Les Naufragés (avec Raoul Cauvin), ainsi que l'éphémère Robin des Foies et Fernand l’orphelin sur des textes d'Yvan Delporte. En 1969, elle entreprend dans Pilote les aventures de Cellulite (princesse plus ou moins médiévale et féministe avant l'heure) et ses futures Salades de Saison, ainsi que diverses bandes d'actualité. En 1972, elle participe à la création de L'Écho des Savanes avec ses amis Gotlib et Mandryka. Préfigurant ses inoubliables Frustrés, ses histoires se font nettement plus acides. En 1973, elle est sollicitée par la presse « chic »: Le Sauvage avec Le Bolot occidental, et Le Nouvel Observateur, où elle livre une planche hebdomadaire, bientôt intitulée La Page des Frustrés. C’est également à cette époque qu'elle décide de se lancer dans l'auto-édition — aventure passionnante et épuisante. Le premier album des Frustrés paraît en 1975. Après La Vie passionnée de Thérèse d'Avila (1980), elle édite en 1988 le premier album des aventures d'Agrippine (superbe prototype d'ado), suivi de six autres. Le tout débouche sur une série de 26 dessins animés de 26 minutes diffusés sur Canal+ à partir de novembre 2001. En dehors de la bande dessinée, Claire Bretécher pratique (avec grand talent) l'art de la peinture : en témoignent les portraits hypersensibles de ses proches (ou les autoportraits) tirés de ses carnets intimes et repris dans les albums Portraits (1983), Moments de Lassitude (1999) et Portraits sentimentaux (2004). Au fil de ses histoires, Claire Bretécher s'impose comme la plus grande "humoriste-sociologue" du 9ème art. Faussement "simpliste", son graphisme nerveux et précis soutient parfaitement son propos, lucide et sans concessions — surtout quand sa cible est friquée, nombriliste et désabusée — mais plein de tendresse pour certaines femmes et à peu près tous les enfants...
Texte et photo © Dargaud
Née à Nantes et précocement terrassée d'ennui, Claire Bretécher se lance très vite dans la bande dessinée, pour s’occuper. Au début des années 60, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis elle livre des illustrations dans différents dans des journaux du Groupe Bayard. En 1963, elle rencontre Goscinny qui l'invite à dessiner son Facteur Rhésus, bouleversante épopée d'un héros postal, dans l'Os à Moelle : "J'ai été flattée de cette proposition, et puis je n'étais pas en position de refuser... Il me faisait dessiner des trucs que je ne savais pas dessiner : un ravalement d'immeuble, par exemple. Je suis nulle pour dessiner un ravalement d'imeuble. D'ailleurs, il n'a pas été content du tout du résultat et il ne me l'a pas envoyé dire, avec courtoisie, comme toujours. Après, il m'a commandé des illustrations pour Pilote.". En attendant, en 1965-66, Bretécher collabore au journal Tintin et crée en 1968 dans Record la série Baratine et Molgaga. De 1967 à 1971, Spirou l'accueille pour quelques courts récits. Puis, Les Gnan-Gnan, Les Naufragés (avec Raoul Cauvin), ainsi que l'éphémère Robin des Foies et Fernand l’orphelin sur des textes d'Yvan Delporte. En 1969, elle entreprend dans Pilote les aventures de Cellulite (princesse plus ou moins médiévale et féministe avant l'heure) et ses futures Salades de Saison, ainsi que diverses bandes d'actualité. En 1972, elle participe à la création de L'Écho des Savanes avec ses amis Gotlib et Mandryka. Préfigurant ses inoubliables Frustrés, ses histoires se font nettement plus acides. En 1973, elle est sollicitée par la presse « chic »: Le Sauvage avec Le Bolot occidental, et Le Nouvel Observateur, où elle livre une planche hebdomadaire, bientôt intitulée La Page des Frustrés. C’est également à cette époque qu'elle décide de se lancer dans l'auto-édition — aventure passionnante et épuisante. Le premier album des Frustrés paraît […]