Pierre Ouin y est présenté comme une figure importante de la bande dessinée underground française de la fin des années 1970 et les années 1980. Par son univers urbain de drogués et de paumés, par son trait radical et violent (qui s’arrondira avec le temps), il traduit en bande dessinée l’esprit punk de ce moment culturel où le rêve psychédélique des années 1960-1970 se transforme en cauchemar nihiliste. Il crée en 1977 le personnage de Bloodi, junkie à la fois pathétique et sympathique, dont les aventures sont, dit-il, inspirées de sa propre expérience de la rue. L’œuvre de Pierre Ouin est quantitativement limitée mais significative d’une période de la bande dessinée cruciale pour l’éclosion de l’édition alternative des années 1990. Ouin est particulièrement actif dans le monde du fanzinat et graphzinat des années 1970 et 1980 (Viper, Zoulou, Le Lynx à tifs, Le Psikopat). D’où une production éclatée, loin des circuits de l’édition mainstream, loin aussi du tournant de l’album et du roman graphique, fidèle à un certain idéal d’auto-édition et de publication libre et spontanée. Ainsi, Ouin s’auto-édite (en animant Le Krapö Baveux, dont l’orthographe varie, en 1977, mais aussi dans les années 2010 via le Web) et participe à des fanzines-happenings (Flag, lors des Festivals d’Angoulême). C’est par sa collaboration avec la maison d’édition Les Humanoïdes Associés tout au long des années 1980 qu’il sort d’une certaine confidentialité : dans Métal Hurlant et ses dérivés (Rigolo, Métal Aventure), et par des albums comme autant de tentatives avortées de sérialisation de sa production (Bloodi, Artie Show et Cob Cobbie, Pat Couille). Depuis ces vingt dernières années, sa présence éditoriale s’est déployée dans quatre directions : des travaux de lettrage (aux éditions Ça et Là), des illustrations dans la presse et l’édition pour la jeunesse (Fripounet, Perlin, Picsou Magazine…), une participation à la presse associative, en particulier dans ASUD Journal (Auto-Support des Usagers de Drogue) dont Bloodi était devenu la mascotte, et enfin, une fidélité certaine au monde du fanzinat. Il est frappant de constater que, dans les années 1990, 2000 et 2010, il aura conservé des liens forts avec la bande dessinée underground et la scène alternative contemporaine (Flag, Chacal Puant, Flag, Gorgonzola). Explorer la bibliographie de Pierre Ouin revient finalement à s’intéresser à une face souterraine de « l’industrie » de la bande dessinée, faite de fanzinats, de publication confidentielle, d’auto-édition et de travaux publicitaires et associatifs. Cette part méconnue, à la limite entre création amateur et professionnelle, aurait intérêt à remonter à la surface car elle est souvent un modèle de radicalité graphique.
Texte © Mr. Petch
Pierre Ouin y est présenté comme une figure importante de la bande dessinée underground française de la fin des années 1970 et les années 1980. Par son univers urbain de drogués et de paumés, par son trait radical et violent (qui s’arrondira avec le temps), il traduit en bande dessinée l’esprit punk de ce moment culturel où le rêve psychédélique des années 1960-1970 se transforme en cauchemar nihiliste. Il crée en 1977 le personnage de Bloodi, junkie à la fois pathétique et sympathique, dont les aventures sont, dit-il, inspirées de sa propre expérience de la rue. L’œuvre de Pierre Ouin est quantitativement limitée mais significative d’une période de la bande dessinée cruciale pour l’éclosion de l’édition alternative des années 1990. Ouin est particulièrement actif dans le monde du fanzinat et graphzinat des années 1970 et 1980 (Viper, Zoulou, Le Lynx à tifs, Le Psikopat). D’où une production éclatée, loin des circuits de l’édition mainstream, loin aussi du tournant de l’album et du roman graphique, fidèle à un certain idéal d’auto-édition et de publication libre et spontanée. Ainsi, Ouin s’auto-édite (en animant Le Krapö Baveux, dont l’orthographe varie, en 1977, mais aussi dans les années 2010 via le Web) et participe à des fanzines-happenings (Flag, lors des Festivals d’Angoulême). C’est par sa collaboration avec la maison d’édition Les Humanoïdes Associés tout au long des années 1980 qu’il sort d’une certaine confidentialité : dans Métal Hurlant et ses dérivés (Rigolo, Métal Aventure), et par des albums comme autant de tentatives avortées de sérialisation de sa production (Bloodi, Artie Show et Cob Cobbie, Pat Couille). Depuis ces vingt dernières années, sa présence éditoriale s’est déployée dans quatre directions : des travaux de lettrage (aux éditions Ça et Là), des illustrations dans la presse et l’édition pour la jeunesse (Fripounet, Perlin, Picsou Magazine…), une participation à la presse associative, en particulier dans ASUD Journal (Auto-Support des Usagers […]