Né en 1954 à Cracovie, dans la riante Pologne communiste, Jacek Wozniak se fait les dents en fondant dans son lycée de Cracovie un journal satirique intitulé « Tegoryjec ». Elève des Beaux-arts, il travaille pour plusieurs troupes de théâtre et un groupe de jazz rock, publie ses premiers dessins de presse dans « Student » puis est engagé par l'influent Polytyka » où il perfectionne son art de jouer au chat et à la souris avec la censure. De cette gymnastique il garde le goût du propos décalé et du chemin de traverse. Pas d'attaque frontale : « je ne dessine jamais d'hommes politiques...je dois mon style à la censure ». Du chaudron des années 1980, il extrait des dessins pour les bulletins de « Solidarnosc », des affiches pour les grévistes. Incorrigible, il fonde le premier journal satirique indépendant « Wryj » (littéralement « plein la gueule »). L'adversaire encaisse mal. Une vieille légende cracovienne assure que si le général Jaruzelski portait des lunettes noires, c'était pour ne pas voir les dessins de Wozniak... Ce n'est pas prouvé mais ce qui est sûr, c'est qu'en décembre 1981, quand l'état de siège est décrété, notre artiste se retrouve derrière les barreaux. Libéré trois mois plus tard contre la promesse de déguerpir vite fait du pays natal, Wozniak prend sa valise, sa femme, ses enfants et débarque à Paris où il obtient l'asile politique (et quelques années plus tard la nationalité française). Au début, il parle très mal le français. Aujourd'hui il a considérablement progressé et parle couramment le wozniak. Après différents petits boulots – distribuer le courrier et arroser les plantes-, il sème ses personnages filiformes sans aucun sectarisme, dessinant à la fois pour « Playboy » et « la Croix » sans se tromper de livraison. Une telle maîtrise lui vaut l'attention du « Canard » qui publie son premier dessin en 1986. Son trait faussement désinvolte et savamment négligé, son style de Pierrot lunaire qui aurait abusé de la vodka dérangent quelques lecteurs du « Canard ». Mais on ne change pas un Wozniak qui dessine. Son travail au « Canard » où il devient rapidement salarié à part entière ne lui interdit pas de dessiner dans « Le Monde », « Le Nouvel Observateur », « Der Frau » et « Courrier international ». Excellent coloriste qui n'arrête pas de peindre ( d'étonnants nus féminins notamment), affichiste très demandé, Wozniak a aussi réalisé des clips, des films d'animation, des pochettes de disques en collaboration avec ses amis Manu Chao le chanteur et Archie Shepp le jazzman. En 1998, à l'occasion de la Coupe du monde de football, il a fondé avec quelques ennemis du sport – dont Cabu, Kerleroux et Kiro – le site internet Scorbut. Depuis les commentateurs sont unanimes : pour l'art du dessin dribblé, du pénalty à trois bandes et de la bulle à contre-pied, le vrai brésilien de la satire, c'est le polonais du Canard.
Texte © BD Music
Né en 1954 à Cracovie, dans la riante Pologne communiste, Jacek Wozniak se fait les dents en fondant dans son lycée de Cracovie un journal satirique intitulé « Tegoryjec ». Elève des Beaux-arts, il travaille pour plusieurs troupes de théâtre et un groupe de jazz rock, publie ses premiers dessins de presse dans « Student » puis est engagé par l'influent Polytyka » où il perfectionne son art de jouer au chat et à la souris avec la censure. De cette gymnastique il garde le goût du propos décalé et du chemin de traverse. Pas d'attaque frontale : « je ne dessine jamais d'hommes politiques...je dois mon style à la censure ». Du chaudron des années 1980, il extrait des dessins pour les bulletins de « Solidarnosc », des affiches pour les grévistes. Incorrigible, il fonde le premier journal satirique indépendant « Wryj » (littéralement « plein la gueule »). L'adversaire encaisse mal. Une vieille légende cracovienne assure que si le général Jaruzelski portait des lunettes noires, c'était pour ne pas voir les dessins de Wozniak... Ce n'est pas prouvé mais ce qui est sûr, c'est qu'en décembre 1981, quand l'état de siège est décrété, notre artiste se retrouve derrière les barreaux. Libéré trois mois plus tard contre la promesse de déguerpir vite fait du pays natal, Wozniak prend sa valise, sa femme, ses enfants et débarque à Paris où il obtient l'asile politique (et quelques années plus tard la nationalité française). Au début, il parle très mal le français. Aujourd'hui il a considérablement progressé et parle couramment le wozniak. Après différents petits boulots – distribuer le courrier et arroser les plantes-, il sème ses personnages filiformes sans aucun sectarisme, dessinant à la fois pour « Playboy » et « la Croix » sans se tromper de livraison. Une telle maîtrise lui vaut l'attention du « Canard » qui publie son premier dessin en 1986. Son trait faussement désinvolte et savamment négligé, son style de Pierrot lunaire qui aurait abusé de la vodka dérangent quelques lecteurs […]