Paul Derouet se définit comme un Français hambourgeois. Français, parce qu'il boit du vin rouge à l'apéritif, lit Le Monde et se prépare pour le salon de la bande dessinée d'Angoulême. Hambourgeois, parce que la cité hanséatique a su "sédentariser" ce globe-trotter, installé maintenant depuis plus de 20 ans à Altona. "Je n'étais pas enraciné. Je suis ici aujourd'hui parce qu'un type m'a pris en stop à Zagreb il y a plus de trente ans", raconte Paul Derouet, né au Maroc, ex-libraire à Hanovre, traducteur de Spirou et Corto Maltese en allemand, aujourd'hui agent d'illustrateurs à Hambourg. L'aventure commence en 1969. L'étudiant de Sciences Po Bordeaux qu'il est alors part un jour en stop avec 60 dollars en poche et plein d'idées de changement dans la tête, direction Istanbul. En Yougoslavie, un Berlinois de passage lui propose de l'accompagner sur la route du retour et de le loger à l'arrière de son magasin de vêtements orientaux. Le jeune aventurier y restera deux ans. Après quelques années en France, à Paris puis comme instituteur dans le Gard, Paul Derouet se remet en route vers son pays d'adoption. Il fait la connaissance de la mère de ses deux filles, puis la rejoint à Hanovre. Il tombe par contact interposé sur une bande de "pionniers" mordus de bande dessinée et devient "le Français de service". Ensemble, ils fondent la revue Comixene et ouvrent une librairie de bande dessinée. "Toute la BD de l'époque venait de France ou de Belgique", se souvient l'ancien maître des lieux, qui y traduit des bandes dessinées sous les yeux des clients. La librairie fera faillite au bout de deux ans, mais qu'à cela ne tienne : rebondir n'est pas un problème. Pendant de longues années, le gagne-pain du Français à la main heureuse a été la traduction de bandes dessinées. La créativité y est sollicitée à plein régime pour compenser les jeux de mots intraduisibles par de nouvelles trouvailles en "jouant avec la langue allemande", tout en restant fidèle à l'auteur. "S'il y a 40% d'humour dans un album, il en faut 40% dans la traduction", explique Paul Derouet. Le tout n'est pas sans sel : Mademoiselle Jeanne, la collègue amoureuse de Gaston Lagaffe, est rebaptisée "Fräulein Trudel" dans la version d'Outre-Rhin. Spirou et Fantasio, eux, ont "eu tous les noms possibles", explique le traducteur. Les blagues françaises, "plus irrespectueuses" semblent passer plus facilement les frontières que l'humour allemand. "Le côté déraisonnable d'Hara-Kiri ou de Coluche serait impensable en Allemagne", explique Paul Derouet. La bande-dessinée en Allemagne reste presque exclusivement franco-belge jusqu'à l'arrivée des mangas dans les années 1990. La BD franco-belge, invitée d'honneur dans une petite ville bavaroise Entre temps, les jeunes dessinateurs désireux de faire carrière en France se sont multipliés, d'où la création de "Contours Arts". L'agence de Paul Derouet représente illustrateurs, graphistes et dessinateurs allemands en France, et vice-versa. Une rencontre avec l'ex-consul général de France à Hambourg, Claude Crouail, à l'époque directeur de l'Institut Français d'Erlangen, près de Nuremberg, avait déjà permis à un festival de la bande dessiné bisannuel de voir le jour dans cette petite commune bavaroise dès 1984. Derrière ses lunettes, Paul Derouet sourit : le hasard fait parfois bien les choses.
Paul Derouet se définit comme un Français hambourgeois. Français, parce qu'il boit du vin rouge à l'apéritif, lit Le Monde et se prépare pour le salon de la bande dessinée d'Angoulême. Hambourgeois, parce que la cité hanséatique a su "sédentariser" ce globe-trotter, installé maintenant depuis plus de 20 ans à Altona. "Je n'étais pas enraciné. Je suis ici aujourd'hui parce qu'un type m'a pris en stop à Zagreb il y a plus de trente ans", raconte Paul Derouet, né au Maroc, ex-libraire à Hanovre, traducteur de Spirou et Corto Maltese en allemand, aujourd'hui agent d'illustrateurs à Hambourg. L'aventure commence en 1969. L'étudiant de Sciences Po Bordeaux qu'il est alors part un jour en stop avec 60 dollars en poche et plein d'idées de changement dans la tête, direction Istanbul. En Yougoslavie, un Berlinois de passage lui propose de l'accompagner sur la route du retour et de le loger à l'arrière de son magasin de vêtements orientaux. Le jeune aventurier y restera deux ans. Après quelques années en France, à Paris puis comme instituteur dans le Gard, Paul Derouet se remet en route vers son pays d'adoption. Il fait la connaissance de la mère de ses deux filles, puis la rejoint à Hanovre. Il tombe par contact interposé sur une bande de "pionniers" mordus de bande dessinée et devient "le Français de service". Ensemble, ils fondent la revue Comixene et ouvrent une librairie de bande dessinée. "Toute la BD de l'époque venait de France ou de Belgique", se souvient l'ancien maître des lieux, qui y traduit des bandes dessinées sous les yeux des clients. La librairie fera faillite au bout de deux ans, mais qu'à cela ne tienne : rebondir n'est pas un problème. Pendant de longues années, le gagne-pain du Français à la main heureuse a été la traduction de bandes dessinées. La créativité y est sollicitée à plein régime pour compenser les jeux de mots intraduisibles par de nouvelles trouvailles en "jouant avec la langue allemande", […]