Né le 23 novembre 1961 à Kobe, Masamune Shirow est l'un des auteurs les plus complexes et discrets de sa génération. L'homme ne s'oriente pas d'emblée vers une carrière d'auteur de mangas. Après des études classiques à l'université d'arts d'Osaka, il devient professeur de dessin, carrière qu'il abandonnera en 1989 pour se consacrer à ses œuvres. Son nom est un pseudonyme composé des mots masamune (sabre japonais à l'extrême finesse), shi (samouraï) et row (jeune homme). Shirow a remporté le prix Seiun Sho, équivalent nippon du prix Hugo, récompensant les meilleures œuvres de science-fiction. Auteur atypique, Shirow protège farouchement son intimité. Après le tremblement de terre de Kobe en 1991, il s'exile dans la banlieue de la ville, préférant l'isolation et la tranquillité à une vie citadine trop mouvementée. Nul n'est ainsi sûr de son vrai nom, aucune photo n'est connue de lui, il ne vient jamais aux conventions, n'accorde que très peu d'interviews et ne se déplace jamais à l'étranger. C'est dans cette intimité protégée que Masamune Shirow a créé quelques-unes des œuvres les plus fondamentales de l'histoire mondiale de la science-fiction. La maestria de son dessin époustoufle par la précision des détails, mais surtout par leur pertinence. Rien n'est ainsi livré au hasard dans ses créations. S'il dessine une combinaison de combat, il en justifiera de manière pragmatique chacun des composants dans d'interminables cahiers techniques. Un travail de titan visionnaire qui impose une maîtrise totale de son œuvre, ce qui explique sa volonté de travailler sans assistant. Mais visonnaire, Shirow l'est surtout dans les mondes et scénarios qu'il bâtit. C'est ici que l'on peut crier au génie. Loin de concevoir d'innocentes et distractives aventures futuristes, Shirow publie au compte-gouttes des livres-univers où sa créativité explose. Ses histoires sont certes loin d'être anecdotiques, mais l'auteur construit autour de ces dernières une toile de fond sociale et politique dont la complexité et l'actualité classe ses œuvres comme définitivement pour adultes. Et l'on peut parler de vision du futur par anticipation lorsque, de manga en manga, chacune de ses histoires se déroule sur ce même arrière-plan. Black Magic, Aplessed, ou encore Ghost in the Shell sont ainsi issues d'un univers semblable. Et, encore une fois, l'auteur soutient son propos par des cahiers entiers de notes sur les lacis politique, luttes de pouvoir, ou enjeux sociaux de son monde. Inutile, donc, de préciser que ses personnages témoignent d'une profondeur psychologique et d'une humanité hautement crédible et complexe. Sans faire de bruit, Masamune Shirow révolutionne littéralement le monde de la science-fiction, donnant ses lettres de noblesse au genre, mais aussi à la bande dessinée japonaise. Dessin et scénario sont ainsi dûment mûris, longuement pensés, patiemment bâtis. Si l'on étudie un jour la bande dessinée comme l'on étudie la littérature, Masamune Shirow passionnera sans nul doute les gloseurs, comme on s'extasie devant un Franck Herbert ou un Dan Simmons, autres bâtisseurs de mondes.
Texte © Stéphane Ferrand (Le Monde Interractif)
Né le 23 novembre 1961 à Kobe, Masamune Shirow est l'un des auteurs les plus complexes et discrets de sa génération. L'homme ne s'oriente pas d'emblée vers une carrière d'auteur de mangas. Après des études classiques à l'université d'arts d'Osaka, il devient professeur de dessin, carrière qu'il abandonnera en 1989 pour se consacrer à ses œuvres. Son nom est un pseudonyme composé des mots masamune (sabre japonais à l'extrême finesse), shi (samouraï) et row (jeune homme). Shirow a remporté le prix Seiun Sho, équivalent nippon du prix Hugo, récompensant les meilleures œuvres de science-fiction. Auteur atypique, Shirow protège farouchement son intimité. Après le tremblement de terre de Kobe en 1991, il s'exile dans la banlieue de la ville, préférant l'isolation et la tranquillité à une vie citadine trop mouvementée. Nul n'est ainsi sûr de son vrai nom, aucune photo n'est connue de lui, il ne vient jamais aux conventions, n'accorde que très peu d'interviews et ne se déplace jamais à l'étranger. C'est dans cette intimité protégée que Masamune Shirow a créé quelques-unes des œuvres les plus fondamentales de l'histoire mondiale de la science-fiction. La maestria de son dessin époustoufle par la précision des détails, mais surtout par leur pertinence. Rien n'est ainsi livré au hasard dans ses créations. S'il dessine une combinaison de combat, il en justifiera de manière pragmatique chacun des composants dans d'interminables cahiers techniques. Un travail de titan visionnaire qui impose une maîtrise totale de son œuvre, ce qui explique sa volonté de travailler sans assistant. Mais visonnaire, Shirow l'est surtout dans les mondes et scénarios qu'il bâtit. C'est ici que l'on peut crier au génie. Loin de concevoir d'innocentes et distractives aventures futuristes, Shirow publie au compte-gouttes des livres-univers où sa créativité explose. Ses histoires sont certes loin d'être anecdotiques, mais l'auteur construit autour de ces dernières une toile de fond sociale et politique dont […]