Zaza Bizar
Une BD de Nadia Nakhlé chez Delcourt - 2021
09/2021 (08 septembre 2021) 120 pages 9782413039617 Autre format 432305
Élisa, surnommée Zaza Bizar par les enfants de son école, souffre de troubles du langage. Roman graphique poétique sur le thème de la différence, cet album décrit le paradoxe d'une parole empêchée et d'un langage libéré. Élisa, 8 ans, surnommée Zaza Bizar par ses camarades de classe, souffre de troubles du langage. Loin des railleries des « enfants moqueurs », Élisa trouve refuge auprès de son journal intime, auquel elle confie ses révoltes et ses rêves. Au fil des pages, l'enfant apprend à surmonter ses peurs et se construit un monde imaginaire... Lire la suite
Après le magnifique « Les Oiseaux ne se retournent pas » Nadia Nakhle poursuit son exploration de l’enfance et de ses traumas dans l’album « Zaza Bizar » paru également chez Delcourt. Si le premier ouvrage s’attachait à l’odyssée d’une jeune migrante, ici il est question d’handicap invisible et de harcèlement et c’est tout aussi émouvant.
Elisa est une petite fille de huit ans qui commence son journal « confident ciel » le jour de son anniversaire. Elle décide de prendre comme nom de plume le sobriquet dont l’ont affublée ses camarades de classe : « Zaza Bizar » (d’où le titre) car elle est atteinte, de dysorthographie, dyscalculie, dyslexie et même de de dysphasie et ne s’exprime pas comme eux. Elle est ostracisée dans la cour de récréation et stigmatisée par ses professeurs qui la trouvent désinvolte et perturbatrice. Elle va raconter naïvement à ce journal ses joies, ses peines, son quotidien sur deux années : son calvaire à l’école, son rôle de bouc émissaire, son choix de se taire définitivement et la valse des « pessialites » qui s’ensuit…
Cette narration est très attachante et provoque l’empathie tout en étant extrêmement poétique. En effet, les textes du journal sont présentés dans une écriture cursive hésitante dotée de ratures et de fautes d’orthographes qui miment les difficultés de la petite dys mais permettent également de subtils jeux de mots. Et puis surtout, pour éviter la triste réalité de l’école, elle s’évade dans un monde fantaisiste en compagnie de son amie araignée imaginaire et règle ses comptes en imaginant ses tortionnaires sur « sa palète » aux prises avec sa troupe de sujets pirates.
On plonge alors dans l’onirisme et le graphisme est à l’avenant. La couleur préférée d’Elisa c’est la couleur de la nuit et c’est dans des teintes de bleu sombres que se déploient ses rêves, son univers et parfois son désarroi et sa tristesse. Les dessins s’apparentent à des illustrations de contes : les docteurs ressemblent ainsi à des sorciers, la forêt (représentant la solitude) parait oppressante parfois on a du réalisme, parfois un croquis enfantin, souvent des enluminures. On y retrouve aussi des réminiscences de l’univers de Tim Burton. Au fil des pages on est surpris et sous le charme…
Ce livre - inspiré par l’histoire réelle de la jeune sœur de l’autrice- se termine sur un happy end digne d’un conte de fées … mais cette fin que d’aucuns ont trouvé expéditive et artificielle constitue un véritable hommage à tous les aidants qui permettent l’évolution et l’épanouissement de toutes les Elisa. Un véritable petit bijou à lire par tous.