Wotan
1. 1939-1940
Une BD de
Éric Liberge
chez Dupuis
- 2011
Liberge, Éric
(Scénario)
Liberge, Éric
(Dessin)
Liberge, Éric
(Couleurs)
Uplawski, Stéphanie
(Traduction)
08/2011 (19 aout 2011) 54 pages 9782800150352 Grand format 134657
Septembre 1939, en France. Le jeune Louison est un enfant étrange. Amnésique, rejeté par les autres enfants, il parle en allemand dans son sommeil, se passionne pour la préhistoire et entretient de longs échanges imaginaires avec Du Guesclin. Placé dans une famille d'accueil, il fuit, et finit par être recueilli dans un campement de gitans. Au même moment, Etienne Murol, un jeune artiste, de retour de l'Académie de Vienne, retrouve Paris en proie à la fièvre des préparatifs de guerre. Mobilisé, il est envoyé en casernement à la ligne Maginot. La... Lire la suite
Je n’ai jamais été convaincu jusqu’ici par les titres de cet auteur qui versait dans des mondes parallèles aux ambiances mystérieuses. Le thème de la mort semble comme une omniprésence dans son œuvre. Je n’aimais pas, par exemple, le fait qu’il n’hésite pas à placer de nombreux textes dans ces cases en les surchargeant. Il a su créer une atmosphère à la fois mi-artistique et mi-intellectuelle. Le problème est que cela ne prenait pas avec moi. Le charabia me prenait la tête assez facilement.
Or, avec ce nouveau titre qui va constituer une trilogie, il aborde un sujet dans le monde réel loin de toute fantasmagorie mi-philosophique. En effet, c’est dans le passé de notre pays durant la Seconde Guerre Mondiale qu’il se plonge en ravivant d’ailleurs des souvenirs de famille. Il s’agit tout de même d’une fiction où il va suivre le destin de trois personnages différents.
J’ai toujours apprécié par contre son dessin et son graphisme qui va d’ailleurs en s’améliorant au fil des années. C’est franchement magnifique pour les yeux. Je regrettais jusqu’ici que le scénario ne soit pas à la hauteur de ce que j’attendais.
En l'espèce, on a droit à une histoire assez classique mais où la folie n’est pas très loin. Il y a aussi les fameux clichés du genre qui reviennent. Il y aura encore une scène d’une route surchargée avec le pilonnage d’un chasseur allemand faisant quelques victimes au passage. Certaines scènes m’ont paru pas du tout crédible comme celle du père abandonnant son bébé à un garçon en bas âge. Bref, il faut vraiment fermer les yeux sur certains aspects pour ne retenir que le positif à savoir principalement un changement de style.
Mais bon, c’est comme si on passait du totalement décalé à l’archi-conventionnelle. Cet auteur peine à trouver le juste milieu. Encore quelques efforts et il y arrivera sans doute et le succès sera au rendez-vous au regard de ses réelles qualités de dessinateur.
Donner un avis sur cette intégrale (parue mais non encore répertoriée) n’est pas simple Le sujet est difficile, il est magnifiquement mis en image et en couleur, avec au départ 3 personnages que l’on suit dans la tourmente de 39 à 45. C’est cohérent, soutenu et le sujet est parfaitement maîtrisé. Et pourtant il manque le côté émotionnel qui m’a personnellement empêché de nourrir de l’empathie pour Etienne, ce jeune homme sans cesse en décalage avec son époque et à côté de la plaque, Yin-Tsu, cette jeune asiatique tantôt mature, tantôt soumise et Louison, ce môme perturbé et amnésique. Je l’ai déjà dit, le sujet traité est difficile, mais il l’est de manière très scolaire et les trop longs extraits des discours des théoriciens nazi sur la race aryenne sont assommants (ils n’apportent pas grand-chose à une fiction de BD, car ils sont malheureusement connus dans la dimension de leur épouvantable horreur).
Il manque à cette intégrale, le souffle d’une aventure humaine, l’horreur des camps et des théories sur la race emportant tout sur son passage. Ce n’est que justice pour un hommage aux victimes de cette barbarie, mais ce n’est pas une leçon d’Histoire que j’attendais mais une histoire humaine avec comme pivot central les émotions, les peurs, les angoisses, les passions, les espoirs de nos héros dans un contexte conflictuel majeur.
Il reste comme un goût de cendre liée à l’horreur des exactions des Einzatgruppen, et un goût d’inachevé lié au jeune SS norvégien qui trouble tant Etienne. Mais je ne regrette absolument pas cette longue lecture, et ferais sans problème une place à cette belle intégrale dans ma bédéthèque