La vengeance
Une BD de David Wautier chez Anspach - 2024
03/2024 (15 mars 2024) 96 pages 9782931105221 Autre format 493825
Wyoming, XIXe siècle. Richard Hatton avait tout pour être heureux : un lopin de bonne terre où il avait construit sa ferme, ainsi qu'une magnifique épouse qui lui avait donné deux beaux enfants. C'était sans compter sur Jim Pickford et ses deux acolytes. Tombant par hasard sur la ferme des Hatton et sur Mary restée seule, ces trois salopards en profitent pour la violer et la tuer. À son retour chez lui, Hatton voit sa raison chanceler. Son amour est parti à jamais, souillé pour l'éternité. Seul pour administrer tout le comté, le shérif ne peut... Lire la suite
Le récit se situe dans l'Ouest sauvage à l'époque de la ruée où des familles s'installaient pour y cultiver pacifiquement la terre. Sauf que, dans ces grandes étendues isolées, la police n'était pas à chaque coin et les méfaits étaient assez courants.
Un homme part dans la ville la plus proche avec ses deux enfants en laissant la mère de famille. Au retour, il découvre qu'elle a été sauvagement abattue après avoir été violé par une bande de trois hommes recherchés. Comme les Autorités n'ont pas vraiment les moyens, elle lui dit de se consoler avec le karma que ces hommes finiront bien un jour par tomber.
Oui, sauf que notre père de famille ne peut se contenter d'une telle réponse. Il lui faut la justice ou plutôt sa justice à savoir la mort pour ces trois individus. Il va alors entraîner ces deux enfants dans cette folie de revanche meurtrière à travers la nature hostile des Montagnes rocheuses.
Je crois que nous avons là la particularité de cette œuvre qui nous indique qu'on peut se venger des individus même en présence d'enfants en bas âge. C'est de l’œil pour œil, dent pour dent et jusqu'au bout.
Je vous laisserai découvrir la fin de cette BD qui est pour le moins étonnante. La moralité peut quand même être douteuse même quand tout finit bien. Je ne suis guère pour me laisser entraîner par le sentiment de vengeance, cela doit être l'explication...
A noter tout de même un excellent dessin qui rend la lecture plus qu'agréable. C'est un titre qui se défend bien d'autant que le récent succès du Comte de Monte-Cristo a mis la vengeance à la mode !
La Tempête, La Vengeance et Montre-toi montagne: l'évasion BD à 360°, dans toute son immensité, porte le nom de David Wautier : https://branchesculture.com/2024/07/03/david-wautier-bd-livre-illustre-montre-toi-montagne-la-tempete-la-vengeance-western-meteo-survie-neige-saisons-voyages-evasion-famille-enfants-sensibilite/
Une fois n'est pas coutume, triple-chronique et topic consacré à un seul auteur, belge: David Wautier. Je l'ai rencontré via les pages publiées par les Éditions Anspach, dans un western enneigé et jusqu'à bout de souffle, avant de constater que cet auteur aime aussi se consacrer à faire rêver et cogiter les enfants, le tout public, aux Éditions Le Diplodocus. Trois albums et des choses en commun: la neige, le western, la puissance des éléments sur lesquels l'humain n'a pas de prise. Inspirez, expirez, sacrée découverte que cet artiste soufflant. Commençons par La Vengeance.
"Un ranch? C'est tentant. On y va Jim?" Au milieu de nulle part, les Hatton ont construit leur ferme du bonheur. Il y a là le patriarche, son épouse Mary, et les enfants, Anna, la plus grande, et Tom. En ce jour d'avril 1876, père et enfants ont décidé de gagner la ville pour faire quelques emplettes. Ils en ont pour un bout de temps et de chemin. Anna va en profiter pour cuisiner. Mais rien ne va se passer comme prévu. Le chariot familial est parti, trois cavaliers font leur apparition, trois mâles en puissance. Ils y vont. Tout devient blanc et la page-titre apparaît, avec un nom sans équivoque: La Vengeance !
Sept mois plus tard, le décor a changé, la poussière a laissé place à la glace, à la neige. Un linceul sur lequel un père et ses deux enfants marchent sans fin. Eux suivent, lui ne baisse pas les armes, il poursuit cette quête insensée d'arrêter les criminels qui ont tué l'amour de sa vie. Car c'est ce qu'il s'est passé, en toute sobriété, dans l'ellipse. Des faits que le sépia ramènera au fil du récit mais qui continuent de tourner tout le temps dans la tête de M. Hatton. Il n'a pas de prénom, du moins le lecteur ne le connaîtra pas, son visage buriné est passe-partout, ça pourrait être vous ou moi. Il n'est pas tranquille, il se repasse le film maudit, horrifiant, insupportable, tellement injuste. Elle était sa raison d'être, tuer les agresseurs sera sa raison de vivre, avant peut-être de pouvoir passer à autre chose. Et ses enfants qui suivent, qui ne sont pas encore en âge de tout à fait comprendre, mais n'ont plus que lui.
Sur un pitch qui ressemble au film de série B de Nicolas Cage The Old Way et avec une réalisation bien meilleure, David Wautier a mis plus de huit ans pour livrer ce drame, un road trip intimiste dans des décors aussi fabuleux que dangereux. C'est tendu, d'autant que la carabine du père de famille semble plus portée par l'énergie du désespoir que par une quelconque maîtrise des armes à feu. C'est un novice. Et face à lui, il y a de vrais truands. Reste que notre innocent survit peut-être mieux aux conditions dantesques de la montagne que l'hiver saisit et immobilise. Le match est serré.
Dans cette longue course-poursuite, chasse à l'homme dans un sens comme dans l'autre une fois que les ennemis ont identifié la présence de la famille qu'ils ont décimée, David Wautier fonctionne à l'économie des mots mais traverse toutes les saisons de l'hiver, les rafales, le blizzard, la poudreuse, l'eau glaciale, les nuages, le ciel bleu. Tout un monde de différence avec les flash-backs terreux qui sont proposés. Il ne faut pas s'attendre à des surprises, un retournement de situation, de rédemption, d'effets spéciaux. C'est à du brut, du cru, de l'humain poussé dans ses retranchements et mis face à la naïveté évanescente des enfants que nous confronte David Wautier dans des panoramas majestueux et vertigineux. Il fait forte impression.
Le dessin est assez déconcertant au début, à mes yeux. Mais l'histoire est finement menée et on plonge rapidement dans l'ambiance de cette vengeance qui mène ce western aux confins de la folie. La grandeur de la nature est à la démesure de la petitesse des hommes qui ne font qu'y passer. On ne parvient pas à poser le bouquin avant de l'avoir terminé. Une pépite.