Varto
Une BD de
Djian, Jean-Blaise
et
Stéphane Torossian
chez Steinkis
- 2015
Djian, Jean-Blaise
(Scénario)
Aprikian, Gorune
(Scénario)
Torossian, Stéphane
(Dessin)
<N&B>
(Couleurs)
03/2015 122 pages 9791090090583 Autre format 243332
Avril 1915. La Première Guerre mondiale fait rage.Un adolescent turc, Hassan, se voit confier par son père une périlleuse mission : accompagner en lieu sûr deux enfants arméniens, Maryam et Varto.
Le génocide arménien est un sujet plutôt grave qui ne se prête pas au divertissement. Une bd qui nous raconte une autre facette de celui-ci est toujours instructive pourvu que cela respecte certaines règles de bienveillance. L’auteur ne s’attachera pas à nous mener au cœur de ce massacre mais plutôt à définir certaines des conséquences. En effet, nous suivons le parcours de deux enfants Varto et sa grande sœur qui tentent de fuir mais sans le savoir. Cela crée la séparation avec la famille. Ils seront à la merci du moindre événement pouvant les conduire sur le chemin de la mort. Oui, c’est une autre facette du génocide qui est abordée à travers le regard innocent d’enfants.
A vrai dire, mise à part quelques images, on ne verra presque rien de cette déportation à grande échelle qui a affecté ces chrétiens dans un pays largement musulman. Pas un mot non plus sur la situation politique. C’est voulu par les auteurs qui ont préféré mettre l’accent sur le sentiment lié à la séparation familiale et à la détresse morale que cela entraîne. Ils sont restés dans un cadre purement intime.
Il est également intéressant de voir que c’est un turc bien sage et malheureusement mourant qui est à l’origine du sauvetage de ces deux enfants suite à une promesse effectuée. On sait que dans la réalité des faits similaires se sont produits.
Bref, les turcs ne sont pas tous adeptes de la non-reconnaissance de ce grand massacre ayant causé la mort de près de 1.5 millions de personnes. On peut même affirmer que la plupart des turcs ont sauvé de nombreuses vies par des gestes de non-dénonciation ou d’aide plus marqué. Bref, il ne s’agit pas d’un règlement de comptes et les auteurs ont évité la facilité en soulignant les ambiguïtés des différents protagonistes et en gardant une certaine neutralité notamment dans le dossier complétant le récit dessiné en fin d’album. On évite également le côté pathologique et d’être submergé par l’émotion à tout va. C’est sans doute la grande force de cette œuvre qui reste digne.
Ces enfants ne comprennent pas ce qui leur arrive. C’est assez effrayant. Le lecteur arrive à mieux cerner leur psychologie avec ce qui se passe autour. Aujourd’hui encore près d’un siècle après les faits, cela hante la société turque qui n’a pas fait la paix avec son passé. Aujourd’hui encore, on risque 10 ans de prison en Turquie lorsque l’on emploie le mot «génocide» pour évoquer ces massacres.
Cette bd est une goutte d’eau qui pourrait contribuer à trouver le chemin de la paix et de la réconciliation entre ces deux peuples à l’occasion de la commémoration du centenaire de cette terrible tragédie. Le message des auteurs est positif et universel. C’est ce qu’il faut retenir. Je vous invite par conséquent à jeter un coup d’œil.