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Avec Ultra Heaven, préparez-vous à entrer dans un trip graphique
psychédellique qui vous emmènera très loin sur les voix du Manga.
Le pitch est simple : l'histoire se déroule dans un futur proche où la drogue a
été légalisée, et produite en conséquent par des centres pharmaceutiques qui
redoublent d'effort pour offrir à leurs clients un panel de sensations toujours
plus important. Se droguer est ainsi devenu une norme (mais pas sans une
règlementation stricte).
C'est donc dans cet univers qu'évolue Kab', jeune homme complètement
accroc aux drogues, toujours à la recherche de sensations plus extrême et en
constante infraction à la "règlementation" de la défonce.
Ne vous attendez pas ici à lire un récit d'anticipation à proprement parlé, car
au final on ne sait que très peu de choses du monde où se déroule l'intrigue.
Même architucteralement on ne nous montre que peu d'images véritabelement
futuristes (mais cela peut donner de très beaux dessins lorsque c'est le cas).
On pourrait alors penser que le récit sera simplement une suite de trips, une
sorte de guide pratique du toxico de demain. Mais il ne s'agit pas de cela, et la
réflexion de l'auteur ne se limite pas au simple monde de la drogue mais
prend au fil de l'histoire une tournure bien plus métaphysique sur (entre
autres) la perception du monde qui nous entoure, à grands renforts de délires
plus dingues les uns que les autres.
Au départ, on pense qu'on aura quelquechose d'assez carré. Une publicité
explicite pour nous faire comprendre la place de la drogue dans la société. Un
toxico qui cherche à se défoncer dans un "bar à pompes". Un trip. Ce même
toxico le lendemain qui voit un pote et se défonce encore un peu... bref des
tranches de vie ponctuées de passages de délire. Mais assez rapidement des
scènes viennent se superposer, s'imbriquer les unes dans les autres, avec des
mises en abyme complexe qui donnent au déroulement de l'histoire une
impression de gros bordel assez emmêlé. Pourtant, arrivé un certain moment
on remarque que certains éléments se recoupent, et on se dit alors que tout
était peut-être pensé et non pas simplement improvisé comme on pouvait le
croire au départ.
Comme le dit si bien Charles-Louis Detournay (du site actuabd.com) : "on perd
graduellement le peu de repères posés par le début de l’histoire et par une
trame initialement basique ; on tombe dans une suite saisissante de tableaux
alternant onirisme et réalisme sans pouvoir distinguer avec certitude l’un de
l’autre. Malgré cette déstructuration du récit, on suit l’ensemble avec frénésie,
devenant même accro pour tenter de percevoir le vrai du faux, pour autant
que la chose soit possible".
On a ainsi, de quelques sortes, une dualité du scénario : d'une part les scènes
réalistes, avec découpage classique et apparente normalité, et d'autre part les
trips fous du héros. Mais ces scènes réalistes ne le sont parfois qu'en
apprence et cachent l'illusion, tandis que les trips peuvent nous rapprocher de
la vérité... Cette aspect des choses s'accentue au fur et à mesure qu'on
avance dans l'histoire et donne un amalgame complexe entre réalité et illusion
(et c'est la base même de la réflexion de l'auteur sur la perception de ce qui
nous entoure et la conception que l'on a de l'espace spatio-temporel).
Ce qui nous emporte littéralement dans ce manga, qui nous absorbe
entièrement, ce sont bel et bien les "trips" du héros, véritables nébuleuses,
tableaux sensoriels saisissants. Keichi Koike destructure complètement ses
planches, courbe ses cases, partage ses page en stries, en vagues, en
diagonales, mélange texte et dessin, complexifie son découpage... Il met des
éléments en abyme, sort d'une scène pour mieux partir vers une autre, nous
offre un "enchâssement d'images brusques" (dixit aaapoum), laisse un libre
court total à son imagination et invente des images toutes plus folles les une
que les autres. "Un amalgame d'images figurant l'incohérence sensorielle du
héros" (C-L Detournay again).
Ces scènes complètement psychédelliques, qui font toute la particularité de ce
manga, peuvent d'ailleurs parfois devenir fatigantes. Mais le schéma du
scénario est ainsi : l'histoire va au rythme des montées et descentes brutales
des trips. En ce sens Keichi Koike a une impressionante capacité à nous
communiquer les impressions sensorielles et psychiques de son héros :
émerveillement, extase, sursauts, palpitation, excitation, mais aussi
épuisement mental, sentiments éprouvants, perte de repères, dégoût,
angoisse... On "sent" au sein même de la lecture tous les aspects du trip, de la
phase ascendante au contre-coup désagréable, de l'exaltation à l'épuisement.
Le tout est porté par un dessin absolument jouissif (oui parce qu'avec tout ça
on a même pas parlé du dessin lui-même). Il y a une influence évidente de
Moebius (Arzach, L'Incal, et compagnie...) et d'Otomo (l'auteur d'Akira, qui
concidère lui-même Moebius comme son maître à dessiner). C'est assez
épuré, l'auteur maîtrise son trait et semble le laisser glisser sans difficulté,
donnant l'impression de dessiner instinctivement (mais il serait très étonnant
que ce soit véritablement le cas). À la manière très marquée de Moebius on a
tout un tas de hachures et de suites de traits savamment placées qui viennent
se superposer sur les dessins, figurant les ombres et donnant une touche si
particulière (là où en Manga les applats de noir sont plus habituels). Les
personnages, dans leurs postures, leur morphologie, leur visage, leurs
manière de s'habiller, leur apprence générale, tiennent eux d'Otomo (la
ressemblance de Kab avec le Kensuke de Akira est frappante), même si
Moebius n'est pas loin du tout.
Malheureusement pour nous lecteurs (parce que tout ne peut pas être parfait
dans un manga), la série est en arrêt au Japon. Le tome 2 est sortit voilà 6
ans au pays du Soleil Levant, et toujours pas de suite en vue. Cet arrêt brutal
n'est évidemment pas voulue tant Koike semble avoir encore beaucoup de
choses à dire. Et c'est bien dommage, car la construction de l'histoire semblait
très ambitieuse, et on ne pourra pas en saisir toute l'étendue (tous les
éléments étaient-ils réellement connectés comme on pourrait le croire? tout
était-il pensé dès le départ?). Certes cette suite de trips qu'était devenue le
tome 2 pouvait par moment être fatigante, mais force est de constater qu'on
en était devenu accroc. Alors peut-être est-ce un coup de génie de l'auteur,
qui a voulu pousser son concept jusqu'au bout : nous rendre totalement
dépendants le temps d'une lecture, nous faire vivre au plus proche du resentit
sensoriel les effets des drogues hallucinogènes, nous faire resentir les phases
ascendantes et desendantes d'un trip, pour finalement mieux nous montrer ce
que tout drogué resent un jour : le manque... Et quel manque!
Avec Ultra Heaven, préparez-vous à entrer dans un trip graphique
psychédellique qui vous emmènera très loin sur les voix du Manga.
Le pitch est simple : l'histoire se déroule dans un futur proche où la drogue a
été légalisée, et produite en conséquent par des centres pharmaceutiques qui
redoublent d'effort pour offrir à leurs clients un panel de sensations toujours
plus important. Se droguer est ainsi devenu une norme (mais pas sans une
règlementation stricte).
C'est donc dans cet univers qu'évolue Kab', jeune homme complètement
accroc aux drogues, toujours à la recherche de sensations plus extrême et en
constante infraction à la "règlementation" de la défonce.
Ne vous attendez pas ici à lire un récit d'anticipation à proprement parlé, car
au final on ne sait que très peu de choses du monde où se déroule l'intrigue.
Même architucteralement on ne nous montre que peu d'images véritabelement
futuristes (mais cela peut donner de très beaux dessins lorsque c'est le cas).
On pourrait alors penser que le récit sera simplement une suite de trips, une
sorte de guide pratique du toxico de demain. Mais il ne s'agit pas de cela, et la
réflexion de l'auteur ne se limite pas au simple monde de la drogue mais
prend au fil de l'histoire une tournure bien plus métaphysique sur (entre
autres) la perception du monde qui nous entoure, à grands renforts de délires
plus dingues les uns que les autres.
Au départ, on pense qu'on aura quelquechose d'assez carré. Une publicité
explicite pour nous faire comprendre la place de la drogue dans la société. Un
toxico qui cherche à se défoncer dans un "bar à pompes". Un trip. Ce même
toxico le lendemain qui voit un pote et se défonce encore un peu... bref des
tranches de vie ponctuées de passages de délire. Mais assez rapidement des
scènes viennent se superposer, s'imbriquer les unes dans les autres, avec des
mises en abyme complexe qui donnent au déroulement de l'histoire une
impression de gros bordel assez emmêlé. Pourtant, arrivé un certain moment
on remarque que certains éléments se recoupent, et on se dit alors que tout
était peut-être pensé et non pas simplement improvisé comme on pouvait le
croire au départ.
Comme le dit si bien Charles-Louis Detournay (du site actuabd.com) : "on perd
graduellement le peu de repères posés par le début de l’histoire et par une
trame initialement basique ; on tombe dans une suite saisissante de tableaux
alternant onirisme et réalisme sans pouvoir distinguer avec certitude l’un de
l’autre. Malgré cette déstructuration du récit, on suit l’ensemble avec frénésie,
devenant même accro pour tenter de percevoir le vrai du faux, pour autant
que la chose soit possible".
On a ainsi, de quelques sortes, une dualité du scénario : d'une part les scènes
réalistes, avec découpage classique et apparente normalité, et d'autre part les
trips fous du héros. Mais ces scènes réalistes ne le sont parfois qu'en
apprence et cachent l'illusion, tandis que les trips peuvent nous rapprocher de
la vérité... Cette aspect des choses s'accentue au fur et à mesure qu'on
avance dans l'histoire et donne un amalgame complexe entre réalité et illusion
(et c'est la base même de la réflexion de l'auteur sur la perception de ce qui
nous entoure et la conception que l'on a de l'espace spatio-temporel).
Ce qui nous emporte littéralement dans ce manga, qui nous absorbe
entièrement, ce sont bel et bien les "trips" du héros, véritables nébuleuses,
tableaux sensoriels saisissants. Keichi Koike destructure complètement ses
planches, courbe ses cases, partage ses page en stries, en vagues, en
diagonales, mélange texte et dessin, complexifie son découpage... Il met des
éléments en abyme, sort d'une scène pour mieux partir vers une autre, nous
offre un "enchâssement d'images brusques" (dixit aaapoum), laisse un libre
court total à son imagination et invente des images toutes plus folles les une
que les autres. "Un amalgame d'images figurant l'incohérence sensorielle du
héros" (C-L Detournay again).
Ces scènes complètement psychédelliques, qui font toute la particularité de ce
manga, peuvent d'ailleurs parfois devenir fatigantes. Mais le schéma du
scénario est ainsi : l'histoire va au rythme des montées et descentes brutales
des trips. En ce sens Keichi Koike a une impressionante capacité à nous
communiquer les impressions sensorielles et psychiques de son héros :
émerveillement, extase, sursauts, palpitation, excitation, mais aussi
épuisement mental, sentiments éprouvants, perte de repères, dégoût,
angoisse... On "sent" au sein même de la lecture tous les aspects du trip, de la
phase ascendante au contre-coup désagréable, de l'exaltation à l'épuisement.
Le tout est porté par un dessin absolument jouissif (oui parce qu'avec tout ça
on a même pas parlé du dessin lui-même). Il y a une influence évidente de
Moebius (Arzach, L'Incal, et compagnie...) et d'Otomo (l'auteur d'Akira, qui
concidère lui-même Moebius comme son maître à dessiner). C'est assez
épuré, l'auteur maîtrise son trait et semble le laisser glisser sans difficulté,
donnant l'impression de dessiner instinctivement (mais il serait très étonnant
que ce soit véritablement le cas). À la manière très marquée de Moebius on a
tout un tas de hachures et de suites de traits savamment placées qui viennent
se superposer sur les dessins, figurant les ombres et donnant une touche si
particulière (là où en Manga les applats de noir sont plus habituels). Les
personnages, dans leurs postures, leur morphologie, leur visage, leurs
manière de s'habiller, leur apprence générale, tiennent eux d'Otomo (la
ressemblance de Kab avec le Kensuke de Akira est frappante), même si
Moebius n'est pas loin du tout.
Malheureusement pour nous lecteurs (parce que tout ne peut pas être parfait
dans un manga), la série est en arrêt au Japon. Le tome 2 est sortit voilà 6
ans au pays du Soleil Levant, et toujours pas de suite en vue. Cet arrêt brutal
n'est évidemment pas voulue tant Koike semble avoir encore beaucoup de
choses à dire. Et c'est bien dommage, car la construction de l'histoire semblait
très ambitieuse, et on ne pourra pas en saisir toute l'étendue (tous les
éléments étaient-ils réellement connectés comme on pourrait le croire? tout
était-il pensé dès le départ?). Certes cette suite de trips qu'était devenue le
tome 2 pouvait par moment être fatigante, mais force est de constater qu'on
en était devenu accroc. Alors peut-être est-ce un coup de génie de l'auteur,
qui a voulu pousser son concept jusqu'au bout : nous rendre totalement
dépendants le temps d'une lecture, nous faire vivre au plus proche du resentit
sensoriel les effets des drogues hallucinogènes, nous faire resentir les phases
ascendantes et desendantes d'un trip, pour finalement mieux nous montrer ce
que tout drogué resent un jour : le manque... Et quel manque!