Trilogie du Moi
3. Moi, menteur
Une BD de
Antonio Altarriba
et
Keko
chez Denoël
(Denoël Graphic)
- 2021
Altarriba, Antonio
(Scénario)
Keko
(Dessin)
<N&B>
(Couleurs)
<Bichromie>
(Couleurs)
<Trichromie>
(Couleurs)
Giacomin, Nicolò
(Lettrage)
Carrasco, Alexandra
(Traduction)
03/2021 (24 mars 2021) 156 pages 9782207157466 Autre format 419504
Adrián Cuadrado est conseiller en communication du Parti Démocratique Populaire, force dominante de l'échiquier politique espagnol vouée à la corruption, aux magouilles financières, aux coups tordus, à la manipulation des consciences et des suffrages. Roi du storytelling, Adrián est l'un de ces spin doctors chargés de produire la lumière qui illuminera le meilleur profil d'un candidat, en fera un produit désirable pour les électeurs. Menteur par vocation, par profession et par nécessité conjugale, il est l'heureux détenteur d'une double vie, entre... Lire la suite
Le thème central est celui du mensonge où les être humains sont assez rompus à l'art de mentir. Le mensonge s'aperçoit déjà dans les gestes et les comportements avant même de parler.
En effet, inconsciemment, nous sommes dans une position de méfiance. On se méfie de ce qui nous paraît assez bancal. On a un langage corporel qui nous trahit lorsqu'on procède à un mensonge car nos gestes contredisent nos paroles. Mentir en étant convaincant n'est pas à la portée de tous.
A noter que le domaine du mensonge s'applique spécifiquement à la politique dans cette BD maintes fois primée. Cela peut aller très loin dans la manipulation du peuple.
Je pense notamment au mensonge du dirigeant russe Poutine pour justifier la guerre en Ukraine à savoir une dénazification du pays et le fait de sauver les habitants des destructions opérées par le gouvernement démocratique de ce pays.
C'est fou comme cela peut fonctionner ce qui paraît très inquiétant. En cela, cette œuvre bénéficie d'une véritable force car transposable même si cela concerne en premier lieu la société espagnole.
Au final, une œuvre dense, noire et féroce mais parfaitement maîtrisée sur le thème de la communication politique.
Cette série est définitivement brillante, malgré une notoriété confidentielle.
Chaque tome semble un one-shot puisque les intrigues et les protagonistes n’ont a priori aucun rapport entre eux. Pourtant, « Moi menteur » fait des liens jubilatoires avec les 2 tomes précédents et prouve qu’il s’agit bel et bien d’une trilogie parfaitement orchestrée.
La lecture est toutefois exigeante car le contenu est très dense. L’action se trame dans les arcanes véreux de la politique espagnole et met en scène de très nombreux personnages. Le jeu des manipulations, des trahisons et des faux-semblants tisse un polar complexe et mortel, dont certaines subtilités peuvent être parfois difficiles à suivre. Mais quelle intelligence dans le propos et quelle maitrise dans la construction ! Le graphisme, toujours aussi marquant, y fait beaucoup. Un noir & blanc sombre et réaliste, avec ses touches de vert, comme le fiel du mensonge qui imbibe le récit.
Altarriba et Keko signent une œuvre absolument remarquable avec ces 3 albums faussement indépendants, qui gagnent une profondeur extraordinaire pris et lus ensemble, pour devenir la fascinante « Trilogie du Moi ».