Trilogie du Moi
1. Moi, assassin
Une BD de
Antonio Altarriba
et
Keko
chez Denoël
(Denoël Graphic)
- 2014
Altarriba, Antonio
(Scénario)
Keko
(Dessin)
<N&B>
(Couleurs)
<Bichromie>
(Couleurs)
Lo Monaco, Gérard
(Lettrage)
Giacomin, Nicolò
(Lettrage)
Carrasco, Alexandra
(Traduction)
09/2014 (18 septembre 2014) 130 pages 9782207116883 Autre format 226696
Enrique Rodríguez Ramírez est professeur d’Histoire de l’Art à l’université du Pays Basque (où Altarriba a enseigné la littérature française). À 53 ans, il est à l'apogée de sa carrière. Sur le point de devenir le chef de son champ de recherches, en proie aux rivalités académiques, il dirige un groupe d'étude intitulé : « Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale. » Bruegel, Grünewald, Goya, Rops, Dix, Grosz, Ensor, Munch, Bacon sont ses compagnons de rêverie et la matière de son travail. Mais sa vraie passion,... Lire la suite
Cet album est très bien fait. Il ne laisse pas indifférent et a donc atteint son objectif. C'est un livre utile par son rôle de repoussoir. Mais j'ai également ressenti un grand malaise. Si c'est un livre à lire, ce n'est pas un livre que j'achèterai pour garder chez moi et le relire régulièrement comme source d'inspiration.
Il a le mérite de poser plusieurs thèmes incluant des thèmes philosophiques. Entre autres:
- le goût de tuer (par goût de toute puissance?!?)
- la notion du mal en chacun de nous;
- l'emprise d'une passion secrète / addiction qui éloigne tous les proches;
- le pourquoi de l'art qui ne doit pas nécessairement être beau;
- un contexte professionnel où tous les coups sont permis;
- le nationalisme qui ne fait qu'exacerber la haine.
Le parti-pris est d'aller jusqu'au bout d'une logique, d'être extrême pour nous faire réagir et ne pas nous laisser indifférents. Le ton est très sombre. Noir, c'est noir. Il n'y a pas de gris possible ou de contraste avec d'autre couleur que le rouge, la couleur du sang. Il est aussi implacable - c'est une voie sans issue et sans retour.
Paradoxalement, ce côté repoussoir me fait réagir et réfléchir dans une autre direction:
-S'il y a du mal en chacun de nous, n'y a-t-il pas aussi le bien en chacun de nous? Himmler, le chef des SS adorait également sa fille pour qui il était un papa gâteau.
- Et une fois engagé sur cette voie glissante, n'y a-t-il pas encore de la place pour une deuxième chance à saisir, une rédemption pour certains?
Cet album a des qualités indéniables... mais le sujet traité est tordu et malsain. La note qui en ressort est donc contrastée.
J’avais commencé à rédiger un avis plutôt littéraire et copieusement argumenté pour parler de "Moi, assassin" ; mais j’efface tout et reprends à zéro. Inutile d’en faire des tonnes.
C’est tout simplement une BD intense aux qualités rares : un scenario dérangeant par ses éclats de violence et son amoralité mais particulièrement élaboré et haletant ; un dessin stupéfiant aux noirs et blancs tranchants comme des lames, parsemé de détails rouges sang (à noter l'étonnant réalisme des décors ) ; mais surtout l’éblouissant charisme de son héros, redoutable psychopathe sous les atours d’un prof de fac brillant mais vieillissant, aussi habile que retors dans l’exercice de son "art" de tuer. Tantôt pitoyable, tantôt flamboyant… Quelle classe et quelle gueule !
Bref, vous l’aurez compris, je considère ce roman graphique comme un chef d’œuvre total, exigeant et vénéneux mais indispensable !
Frustrant. Sentiment de ne pas avoir apprécié pleinement cet album. La faute à mes lacunes sur l'Espagne, son histoire, son architecture, ses conflits, ses richesses. Qui plus est, je ne suis pas un fana d'Art dit de peintures, tableaux ou autres réalisations sur ce type de mise en scène.
Je m'attarde donc sur la psychologie du personnage. Enrique est un homme érudit, respecté mais aussi controversé. Il attire et fait fuir la gente féminine. Il a ce côté passionnant et repoussant à la fois. Une attitude assez schizophrénique en somme.
Qu'il ne dénigre à aucun moment d'ailleurs. Son côté sombre lui sert à accomplir de terribles actes sanguinaires au service de l'Art... Son intelligence sans faille lui permet de passer inaperçu et de ne pas endosser le rôle d'un serial-killer. Profil qu'il trouve bien trop prévisible et faible pour que quelqu'un comme lui puisse s'en emparer...
Incontestablement, tuer est un Art, un tableau vivant. Il le nous démontre à travers ses divers meurtres. Méthodique, méticuleux, imprévisible, il arrive à justifier chacun de ses actes comme un service rendu à la victime. Et selon lui, son mode opératoire est... beau.
Antonio Altarriba réalise un album atypique et saisissant. Pour peu que l'on soit issu ou adepte de la culture espagnole, on doit aisément ajouter des points supplémentaires à ma note attribuée...
Il faut absolument mettre en exergue le dessin exceptionnel de Keko. Un noir et blanc jamais vu auparavant. Peut-être un soupçon du Sin City de Miller. Non, Keko a vraiment sa propre "patte". Un graphisme totalement adéquat à l'histoire. Où seul le rouge apparaît ici et là pour traduire la violence, le sang voire le narcissisme.
C'est un bon one shot. Mais encore une fois, ma note n'est certainement pas représentative de la qualité de celui-ci.
Très belle critique de Pokespagne, pas grand chose à rajouter. Pas fan du trait gothico-charbonneux de Keko mais il est parfaitement adapté à cette histoire et l'idée du rouge parcimonieux est vraiment intéressante. Après son "art de voler" Altarriba me ravit pour la seconde fois. Je me questionne juste sur la vision unilatérale (manichéenne?) de la problématique basque. Fin frustrante je suis aussi d'accord qui empêche l'accession aux cinq étoiles.
Je dois avouer à ma grande honte que je ne connaissais ni Antonio Altarriba, ni Keko, et je me suis donc pris ce "Moi Assassin" comme une grande claque autant esthétique que conceptuelle. Le remarquable travail en clair obscur de Keko combine un réalisme quasi photographique des lieux (les amoureux de Madrid ou de la Place des Vosges en seront enchantés) avec la profondeur métaphysique que nécessite le sujet du livre. Mais c'est surtout le scénario et le récit de Atarriba qui font de ce livre une oeuvre marquante, voire exceptionnelle : au delà des délires artistico-criminels de son personnage principal, Altarriba nous livre une description minutieuse et cruelle du petit monde de l'université et de l'art espagnol, déchiré par des conflits politiques (la question basque, blessure ouverte dans le flanc de la démocratie espagnole) autant que par les ambitions personnelles et les inévitables mesquineries entre collègues et concurrents. La construction du livre, entre flashbacks illustrant les théories du professeur Ramírez et ses crimes inventifs, et chronique précise de la dérive d'une vie qui s'effondre progressivement, avec l'implacabilité du destin typique du roman noir, conduit le lecteur vers une fin peut-être un peu frustrante mais parfaitement logique.