Talion
3. Opus III - Cœur
Une BD de Sylvain Ferret chez Glénat - 2023
05/2023 (31 mai 2023) 60 pages 9782344054772 Grand format 472488
Chaque jour, chaque vie, doivent être vécus pour mériter le monde. Rescapés du chaos des mines d'Orfèvre et prisonniers d'Olympe l'Insurgée, Billie et Tadeus, livrés à eux-même et pourchassés par l'Armada du Talion, n'ont d'autre choix que de fuir. Guidés à travers un chemin aussi sinistre que sinueux, ils vont finalement être menés vers un environnement étrangement préservé. À bout de force, ils vont pénétrer dans une oasis qu'aucun étranger n'a réussi à atteindre depuis des décennies ! Inondés de lumière et de vie, Billie et Tadeus vont reprendre... Lire la suite
Le sentiment au sortir de cette ambitieuse trilogie est celle d’une superbe bande-annonce du blockbuster SF absolu que l’on croise régulièrement sur Youtube. Ces fulgurances visuelles montées de façon dynamique et exonérées de continuité dramatique sont faites pour allécher. La structure de Talion reprend ce format, en oubliant malheureusement que, si proche qu’il soit avec le cinéma, la BD n’en est pas.
Après un second tome qui concentrait son récit sur une structure simplifiée autour des héros en quête dans le monde extérieur, en abandonnant partiellement la complexité des intrigues politiques, Sylvain Ferret avait remis en selle son lecteur en avançant dans la connaissance des secrets. Comme s’il avait en avait trop dit, le voilà qui expédie très rapidement le gigantesque affrontement promis et envoie ses héros dans une oasis tout droit issue de Tokyo Ghost (inspiration très probable de l’auteur au vu des proximités des deux séries). C’est frustrant pour le potentiel d’action SF que permettait ce conflit et par le déroulement minimaliste choisi, comme pressé de changer de décors. Problème de montage sans doute, l’envie d’un gros cliffhanger ayant repoussé cette bataille au tome 3 et créant cette rupture incompréhensible. Car ce dernier volume se veut entièrement situé dans cet Eden où la Nature existe encore et où la Vermine est soignée par les pouvoirs d’une sorte de Messie.
Dans un rythme apaisé, Ferret est plus à l’aise pour dérouler son style fait d’images muettes et de textes mystérieux. Si l’unité de lieu facilite cette fois le suivi, les ressorts de fond de son histoire restent encore bien obscures du fait d’un refus systématique de l’explicatif. Certains très grands dessinateurs parviennent à se contenter de l’image pour faire avancer leur histoire. Sylvain Ferret est un bon dessinateur et n’a pas encore
les outils techniques pour se permettre cette subtilité narrative. A l’inverse un immense dessinateur, Antoine Carrion, butait sur les grosses lacunes de son scénariste sur la également très ambitieuse et ratée série Nils. Surtout il utilise l’image sans le rythme du cinéma, sans le son. Essayez de regarder une très bonne bande-annonce sans le son et vous aurez une idée de ce qu’on ressent à la lecture de ce tome.
L’histoire de Talion était intéressante, ses personnages originaux, ses sujets inspirés et en lien avec notre actualité. Son ambition graphique très grande et d’une esthétique de très bon gout qui génère son lot de baffes graphiques au fil des trois tomes. Il aura manqué une science du récit et un liant qui font de façon très frustrante de cette trilogie un raté. C’est d’autant plus triste que l’on ressent à chaque instant la passion mise par l’auteur dans son projet. Il eut été sage qu’il soit conseillé, accompagné. Je ne digresserais pas sur le rôle de l’éditeur, qui semble particulièrement absent de nos jours dans la BD mais ce projet interroge sur un auteur laissé sans filet et sur un gros éditeur qui assume de sortir trois albums en connaissant leur faiblesse. Gâchis pour l’auteur, gâchis pour le lecteur, gâchis pour la BD.
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