Spirou et Fantasio (Intégrale Dupuis 2)
12. 1980-1983
Une BD de
Raoul Cauvin
et
Nic
chez Dupuis
(Les intégrales Dupuis)
- 2012
Cauvin, Raoul
(Scénario)
Nic
(Dessin)
Nic
(Couleurs)
Pissavy-Yvernault, Christelle
(Autres)
Pissavy-Yvernault, Bertrand
(Autres)
02/2012 (24 février 2012) 128 pages 9782800153780 Format normal 148687
Inclut les albums 30 à 32 de la série ainsi que les 3 courts récits "Le Fantacoptère solaire", "La naissance des Diskies" et "Allez Champignac" en fac-similé.
La période Nic & Cauvin est unanimement décriée comme étant la pire de l'histoire de Spirou. De manière générale, on n’en parle d'ailleurs pas, comme une parenthèse à oublier. Cette intégrale apparaît donc comme un objet étrange, un passage obligé que personne n'attendait avant de passer aux intégrales Tome & Janry. Bizarrement, voir ainsi ce vilain petit canard tenter d'exister rend d’emblée le volume sympathique.
C'est d'ailleurs l'optique qui semble choisie dans le très bon appareil rédactionnel. Ici pas d'éloge d'un quelconque ouvrage fondamental, ou d'un travail de génie, mais une tentative d’explication. On découvre ainsi que personne n'avait souhaité reprendre le flambeau après le limogeage indélicat de Fournier. C'est ainsi que les éditions Dupuis vont chercher Nic Broca, animateur reconnu mais novice en BD, qui accepte sans imaginer l'ire qu'il va déclencher. De fait, si l'on a envie de pardonner au dessinateur qui ne méritait sans doute pas d'être autant conspué – voire insulté par la profession même, chose à laquelle il n'était pas préparé – la lecture de ses Spirou ne donne pas pour autant envie de le réhabiliter. Le dessin est rigide, les expressions mornes, et on sent que, malgré toute sa bonne volonté, il ne possède pas les codes du médium. Non pas qu'il soit totalement dénué de talent, mais faire ses premières armes sur une série légendaire était simplement suicidaire.
Pour ne pas l'aider, les scénarios de De Kuyssche (alors rédacteur en chef de Spirou) sont franchement insipides. Cauvin fait ensuite un peu mieux, mais il est engoncé dans une charte stupide. Il leur était, en effet, interdit de reprendre quoi que ce soit de l'ancien univers : seuls devaient se retrouver Spirou, Spip et Fantasio... Adieu Zorglub, Champignac, turbotraction... Dans ces conditions, il ne peut réellement décoller. Assez vite il va s'enfoncer dans des aventures poussives aux running-gags lourdingues (la voisine commère...) malgré quelques bonnes idées.
Cette reprise aux intrigues enfantines, volontairement expurgée de toute référence franquinienne, est là encore une commande de Dupuis, qui souhaitait simplifier la série sur tous les plans afin de permettre une éventuelle adaptation animée. Parallèlement à elle, deux autres Spirou apparaissent sporadiquement dans le magazine. Celui d'Yves Chaland, qui marquera les mémoires par sa maestria, et celui d'un duo dont les histoires courtes reçoivent le soutien unanime des lecteurs : les jeunes Tome & Janry, alors assistants de Dupa et qui rêvent d'autre chose que de Cubitus. Les dés sont pipés depuis le début puisque contrairement à Cauvin et Nic, ce duo a toute liberté pour utiliser les anciens marqueurs de la série, et s'en donne à cœur joie. Derrière eux, on peut lire des luttes entre les différents responsables éditoriaux, qui avançaient chacun leurs auteurs comme des pions utiles à leurs stratégies.
Tout ce travail de contextualisation réalisé par les éditions Dupuis ne rend pas les albums meilleurs, mais permet de comprendre un peu mieux ce qui a pu amener à ce que Groensteen appellera à juste titre un « ratage programmé ».
Prenez votre meilleur souvenir d'enfance - gâteau, voyage, Noël... - et transformez-le en pire cauchemar - McDo, embouteillage, visite chez la belle-mère... C'est ce qui attend l'infortuné lecteur qui a gardé en douce mémoire le riche Spirou de Franquin lorsqu'il découvre cette horreur que Broca et Cauvin ont concoctés.
À leur décharge, leur sélection est le résultat d'une vulgaire bataille éditoriale entre les héritiers Dupuis, qui jouaient sottement à l'apprenti-sorcier dans les coulisses du journal.
Les lecteurs, eux avaient déjà choisi par référendums Tome et Janry comme dignes repreneurs du flambeau Franquien.
Vox populi, vox Dei...