Simone (Morvan/Evrard)
1. Obéir c'est trahir, désobéir c'est servir
Une BD de Jean-David Morvan et David Evrard chez Glénat - 2022
03/2022 (23 mars 2022) 9782344043158 Grand format 442870
En 1972, la télévision affiche le portrait d’un vieil homme, recherché depuis la fin de la guerre : Klaus Barbie. En le voyant, Simone Lagrange, 42 ans, est d’abord interloquée, avant de voir ressurgir un douloureux passé. Cet homme, elle le reconnait. Ce vieil homme est son tortionnaire, celui qui l’a torturée, à Lyon, à partir du 6 juin 1944… Elle se souvient de la jeune fille qu’elle était, du basculement de la France vers le régime de Vichy, avant que la zone libre ne soit occupée. Elle se souvient de ses années de résistance, en tant qu’agent... Lire la suite
Cet album est vraiment prenant du début à la fin, surtout sachant qu'il s'agit d'une histoire vraie.
Le dessin est très mignon et expressif. Les personnages sont très bien caractérisés.
Le côté très naïf du dessin permet de rendre facile la présentation des scènes de torture (psycologique et physique), montrant toute leur horreur, en restant dans l'empathie et sans tomber dans le voyeurisme malsain.
L'histoire se déroule de manière fluide, en jonglant sans problème avec le présent, le passé, ou l'imagination de la protagoniste. On a vraiment envie d'avoir la suite, même si on sait ce qui va se passer.
NB : Le rappel du contexte historique est concentré sur une seule page, assez lourde en explications (mais de fait facile à esquiver pour les personnes familières avec le sujet). Ceci permet aussi de se concentrer durant tout le reste de l'album sur l'histoire de Simone et quelques autres protagonistes, ce qui est appréciable pour une BD biographique/historique qui tendent d'habitude à essaimer les rappels historiques ce qui ralentit le rythme.
Les auteurs de la série « Iréna » réitèrent pour nous raconter l'histoire de la fameuse Simone Lagrange qui a reconnu en 1972 le tortionnaire nazi Klaus Barbie à la TV afin de le confondre sur sa véritable identité. Elle avait été arrêtée par la Gestapo à Lyon alors qu'elle était âgé d'à peine 13 ans.
C'est un récit aux accents assez dramatiques car cela concerne les rafles de population juive opérées par la France de Vichy qui collaborait avec l'ennemi. On se rend compte également qu'une bonne partie de la population française approuvait l'impensable et c'est véritablement odieux. Je songe à cette maîtresse d'école qui fréquentait auparavant la famille de Simone afin de soutirer de l'argent et qui n'a pas hésité par la suite à mal se comporter au gré du changement de politique.
Et puis, il y a surtout le cas de cette Jeanne Hermann dont je ne comprends pas la trahison d'autant que ses propres parents ont été tué par l'armée allemande lors de la débâcle et de l'exode. Comment succomber à l'ennemi en dénonçant sa famille d'adoption à la Gestapo ? Je trouve qu'il y a plus qu'un manque de reconnaissance. C'est de la trahison pure et dure.
Une réflexion du père de Simone mérite d'être relevé lorsqu'il apprend qu'Hitler a rejeté l'ultimatum allié forçant la France et l'Angleterre à déclarer la guerre. Il reproche à ces pays d'avoir laissé faire Hitler. Le même phénomène s'est d'ailleurs reproduit avec le despote Poutine où on l'a laissé agir à sa guise.
On dira que c'est encore un témoignage de plus mais c'est sans doute nécessaire pour se battre contre le droit à l'oubli consacré et imposé par le RGDP en 2018 et la CNIL. Le devoir de mémoire va se perdre dans ce droit à l'effacement consacré par ces institutions voulant faire table rase du passé d'un individu ce qui va libérer les comportements les plus irresponsables.
Ce premier tome intitulé « Obéir, c'est trahir. Désobéir, c'est servir » est une belle réussite aussi bien graphique que narrative. On a hâte de découvrir la suite tant c'est un moment de lecture captivante.