Retour de flammes (Galandon/Grande)
1. Premier rendez-vous
Une BD de
Laurent Galandon
et
Alicia Grande
chez Glénat
- 2020
Galandon, Laurent
(Scénario)
Grande, Alicia
(Dessin)
De Cock, Elvire
(Couleurs)
Merle, Jean-Baptiste
(Couleurs)
02/2020 (05 février 2020) 62 pages 9782344018804 Grand format 385810
Le cinéma est une arme de guerre. Paris, sous l'Occupation, septembre 1941. Un incendie dans le cinéma Le Concordia détruit la pellicule d'un film de propagande nazi. Chargé de résoudre l'affaire, le commissaire français Engelbert Lange découvre sur les lieux qu'il est surveillé par la Gestapo. Car c'est la deuxième fois qu'un acte similaire est perpétré dans la capitale, les autorités allemandes prennent donc la chose très au sérieux : la piste terroriste est privilégiée. Son enquête va conduire Lange dans le monde du 7e Art. Il va découvrir l'intensité... Lire la suite
Dans la série « le deuxième te fait de l’œil mais tu ferais bien de lire le premier d’abord » voici Retour de flammes. Mais que cache cette couv très cinématographique prometteuse ?
Elle cache un polar passionnant. Paris 1941, une enquête complexe mené par un commissaire français sous la pression de l’occupant allemand.
Une enquête qui va mener notre flic dans le monde du 7ème art : des pellicules de films allemands sont brûlés… La Gestapo ne voit pas ça d’un très bon œil… L’enquête est complexe et l’intérêt du lecteur sera alpagué par les faces cachées des 2 héros : le commissaire Lange et l’inspecteur Goujon …sans oublier la nouvelle voisine de Lange et la mystérieuse petite fille qui l’accompagne…. je n’en dis pas plus mais le scénario de Laurent Galandon (A fake story notamment) nous mène avec envie vers un tome 2 qui répondra à nos questions…. Il faut signaler le travail graphique réaliste et expressif d’Alicia Grande dont ce sont les débuts dans le monde de la BD.
Le tout nous donne un polar historique efficace et riche d’intrigues à dénouer… Encore une deuxième tome à aller chercher !
C'est une enquête plutôt intéressante se situant dans la France de l'Occupation en septembre 1941.
En effet, un commissaire de police française est obligé de collaborer avec un membre de la Gestapo et de lui rendre des comptes car on brûle des pellicules de film allemand dans les cinémas de la capitale parisienne. Pour moi, il n'y a pas mort d'homme. Il faut dire que les films nazis en question sont axés sur la propagande et plutôt antisémites.
On se rend compte également de l'ambiance un peu particulière du couvre-feu qui s'appliquait en soirée et durant la nuit. Il est vrai qu'on a renoué assez récemment avec cette pratique d'un autre temps. Pour revenir à la bd, il y avait alors des soirées clandestines propices à des exactions contre l'occupant.
J'ai bien aimé ce premier tome bien que notre héros commissaire ait un caractère parfois désopilant notamment avec les femmes. On va se rendre compte que les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. J'ai bien aimé cette densité psychologique des personnages bien que le nazi de service soit bien méchant. Il y aura également des fausses pistes dans ce polar historique.
Au niveau du scénario, il est plutôt très fluide donc accessible. J'ai beaucoup aimé le dessin très réaliste et minutieux dans les détails des décors. C'est d'ailleurs sur un grand format ce qui met la bd en valeur. Bref, rien à redire sur le fond et la forme.
Je dois dire que c'est surtout le cadre historique qui est très intéressant pour voir comment notre police collaborait avec l'ennemi. On apercevra d'ailleurs le chanteur Tino Rossi, auteur du célèbre Papa Noël, en charmante compagnie avec des officiers de la SS.
Mais bon, on oubliera tout cela après la guerre où il connaîtra un succès phénoménal. Même chose avec certaines actrices évoquées comme Danielle Darrieux. Le Paris de l'Occupation avait ses lâches et ses héros aux destins variés.
Un bon premier tome en attendant le second qui terminera ce diptyque.
Coup de projecteur sur les années noires
Paris septembre 1941, un mystérieux incendiaire met le feu aux bobines du « juif Suss », un film de propagande nazie, dans le cinéma Concordia et appelle les pompiers une fois son forfait accompli pour que le feu ne se propage pas aux immeubles environnants. C’est le commissaire français Engelbert Lange flanqué de l’inspecteur Goujon qui est chargé de l’enquête. Mais il découvre rapidement qu’il est surveillé par Jager un officier de la Gestapo. En effet, ce n’est pas une première: quelques jours auparavant, les bobines d’un autre film allemand « président Krüger » ont été incendiées au Louxor. Pour les allemands, il s’agit donc d’un acte terroriste ! Le supérieur de Lange souhaite favoriser une étroite collaboration entre la Gestapo et la police française mais Engelbert et Goujon ne l’entendent pas de cette oreille et veulent mener leur enquête à leur manière. Elle les amènera à une boîte de transformistes « aux gars de Paname » mais également à la société de production Continental gérée par le mystérieux Alfred Greven. Ils doivent aussi élucider dans le même temps le meurtre d’une jeune figurante, maîtresse d’un haut gradé nazi tandis que Lange voit arriver dans son immeuble une nouvelle voisine Clotilde ….
Il était une fois en France…
Le 9 eme art a fait du temps de l’Occupation une de ses périodes de prédilection. Qu’il s’agisse du tandem Christin-Goetzinger dans « La Diva et le Kriegspiel » ou de celui de Noury et Vallée pour l’histoire du collaborateur Joseph Joanovici dans la série « Il était une fois en France », du premier tome d’ « Opération, vent printanier » de Wachs et Richelle ou du diptyque de Jean-Pierre Gibrat « le Vol du Corbeau », maints albums nous content le Paris de l’Occupation.
Mais, à l’exception peut-être de « Dolor » de Catel et Bocquet qui évoque le triste devenir de l’actrice Mireille Balin, icone du cinéma d’avant-guerre brisée au moment de l’épuration pour avoir été amoureuse d’un officier allemand, aucun d’eux ne s’était intéressé au 7eme art dans cette période. Laurent Galandon, qui fut dans une autre vie exploitant de salle de cinéma et demeure un cinéphile invétéré, répare cet oubli. Il avait déjà magistralement rendu hommage au cinéma muet dans le diptyque « La Parole du muet » réalisé avec Frédéric Blier.
Ici, il nous dépeint de façon extrêmement documentée le monde du cinéma français sous l’Occupation. D’’emblée le titre de l’album est un clin d’œil à l’un des fleurons de la production de la société Continental : c’est également le titre d’un film de Henri Decoin avec Danielle Darrieux en tête d’affiche. Une grande partie de l’intrigue tourne en effet autour de cette société dirigée par le mystérieux Alfred Greven qui employa la fine fleur des comédiens français de l’époque (Suzy Delair, Danielle Darrieux, Harry Baur, Pierre Fresnay tous présents en caméos dans l’abum) et qui voulait élaborer non pas de simples films de propagande mais concurrencer le cinéma américain qui n’avait plus le droit de cité dans les pays occupés et créer ainsi une manne de revenus pour le Reich.
C’est l’occasion pour Galandon de rappeler que certains grands cinéastes, tels Clouzot, ont éclos à cette époque (on assiste sur plusieurs planches au tournage de « L’assassin habite au 21 ») mais également que certains acteurs très populaires se sont largement compromis avec L’occupant : on aperçoit ainsi Fernandel à la table d’officiers allemands ou encore Tino Rossi riant complaisamment devant une attitude déplacée d’un officier nazi or, ces louches fréquentations seront mystérieusement gommées à la Libération… Il rappelle aussi les conditions de production difficiles en cette période de pénurie lorsqu’il fait dire à Clouzot qu’il ne peut s’autoriser qu’une seule prise car les mètres de pellicule sont comptés.
Le crime de Monsieur Lange
Tous ces détails ne sont pas artificiellement amenés mais font partie intégrante de l’intrigue : ainsi les renseignements sur la Continental sont donnés par la nouvelle voisine du commissaire, Clotilde, qui travaille à la cinémathèque ; Lange doit se rendre sur le tournage de Clouzot car il enquête sur le meurtre d’une aspirante actrice qui devait y être figurante et qui, en attendant son heure de gloire, était la maîtresse d’un officier directeur du Referat Film (service cinéma du ministère de la propagande) ce qui permet au scénariste d’opposer de façon très fine les deux conceptions du cinéma qu’ont Goebbels et Greven. Pour nouer davantage les intrigues entre elles, le commissaire Lange est même « repéré » par Greven qui veut en faire la star de son nouveau projet « Mam’zelle Bonaparte » un film historique (on notera d’ailleurs que c’est là que se situe la seule petite erreur de l’album qui mélange les deux empires). Enfin, le policier est accompagné dans ses pérégrinations d’une mystérieuse jeune femme dessinée en noir et blanc, Madeleine, un fantôme très bavard, coiffé à la Louise Brooks et portant des habits des années folles. Friande des revues de cinéma « Vedettes » ou « Ciné-Mondial », elle commente tout ce qu’elle voit à chaque incursion de Lange dans ce microcosme ce qui permet au lecteur d’identifier toutes les stars de l’époque et pimente l’intrigue aussi puisqu’on ne sait pas pour l’heure quels sont les liens réels de Madeleine avec le héros et quels traumatismes sont à l’origine de ses hallucinations. Les personnages principaux cachent tous de secrets : à Lange et son fantôme répondent la double vie de l’inspecteur Goujon, les liens unissant Clotilde à la petite Elisabeth qui l’accompagne et les motivations de Greven et de son éclairagiste. Petit à petit des intrigues apparemment étrangères se rejoignent et s’imbriquent entre elles et l’album est un véritable « page turner »!
A la maestria du scénario répond la qualité du dessin : on trouvera dans le traitement semi-réaliste des personnages d’Alicia Grande dont ce sont les débuts en bande dessinée (mais elle a tout d’une grande !) des réminiscences de Jordi Lafebre. On admirera la grande attention prêtée aux décors et la minutie de la reconstitution historique ainsi que la très belle mise en lumière. Les cadrages sont plutôt classiques mais efficaces et cela sied bien à l’histoire. Lorsque les planches s’émancipent du gaufrier pour donner de grandes vignettes comme à la première et à la dernière page, elles sont vraiment très belles et on espère en voir davantage de ce type dans le deuxième opus. On saluera enfin la magnifique mise en couleurs d’Elvire de Cock qui permet de bien définir les différentes ambiances. Pour ajouter encore un peu plus à notre plaisir de lecture, on ajoutera que le deuxième tome du diptyque (« dernière séance ») est déjà bouclé et que nous n’aurons pas à subir une longue attente puisque la suite des aventures de Monsieur Lange paraîtra fin avril !
Un très bel album à la fois historique, policier et fantastique saupoudré d’une dose de romance : prenez votre billet sans hésiter pour ce « premier rendez-vous » avant « la dernière séance » !