La plus belle femme du monde
Une BD de William Roy et Sylvain Dorange chez La Boîte à Bulles - 2018
11/2018 (07 novembre 2018) 174 pages 9782849533000 Format normal 345261
Hedy Lamarr est jeune, intelligente, talentueuse, belle. Si belle, que cela lui a valu le surnom de « plus belle femme du monde ». Quand se réalise son rêve de devenir actrice, elle se retrouve embarquée dans une vie qu’elle n’imaginait pas. Après avoir fuit l’Autriche nazie et un premier mari marchand d’armes, elle se retrouve à Hollywood. Dans le milieu des années 40, l’industrie du cinéma est dirigée exclusivement par des hommes. Alors quand on est jeune actrice comme Hedy Lamarr, incroyablement séduisante et aimant les hommes (6 maris et de... Lire la suite
J'ai bien aimé l'histoire de la plus belle femme du monde. On se rend compte qu'être très belle n'a pas que des avantages bien au contraire. On peut certes avoir la gloire d'une starlette à Hollywoodland.
Cependant, le regard des gens ne changera pas. On est cantonné dans un rôle même si on est la géniale co-inventrice d'un procédé technologique utilisé encore aujourd'hui dans les systèmes de communication et du wifi.
Bref, l'intelligence peut se cacher derrière une actrice sensuelle. Qui sait si on découvrira un jour que Marilyn Monroe ou encore Loana étaient de géniales inventrices ? Tout est possible en ce monde.
Ceci dit, c'est une belle biographie assez passionnante à l'image d'une vie avec plusieurs époux dont un proche du pouvoir nazi. C'est un destin romanesque qui est joliment mise en image. Une lecture qui n'a pas du tout été ennuyeuse.
Pénélope Bagieu avait déjà consacré un de ses portraits de « Culottées (2) » à Hedy Lamarr actrice et inventrice née en 1914 et morte en janvier 2000 mais il était extrêmement condensé. Dans ce biopic de 176p, William Roy et Sylvain Dorange développent donc le destin de cette personnalité au parcours incroyable, féministe avant l’heure et incomprise de ses contemporains qui ne voyaient en elle que « la plus belle femme du monde » et refusaient d’admettre qu’on pouvait être magnifique et scientifique à la fois !
Le scénariste qui a travaillé cinq ans sur cet ouvrage lui rend donc longuement justice et la réhabilite tout en évitant l’écueil d’un biopic linéaire. Il emploie au contraire une narration dynamique et polyphonique : l’ouvrage commence en 1957 avec des « images d’archives » d’un show télévisé et s’achève pratiquement sur le même genre de show douze ans plus tard qui enferment donc l’héroïne dans son image de fantasme masculin tout comme la très drôle mise en abyme de 1977 (un guide spécialisé dans les tours de maisons de célébrités à Hollywood prend en charge une partie de la narration et raconte de façon racoleuse la vie d’Hedy Lamarr à l’aide d’anecdotes croustillantes) mais, fort heureusement, le finale de l’album et le reste de la narration permettent de redonner à cette personnalité toute son épaisseur et sa complexité !
Les dessins de Sylvain Dorange participent à ce plaidoyer et suscitent également tout l’intérêt du lecteur : le dessinateur adopte pour chaque période un style graphique particulier ( jusque dans les polices), rend bien les changement vestimentaires des différentes époques qu’il et fait revivre grâce aux décors soignés et un travail extrêmement documenté en incluant même des images d’archives ( posters, shows, affiches de cinéma ou de propagande, extraits de films). Il arrive également fort bien à créer différentes ambiances (angoissante pour la montée du nazisme, « pailletée » pour les années hollywoodiennes…) pour accompagner le parcours de cette femme qui a traversé le siècle et qui était trop moderne pour ses contemporains. Une belle réussite !