L'ombre des lumières
2. Dentelles et Wampum
Une BD de Alain Ayroles et Richard Guérineau chez Delcourt - 2024
09/2024 (02 octobre 2024) 66 pages 9782413078555 Grand format 504175
Flanqué de l'Iroquois Adario et de son valet philosophe, Saint-Sauveur débarque en Nouvelle-France, où un nouveau pari va lui permettre de déployer ses funestes talents. Mais on ne joue pas impunément avec les coeurs, et les machinations du libertin vont tourner à la catastrophe. Troquant ses bas de soie contre des jambières de daim, le chevalier va devoir courir les bois et bannir ses préjugés : les Sauvages ont de l'esprit !
Autant , je n'avais pas été emballé par le premier tome avec toutes ces lettres , autant ce deuxiéme opus se laisse lire avec grand plaisir ,notre personnage , odieux comme il se doit , se retrouve dans le nouveau monde , coureur des bois malgré lui ...je n'en dis pas plus ...A découvrir
Le premier volume m'avait déçu. Mal construit, un style épistolaire déconcertant à tel point que j'ai hésité avant de me lancer dans l'achat du second tome.
Et bien, je dois dire que j'ai été très agréablement surpris par la suite donnée par Alain Ayroles à ce récit. Après une pâle copie des "liaisons dangereuses", le scénariste nous entraine là dans une aventure riche en rebondissements et péripéties , se déroulant principalement dans la Belle Province.
Notre Chevalier de Saint Sauveur, libertin du premier volume, se mue ici en un personnage pervers, manipulateur et retors à souhait. On retrouve là la patte d'Ayroles des "Indes fourbes".
Le scénario devient habile, passionnant et j'avoue de pas avoir lâché ce deuxième volume avant la fin, là où j'achevai péniblement le tome précédent.
Après avoir découvert le premier volume dans son édition n&b, je me suis contenté de la version couleur (la seule existante) et je suis d'avis que le dessin de Richard Guérineau est bien plus lisible comme ceci.
Bref, une très belle surprise pour cet opus, et là, oui je serai sans hésitation pour le tome 3, conclusion de ce récit.
A mon grand regret j’avais plutôt mal accueilli le premier tome de cette luxueuse trilogie en raison d’une complexité de construction et d’une présentation épistolaire trop essentielle dans le récit. Après un étonnant flash qui nous montrait notre chevalier dans de beaux draps aux mains de sauvages des Amériques, ce second volume nous envoie de l’autre côté de l’Atlantique à la suite directe des dernières pages du précédent. Le malfaisant chevalier a en effet trouvé dans son bannissement l’occasion de se refaire une place au soleil de Versailles au détriment d’une jeune héritière qu’un noble jaloux souhaite voir frapper du l’infamie en missionnant le libertin pour la marier à un sauvage!
Il faut se souvenir qu’Alain Ayroles aime les intrigues alambiquées et manipulatrices et les Indes Fourbes nécessitait un peu de concentration. Cette suite des mésaventures du chevalier de Saint Sauveur reprend sur un rythme plus soutenu que le précédent en adoptant une linéarité beaucoup plus facile à suivre et enthousiasme par des décors où Richard Guérineau semble bien plus à l’aise que dans les intérieurs français. Il nous rappelle à cette occasion son immense qualité de coloriste qui rangerait presque son dessin au second plan au regard de la finesse de ses textures.
Découvrant clairement les finalités du récit et les manigances du méchant, le lecteur peut également prendre fait et cause pour les victimes, la jeune femme et les deux pauvres serviteurs, l’indien et ce Gonzague qui va prendre une dimension de premier plan au travers de ses lettres à sa femme restée au pays. Ce qui manquait cruellement à L’ennemi du genre humain qui se contentait de constater les méfaits du chevalier sans possibilité de compassion pour les souffres-douleur est ici résolu de façon salutaire et donne un intérêt rehaussé à la série.
Je constatais au billet précédent le manque de souffle, ce n’est plus le cas ici puisque l’aventure canadienne crée un nouveau départ qui permet l’émerveillement dans ce Nouveau Monde et la frugalité de la vie confrontée à une Nature omniprésente et remet l’anti-héros au second plan. La différence de traitement scénaristique est très étonnante et confirme peut-être une prise de conscience du scénariste, ce qui laisse optimiste pour la conclusion d’une série totalement relancée. Progressant tout naturellement entre l’arrivée dans ce monde qui doit lui permettre de se faire une virginité, l’histoire évolue vers la grande aventure qui fait référence aux écrits de London et au Dernier des Mohicans. L’amour présenté jusqu’ici sous le regard cynique du chevalier prend désormais un regard plus tendre, condamnant la vision machiavélique de ce dernier et laissant le lecteur espérer une punition à la hauteur de ses maléfices.
Très heureuse évolution d’une série mal débutée malgré la grande technique des auteurs, L’ombre des Lumières se rééquilibre en plaçant les Lumières sur l’Ombre pour le plus grand plaisir des lecteurs en proposant une grande aventure lettrée.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/10/29/lombre-des-lumieres-lennemi-du-genre-humain/
Ne ratez surtout pas cette pépite, si vous aimez les textes à l'humour un peu irrévérencieux, iconoclaste, la belle langue avec une certaine dose de cynisme. Et cela sur fond d'idées des lumières qui commencent à se répandre en perturbant un peu le cerveau de certaines gens.
Les avis postés sur le tome 1 laissent apparaitre une certaine unanimité quant au dessin, mais beaucoup de lecteurs se plaignent du scénario qu'ils ont trouvé un peu confus à suivre. En effet, il ne faut pas hésiter à s'adonner à une seconde lecture, pour le plaisir mais aussi pour bien suivre qui écrit à qui dans cet échange entièrement épistolaire, c'est important.
Pour moi, un régal !