La nueve
La Nueve-Les républicains espagnols qui ont libéré Paris
Une BD de Roca, Paco chez Delcourt (Mirages) - 2014
04/2014 (23 avril 2014) 312 pages 9782756050256 Autre format 213861
La majorité des hommes qui composaient la Nueve avaient moins de vingt ans lorsqu'ils prirent les armes, en 1936, pour défendre la République espagnole : les survivants ne les déposeraient que huit ans plus tard après s'être illustrés sur le sol africain et avoir libéré Paris dans la nuit du 24 août 1944. Ils étaient convaincus de reprendre la lutte contre le franquisme. Avec de l'aide qui ne viendra jamais...
J’aime beaucoup les œuvres de cet auteur espagnol qui sont plutôt dans un genre de respect de la personne. Cela me fait plutôt plaisir de le retrouver. C’est vrai que c’est un gros pavé à lire. Cependant, le plaisir de découverte de cette nouveauté demeure intact. L’auteur nous plonge dans une œuvre biographique.
L’introduction est parfaitement réussie. Nous avons un jeune auteur de bande dessinée qui rencontre un vieux papy de 94 ans. Ce dernier va nous livrer l’épisode concernant la Nueve, cette compagnie composé d’anciens combattants républicains qui a fait la campagne de l’Afrique avant de participer à la libération de la France.
C’est un aspect de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale qui est plutôt méconnu. Tout le monde connait la guerre civile espagnole mais peu savent que les républicains furent à la fin de la guerre déportée en France puis engagé dans une légion visant à reconquérir l’Europe tombée sous le joug des nazis. Or, ces combattants qui luttaient contre le fascisme espéraient renverser également Franco. Cependant, cela s’arrêtera à Hitler et Mussolini ce qui provoquera leur déception légitime.
On comprend mal les motivations des alliés à ne pas avoir débarrassé l’Espagne d’un dictateur. La peur du communisme est la principale motivation. Les nationalistes utilisaient dans leur propagande le terme de rouge ou d’anarchiste pour désigner les Républicains qui pourtant avait la légitimité de la gouvernance. On se rend compte que même de nos jours, la communauté internationale laisse souvent en place des dictateurs car le remède serait pire que le mal. On voit bien ce qui s’est passé en Irak, en Libye, en Syrie…
C’est un hommage qui est rendu à la Nueve qui fut l’une des premières à libérer Paris. Beaucoup ont payé de leur vie pour se débarrasser du fascisme et de son idéologie. Ces combattants ont été méprisé par les forces françaises pourtant défaite en un seul mois par l’armée d’Hitler (Mai-Juin 1940). Pourtant, les républicains ont connu des années de guerre et ont eu une expérience du combat. En même temps et pour relativiser, il s’agissait d’une compagnie de 146 hommes ce qui est assez peu pour influencer le cours de la guerre. C’est un fait dans une mécanique assez complexe.
Au final, c’est une excellente bd qui nous apportera des éclaircissements pour peu évidement qu’on s’intéresse à l’histoire. Les hommes qui se sont battus pour lutter contre le fascisme et qui sont morts se retourneraient certainement dans leur tombe en voyant les nouvelles générations succomber aux douces ou stridentes sirènes du nationalisme. Alors, oui, c’est bien une lecture utile.
La Nueve nous apprends des choses...et rien que pour ça...! Le dessin est simple et beau, le scénario et peut être parfois confu entre les aller retour d'époques mais rien d'insurmontable...!
On aimerait pouvoir ne dire que du bien de "la Nueve", tant son sujet - le parcours des républicains espagnols chassés de leur pays par la victoire du franquisme, et leur rôle dans la libération de la France - est original, et pourtant important dans le contexte d'amnésie générale (et sélective : "Vae Victis !") qui caractérise notre époque. Malheureusement, et objectivement, les défauts du - gros - livre de Paco Roca sont réels : d'abord, il y a ce manque de caractérisation graphique des personnages, qui fait que l'on a beaucoup de mal à suivre l'action et l'évolution de chacun au milieu du chaos continuel des combats et des changements politiques... d'où un côté presque fastidieux de la lecture de nombreux chapitres de la "Nueve" (les chapitres "africains" en particulier), où l'on se sent peu "impliqué" émotionnellement. Ensuite, et c'est sans doute plus grave, l'ambiguïté fondamentale du procédé : au final, s' agit-il ici de véritables mémoires d'un personnage réel, de souvenirs recueillis par l'auteur / interviewer mis en scène dans les scènes contemporaines qui accompagnent le récit -, soit un modèle qui a donné naissance à plusieurs chefs d'oeuvre de la BD "historique", on le sait -, ou au contraire d'une tentative de singer, voire de récupérer le capital de sympathie que ce procédé génère ? Le doute devient permis quand on tombe sur le "coup du destin" final, qui constitue d'ailleurs le couronnement remarquable du livre, avec le retour inattendu de la tragédie individuelle au sein de la tragédie collective qu'est la guerre : trop romanesque pour être vrai ? On sort en tous cas de "la Nueve" avec un mélange gênant d'admiration, d'ennui et de doutes. Bref, on est quand même assez loin du chef d'oeuvre qu'on aurait pu espérer.