Notre Mère la Guerre
1. Première complainte
Une BD de Kris et Maël chez Futuropolis - 2009
09/2009 62 pages 9782754801652 Format normal 94207
Janvier 1915, en Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que l'Europe est à feu et à sang. Six mois que la guerre charrie ses milliers de morts quotidiens. Mais sur ce lieu hors de raison qu'on appelle le front, ce sont les corps de trois femmes qui font l'objet de l'attention de l'état-major. Trois femmes froidement assassinées. Et sur elles, à chaque fois, une lettre mise en évidence. Une lettre d'adieu. Une lettre écrite par leur meurtrier. Une lettre cachetée à la boue de tranchée, sépulture impensable pour celles qui sont le symbole de la... Lire la suite
Kris sait raconter à merveille les histoires et même sur des chapitres totalement différents. C’est un auteur que j’aime bien. Que de chemin parcouru depuis « Un homme est mort » ! Et pourtant si on y regarde bien, peu de temps nous sépare de cette dernière production.
On est plongé au cœur de la Première Guerre Mondiale dans les tranchées à vivre l’horreur en compagnie des poilus. Or ici, le propos va plus loin puisqu’il s’agit de meurtres crapuleux de civils sur la ligne du front. Comme si la boucherie de la guerre ne suffisait pas ! On suit l’enquête d’un militaire qui n’est pas un soldat. A travers ses yeux, on mesure l’innommable et l’absurdité de ces temps.
Ce premier tome m’a donné envie de connaître la suite. Le travail au niveau du dessin est de grande qualité. Le crayonné a permis de bien retranscrire l’atmosphère qui régnait alors. L'association entre le scénariste et le dessinateur semble fonctionner à merveille. C’est du bon travail !
Sous couvert d'une enquête policière, Kris nous fait découvrir le monde à part que constitue le front durant la "Grande guerre". Loin d'un récit exaltant l'héroïsme au combat, il nous plonge avec brio dans l'apreté , la boue et la mort omniprésente au front. En utilisant dans les dialogues un vocabulaire populaire propre à l'époque, il met en évidence la coupure sociale entre officiers supérieurs et soldats du quotidien issus d'une France rurale et populaire.
Les aquarelles aux couleurs pastelles du dessinateur Maël renforcent l'ambiance "boueuse" du front en ce début de 20ème siècle. Utilisant un trait nerveux et précis, Maël par son découpage procure le dynamisme nécessaire à l'intrigue de l'enquête.
Une superbe BD!
Futuropolis a eu l'excellente idée d'éditer une très belle trilogie sur la Grande Guerre, avec Maël au dessin et Kris pour le récit : "Notre mère la guerre". Le premier volume ("Première complainte") introduit dans l'enfer des tranchées le meurtre de jeunes femmes et le lieutenant de gendarmerie, lettré, humaniste et perçu comme un planqué, qui va enquêter sur ces crimes.
Le texte bénéficie d'une qualité supérieure à la moyenne, littéraire, poétique, et parfois un peu emphatique ; très réaliste aussi, pour un récit documenté et très bien charpenté.
Le trait de Maël est particulièrement adapté au thème, croquis nerveux, précis et superbement aquarellés, qui pourraient parfois sembler être le fruit d'un poilu artiste, griffonnant son quotidien dans un coin de boue, s'il n'y avait la couleur.
Évidemment, la suite doit être lue.
Pari risqué que de lancer un nouvelle série sur le thème de la grande guerre, tant celui ci a été brillamment abordé ces derniers temps (Putain de Guerre de Tardi, Matteo de Gibrat, Paroles de Poilus, La tranchée...). Et pourtant je trouve le pari réussi haut la main ! D'abord parce que j'ai été vraiment convaincu par les partis pris graphique (aquarelle, palette de couleurs), ensuite parce que l'histoire est de mon point de vue très intelligemment mené. Dans la Veine de "La Tranchée" de Cady et Marchetti, l'histoire avec un grand H est abordée par le prisme d'une histoire policière : des meurtres en première ligne ! Et alors pourrait-on dire, quoi de plus normal, la ligne de front est la plus grande scène de crime que l'on peut imaginer...et puis c'est du crime organisé, massif et légalisé au nom de la patrie ! Oui, mais là il s'agit de femmes civiles, occises par un mystérieux écrivain...suffisant pour qu'un officier de gendarmerie, érudit et légèrement collet monté, viennent se perdre dans le bourbiers des tranchées au contact de minots déjà fracassés par le "quotidien" aliénant de la guerre. Deux mondes, deux visions, mais un enfer commun, celui de la mort...bref, passionnant !
Un temoignage sur la folie humaine comme on en voit peu, voilà ce qui vient à l'esprit lorsque l'on termine cette "première complainte".
Le dessin est particulèrement travailler, le texte est très poétique mais n'enlève rien à la gravité de la situation et ne sublime en rien l'horreur de la guerre, les couleurs sont pales, ce qui donne une impression mortifère assez efficace et très adaptée au récit.
Bref un premier tome qui sonne juste, très réaliste sans tirer sur la corde du pathétique, vivement la suite.
On pourrait se dire encore une histoire de poilus ! Mais cette BD est tellement plus qu'une histoire sur la guerre. A chaque planches il y a quelques chose a découvrir, que ce soit: la saleté de la guerre, l'injustice au sein de l'armée, les vers de Victor Hugo. On lit cette album avec tellement de plaisir que l'on voudrait que cela ne finisse jamais. Merci mille fois aux auteurs de nous faire partager leur vision de la guerre.
Vivement la deuxième complainte
FUTUROPOLIS est coutumier des oeuvres d'auteur, une sorte de filière art et essai de la BD sans le côté péjoratif qu'il a pu revêtir parfois avec le 7ème art. Ici Maël et Kris que l'on a pu apprécier dans des oeuvres majeures, nous entraînent avec le lieutenant de gendarmerie Vialatte sur les traces d'un teur en série qui s'attaque aux femmes. L'histoire est l'occasion pour les auteurs de nous décrire les absurdités de la guerre et le décalage qui existait en 14/18 entre les premières lignes et les "planqués". Les planches sont poétiques tout en étant impitoyables magnifiées par des textes et une mise en page saisissants. Ce premier volume représente une supplique à la vie, à l'amité et ... à l'enfance assassinée. Poignant !