Mauvaise réputation
1. La véritable histoire d'Emmett Dalton 1/2
Une BD de Antoine Ozanam et Emmanuel Bazin chez Glénat - 2021
06/2021 (02 juin 2021) 66 pages 9782344018781 Grand format 425017
« Qui nous sommes vraiment, nous les Dalton ». 1908. Oklahoma. Emmett Dalton n’est plus un criminel depuis longtemps. Il a payé sa dette à la société, il se contente d’une existence discrète et tente même parfois de visiter l’église pour prier – sans trop de succès pour cette dernière activité. Aussi lorsqu’un producteur de cinéma lui propose de participer à l’écriture d’un film consacré aux méfaits de sa légendaire fratrie, il se méfie, refuse, puis réalise finalement qu’une chance lui est offerte : évacuer le mythe, rétablir un semblant de vérité... Lire la suite
Voici la véritable histoire d'Emmett Dalton, très loin de la vision imposée par la série Lucky Luke. Les frères Dalton étaient des shérifs reconnus qui faisaient appliquer la loi avant de basculer.
Pour autant, ils étaient très mal payés ce qui les poussa dans des combines pas très légales comme la vente d'alcool auprès d'indiens. Voilà ce qui se passe quand on paye mal des fonctionnaires de police !
Certes, il y a eu cette partie de poker truqué qui a mal tourné puis cette fausse accusation d'un hold-up concernant un train de la Wells Fargo avec deux machinistes tués. Tout a vite dérapé dans la violence. Les frères Dalton se sont faient une mauvaise réputation car ils ne se laissaient pas faire en se protégeant mutuellement. On se rend compte que la vérité des faits est bien éloigné de la légende populaire.
C'est un beau témoignage presque authentique afin de réhabiliter leur image cliché qui souffrait du ridicule.
Il y a une classe intense dans cet album qui privilégie clairement l'esthétique à l'action.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'impressionnante partie graphique. A commencer par la superbe couverture qui en dit long sur la faculté d'Emmanuel Bazin à maitriser les vides et la lumière.
Les personnages paraissent souvent cernés de solitude et de silence, au cœur d'espaces trop vastes pour eux.
Les décors sont magnifiques, à la fois vaporeux et précis, parfois rehaussés de reflets ou de contrejours ; quelque part entre Edward Hopper et Voutch.
Le découpage est classique mais efficace et la palette de bleus et de verts mélancoliques confère à chaque planche une élégance sobre et distinguée. Un travail vraiment splendide.
Cette prédominance de l'image est favorisée par un rythme lent et des dialogues assez brefs. La narration, d'ailleurs, aurait pu gagner à être plus linéaire. Je m'y suis perdu de temps en temps, ne sachant plus trop qui est qui, avec cette impression de n'avoir que quelques pièces disparates d'un puzzle. A ce niveau-là, j'espère un peu plus de clarté au prochain tome. Mais finalement ça ne m'a pas semblé non plus si important que ça dans cette ambiance planante.
Bref, bien plus qu'une biographie terre à terre, "Mauvaise réputation" est un western contemplatif qui ne fait pas dans le bourre-pif. Cela donne à la mythologie Dalton une autre dimension, plus réaliste et teintée d'une poésie sombre, comme le film "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" l'avait fait pour une autre figure culte de l'imaginaire collectif. Et ça fait du bien !