Lynchages ordinaires
Une BD de
Benjamin Hoguet
et
Héloïse Chochois
chez La Boîte à Bulles
- 2021
Hoguet, Benjamin
(Scénario)
Jezequel, Morgann
(Scénario)
Ducré, Léa
(Scénario)
Chochois, Héloïse
(Dessin)
Denys, Victoria
(Dessin)
Denys, Victoria
(Couleurs)
02/2021 (10 février 2021) 110 pages 9782849533802 Format normal 417807
Après une rupture, Johan part au Brésil pour se déconnecter de sa vie en France et des réseaux sociaux, qui occupent une grande place dans sa vie de militant. Sur place, il découvre Rio et son carnaval, la fête, les costumes mais aussi un aspect plus sombre du quotidien brésilien : les lynchages. Pris dans l'euphorie de la foule, il assiste au passage à tabac d'un homme que les « justiciers » présentent comme un voleur. Tous deux seront secourus par Marcela, militante contre les lynchages publics. Johan se lie d'amitié avec elle et découvre à ses... Lire la suite
Un album qui mêle fiction et témoignages, un album de contrastes qui aborde un sujet délicat, peu abordé et pourtant omniprésent : Le lynchage… qu’il soit numérique ou physique.
On suit donc Johan qui veut, à Rio pendant le carnaval, oublier sa rupture, couper avec sa vie en France.
Le voilà donc immergé dans la foule…celle bigarrée et joyeuse du festival mais aussi celle plus menaçante des anonymes qui ne croient plus qu’à une seule justice, la leur. Johan n’en sortira pas indemne.
Le contraste est présent aussi dans les couleurs, les tracés, les ressentis de Johan exprimés explicitement, peut-être trop d’ailleurs, par le dessin. Les double-pages sont très réussies, j’ai moins accroché aux dessins couleurs Brésil.
Pour autant, cet album a le mérite de faire réfléchir. A partir de ces témoins et de leurs histoires vécues, on s’interroge sur le poids des réseaux sociaux, leur impact et le risque de faire basculer une vie… par un mot qui en déclenchera d’autres, par un geste, une rumeur… et par la mise en pratique dans notre quotidien d’une justice expéditive, sans fondement.
J’ai apprécié la note finale de l’album… cette flamme de l’espoir, celle d’une foule qui peut aussi être réparatrice, salvatrice, porteuse de lendemains qui chantent.
Après ma lecture de l'adaptation de l’œuvre de JeanTeulé « Mangez-le si vous voulez », on pouvait légitimement penser que le lynchage était réservé à une époque révolu du passé. Malheureusement, il n'en n'est rien puisque ce phénomène est à nouveau à la mode et notamment au Brésil où c'est devenu assez quotidien.
Il s'agit pour un groupe de gens de se prendre pour des super-héros en faisant justice soi-même lorsque l'on prend quelqu'un la main dans le sac (le plus souvent des vols à la tire). Les citoyens n'ont plus confiance dans la justice ou la police de leur pays. Parfois, ils sont corrompus sans vouloir leur manquer de respect. D'autres fois, ils sont plus occupés à mettre de lourdes amendes pour non-respect du couvre-feu en application stricte de la réglementation en vigueur pendant que les chapardeurs n'ont jamais été aussi nombreux. Les lyncheurs pensent être toujours du bon côté.
Tout ceci ne doit excuser en rien la barbarie et la violence dont font preuve ces personnes lorsqu'elles sont dans un groupe. Il y a une déshumanisation qui est manifeste. Il y a le pire de l'humanité dans une scène de lynchage. Pour les lyncheurs, un voleur ou un violeur n'est plus un être humain et ne doit pas bénéficier de droits relatifs à la défense ce qui justifie l'acte de violence. Bref, les mêmes qui pensent au rétablissement de la peine de mort ou de la loi du talion.
Ce récit va se concentrer sur un garçon Johan qui part au Brésil afin de se changer les idées après une rupture amoureuse. Il va découvrir la ville de Rio pendant la période du carnaval. C'est assez joyeux et festif. Cependant, il va découvrir également la face sombre de cette cité lorsqu'il sera au beau milieu d'un lynchage sans le vouloir. Les hommes deviennent alors des animaux.
Il va rencontrer Marcella qui se pose en défenseur de ces victimes de lynchage. Pour elle, le crime (commis ou pas) ne justifie pas un tel acte de violence en représailles. Le plus souvent, il s'agit d'un malentendu et la victime est réellement innocente ce qui renforce le caractère plutôt injuste du châtiment populaire.
Par ailleurs, on va se rendre compte qu'il existe d'autres formes de lynchage (ex : médiatique, réseaux sociaux, rumeurs,...) et pas que physique. Cela peut être une chasseuse qui se prend en photo sur les réseaux sociaux avec son gibier qu'elle vient de tuer. Les défenseurs des animaux vont alors la harceler de message de haine jusqu'à provoquer son suicide.
On se souvient récemment de celle qui avait tenu des propos assez controversé sur une religion et qui avait dû subir une vindicte populaire. Bref, émettre une opinion peut aller loin et j'avoue avoir assez peur de ce phénomène , moi qui ne met pas ma langue dans ma poche.
Le passage devant les caméras de télévision est assez réussi sur la forme où l'on voit petit à petit apparaître le visage de Johan comme pour faire comprendre que cela peut toucher tout le monde que l'on soit l'agresseur ou la victime.
Je suis en totale accord avec la démonstration effectuée magistralement par les auteurs. Ils ont démontré et démonté un à un les différents mécanismes du lynchage. Il faut que cela cesse pour retrouver une certaine humanité dans nos relations même si elles sont difficiles. J'ai également la fin qui marque une petite note d'espoir quant à la foule. On peut être également capable du meilleur.
Enfin, je voudrais remercier chaleureusement les éditions la Boîte à Bulle ainsi que Babélio de m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre de la masse critique. J'avoue que cette lecture m'a réellement bien plu. Et c'est également un message à faire passer à l'ensemble de la société contre ces phénomènes qui vont continuer à se développer si on ne les arrête pas avant que cela soit au Brésil ou dans d'autres pays car cela n'a pas de frontière.