Logicomix
Une BD de
Apostolos Doxiadis
et
Alecos Papadatos
chez La librairie Vuibert
- 2010
Doxiadis, Apostolos
(Scénario)
Papadimitriou, Christos
(Scénario)
Papadatos, Alecos
(Dessin)
Di Donna, Annie
(Couleurs)
Doxat, Éric
(Lettrage)
Dauzat, Pierre-Emmanuel
(Traduction)
05/2010 (10 mai 2010) 304 pages 9782711743513 Autre format 112031
Sur le mode d’un psycho-thriller mathématique, Logicomix est un roman graphique ambitieux, qui explore les grandes recherches en mathématiques fondamentales et en philosophie du XXe siècle. Dans cette quête acharnée de la vérité, on croise Wittgenstein, Poincaré, Russell, Hilbert, Frege, Cantor, mathématiciens, logiciens et philosophes de renom, tous plus vrais que nature. Ce livre retrace brillamment et avec beaucoup d’humour le débat passionné qui anima cette période, sans rien cacher des conflits intérieurs des personnages, dont certains vacillent... Lire la suite
Il fallait sans doute le faire et c’est sans doute un exploit technique que de réaliser une bande dessinée sur l’histoire moderne des mathématiques et de la logique en règle générale. On va être plongé dans une réflexion très intellectualisant sur les théories qui se contredisent en matière de science exacte. Il s’agit ni plus ni moins que de comprendre le monde qui nous entoure et ainsi de répondre par exemple à des questions du style : oui ou non, notre pays doit s’engager dans la guerre.
Sur la forme, je n’ai pas aimé passer de l’époque moderne à celle du début de la Seconde Guerre Mondiale où un professeur lors d’une conférence va remonter jusqu’à l’histoire de son enfance 60 ans plus tôt. Bref, il y a des niveaux qui auraient pu faire l’objet d’une impasse et en premier lieu l’époque moderne qui n’apporte pas grand-chose.
J’ai été séduit comme la plupart par le sujet mais le traitement a été souvent lourd et indigeste malgré toutes les louanges d’une presse spécialisée. Je retiens un constat simple : rien n’est définit car tout se joue perpétuellement et chacun a sa propre vision du monde. Fallait-il un développement aussi long ? Des concepts m’ont sans doute échappé mais je pense en avoir saisi la substance. C’est déjà pas mal.
Comment convaincre un parterre de pacifistes de s'engager pour combattre Hitler ??
En leur racontant l'histoire de la logique, par le biais des découvertes mathématiques modernes, bien sûr !!
Malgré un script de départ assez capillotracté, on suit avec intérêt les pérégrinations de Bertrand Russel, grand esprit de son temps s'il en fut, dans ses démêlés avec la vérité scientifique, ou plus exactement, mathématique...
Il serait trop long et ardu de tenter d'expliquer les théories et calculs qui ont mené à ces découvertes qui ont fait "progresser le progrès", mais un des aspects les plus intéressants est de montrer d'où vient cette passion des scientifiques pour leurs recherches, cette passion quasi maladive qui leur a permis de faire avancer la science moderne, parfois au prix de grands sacrifices familiaux, et pour des résultats souvent plus que modestes...
Racontée à travers un discours de Russel, qui revient sur les rencontres qui ont changé sa vie (au prix de légers manquement à la vérité historique), l'histoire se développe comme une autobiographie professionnelle et intime, relatant notamment ses histoires de coeur et de famille, entrecoupée de scènes dans lesquelles les quatre auteurs se retrouvent à leur QG pour nous livrer les parties manquantes, et expliciter de façon humoristique quelques notions ou termes savants...
Le dessin est assez quelconque, mais rend très bien les expressions des personnages, souvent très tourmentés, malgré leur génie.
Il faut reconnaître que certains destins sont particulièrement frappants, comme celui de Cantor, inventeur de la théorie des ensembles, et persécuté par des visions mystiques délirantes, ou bien la froideur chirurgicale de Wittgenstein, auteur du célèbre Tractatus logico-philosophicus qu'il rédigea en partie dans les tranchées de la grande guerre, ou encore celui du grand Türing, grand-père de l'informatique, qui fut persécuté pour son homosexualité, etc...
Soyons clairs, le livre est très intéressant à lire, et malgré quelques passages obscurs, ou un peu trop techniques, on lit vite, et on est captivé, impatients de savoir par quel improbable twist les deux histoires, celle de la logique scientifique et celle de la confrontation avec les militants pacifistes, vont bien pouvoir se rejoindre !!
Et c'est là que se produit la déception...
Les quelques pirouettes finales par lesquelles Russel essaie de convaincre les peace n'love sont plus que maladroits et ratent complètement leur objectif.
En tout cas, à leur place, j'aurais pas du tout marché...
Et là on se dit : Tout ça pour ça ?!
Oui, on a bien compris qu'il n'y a pas de décisions faciles lorsqu'on parle de prendre part à une guerre, d'autant plus qu'on ne sait pas encore quelle sera son issue... Ca tombe sous le sens !!
Mais en quoi l'étude de la logique nous éclaire-t-elle sur ce sujet ?? Etant donné la réponse embarrassée et ambigüe que pond Russel à l'assistance, visiblement pas tant que ça en fait...
Et la dernière image de l'avant dernier chapitre, qui montre l'équipe rédactionnelle songeuse et perplexe, se charge bien de nous le rappeler...
Quant à la scène finale, la représentation théâtrale ne fait que rabâcher ce qui a été dit, à savoir que les grands sujets d'actualité sont comme les "choix cornéliens", il nécessitent tous une part de sacrifice, et bla bla bla...
Mais que ça ne vous dispense pas de lire cette BD qui, si elle n'est pas exempte de défauts, vous fera passer un agréable moment, même si vous n'avez pas, comme moi, la bosse des maths...
La preuve : j'ai eu mon bac avec 5 de moyenne en maths et j'ai adoré !!