Lisa et Mohamed
Lisa et Mohamed Une étudiante, un harki, un secret...
Une BD de Julien Frey et Mayalen Goust chez Futuropolis - 2021
04/2021 (07 avril 2021) 112 pages 9782754828567 Format normal 421700
Paris, juin 2000. Lisa, étudiante, loue une chambre chez le vieux Mohamed. Retraité veuf et bourru, Mohamed est un ancien harki, un supplétif de l'armée française en Algérie. Lisa et Mohamed ignorent encore que leur rencontre va faire ressurgir le passé. Celui des harkis. Ces hommes qui n'ont aujourd'hui toujours pas le droit de retourner en Algérie.
De nos jours, on ne sait plus vraiment qui sont les harkis. Cette BD va traiter de ces personnes qui ont beaucoup souffert à la fin du conflit algérien suite à leur exode dans la métropole.
J'ai bien aimé cette BD car elle met l'accent sur ce qui s'est passé et qu'on a vite voulu oublié. Les harkis ont aidé les français qui les ont abandonnés à leur triste sort malgré une victoire militaire indéniable sur le terrain. Les harkis sont dès lors considérés comme des traîtres à leur nation. Ils seront pourchassés et tués. Beaucoup d'entre-eux viendront se réfugier dans la Métropole après avoir tout perdu.
Le président Bouteflika qui a dirigé l'Algérie pendant 20 ans (1999- 2019) avait gracié les intégristes musulmans responsables de la fameuse décennie noire qui avait endeuillé ce pays mais qu'il n'a jamais pardonné aux harkis même 40 ans après les faits.
Ainsi, on apprendra par les paroles de Mohamed qu'un harki et sa famille n'ont toujours pas le droit de fouler les pieds en Algérie, également leur terre natale. Au contraire, la France accueille les ex du FLN. Oui, il y a deux poids, deux mesures selon lui. On ne peut cependant le nier.
J'ai bien aimé la fin de ce récit qui donne un peu d'espoir de réconciliation qui serait nécessaire pour avancer. Néanmoins, le peuple algérien ne serait pas encore prêt. On espère alors qu'il le sera un jour car la haine ne sert à rien. C'est un peu tous le sens donné dans cette BD.
C'est un belle histoire qui est racontée. Celle d'une jeune étudiante, Lisa, qui vient habiter chez un homme âgé, Mohammed, qui cache un secret qui date de la guerre d'Algérie. Il était harki.
Cette rencontre fortuite et le regard compréhensif et sans jugement de cette jeune femme permettra à cet homme blessé de surmonter son passé.
L'histoire est belle mais surtout c'est le ton du récit qui est juste. Il nous offre une vision d'une partie de notre histoire et nous permet de comprendre des blessures qui habitent certains de nos concitoyens. L'histoire montre aussi comment des destins individuels sont broyés par des décisions personnelles et aussi des postures politiques nationales (d'abord françaises puis algériennes).
Bref le récit propose un point de vue original et pas du tout larmoyant. Le traitement par petites touches est très fin. Le dessin sobre mais très agréable a des couleurs ensoleillées et pastels. Un vrai plaisir de lecture.
Mayalen Goust dans « Vies volées » racontait avec Matz au scénario le trafic des enfants volés et le combat des grands-mères de la place de mai en Argentine ; Julien Frey dans « l’œil du STO » donnait la parole à un vieillard qui dans les années 1940 avait dû faire son service de travail obligatoire en Allemagne. Tous deux s’associent cette fois pour évoquer une autre page historique méconnue et scandaleuse : le sort des harkis après l’indépendance de l’Algérie.
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Paris au début des années 2000, Lisa jeune étudiante en communication ne trouve pas de logement en cité U et refuse d’habiter sans le studio de son petit copain car elle craint que la promiscuité mette à mal leur relation. Un ami de ce dernier, Nicolas, lui propose alors d’occuper gracieusement une chambre dans le grand appartement de son père. Elle devra en échange tenir compagnie au vieillard, Mohamed, qui se replie sur lui-même depuis qu’il est veuf. Les débuts de la cohabitation sont difficiles jusqu’au jour où la jeune femme découvre par hasard caché dans l’ex-secrétaire de la femme de Mohammed des cassettes audio qui racontent son histoire …
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Alors qu’il existe une offre pléthorique sur les deux conflits mondiaux, peu d’albums de bande dessinée sont consacrés au sujet encore brûlant de la guerre d’Algérie. On se souvient bien entendu des derniers tomes des « Carnets d’Orient » de Ferrandez et du superbe « Azrayen » de Lax et Giroud où j’entendais parler pour la première fois des Harkis. Mais cet album de Goust et Frey a le mérite d’en faire son sujet central. A travers le personnage de Mohammed, ils nous rappellent le sort de ces algériens de souche, souvent employés comme guides ou traducteurs, qui ont travaillé pour l’Armée française et parfois combattu à ses côtés. Après les accords d’Evian, ils furent abandonnés à leur sort ou au mieux expulsés vers la France où ils furent parqués -et oubliés- dans des camps et quarante ans plus tard (au moment où se déroule l‘action principale de l’album), ils n’avaient toujours pas le pardon du président Bouteflika et par conséquent pas le droit de remettre les pieds sur le sol de leur terre natale.
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Nul pavé didactique cependant, les auteurs mêlent au contraire habilement le présent (2000-2001) et les flash-backs grâce aux cassettes retrouvées puis aux confidences de Mohammed à sa jeune colocataire. Ce biais narratif crée une fluidité et nous donne, par ailleurs, l’impression que ces souvenirs nous sont directement rapportés. L’émotion qui nous étreint est ainsi augmentée. Nul manichéisme non plus : Mohammed n’a pas vraiment choisi de devenir harki mais il a commis des actions répréhensibles ; son cousin chez les fellagas n’agit guère mieux. Les auteurs racontent mais ne jugent pas. On comprend ainsi la difficile intégration de l’exilé et on compatit ; mais on perçoit aussi la difficulté du pardon des autres qui se sont sentis trahis. Tout est nuancé : le propos (qui souligne comment des amitiés a priori indéfectibles ont pu être brisées par le conflit) comme le dessin. Mayalen Goust emploie en effet un dessin aux pastels d’une grande douceur qui contrebalance l’âpreté du récit. Ses paysages algériens dans les tons ocres sont sublimes et la relation toute de pudeur qui se noue entre le vieillard et la jeune femme, elle-même métisse, est subtilement rendue grâce au jeu très expressifs des regards mis en place par la dessinatrice mais aussi grâce aux dialogues toujours justes et aux moments de silence très … parlants du scénariste.
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Un très bel album sur un pan peu glorieux de notre histoire mais aussi une œuvre finalement optimiste : le vieux Mohamed reprend sa vie en main grâce à Lisa et cette dernière évite grâce lui de sombrer dans le fatalisme (elle est doublement discriminée en étant femme et métisse) et prend son avenir à bras le corps.
Un très bon récit !! Autant graphiquement qu'au niveau de ce qu'il transmet. Après avoir lu "L'art de perdre", j'ai été happée par ce récit, par le fort caractère de Lisa et le passé tumultueux de Mohamed. Une très bonne découverte, sur ce thème assez peu présent en littérature qu'est la condition et le passé des harkis.
Superbe à tous points de vue : dessin, couleurs et scénario.
Le dessin faussement naïf mais qui rend merveilleusement soit l'ambiance générale, soit le sentiment des personnages. Les couleurs à l'aquarelle, tellement bien adaptées tant aux paysages algériens qu'à la vie parisienne. Et une histoire traitée tout en retenue et finesse, sans pathos ni parti pris pourtant le pari était risqué : faire d'un harki un personnage central de BD !