Klaus Barbie - La route du rat
Une BD de
Brrémaud
et
Jean-Claude Bauer
chez Urban Comics
(Urban Graphic)
- 2022
Brrémaud
(Scénario)
Bauer, Jean-Claude
(Dessin)
Bauer, Jean-Claude
(Couleurs)
Scalisi, Sébastien
(Lettrage)
05/2022 (13 mai 2022) 123 pages 9791026822998 Format normal 448275
Responsable de la mort de centaines de Juifs et de résistants, dont Jean Moulin, le SS Klaus Barbie échappe à la justice et à une double condamnation à mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quittant finalement son Allemagne natale pour l'Amérique du Sud, il y applique les mêmes méthodes et va jusqu'à organiser le coup d'État du dictateur Hugo Banzer. Véritable mercenaire, celui que l'on surnommait le Boucher de Lyon est finalement reconnu, puis traqué, jusqu'en 1987, date fatidique de son jugement et de sa condamnation, sans précédent en... Lire la suite
C'est clair que ce n'est pas le genre de BD pour connaître le divertissement et la joie. C'est plutôt le contraire dans un nécessaire rappel historique de ce que fut l'un des plus grands procès de crime contre l'humanité qui a eu lieu en France durant ma jeunesse.
Il faut dire que Klaus Barbie est l'archétype du nazi zélé qui prenait plaisir à voir la souffrance des gens qu'il torturait que cela soit des hommes, des femmes et des enfants. Or ce genre de personnage trouve toujours des soutiens pour s'enfuir auprès de dictatures notamment sud-américaines. Il va d'ailleurs faire une brillante carrière en Bolivie en proposant ses funestes services.
Il aura fallu le combat courageux des époux Beate et Serge Klarsfeld qui signent d'ailleurs la préface. Ils ont été mis à l'honneur dernièrement dans une autre BD pour se pencher plus précisément sur leur histoire. J'ai cru déceler une petite pique quand ils parlent de la mise en lumière des criminels et d'une sorte de fascination. Pour autant, ils admettent que c'est sans doute nécessaire pour parler également des victimes qui ont tant souffert sur plusieurs générations.
Klaus Barbie, ancien patron de la Gestapo à Lyon, s'était illustré en 1943 en arrêtant Jean Moulin qui avait réussi à unifier la résistance française sous l'égide du Général de Gaulle. Il connaîtra une fin atroce avec d'autres résistants également arrêtés.
A noter une grossière erreur de datation concernant le Général Delestraint qui est arrêté en 1943 et qui meurt dans le camp de Dachau en avril 1945. Il est précisé que Jean Moulin annonce la mort de ce vaillant patriote au Général de Gaulle dans un courrier. Or, cela ne se peut car Jean Moulin a été arrêté en 1943 et qu'il meurt la même année. C'est le genre d'erreur qui me fait un peu bondir car il faut tout de même de la rigueur dans ce genre de publication. Je pense que l'auteur a confondu l’arrestation avec la date du décès. Malgré cette réserve, je reste satisfait par cette lecture assez abondante en informations.
On va suivre l'itinéraire de ce sanglant bourreau qui malheureusement fera beaucoup de dégâts. Sous ses ordres, des milliers de gens vont mourir dans des conditions plus qu'inhumaines. Le Reichsführer-SS Heinrich Himmler lui-même a exprimé sa gratitude à Barbie dans une lettre personnelle qui le félicitait pour la qualité de son travail dans la recherche des criminels et la lutte contre la Résistance.
Bien sur, il y a eu l'aide inopinée des américains qui avaient besoin des anciens nazis pour lutter contre le communisme devenu le grand ennemi. Cependant, c'est un homme serpent qui a voulu échapper à ses responsabilités en changeant à de multiples reprises d'identité pour nier les faits le plus graves. Il faudra avoir recours à de grands moyens pour le capturer.
De ce procès qui sera évoqué dans la dernière partie, il se murera dans un silence plus qu'assourdissant laissant la vedette de son procès à un avocat Maître Vergès qui a accepté de le défendre. Pour lui, c'était des actes de guerre et la guerre était terminée depuis longtemps.
Je me rappelle que beaucoup en France était compatissant en voyant ce vieil homme se faire condamner pour des crimes commis plus de 40 années auparavant. Cependant, certains crimes sont imprescriptibles quand ils portent atteinte à l'humanité toute entière. Il a d'ailleurs été le premier homme à être jugé pour crimes contre l'humanité et à avoir été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
On espère que d'autres bourreaux suivront et seront condamnés comme par exemple le dictateur sanglant Kim-Jong Il qui a fait dévorer son oncle par 120 chiens affamés sous le regard amusé de la junte militaire. Il faudra également réserver une place de choix à l'autocrate Vladimir Poutine responsable de milliers de morts en Ukraine après avoir fait tenter d'empoisonner son principal opposant politique. Mais bon, ceci est une autre histoire.
Au final, c'est le genre de BD qu'il faut lire pour bien comprendre ce qui s'est passé en France durant l'Occupation.
Toute guerre voit son lot de massacres. Me direz-vous. Soit ! Faut-il pour autant tout accepter ?
Qu’est-ce qu’un crime de guerre ? Au moment où les armées de Poutine s’en donnent à cœur-joie en Ukraine, et que peut-être certaines milices ukrainiennes en font de même, il est important de préciser le « crime de guerre » :
La guerre permet au soldat d’ôter la vie à un adversaire pour les besoins du combat, mais n’autorise pas tout. Un combattant peut se rendre coupable de crimes de guerre dont il devra répondre devant un tribunal. Par exemple lorsqu’il assassine, torture ou déporte des populations civiles, lorsqu’il exécute des otages, lorsqu’il maltraite des prisonniers de guerre.
Qu’est-ce qu’un crime contre l’humanité ?
Le premier d’entre eux se dénomme le génocide. C’est le crime extrême qui consiste en l’élimination physique intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe d’individus en raison de leur nationalité, de leur race, de leur religion ou de leurs opinions politiques.
Aux côtés du génocide, les autres crimes contre l’humanité sont constitués par des meurtres, viols, déportations, réduction en esclavage, actes de torture et de persécutions de toute nature, commis de manière systématique, dans le cadre d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe d’individus pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste.
Klaus Barbie s’inscrit dans les deux catégories. Il y a une date de prescription pour la première mais les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.
Critique :
Ce roman graphique, très complet permet de bien cerner la personnalité de Klaus Barbie, un bourreau, mais aussi un lâche, un nazi convaincu qui n’exprimera jamais le moindre regret d’avoir envoyé à la mort des civils innocents, dont beaucoup d’enfants, ou d’avoir torturé des résistants en utilisant les méthodes les plus abjectes.
Bien que s’appelant « roman graphique », nous sommes ici face à un ouvrage qui ne romance rien du tout mais s’attache aux faits connus, dont le procès de Barbie qui se tiendra à Lyon, la ville où il a le plus sévi durant la guerre. Il s’agit clairement d’un reportage historique.
L’auteur fait aussi observer le sale jeu joué par les services secrets américains qui n’ont pas hésité à protéger des SS, et autres nazis notoires parmi les plus crapuleux, afin de s’en servir dans leur lutte contre le communisme. Ils ont favorisé l’évasion de Klaus Barbie jusque dans cette Amérique latine, où beaucoup de ses semblables vont continuer à sévir en organisant la torture, en servant d’instructeurs aux services secrets de toutes ces belles dictatures pour qui la vie humaine ne vaut pas tripette. Certains bourreaux nazis seront accueillis en Egypte, en Lybie et en Syrie. Leur venue fut du pain béni pour les dictateurs.
D’un point de vue graphique, le choix du traitement entièrement au crayon de couleur donne un résultat original très convainquant avec une multitude de portraits très réalistes.