Journal inquiet d'Istanbul
2. 2007 - 2017
Une BD de
Ersin Karabulut
chez Dargaud
- 2025
Karabulut, Ersin
(Scénario)
Karabulut, Ersin
(Dessin)
Karabulut, Ersin
(Couleurs)
Bener, Yiğit
(Traduction)
01/2025 (03 janvier 2025) 152 pages 9782205210996 Autre format 510741
Loin d'être un militant ou un intellectuel, Ersin Karabulut est avant tout un dessinateur animé par sa passion de créer. Avec ses complexes et ses doutes, il ne cherche qu'à faire ce qu'il aime : dessiner. Ses amis et lui lancent alors ?Uykusuz', un magazine satirique qui rencontre un succès immédiat, particulièrement auprès des jeunes. Mais dans une Turquie en pleine mutation, les réalités politiques viennent bousculer son quotidien. À travers des moments drôles, touchants, parfois douloureux, ce livre nous plonge dans le quotidien d'un créateur... Lire la suite
Tome 2 de l’autobiographie du dessinateur turc Ersin Karabulut, qu’on retrouve exactement là où il nous avait laissés à la fin de son premier tome : jeune auteur s’accomplissant dans son art au sein d’un magazine populaire, au cœur d’une société stambouliote (celui-là, j’ai dû le chercher !) aux tensions exacerbées, et prête à basculer dans une quasi guerre civile. Ce qui ne manquera pas d’arriver, par ailleurs. Parallèlement aux événements tragiques qui se préparent, Ersin vit le bonheur d’avoir co-fondé son propre magazine satirique, devenu rapidement le plus populaire du pays où ce type de presse est très répandu dans la jeunesse.
Les événements intimes et politiques s’entremêlent particulièrement dans ce tome, sous l’ombre écrasante d’un président qui, certes plébiscité par une majorité de citoyens, n’en glisse pas moins dans un régime autoritaire et abusif. Jusqu’au jour où l’organe de presse de Ersin se trouve dans la ligne de tir du pouvoir, et… Ah, bah, non, je ne peux pas raconter la suite, sinon je « spoile » l’album et vous gâche le plaisir de découvrir.
Quelques mots toutefois pour évoquer les liens puissants liant Ersin à sa famille : sa mère, sa sœur, mais surtout son père. Le père est une figure centrale de cette autobiographie, et un personnage particulièrement émouvant. Dès l’enfance d’une personnalité fantasque comme Ersin, son père tente l’impossible pour éviter de l’exposer à la dangerosité d’un quartier peuplé d’esprits religieux obscurs ne tolérant aucune fantaisie, aucun trait de personnalité chez les enfants, et s’ils en décèlent les menacent et les traquent jusqu’à leur porte. Plus tard le père d’Ersin tente vainement mais avec une insistance persévérante de dissuader les décisions de son fils quand il sait les dangers que ces choix vont engendrer sur la vie de son enfant. Et lorsque Ersin, cet enfant devenu jeune-adulte, s’obstine et met son père devant les faits accomplis, ce dernier se range immédiatement aux côtés de son fils pour l’accompagner et le protéger du mieux possible, quitte à se mettre lui-même en danger.
C’est aussi ça, le « Journal inquiet d’Istanbul ». Une histoire de famille solidaire et unie, le thème de l’amour filial père-fils que Ersin Karabulut parvient à nous faire profondément ressentir à la lecture, sans rien édulcorer de ses propres faiblesses. Tout cela dépeint dans des couleurs aux lumières tamisées qui semblent déborder de l’album et donnent du relief aux décors.